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 Belette ou castor - Bilitis

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YulVolk
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MessageSujet: Belette ou castor - Bilitis   Belette ou castor - Bilitis Icon_minitimeMer 22 Juil 2015 - 20:27

Pseudo de l'auteur : Bilitis

Nombre de chapitres : 8

Rating de l'histoire : NC 17
Genre de l'histoire : Erotique

Résumé de l'histoire :  


Remarques diverses :

Attention scènes de sexe décrite avec détails + présence de scènes sexuelles hétéro


Terminée et Corrigée


Dernière édition par YulVolk le Mer 22 Juil 2015 - 20:43, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: Belette ou castor - Bilitis   Belette ou castor - Bilitis Icon_minitimeMer 22 Juil 2015 - 20:32

Chapitre 1 - Benoit

– Allez ! Viens Dominique, je t’assure que tu ne le regretteras pas, c’est super ! Tu peux me croire !

Ce n’était pas la première fois que Mireille insistait de la sorte pour que je l’accompagne, tous les dimanches, chez les scouts. Elle ne manquait ni d’enthousiasme ni d’arguments : longues et fréquentes randonnées en plein air, nombreux camarades plus sympas les uns que les autres, et surtout, une précieuse liberté ! Appréciable en effet, cette opportunité de s’affranchir, fût-ce un jour par semaine de la tutelle parentale. Amies de longue date, nous avions déjà partagé bien des joies ainsi que d’amères déceptions. Nous nous étions tout confié, nos détresses, nos bonheurs, nos espoirs et nos chagrins. Il nous était bien entendu arrivé de nous disputer copieusement, mais, toujours, la réconciliation avait suivi, avec un regain de tendresse souvent proportionnelle à la gravité de la querelle. Des amies donc. Rivales parfois. Une de nos plus graves fâcheries fut liée à notre histoire commune avec Benoît. Nous avions eu la malencontreuse idée de tomber amoureuses en même temps du même garçon. Quelle histoire ! Ce fut la rivalité dans toute l’acceptation du terme : ce serait à qui se maquillerait au mieux, à qui aguicherait d’avantage le jeune adolescent visiblement pris dans un étau et ne sachant trop que faire face aux deux furies déchaînées que nous étions alors. Aurait-il opéré un choix rapide entre nous qu’il y aurait eu moindre mal. Mais c’est tout le contraire qui advint : ce nigaud – je dirais même aujourd’hui, cet empoté – ne parvenait pas à se décider. Il n’hésitait pas à m’adresser les sourires les plus prometteurs pour, à la première occasion, gratifier Mireille des œillades les plus coquines. Ceci dit, je ne devrais pas trop me plaindre, vu que c’est moi qui l’ai emporté. Sans gloire, il faut bien le dire. J’ai, un peu lâchement, je le reconnais volontiers, usé d’un atout dont j’ai pu vérifier depuis à quel point il pouvait m’avantager dans ce genre de situation : j’étais à ce moment déjà gratifiée d’une poitrine plutôt imposante pour mon jeune âge. Adolescente, je ressentis tout d’abord l’émergence de ces encombrantes rotondités comme une véritable tare. Je me sentais difforme, voire monstrueuse. J’avais tout simplement honte de ces gros pare-chocs auxquels je me cognais sans cesse et qui me donnaient des maux de dos avant que je n’aie trouvé la bonne façon de les porter : avec arrogance ! Tant que je cherchais, bien vainement d’ailleurs, à les dissimuler, ils pesaient de tout leur poids et m’entraînaient, me semblait-il, vers l’avant. Puis vint un temps où ma perception changea du tout au tout. Il ne me fallut pas bien longtemps pour m’apercevoir à quel point mes encombrantes rotondités mettaient en émoi les représentants – tous âges et toutes catégories sociales confondues – du sexe opposé. Au début, ces regards, furtifs ou appuyés, honteux ou conquérants, me jetaient dans une confusion voisine de la honte. Je rougissais comme la gamine que j’étais encore et m’empressais de prendre le large ou de créer la souhaitable diversion. Plus tard, faisant contre mauvaise fortune bon cœur, je me pris à observer, voire à analyser l’émoi de ces messieurs, adolescents boutonneux ou vieillards lubriques. Lentement, ma gêne se mua en un sentiment tout différent. Je fus de plus en plus sensible à la dimension admirative que je croyais déchiffrer dans les regards de ces mâles de tous poils. De moins en moins mal à l’aise, je finis par prendre un certain plaisir à me sentir ainsi admirée, convoitée, désirée. Et la suite s’emmancha avec une imparable et prévisible logique : j’en vins à souhaiter, puis à rechercher ces regards que j’évitais auparavant. Mon jeu favori consista vite à provoquer, l’air de rien, en toute innocence, le malheureux sur lequel j’avais jeté mon dévolu. Il me suffisait de bien peu de choses en vérité : accentuer très légèrement la cambrure de mes reins, pivoter mon buste à gauche ou à droite, comme pour ramasser quelque objet. Le plus important était de ne jamais accorder à l’observateur transi le moindre regard ; faire comme s’il n’existait pas, en réalité, le gratifier du plus absolu mépris. Ça ne marchait que trop bien. Il y eut, bien évidemment, le prix à payer ! Il me fallut faire face aux assauts des plus audacieux. Les plus redoutables étaient ces insupportables petits chefs qui se croyaient obligés de jouer les machos devant leur cour. J’eus vite compris que le mieux était de feindre une admirative soumission, de provoquer ensuite un tête-à-tête au cours duquel il ne me restait plus qu’à éconduire purement et simplement le fier à bras démuni de son seul avantage : les rieurs imbéciles qui l’entouraient à l’ordinaire. Bien entendu, ce ne fut pas toujours aussi simple, et je connus quelques sérieuses déconvenues. Je ne dus qu’à une incroyable veine d’échapper à un viol en règle. Quatre grands adolescents, bâtis comme des armoires à glace, m’avaient repérée puis suivie pendant plusieurs jours avant de me coincer un soir sur le chemin de l’école. Sans le passage, bien opportun, d’une patrouille de police qui se trouvait là par hasard, je crois bien que j’aurais passé un sale quart d’heure. Je gardai de cet incident une solide rancune à l’égard de la gent masculine. Bien d’autres ne comprirent jamais que c’était à ces quatre salopards qu’ils devaient certains de ces rires moqueurs, voire cinglants, dont je les gratifiais. J’acquis vite une réputation de ravageuse, heureusement intouchable. Je me contentai d’enjôler, d’allumer, d’exciter, et ne me laissai approcher que quand j’en avais vraiment envie.

Mais revenons à l’épisode Benoît. Je commençais à en avoir assez de son indécision, et mon attirance de départ, avivée par la rivalité avec ma copine Mireille, commença à s’estomper. C’est à partir de ce moment que les choses devinrent plus faciles. Je décidai de l’avoir à ma merci, et de ne pas désemparer tant que je n’y serais pas arrivée. Ce jour-là, j’avais appris que Mireille lui avait discrètement accordé un rendez-vous – ce n’était d’ailleurs pas le premier – à la terrasse de la taverne où nous allions de temps à autres. Je décidai de porter une robe passablement décolletée, ce qui n’était, à l’époque, pas encore dans mes habitudes. Il me fallut d’ailleurs me la procurer. J’étais rouge comme une pivoine lorsque, sortant de la boutique de mode où j’avais fait l’acquisition d’une superbe mini-robe lilas, très décolletée, je vis le regard de la petite vendeuse plonger entre mes seins. Outre la bouffée de chaleur, heureusement toute passagère, je ressentis un trouble étrange, une sensation jusque là inconnue. J’allais la revivre, plus tard, et mieux en comprendre la nature. Mais pour l’heure, je m’approchais du lieu de rendez-vous où je savais trouver Mireille et Benoît, et je commençais à me trouver ridicule. J’eus soudain envie de tout planter là et de retourner à la boutique pour tenter de me faire rembourser cette robe qui – j’en avais la conviction – me donnait l’air d’une pute. Prenant sur moi, je décidai cependant de poursuivre l’expérience, par curiosité et par défi. Benoît, je le réalisai sur le moment, ne m’intéressait plus que médiocrement.
Il ne me fallut pas déployer de grands efforts pour feindre la surprise en tombant, comme par inadvertance, sur mes deux compères, passablement gênés de me voir. Mireille m’invita à me joindre à eux, et je vis, à la noirceur de son œil, qu’elle n’appréciait guère mon intrusion, ayant deviné que celle-ci, pas plus que ma tenue, ne devait rien au hasard. Quant à Benoît, il était bouche bée, l’air parfaitement idiot, n’arrivant pas à dissimuler son trouble. Tout en s’efforçant, bien vainement, d’afficher un air indifférent, il ne cessait de lancer des œillades furtives vers mon décolleté. Je m’appuyai à la petite table en métal de façon telle que ma poitrine soit bien mise en valeur. J’avais croisé les bras sur la table, et m’inclinai légèrement vers l’avant, enserrant mes seins au moyen de mes bras, ce qui eut pour effet d’en accentuer les rondeurs. Après avoir affiché quelques instants un air furibond, Mireille tenta de reprendre le dessus en lançant la conversation sur la naïveté des garçons qui se laissaient séduire par la première venue et pour des raisons superficielles. Le procédé était gros ! Mais je la laissai s’empêtrer dans ses arguments qui, comme je le pressentais, finirent par se retourner contre elle.

– C’est évident ! avais-je conclu, les garçons ne se laissent séduire que par les salopes et pour la moins bonne des raisons : le sexe !

Là-dessus, prétextant un coup de fil à passer, je me levai, les plantant là tous deux. Mireille était verte.
Quelques minutes plus tard, comme je sortais des toilettes où j’étais allée me rajuster, je croisai Benoît qui ne chercha même pas à dissimuler le fait qu’il m’attendait bel et bien près de la porte.

– Dominique ! murmura-t-il, je… je voudrais te parler… en particulier.
– Là, tout de suite ? fis-je, moqueuse, sûre déjà de ce qui allait s’ensuivre.
– Eh bien… euh…
L’indécision encore, le manque d’audace, toujours ! Ah ! ces garçons, je vous jure !
– Viens ! décidai-je soudain, et, le tirant derrière moi par la manche de son pull, je m’enfermai avec lui dans la petite pièce qui faisait office de cabine téléphonique.
– Je t’écoute ! fis-je, plantant mon regard dans ses yeux affolés.
– Écoute Dominique, je… j’en ai assez de ce petit jeu entre Mireille et toi, et…
– Et ?… Nous étions tout proches dans l’exiguïté de la petite pièce et Benoît n’arrivait plus à dissimuler son excitation, à ma vive satisfaction. Le sentant mûr à souhait, je lui souris, me cambrai légèrement, consentante. Il me mangeait des yeux, n’arrivant pas à détacher son regard de ma poitrine.
– Qu’est-ce que tu es belle ! murmura-t-il. Se décidant soudain, il m’enlaça brusquement, avec une rare maladresse, et se mit à m’embrasser farouchement sur la bouche. Il était comme un cheval fou, incapable de se maîtriser. Il se mit à me peloter les seins de manière désordonnée, presque brutale. À l’évidence, il avait perdu tout contrôle de ses actes. Ma première réaction fut un rejet, une défense à l’égard de ce que je vivais comme une véritable agression. Il m’écrasait les seins, les malaxait avec sauvagerie. La première sensation fut une vive douleur à laquelle je cherchai tout naturellement à me soustraire. Je soulevai la jambe dans l’idée de le repousser au moyen de mon genou. Mal dirigée, ma cuisse vint s’encastrer entre ses jambes et entra en contact avec son phallus. Je réalisai que celui-ci était énorme, d’une taille probablement très au-dessus de l’ordinaire. Je saisis ses poignets et tentai d’écarter ses mains de ma poitrine déjà toute meurtrie.
– Ça suffit ! intimai-je. Calme-toi ! Tu me fais mal !
Il était écarlate, il suffoquait.
Ce qui se passa en moi en cet instant fut des plus surprenant : un mélange de sentiments contradictoires, un tourbillon désordonné de sensations et de pulsions antagonistes, une sorte de feu d’artifices d’impressions éparses. Cette brute maladroite m’effrayait et m’excitait tout à la fois. J’avais déjà tout mis en œuvre afin d’écarter de mon corps ces pattes malhabiles, et, déjà je me surprenais à résister de manière moins décidée. Les éclairs de douleur se muaient en fulgurances sensuelles ; l’agression devenait un acte sexuel, violent, certes, mais dominé par le désir, le sexe. La jambe qui s’était détendue afin de repousser cherchait à présent le contact avec la bite distendue par un désir incoercible. Mes mains qui enserraient les poignets du maladroit les avaient abandonnées et je me sentais prête à m’offrir désormais aux assauts de mon fougueux prétendant. J’attendais un nouvel attouchement, fût-il violent, je me pris à espérer une nouvelle agression de ma poitrine affolée, ma cuisse recherchait un nouveau contact avec ce sexe dur dont la grosseur me fascinait. Je sentis que je mouillais, que j’étais prête à m’abandonner.
– Je… je… ex… excuse-moi ! balbutia-t-il, soudain fléchissant. Il venait de prendre conscience de son état et roulait des yeux affolés.
– Continue, imbécile ! m’entendis-je lui dire d’une voix étrangement rauque.
En d’autres circonstances, la surprise qui s’afficha soudain si comiquement sur son visage m’aurait fait éclater de rire. La crainte qu’il ne se dégonflât me fouetta les sangs. Mue par je ne sais quelle impulsion soudaine, ma main s’empara de sa verge brandie. Le contact soudain de ce membre gonflé de désir me procura une sorte de choc. Ainsi donc, j’étais capable de provoquer un tel bouleversement, de produire une réaction d’une telle ampleur. Je m’en sentis flattée, presque effrayée. Je voulus pousser plus avant l’attouchement, éprouver la rigidité du membre dressé, en parcourir le relief, en estimer la longueur, en éprouver la force, contempler ce désir dans son éclatante manifestation, me repaître de ce que j’avais ainsi provoqué, mais, hélas, je sentis le membre se dégonfler entre mes doigts. À peine survenu, le plaisir s’en retournait, inexorablement.
– Pardon, Dominique, pardon ! murmurait-il, tout déconfit. Je… je ne sais pas ce qui m’a pris… je…
Je l’aurais baffé ! Oh, le sombre crétin ! oh ! l’andouille ! Je réalisai à quel point j’étais excitée, comme j’aurais voulu qu’il dénudât mes seins, qu’il continuât de les peloter, de les malaxer, de les violenter même ; comme j’aurais souhaité déloger ce phallus imposant dont j’avais eu à peine le temps de mesurer la force, comme j’aurais voulu le découvrir, le contempler, le palper, le caresser, le tripoter à ma guise. Quoi ? c’était fini ! déjà ! J’enrageais. Mais je dus me rendre à l’évidence : le couvert était desservi ! Il n’y avait plus qu’à retourner auprès de Mireille et oublier ce fâcheux incident. Je regardai Benoît d’un air contrit.
– Allez ! ne t’en fais pas. Ça ira. Tu as… un peu perdu la tête, c’est tout.

Je n’avais, à l’époque, pas la plus petite idée des frayeurs qui m’attendaient lorsque je serais confrontée à des adultes décidés à ne me laisser aucune chance face à leur désir incontrôlé de me violer.
Mireille comprit tout de suite ce qui avait du se passer. Elle m’en a beaucoup voulu sur le moment, mais lorsque, quelques jours plus tard, je lui relatai l’événement par le menu, ce fut une mémorable séance de fou-rire !
Il m’était devenu impossible de revoir Benoît sans éprouver un vague sentiment de pitié. Le pauvre garçon qui, manifestement s’ingéniait à m’éviter, osait à peine me regarder lorsque le hasard nous mettait en présence.
À quelques temps de là, Mireille me raconta qu’elle avait réussi à l’attirer dans sa chambre, au cours d’un week-end où ses parents lui avaient confié la maison. Elle ne sembla pas avoir été particulièrement impressionnée par la taille de l’instrument de Benoît. Je finis par me convaincre que j’avais du extrapoler mon estimation, en proie sans doute à une excitation propre à altérer la juste perception des choses. Il n’empêche, une frustration s’était créée ce jour-là qui allait m’accompagner longtemps et orienter singulièrement mes appétits sexuels comme nous allons le voir.
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MessageSujet: Re: Belette ou castor - Bilitis   Belette ou castor - Bilitis Icon_minitimeMer 22 Juil 2015 - 20:36

Chapitre 2 - Attirances

J’avais fini, de guerre lasse, par céder aux insistances de Mireille et c’est ainsi que, par un beau dimanche de mai, tout baigné de soleil et de senteurs printanières, je l’accompagnai à sa réunion scoute. Je redoutais un peu de me trouver confrontée à un troupeau bêlant d’adolescents boutonneux et de midinettes jacassantes. Certes, la perspective de longues randonnées en forêt, par tous les temps, m’attirait plutôt, ne serait-ce que comme alternative à ma vie routinière de citadine endurcie. Mais ma nature quelque peu farouche me portait à redouter les groupes, si restreints puissent-ils être.
Le local se trouvait au fond d’une arrière-cour au sol inégal, moitié pavés déchaussés, moitié terre battue, le tout envahi par une végétation rachitique et rebelle. Mireille me fit franchir la petite porte du local et nous nous retrouvâmes dans une salle basse, assez vaste, dont les murs de brique, recouverts de trophées en tous genres et tapissés de nombreux posters évoquant la nature sous toutes ses formes, faisait un peu penser à un repaire de gardes forestiers. Une douzaine de garçons et de filles était juchée sur d’étroits tabourets plus ou moins alignés le long des murs et formant un demi-cercle approximatif autour de celui qui, manifestement, remplissait les fonctions de chef de troupe. Pour avoir vécu déjà plusieurs situations analogues, la convergence des regards qui se produisit à cet instant ne me surprit pas outre mesure. Je m’interdis de fixer qui que ce fût dans les yeux, me contentant, pour l’heure, de laisser errer mes regards un peu partout sur les murs bariolés du local. Je devinais bien, et même je pouvais sentir, ce qui chargeait tous ces regards, c’était à chaque fois le même scénario ! Je me laissai pénétrer par ces bouffées de désir que dirigeaient vers mon corps, pourtant peu exposé, la plupart de ces adolescents à peine pubères ; je laissai ruisseler sur ma poitrine et sur mes cuisses ces regards furtifs et pointus qui fusaient de-ci de-là ; je laissai fondre sur ma silhouette ces traits acérés que la plupart des filles m’avaient aussitôt décochés, alertées par un instinct d’auto défense qui ne leur fit pas faux bond. Bien qu’un peu intimidée, je me surpris à prendre à cette singulière entrée en matière un plaisir trouble.
Lorsque Mireille et moi avions pénétré dans la salle, le chef de troupe, qui nous tournait le dos, se retourna et nous accueillit d’un large sourire. Il avait été prévenu de mon arrivée et ne fut donc guère surpris de me voir. C’était assurément un beau garçon ! Grand, bien bâti, l’air franc et ouvert, son visage régulier, légèrement carré, encore tout baigné d’enfance, trahissait une intelligence vive et un esprit d’observation aigu. L’expression volontaire et insistante de son regard soulignait cette première impression. Il avait de beaux yeux, d’un bleu profond, assez pâles autour de la pupille et qui se chargeaient de tons plus foncés à mesure qu’ils s’approchaient de la périphérie. Une abondante chevelure blonde frisée couronnait cette belle tête qui irradiait d’une indéniable autorité naturelle.
Je me sentis subjuguée par ce beau garçon, presque un homme déjà, et qui me souriait avec une franchise et une droiture qui me bouleversèrent bien plus que je n’étais prête à l’admettre. À coup sûr, celui-là ne ferait pas preuve de l’indécision d’un Benoît ! Les présentations furent vite faites de même que les formalités nécessaires à mon enrôlement dans la troupe.


Les semaines qui suivirent me virent participer fidèlement aux réunions dominicales d’une troupe au sein de laquelle je ne tardai pas à me faire accepter pour des raisons certes diverses. Les garçons, à l’évidence, cherchaient à me plaire dans l’espoir à peine voilé de s’attirer mes bonnes grâces, voire mes faveurs. Je me gardai bien de me montrer hautaine – ce qui n’est d’ailleurs pas dans ma nature – tout en maintenant une distance de bon aloi, en parfaite conformité avec l’esprit de camaraderie censé gérer les relations au sein de notre petite communauté. Volontiers rieuse, n’ayant pas à me forcer pour me mettre à l’écoute de l’un ou de l’autre, je m’étais fait là de véritables copains. Si elle était parfois un peu empruntée, leur résignation n’en prenait pas moins des allures franches, voire chaleureuses. Du côté des filles, les choses étaient un peu moins simples. Nelly, une brunette énergique et plutôt râblée, grande sportive et assez ‘garçon manqué’, ne manquait pas de me lancer à tout propos de noirs regards, tout comme Yannick, une petite boulotte sans cesse en train de râler à propos de tout et de rien. Quant aux autres filles, les rapports s’étaient assez vite normalisés pour s’aligner, grosso modo, sur le comportement des garçons ; tout semblait donc aller pour le mieux dans le meilleur des mondes. Ouais !… Je ne me doutais pas encore de ce qui m’attendait ! Castor astucieux – tel était le totem de notre chef de troupe – déployait des trésors d’imagination en matière de jeux de pistes, exercices d’orientation avec ou sans boussole, reconnaissance des différentes essences végétales, etc. L’examen d’une simple feuille devait nous permettre d’identifier à coup sûr l’arbre porteur. Comme nous avions ri le jour où la petite Chloé, une ravissante petite rousse au nez mutin nous avait alertés, affolée, car elle avait cru voir un hibou malade juché sur un grand chêne à l’orée du bois. Castor lui avait expliqué que l’animal ne vomissait nullement, mais régurgitait tout simplement, comme la plupart des prédateurs, les os, poils, becs et autres parties du corps de ses victimes que son organisme n’était pas disposé à digérer.
Je me rendis bientôt compte que mon assiduité à pratiquer le scoutisme n’avait pas pour seul fondement l’intérêt – bien réel au demeurant – que je portais aux choses de la nature. Oh ! mais c’est qu’il commençait à hanter mes rêves ce beau garçon, ce ‘castor’ que j’aurais préféré tellement moins astucieux et un peu plus sensible à mes attraits. Il n’était que trop évident que toutes les filles étaient sous le charme. La qualité du silence lorsqu’il parlait en termes passionnés et précis de l’un ou l’autre aspect caché de la vie en forêt ; la fixité des regards qui lui étaient décernés en ces moments magiques en disait assez sur l’admiration, voire la dévotion dont il était l’objet. Ce n’était pas de gaieté de cœur que je m’étais résignée à ne voir en ce beau garçon au regard limpide qu’un franc camarade, un chef de troupe, une scout à l’esprit généreux, un adolescent doué, un amoureux de la nature. Ouais !… c’est de sa nature à lui dont j’étais en train de tomber amoureuse, moi ! J’avais bien tenté, au début, quelques œillades – oh ! bien timides, juste histoire de tâter le terrain – quelques attitudes très légèrement appuyées mettant mes charmes en valeur – si furtivement. Rien n’y fit, et je cessai rapidement ces petits jeux aussi futiles que vains avant de me vexer tout de bon. Pas un regard, pas un signe pas même une vibration qui eût pu me laisser deviner que, sensible à mes charmes, il s’obligeait à se comporter en chef de troupe intègre et responsable. J’en aurais été toute émoustillée et me serais volontiers cantonnée dans le rôle confortable de la belle inaccessible. Eh bien non ma chère ! rien de tout ça ! Je m’étais laissée aller à supposer un moment que, surmontant une attirance qu’il aurait bridée à grand peine, il affichait au vu et au su de tout le monde un comportement strictement neutre alors qu’en réalité le feu couvait sous la cendre. Je l’espérais rêvant de moi, sensible à la douceur et au charme que je lui prodiguais pourtant sans retenue, quoique discrètement. Sotte, imbécile prétentieuse ! Je dus me rendre à l’évidence : je n’inspirais aucune espèce d’attirance à ce beau garçon qui dégageait une puissante virilité et qui répandait autour de lui une aura qui me fascinait. C’est simple, lorsque qu’il prenait la parole au cours de nos réunions, je me sentais frémir. Sa belle voix grave, un peu sourde, lente, presque nonchalante, trahissait une force tranquille qui me subjuguait. Les sonorités chaudes qui sortaient de ce gosier de jeune homme en pleine santé me parcouraient l’échine, me mettaient les sens en émoi. Il devenait indéniable que ce garçon me plaisait de plus en plus, m’attirait, m’avait séduite. Cela devenait limpide : ce que j’attendais de lui, c’était bien plus qu’une franche et simple complicité, c’était du sexe ! Je ne pouvais plus regarder ses beaux yeux bleus sans avoir envie de m’y noyer ; sa bouche, ses lèvres, oh ! comme j’avais envie de les effleurer, de les caresser ; entendre son rire franc et limpide me déchirait le ventre ; ses mains ! ses larges mains toutes couvertes d’un léger duvet blond, je ne pouvais m’empêcher de les imaginer courir sur tout mon corps, je les voyais sur mes fesses, je les voulais sur mes seins, je… je… ooh ! Il fallait absolument que je me reprenne : j’allais tourner folle ! La seule présence de ce garçon me mettait à présent en transes.

Je décidai de m’en ouvrir à Mireille. Elle ne mit pas longtemps à m’avouer qu’elle avait, elle aussi, renoncé à tenter de séduire le bel étalon impavide. Elle ponctua sa phrase d’un soupir qui en disait long sur sa propre déconvenue. Il me parut prudent de ne pas lui révéler à quel point je me sentais prise. Pas de quoi se vanter ! J’allais conclure sur une phrase désabusée et un tantinet ironique lorsqu’elle me lança soudain :
– Et pour ‘Belette’ – je veux dire la petite Chloé – que comptes-tu faire ?
Mireille affichait soudain un curieux sourire qui ne manqua pas de m’intriguer.
– Euh… Belette ? Je devrais faire quelque chose pour elle, selon toi ?
Mireille éclata de rire. Je me sentis parfaitement idiote. Penaude, je lui demandai :
– M’enfin, quoi ? Dis-moi…
– Mais à quoi tu penses, toi ? rétorqua-t-elle. Et elle ajouta, l’air goguenard : Ne me dis pas que tu n’as rien remarqué !
Son rire reprit de plus belle devant mon air parfaitement ahuri.
– Mais t’es aveugle ou quoi ? Tu m’étonnes là ! Toi si perspicace d’ordinaire… à quoi tu joues ?….
J’étais abasourdie. Je ne pouvais que la questionner :
– Écoute, lui dis-je, non sans une pointe d’agacement, quitte à passer pour une idiote, je t’assure que je ne vois pas, mais alors là, pas du tout…
– Dom ! ouvre les yeux bon Dieu !…
– Quoi ? mais…
Son rire se mua en une moue dépitée. Comme à une gamine prise en faute, elle me confia :
– La petite Chloé, Belette…
– Oui quoi, la p’tite Chloé ? fis-je, franchement agacée.
– Elle est amoureuse de toi, ma belle !
Mireille m’aurait giflée que j’en aurais été moins secouée.
– Tu… tu veux bien répéter ça ! m’entendis-je articuler, la gorge sèche.
– Ma pauvre Dom ! mais redescends donc sur terre ! Elle te mange des yeux à chaque fois que la troupe est réunie. Tu n’as donc rien remarqué ?…
– Euh…
Il y a des moments comme ça dans l’existence où on se sent à côté de la plaque, en dehors du coup… Je réalisai que c’était exactement cela qui était en train de m’arriver. Je me sentis nulle, idiote, inexcusable. Ainsi donc mon attirance pour notre beau chef de troupe avait occulté tout le reste, ceci au point de me rendre aveugle à une réalité qui, selon Mireille, crevait les yeux. Je me promis de faire à l’avenir un usage un peu plus judicieux de ce sens de l’observation que, précisément, on cherchait à développer en nous.
Mais comment avais-je fait pour ne pas m’en apercevoir ? Où avais-je donc eu la tête ? Je ne m’étais pas rendu compte à quel point la petite Chloé – enfin, Belette – pouvait être jolie !
Comme souvent les rousses, elle avait une chevelure superbe : de longs cheveux flamboyants qui, lorsqu’elle ne les disposait pas en chignon ou en queue de cheval, ondoyaient avec grâce sur ses épaules. Oh ! j’avais l’impression de la découvrir là ! de la voir pour la première fois ! mais c’est qu’elle n’était pas simplement jolie, elle était tout simplement belle ! Un visage régulier, adorablement parsemé de petites taches de son, des yeux rieurs, d’un bleu pâle, presque turquoise, de longs cils, un petit nez retroussé tout mignon, un cou bien dessiné, un corps harmonieux, menu, mais bien équilibré… d’ailleurs, à y regarder de plus près, pas si menu que ça ! Une fausse maigre en quelque sorte ! Mais ce qui faisait son charme, c’était son incroyable vivacité, sa joie de vivre, son enthousiasme. Je me rendis compte que ça faisait longtemps déjà que je l’avais rangée, un peu distraitement il est vrai, parmi mes favorites. Son rire ! C’était vrai pourtant que – je m’en rappelais soudain – je m’étais déjà fait la réflexion que son rire avait quelque chose de miraculeux, comme un rayon de soleil qui disperse la pluie, comme une étoile filante un soir d’été, comme un air de flûte qui éclate soudain au milieu d’une symphonie tourmentée. Toujours en mouvement, toujours enjouée, quelle personne attachante ! Et voilà que je la découvrais comme s’il s’agissait d’une nouvelle venue.


Le dimanche suivant, je me surpris à surveiller discrètement Belette ; je fis en sorte que tout signal de sa part, si discret fût-il, ne puisse désormais m’échapper. Rapidement, il fallut me rendre à l’évidence : Belette, l’adorable petite Chloé, me dévorait du regard à la moindre occasion. Je ne sus trop quelle attitude adopter. Les regards qu’elle m’adressait avaient beau être furtifs, à peine appuyés, ils n’en contenaient pas moins une charge émotionnelle qui me troublait au plus haut point. Et, si je me sentis flattée dans un premier temps, c’est un vif agacement qui, très vite, en dépit de tout le charme que je lui trouvais, prit le relais. Je n’allais tout de même pas me laisser séduire par cette petite souris. Non ! je n’étais pas une lesbienne, une gouine, une dépravée ! Je décidai de l’ignorer ou, plutôt, de la considérer au même titre que n’importe laquelle de nos compagnes. Les œillades goguenardes de Mireille et ses sous-entendus plus ou moins espiègles n’y changeraient rien ! Ma décision était prise : pas de ça Lisette !… ou plutôt, me dis-je en riant in petto : pas de ça Belette ! Non, non, non et non ! Je ne mange pas de ce pain là ! Je ne suis pas comme ça, les filles ne m’attirent pas du tout ! Je suis hétéro, hé-té-ro ! Ah ! si seulement ce maudit Castor pouvait m’adresser le moindre regard qui put contenir, même en miniature, un vague reflet de la langueur qui apparaissait dans le regard de Belette !… Hélas !

Et puis les choses semblèrent se tasser : Belette eut l’air de se résigner, de s’être faite une raison, tout comme moi à l’égard de notre chef de troupe. D’ailleurs, persuadée que les choses en resteraient là, je relâchai mon attention, n’accordant plus à la jolie Chloé qu’une attention des plus sporadique.
C’était sans compter sur l’animal, la bête qui sommeille en chacune de nous, imprévisible, inattendue, sournoise et inflexible dans ses exigences. Nature ! comme tu nous as construites, nous, pauvres êtres si réceptifs, si enclines à succomber à de bien étranges impulsions, et par quels chemins surprenants !


Ce dimanche-là, il avait fait plus chaud que prévu, c’était au début de l’été, nous avions beaucoup couru dans les sous-bois, beaucoup ri aussi de nos jeux pour lesquels nous nous étions donnés à fond. Avant de prendre le chemin du retour pour le local, en ville, Castor nous invita à nous asseoir en cercle, à peu près au centre d’une clairière, sur de gros troncs d’arbres couchés qui jonchaient le sol, ça et là. Le hasard fit que je me trouve à côté de Belette. Encore toutes essoufflées par nos récents ébats, toutes moites de transpiration, nous étions là, le souffle court, la gorge sèche, à savourer cet instant de repos. Castor prit la parole et je me délectai, comme à l’accoutumée, des chaudes inflexions de sa voix qui me procurait toujours ce même effet ravageur. Il se lança dans une série de commentaires sur nos façons d’agir, de nous débrouiller en situation difficile, sur nos facultés d’observations, encore si souvent prises en défaut, etc. Tout en l’écoutant, nous nous désaltérions en buvant à même nos gourdes, à grandes lampées goulues. Chloé était en train de boire lorsque soudain un effluve insistant, une odeur de transpiration assez piquante parvint à mes narines. Je sus immédiatement que la chose venait de Chloé, de cette petite Belette si proche de moi, que j’entendais respirer, que j’aurais pu toucher à tout moment. Ce n’était certes pas la première fois que je percevais une odeur de transpiration : quoi de plus commun, de plus normal, dans le contexte où nous nous trouvions ? Mais cette odeur avait quelque chose de bien particulier : ce n’était pas simplement les effluves émanant d’un corps qui avait eu chaud et qui créaient, avec le coton ou le lin qui le revêtait, un mélange caractéristique. De plus, il n’était pas certain que l’odeur qui me parvenait ainsi ne provienne que de ses aisselles : une fragrance bien plus prenante se mêlait à l’odeur de ce corps en sueur. Je me surpris à ne pas oser tourner mon regard vers elle, de peur de surprendre… oh ! non, je réalisai soudain qu’il s’agissait là de quelque chose de grave, d’impérieux, qui transcendait la pensée raisonnable, les résolutions strictes, les contraintes sévères que j’avais pu m’imposer. L’odeur lancinante qui me parvenait était, je n’en doutais plus, une odeur de femme !… de femme en chaleur ! Cette découverte me fit presque sursauter. Je me sentis envahie par une sorte de panique viscérale. Une étrange chaleur apparut dans mon ventre et se répandit dans tout mon être. Mais que m’arrivait-il ?
Je le sus immédiatement : je ne pouvais rien ! rien du tout contre ce phénomène étrange en train de m’envahir, de prendre possession de mes sens. Oui, il s’agissait de sexe ! La chose avait beau, sur le moment, m’apparaître comme totalement déplacée, saugrenue, inconvenante, son évidence me sautait au visage et l’empourpra aussitôt. J’avais, assise à côté de moi, un petit bout de femme en chaleur ! Et… et… je m’en trouvais totalement ébranlée. La chose, j’avais beau me raisonner, n’avait rien d’anormal en soi, sans doute Belette, enfin Chloé, avait-elle ses règles et… et… je devais m’en assurer, vérifier s’il s’agissait d’un phénomène naturel et inévitable, qui, simplement, par hasard, venait de se déclencher là. Prenant sur moi, je tournai lentement un regard passablement inquiet vers Belette qui me regardait. Je sus aussitôt qu’elle n’attendait que cela, que l’odeur n’était nullement fortuite, que ce n’était pas ce que je pensais et qui aurait pus me rassurer, mais bien ce que je redoutais au plus profond et qui me mit en panique : il émanait de cet être dont le regard était rivé au mien, dont les prunelles fouillaient mon cœur et mon sexe, une force extraordinaire dont je ne parvins pas à oblitérer le nom : le désir ! Un désir intense, ravageur, tout puissant dans sa muette mais implacable évidence, dans sa discrète mais envahissante réalité. Chloé aurait-elle glissé sa main sous ma jupette que je ne m’en serais pas sentie moins sollicitée sexuellement. Elle était là, la bouche entrouverte, les ailes de nez palpitantes, le souffle court, les joues en feu, le regard suppliant, me mangeant des yeux. J’en eus le souffle coupé et je sentis mon bas-ventre entrer en ébullition. Fort heureusement, toutes et tous écoutaient les propos, passionnants comme à l’ordinaire, de notre chef vénéré et personne ne nous prêtait attention. Chloé n’avait pas baissé les yeux lorsque mon regard avait surpris le sien ; c’était là une première ! Elle avait senti, deviné, su, avec une rare intuition, que j’étais prête ! Ce constat acheva de me bouleverser. J’étais prise, prise au piège ! Emprisonnée par l’être le plus doux qui fut au monde ! Entravée par le regard le plus bienveillant qui se puisse rêver, mais aussi le plus brûlant que j’avais jamais vu. Et quelque chose en moi bascula : je sus, avec une écrasante certitude, que, contrairement à ce dont j’avais pu me persuader, j’étais loin de me montrer insensible aux charmes féminins. Et ce n’était pas même sa beauté, son charme et sa gentillesse naturelles qui m’avaient ainsi happée, mais quelque chose de bien plus profond, qui se situait à un niveau tout proche – je frémis d’avoir à l’admettre – de l’animalité. Débordée, anéantie, secouée, ébranlée, remuée au plus profond, je crus que le sol se dérobait sous moi, que le tronc se mettait à rouler que…
– Ça va Dominique ?…
La voix chaude et tranquille de Castor venait de m’arracher à ma torpeur et, redescendant sur terre, je me ressaisis, tant bien que mal. J’arrivai à bredouiller :
– Oui, oui… euh… je crois que j’ai un peu forcé tout à l’heure… Mais ça va, ça va… merci !
Le rouge de la honte vint se mêler à celui de la confusion et je me sentis déglutir. Je souris stupidement, pour donner le change. Je n’osais plus regarder Chloé : je sentais son regard sur moi, et c’était comme si ses yeux, ses mains, son odeur, son corps entier, son être au plus intime s’étaient glissés en moi et m’habitaient là, complètement, à jamais. J’en frissonnai. J’étais en proie à un total désarroi.
Au prix d’un violent effort de volonté, je parvins à me maîtriser. Les mâchoires serrées à m’en faire grincer les dents, je me contraignis à la plus absolue immobilité. Mais en place des paroles de Castor que je fixais comme s’il fut seul au monde en ce moment, je n’entendais que les battements sourds de mon cœur affolé ; son visage m’apparaissait comme déformé, flou, comme si je le voyais à travers des larmes ! mais oui, c’est ça, j’avais la larme à l’œil ! Ce constat me mit en rage et je sentis mes doigts raidis s’agripper à la surface rugueuse du chêne indifférent qui dormait sous mes fesses en feu. Je réprimai à grand peine un frisson qui se préparait et dont je n’osais définir l’origine. Mes tempes battaient, je me sentais telle une naufragée.
Soudain, tout le monde fut debout. Mue par un de ces automatismes secrets capables de nous mouvoir presque à notre insu, je me retrouvai debout avec les autres en train d’entonner notre hymne favori. Heureuse digression que je mis à profit pour diluer tant soit peu le désordre dont j’étais la proie.
Castor eut vers moi un regard où se lisait une certaine perplexité légèrement narquoise, du moins à ce qu’il me sembla ; puis, je m’affairai autour de mon sac à dos et, une fois parée, rejoignis Mireille dont le regard débordait d’une insupportable malice (elle avait du ne rien perdre du spectacle de mon désarroi !) et qui affichait un de ces sourires !… Je fus prise d’une furieuse envie de l’étrangler.
Je parvins à donner le change et, tout au long du chemin, je m’efforçai d’ignorer Belette.
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MessageSujet: Re: Belette ou castor - Bilitis   Belette ou castor - Bilitis Icon_minitimeMer 22 Juil 2015 - 20:38

Chapitre 3 - En route pour le camp

Comme tous les membres de notre troupe, j’attendais avec impatience le camp des grandes vacances : quinze jours en pleine nature, sous tentes, livrés à nous-mêmes, loin des bruits de la ville, des contraintes de la vie scolaire ; libres de nous épanouir sainement dans un environnement plaisant. En réalité, bien plus que ces perspectives certes alléchantes, c’était surtout l’idée de passer une quinzaine de jours dans la proximité de Castor qui me mettait en joie. Le beau et séduisant jeune homme occupait toutes mes pensées… toutes ? Pas tout à fait ! L’exaltante perspective de revoir bientôt le bel adolescent était tempérée par l’idée que j’allais me trouver également confrontée à Belette. J’entretenais à son propos des sentiments à ce point confus que j’avais renoncé à toute tentative d’y voir clair, de trancher dans le vif, de décider quoi que ce soit. En réalité, j’avais purement et simplement oblitéré le « cas Belette ». Et puis, m’étais-je dit, soudain bien résolue, je n’aurai qu’à l’ignorer, voilà tout ! N’avais-je pas été victime d’une bouffée, toute passagère, de déraison, la proie d’un doux et évanescent délire ? Allons ! J’allais me montrer forte et ferme ! Pas de ça, Belette ! Qu’avais-je à redouter après tout ?
En réalité, j’allais vite me rendre compte que les choses seraient loin d’être aussi simples.


La veille du départ pour le fameux camp, je venais d’achever de préparer mon sac à dos et étais sur le point d’aller me coucher. Je pénétrai dans le salon pour saluer mes parents, comme à l’accoutumée. Je devais être bien plus préoccupée que je n’étais disposée à l’admettre par le fameux dilemme qui me déchirait, car j’entendis ma mère me dire :
– Ça va, ma chérie ? Tu as l’air toute bizarre ! Quelque chose te tracasse ?…
– Euh !… mais non, m’man, je t’assure ! Je m’efforçais d’afficher un air serein.
– Il y a quelque chose qui te gêne, là ! Tu redoutes de ne pas être la hauteur pour ce camp ?
– Mais, non, mais non !… T’en fais pas, m’man !
– Ou alors c’est quelqu’un qui ne t’aime pas et qui va te mener la vie dure… c’est ça ?…
– Ben, je crois que j’ai un peu d’appréhension, mais c’est pas grave ! Après tout, je n’ai encore jamais fait ça !
Pas trop convaincue, ma mère n’insista pas pourtant.
– Bon, allez, va vite dormir, tu dois te lever tôt demain !
Après leur avoir fait la bise, je passai à la salle de bain, puis me jetai au lit. Le sommeil ne venait pas, je me tournais et me retournais entre mes draps, j’avais sans cesse le visage de Castor, grave ou souriant, exalté ou ironique, qui passait sous mes paupières, comme une nuée de chauves-souris frôlant le plafond d’une grotte. À l’évidence, l’idée de me retrouver dans la proximité de ce garçon me mettait les sens en émoi. Je me retournai une nouvelle fois dans l’espoir de chasser cette image envahissante. Elle se dissipa en effet, mais ce furent alors les beaux yeux pâles de Belette qui se mirent à me fixer avec insistance. Je crus sentir à nouveau cette odeur si troublante qui m’avait jetée dans un émoi incoercible. Je rejetai cette image avec force et, pour mieux la chasser, je m’efforçai de faire réapparaître les traits de Castor. Je me plus à imaginer ses mains fermes sur mon corps, cherchant à me dévêtir, à découvrir ma peau… Des mains caressantes, douces, comme celles de Chloé, si fines, si… Oh ! non, voilà que son image s’imposait à nouveau… Je me sentais à présent parcourue par une foule de mains rapides et furtives, qui m’effleuraient, me parcouraient, s’appesantissaient sur mes seins, s’insinuaient entre mes cuisses… aux doux effleurements des paumes délicates de Belette répondaient les caresses plus fermes des mains de Castor qui investissaient toute la surface de mon corps. J’étais à présent bien excitée, me tortillant sous les draps, mes propres mains me parcourant en tous sens, à toute allure, comme s’il s’agissait de celles de mes délicieux agresseurs. Une langue vint s’insinuer entre mes lèvres… celle de Belette ou celle de Castor ? Je me trémoussai sur mon lit qui émit une grinçante protestation. Je m’affolais, à la fois excitée et effrayée. Quelle bouche mordillait à présent mes aréoles, suçait mes pointes dressées et durcies ? Quelle langue avait investi ma vulve ? J’imaginais le sexe bien dur, tout gonflé de désir de mon beau chef de troupe qui me pénétrait et cette évocation me fit pousser un râle de bonheur sauvage pendant que je me figurais la langue pointue et agile de ma belle petite rousse qui titillait mon clito tout dressé. Je délirais… je réalisai que j’étais en train de me branler avec une rare vigueur, me tortillant en tous sens, en proie à une excitation majeure. Cet incroyable mélange de sensations m’affolait au point de me faire perdre toute retenue. C’était tout à la fois délicieux et révoltant, imparable et choquant, divin et abject. L’orgasme vint, impérieux, presque brutal. La vague de plaisir m’avait inondée contre ma volonté, sans que je l’aie appelée, s’imposant à moi avec une force peu ordinaire. Avant de sombrer dans le sommeil, je crus apercevoir les deux visages de Belette et de Castor qui se fondaient dans la nuit en un ricanement moqueur.


Le gros car un peu brinquebalant qui devait nous emmener venait de se ranger le long du trottoir, juste devant l’entrée du local. C’est dans un joyeux désordre que notre troupe, au grand complet cette fois, s’y engouffra et se répartit sur les sièges usés mais visiblement bien entretenus. Nous étions là, une petite trentaine d’adolescents, tous plein d’énergie et d’enthousiasme à l’idée de passer une quinzaine de jours en pleine nature, sous tentes, et bien loin de tout : de l’école, de nos parents, de la ville avec ses encombrements et ses nuisances diverses. Les sacs à dos avaient été jetés pêle-mêle au fond du gros véhicule et chacun s’était choisi une place. Je m’étais assise près de la fenêtre, à une des dernières rangées, juste derrière Mireille qui s’était vue accaparée par Lapin, un grand flandrin toujours débordant d’énergie, que je soupçonnais d’en pincer un peu pour ma copine. Je ne pus m’empêcher de guetter l’apparition de Castor, mon beau et inaccessible chef pour qui mon ardeur ne faiblissait décidément pas. Lorsque j’entendis sa belle voix grave, un peu basse mais bien sonore, retentir au dehors, je fus aussitôt gagnée par une vive émotion. Une sorte de langueur s’empara de moi et un doux frisson me parcourut l’échine. Je sus que j’avais légèrement rougi et je me sentis déglutir. Qu’allais-je encore endurer ?… Et je me mis redouter le cortège de frustrations qui semblaient au programme et qui ne manqueraient pas de jalonner toute la duré du camp. Je devrais me contenter d’évoluer dans sa proximité et de ne pas trop passer à ses yeux pour une gourde. Il s’installa sur le siège situé derrière le chauffeur et se mit à faire l’appel de nos noms ou totems.
Qu’attendions-nous pour partir ? Tiens mais… où donc est Belette ? J’avais apparemment bien réussi à la chasser de mes pensées ! J’en conçus une petite pointe de culpabilité ; après tout, la pauvre chérie n’avait rien fait de mal et je ne devais attribuer mon embarras qu’à ma propre attitude à son égard et non à ses sentiments. Je ne songeais d’ailleurs nullement à mettre leur sincérité en doute. Un rapide tour d’horizon me fit constater que Belette n’était pas à bord. Avait-elle décidé de fuir le camp, de ne pas se joindre à nous à cause de… oh ! Non ! Pas ça ! Là, je me sentis vraiment coupable et une vague de tristesse me noua les entrailles. Mais de quel égoïsme avais-je donc fait preuve ! Je ne pus m’empêcher de penser que la délicieuse petite Chloé, notre adorable Belette, si vive, si joyeuse, si exubérante, s’était brimée à cause de moi, s’était privée afin, probablement, de s’épargner les peines qu’elle aurait vécues à se trouver sans cesse confrontée à mon indifférence, voire à mes rebuffades. À moins qu’elle ne fût malade, ou qu’elle n’eût été victime d’un accident… Voilà que je me mettais à m’inquiéter et je réalisai à quel point j’avais pu être dure, injuste avec elle. En outre, je privais ainsi la troupe entière de son rayon de soleil. Non, c’était trop bête, trop injuste ! J’allais me lever afin d’aller m’enquérir auprès de Castor qui devait savoir si elle s’était désistée lorsque soudain je la vis pénétrer dans le car dont le moteur tournait déjà, essoufflée, les joues en feu. J’en conçus un immense soulagement. Elle fut accueillie par une ovation mi joyeuse mi moqueuse et, après avoir bredouillé quelques mots d’excuse embarrassés à notre chef qui la pria d’aller vite s’asseoir, elle se mit à la recherche d’une place. Le car était plein ; il ne restait en réalité qu’une seule place : celle située presque au fond, juste à côté de moi !
À la fois intimidée et enjouée par l’ovation sympathiquement moqueuse dont elle faisait l’objet, Belette progressait dans la travée et, s’étant avisée qu’il n’y avait d’autre place libre qu’à mes côtés, s’immobilisa un instant à ma hauteur. Je devinai, sur le coup, que c’était là tout à la fois ce qu’elle espérait et ce qu’elle redoutait. La chose me fut confirmée par la rougeur soudaine qui lui envahit les joues. Je réalisai à quel point elle pouvait être belle ! Avec sont petit nez pointu, légèrement retroussé, sa peau mate et cuivrée parsemée d’une myriade de taches de son, toute recouverte d’un fin duvet doré, sa superbe chevelure flamboyante, son petit air mutin et ses yeux bleus d’un pâleur fascinante, toute pétillante de vivacité… elle était tout bonnement à croquer ! Une enfant encore, avec pourtant, déjà, un corps de femme, elle dégageait une sensualité innocente et d’autant plus prenante. Je n’avais disposé que d’un bref instant pour fixer ainsi dans mon mental l’image qu’elle venait de m’offrir là. Le désarroi presque palpable qu’elle affichait en cet instant la rendait encore plus bouleversante à mes yeux. Je sus, par je ne sais quelle intuition, que cette image, ce bref instant arraché au bruit des tôles vibrantes, au brouhaha généralisé, se détachant à peine de la vague pénombre qui régnait dans cet espace confiné, le tout ajouté à mon trouble, resteraient gravés en moi à jamais. Nos regards s’étaient à peine croisés. Mais quelle fulgurance ! Je baissai les yeux de façon à ne pas ajouter à son émoi, presque tangible. Comme dans un rêve, comme dans un ralenti cinématographique, comme dans une irréalité poétique ou diabolique, elle vient poser son joli corps à côté de moi. J’avais le sentiment qu’elle s’empêchait de respirer, qu’elle aurait voulu ne point exister en cet instant qui devait correspondre pour elle à une épreuve.
Le lourd véhicule s’ébranla dans un tremblement bruyant et prit rapidement de la vitesse. Je rivai aussitôt mon regard à la fenêtre et m’obligeai à contempler le morne alignement des façades.
Nous n’avions pas encore quitté la ville que déjà notre car retentissait du chant joyeux de nos voix juvéniles entonnant l’un ou l’autre de nos chants favoris. Je chantai sans enthousiasme, trop préoccupée par ma voisine, trop consciente de sa présence, de l’état dans lequel elle devait être.. par ma faute. Je n’osai la regarder. Je me sentais vraiment moche. Non, décidément, il fallait trouver une solution, nous n’allions pas passer toute la durée du camp à nous éviter, ce serait à la fois stupide et injuste ! Il fallait trouver un compromis, quelque chose de viable. Je devais avoir avec elle une conversation saine, franche et claire, voilà tout ! J’en étais à me demander comment aborder le sujet avec elle, lorsqu’elle se leva pour aller rejoindre Castor à l’avant du car. Ils n’échangèrent que quelques mots ; elle entreprit ensuite de regagner sa place. Les chants s’étaient tus à présent et chacun s’était installé au mieux. Au moment où elle allait se rasseoir, le car fit une légère embardée qui déséquilibra Belette, la projetant de mon côté, pratiquement sur mes genoux. Par pur réflexe, j’avais saisi ses poignets pour l’immobiliser et la soutenir. Son visage était tout près du mien, sa cuisse en contact avec la mienne, son souffle court se mêla au mien, et nos regards plongèrent l’un dans l’autre. Mon Dieu ! quel émoi, quel bouleversement. J’en fus toute retournée. Le contact n’avait duré qu’un instant, mais la charge émotionnelle était telle qu’il me fallut plusieurs minutes pour calmer les battements de mon cœur. Ses yeux ! mon Dieu !… je renonce à tenter de décrire ce mélange de surprise, d’émotion, de désarroi et de… non ! non ! tout ce que je voulais pas voir était là qui me sautait au cou ! (c’était le cas de le dire !) tout ce que je cherchais à nier s’imposait à moi de la façon la plus nette ! Il allait falloir que je me rende à l’évidence : cette fille m’attirait, me mettait en émoi, m’inspirait bien plus qu’une amicale sympathie, qu’une joviale admiration ! Elle me troublait, me bouleversait, éveillait en moi des pulsions dont j’ignorais tout. « Mais quelle espèce d’animal suis-je donc ? » me dis-je. Quelque chose sembla se briser en moi et je cessai brusquement de résister ; mais ce fut pour me sentir la proie d’un vertige saisissant. Je me sentais comme en haut d’une pente, une pente que j’allais me mettre à descendre à pleine vitesse. Je parvins à contenir un début d’affolement et décidai sur le coup de prendre le taureau par les cornes et de m’adresser à l’adorable Chloé, la superbe petite Belette que je me mettais à voir sous un jour différent sans savoir encore en quoi allait vraiment consister cette différence. Rassemblant mon courage, je me tournai vers elle dans l’intention de lui parler. Ce fut impossible ! Les mots ne sortaient pas de ma bouche. Il faut dire que Belette affichait un air mutin, fermé, boudeur, presque agressif. Je ne l’avais jamais vue dans cet état. Ironie du sort ! La voilà qui, au moment même où je baissais la garde, se repliait sur elle-même, s’enfermait dans sa frustration, dans un silence qui, je le pressentais, serait obstiné ! Eh ! Je n’avais qu’à m’en prendre à moi-même ! Ne l’avais-je pas repoussée, éconduite, niée ?… N’avais-je pas tout fait pour la chasser de mes pensées, pour l’éloigner de mes préoccupations ? Je réalisai soudain à quel point j’avais dû la faire souffrir !
Mais comment, maintenant qu’elle venait de se blinder, de se barder de résolutions fermes et impératives – celles-là même que je m’étais imposées quelques jours plus tôt – allais-je m’y prendre pour tenter de m’approcher d’elle, pour ouvrir le dialogue ? Sur le moment, cela me parut hors de portée, illusoire, voué à l’échec. J’en conçus un chagrin d’autant plus grand que j’étais parfaitement consciente d’avoir manqué de peu une occasion sans doute unique. Tout était-il donc perdu ? Je réalisai soudain que je ne m’en consolerais pas… et je compris du même coup à quel point la petite Chloé, cette enfant encore, cette femme déjà, comptait pour moi, avait envahi mon univers mental, affectif, sexuel. Je me sentis soudain submergée par une vague de tendresse à l’endroit de ce corps superbe habité par cette fille, cette toute jeune femme, merveilleuse, et que je venais de perdre, probablement à tout jamais. Je sentis mes yeux piquer, ma gorge se nouer, et c’est à grand peine que je réussis à contenir le flot de larmes qui avait gonflé en moi. Chloé regardait obstinément devant elle, évitant mon regard, niant ma présence, refusant tout contact. Quel gâchis ! Je me retournai vivement vers la fenêtre tant pour dissimuler mon émoi que pour échapper au spectacle de ma déconfiture. Le ravissant petit visage de Belette, si bien taillé pour chanter la joie de vivre, l’insouciance, l’amour, la beauté des choses et l’exaltation propre à son jeune âge, n’était plus en cet instant qu’un bloc de marbre exprimant la plus complète indifférence. Par ma faute ! Tout me sembla irrémédiablement perdu et je passai le reste du voyage à essayer de pas me laisser inonder par ma détresse et de me composer un visage acceptable pour le moment où nous serions arrivés.
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MessageSujet: Re: Belette ou castor - Bilitis   Belette ou castor - Bilitis Icon_minitimeMer 22 Juil 2015 - 20:42

Chapitre 4 - Le rôle décisif et inattendu d’une malicieuse casserole

D’un énergique coup de maillet, je venais d’achever d’enfoncer dans le sol, bien en biais, selon un angle de 45° afin d’offrir la résistance voulue, comme nous l’avait indiqué notre chef, le dernier tendeur qui allait maintenir notre petite tente bien arrimée. Je me redressai et jetai sur le site que notre troupe venait d’investir un regard circulaire. L’endroit était magnifique : une vaste plaine bordée de conifères descendait en pente douce vers un ruisseau aux eaux claires et aux abords joliment fleuris. Dans le lointain, on apercevait le clocher du village éloigné d’à peine quelques kilomètres. Une dizaine de tentes se dressaient déjà, découpant leur silhouette sur un ciel serein que traversaient avec nonchalance quelques gros nuages d’une blancheur éclatante. Tout un petit monde s’affairait de-ci de-là, joyeux et empressé, et l’on entendait l’écho des rires juvéniles et des cris enthousiastes d’une jeunesse toute en proie à l’exaltation de ces moments heureux. Je pris une profonde bouffée d’oxygène et m’étirai doucement, m’abandonnant à la quiète douceur de cet instant privilégié.
Je ne savais pas encore avec qui j’allais partager la petite tente kaki que je venais de dresser, en respectant scrupuleusement les consignes de notre chef vénéré.
Cherchant à me rendre utile, je me dirigeai vers la grande tente d’intendance qui trônait sur la partie la plus élevée du camp.
Je fus bonne pour la corvée d’eau et entrepris avec courage de ramener à notre cuistot les quelques seaux d’eau fraîche dont il avait besoin.
L’eau de la rivière était glaciale mais d’une pureté exemplaire, et je m’attardai à observer quelque grenouille qui s’éloignait en sautillant et la danse d’une libellule que ma présence n’eut pas l’air d’incommoder. Le doux murmure du ruisselet acheva de m’apaiser et je me laissai gagner par l’atmosphère sereine de ces lieux décidément bien plaisants.
Lorsque je me présentai devant la tente d’intendance, lestée de mes deux seaux remplis à ras bord, Castor s’y trouvait, veillant à la bonne installation du matériel et des provisions.
Il semblait parfaitement à son affaire et distribuait ses instructions avec sa nonchalance habituelle. Il me parut encore plus beau, plus séduisant, plus épanoui que jamais dans ce contexte qui lui convenait si bien. Je ne pus m’empêcher d’admirer encore son profil énergique, sa calme virilité triomphante. Il rayonnait, et je ne m’étonnai pas trop de ressentir à nouveau pour ce beau garçon une vive attirance.
Mais il ne fallait pas que je me laisse aller à ce genre de considérations qui ne pouvaient déboucher que sur de frustrantes déconvenues. Il fallait que je renonce, définitivement, à tout espoir de vivre avec Castor autre chose qu’une plaisante – et très sage – partie de campagne.
Je résolus de me jeter dans l’action, de m’occuper le plus possible, de remplir ce séjour de toute la vigueur de ma jeunesse et de ne consacrer mon énergie qu’à de saines et utiles tâches domestiques. Je me dépenserai sans compter dans les jeux et activités diverses que notre chef avait sans doute prévues.
Afin de donner corps à ces sages résolutions, et cela sans tergiverser davantage, je m’emparai d’un essuie de cuisine et me mis à briquer les casseroles et couverts que les assistants du notre cuistot venaient de laver.
Par un de ces hasards saugrenus, je me trouvais en face d’une haute et rutilante casserole dont le métal soigneusement poli faisait office de miroir. Je m’amusai à observer incognito tout ce qui se présentait dans mon champ de vision. Les images étaient certes déformées, mais parfaitement nettes.
Tiens, cette épaule, là !… mais oui, je reconnus les badges qui ornaient la chemise d’uniforme de Castor qui devait donc se trouver derrière moi, à un mètre ou deux tout au plus. Je me déplaçai légèrement afin de faire entrer son image dans mon champ de vision. Ce que je vis alors me remplit d’une stupéfaction sans bornes. Castor était en train de me regarder, ce qui aurait pu ne rien présenter d’extraordinaire si ce n’était l’intensité de ce regard et l’expression qui s’affichait sur son beau visage : son œil était langoureux, son expression admirative, ses traits exprimaient une sorte de détresse…
Oh ! mon Dieu quel choc ! Cela ne dura pourtant qu’un moment, un bref instant d’égarement sans aucun doute, mais je ne pouvais douter de la nature de ce regard. Je me demandai si je n’avais pas rêvé, si je n’avais pas été victime d’une illusion, si je ne m’étais pas laissée abuser par la déformation de l’image… si je n’avais pas pris mes désirs pour une réalité à la fois éphémère et factice ; ce n’était jamais qu’un reflet après tout !…
À la manière brusque dont il s’éloigna soudain, en complète contradiction avec son comportement habituel, je sus qu’il venait de s’arracher à lui-même, de concrétiser par ce geste de fuite le refus qu’il devait ainsi s’imposer à lui-même depuis… depuis combien de temps ?… Oh ! mais bon sang ! mais alors, cela voulait dire que… non ! je n’osais me laisser envahir par cette pensée : Castor, le beau, l’attirant, le séduisant chef de notre troupe s’imposait donc une attitude des plus réservée à mon égard alors qu’en réalité… en réalité… il… oh ! mon Dieu ! quel effroi, quelle surprise, quel bonheur !… en réalité il m’admirait, me désirait probablement, peut-être, sans doute… Ce constat m’affolait, me bouleversait, tant par sa nouveauté que par le sens que prenait alors tout le comportement de Castor. Ainsi donc il s’obligeait à dissimuler une attirance qu’il devait sans doute éprouver depuis de longues semaines et dont seul le hasard m’avait apporté la preuve. Sans cette merveilleuse casserole et son reflet sorcier, jamais sans doute je n’aurais percé à jour la véritable nature de ce que Castor éprouvait à mon égard. J’eus envie d’écraser mes lèvres, pour la remercier de son inestimable apport, sur cette casserole qui me sembla soudain plus précieuse que le plus ouvragé des miroirs vénitiens agrémentant le château de Versailles ! Tous les feux de la Galerie des glaces pétillaient d’ailleurs en moi en cet instant magique et je sentis une douce chaleur me monter aux joues tandis que mon corps tout entier semblait se réveiller, sortir d’une trop longue torpeur, s’animer soudain, s’embraser… Je sentis mes pointes de seins se raidir, une délicieuse brûlure poindre au creux de mes reins et se répandre dans mon ventre… Je me mis à trembler, je serrai les cuisses comme pour contenir la plainte soudaine de mon désir qui s’emballait… Ouh ! il allait falloir me calmer !
Il me fut impossible de demeurer un instant de plus dans cette tente d’intendance qui me parut soudain appartenir à une autre galaxie ; il fallait que je m’évade, que je m’échappe, que j’aille hurler mon bonheur tout neuf à la face des arbres voisins, que j’aille me rouler dans les eaux glaciales du ruisseau afin de calmer cette ardeur qui me torturait, que je… oh ! mais qu’est-ce qui m’arrive ?
Je me mis à courir vers ma petite tente, qui me sembla offrir un abri des plus dérisoire à l’immensité du bonheur qui m’habitait en cet instant. Quelqu’un m’interpella au passage, je ne sais plus qui, ni pourquoi, Mireille, je crois, mais je n’en avais cure : j’allais exploser de bonheur, éclater d’une joie trop longtemps contenue ! Vite ! vite !
Je me ruai à l’intérieur de la tente, descendis précipitamment la fermeture-éclair afin de prévenir toute intrusion et me jetai sur mon matelas pneumatique en proie à une excitation majeure ! Je mordis dans mon coussin afin d’étouffer un hurlement que je ne pouvais plus contenir. Mes larmes débordèrent en même temps que de gros sanglots s’échappaient de ma gorge nouée, libérant ainsi le trop plein d’émotion qui me submergeait.
À peine calmée, je me retournai et, étendue sur le dos, me sentis prise d’une irrépressible envie de sexe. Je savais à présent que ce garçon était attiré par moi, que j’avais toutes les chances désormais de le voir étendu sur mon corps, de sentir la réalité de son désir entre mes cuisses. Oh ! oui, il allait me… je voulais ce garçon, je le désirais comme une folle en cet instant. Mes mains partirent brusquement à l’assaut de mes seins déjà tout gonflés de désir, et je me mis à malaxer ma poitrine, sauvagement, m’imaginant que c’était les mains vigoureuses de ce beau jeune homme au regard si doux qui me pétrissaient, qui me pelotaient. J’écartai les cuisses, je me tortillai, me trémoussait sur mon matelas qui émit une série de plaintes ridicules, chuintant (me dis-je dans un instant d’ironique lucidité) comme un phoque enroué. Tandis que je me pétrissais un sein, ma main droite fila comme une anguille entre mes cuisses largement ouvertes et écarta avec impatience ma petite culotte déjà bien trempée. Je me mis à me masturber comme une bête, en quête d’un plaisir dru, sauvage, immédiat, brutal. Des ondes de plaisir ne tardèrent pas à parcourir mon corps qui ondoyait sous mes caresses accélérées et insistantes. J’attrapai mon foulard et me l’enfonçai dans la bouche afin d’étouffer le cri qui montait. J’agitai mon bassin avec frénésie. Je voulais du sexe ! du fort, du cru, obscène et choquant. J’imaginai le phallus bien raide et tout gonflé du beau Castor se frotter à ma vulve ruisselante, pénétrer mon vagin béant, coulisser entre mes cuisses agitées de spasmes irrépressibles, me labourer, me pilonner sans relâche, m’arracher des hurlements de plaisir, me faire jouir comme une chienne. Oooh ! mon Dieu ! Mes doigts fourrageaient mon vagin, le pilonnant sans relâche. L’orgasme vint : tremblement de chair, éruption liquide, coulée de bave ardente… perte de conscience.
Lorsque je revins à moi, je n’avais qu’une idée en tête, et je sus que je mettrais tout en œuvre pour arriver à mes fins : je voulais ce garçon ! je le voulais en train de m’admirer, de se repaître du spectacle de mon corps dénudé, offert, provoquant ; je le voulais à mes pieds, pantelant de désir ; je voulais voir se dresser son membre palpitant devant mes yeux gourmands ; je voulais sentir sa virilité coulisser en mon fourreau incandescent ; je voulais qu’il me baise, qu’il me nique, qu’il me bourre, qu’il se répande en moi, qu’il m’aime, me désire, perde la tête, explose en moi, encore et encore !
Pour l’heure, c’était moi qui perdais la tête ! Un second orgasme s’enchaîna au premier, engendré par toutes ces images qui tournoyaient dans mon esprit et affolaient mon corps.


Le lendemain après-midi, au terme d’un jeu de piste savamment orchestré par un Castor en pleine forme et plus gouailleur que jamais, nous nous étions trouvés rassemblés dans une petite clairière non loin d’une chapelle en ruines dont la construction devait remonter bien loin dans le temps.
Une joute fut organisée, opposant deux camps. Chacun avait pris soin de passer son foulard dans sa ceinture, à l’arrière, de façon à ce qu’il dépasse d’une quinzaine de centimètres. Le vainqueur était celui qui arrivait le premier à arracher le foulard de l’autre. La victoire finale reviendrait au camp qui pourrait exhiber le plus grand nombre de trophées.
J’avais déjà réussi à m’emparer, par suite de bonds, ruses, feintes et cabrioles en tous genres, de trois foulards adverses, lorsque je fus opposée à Gazelle, une adversaire particulièrement difficile en raison de sa haute taille, de sa souplesse et de réflexes particulièrement rapides. Elle méritait bien son totem !
Très vite, je sus que je ne l’emporterais pas, à moins d’un coup de chance exceptionnel ou d’une grosse bévue de la part de cette belle fille au corps fin, élancé ; aussi nerveuse que précise et déterminée.
Cherchant à me soustraire à l’un de ses assauts, je fis un bond sur le côté et, malencontreusement, heurtai une racine à moitié dissimulée dans un tapis de feuilles mortes. La douleur fut vive. Non pas celle qui m’écorcha la cuisse faisant perler un peu de sang, mais celle, fulgurante, de ma cheville qui avait pris le coup. Gazelle se précipita. Quelques instant plus tard, je me trouvai entourée d’une foule de visages inquiets, étonnés, compatissants, baignant dans une myriade de petites étoiles filantes. La tête me tourna un peu et je me sentis filer. Je perçus la voix de Castor dans une sorte de brume cotonneuse :
– Écartez-vous ! ordonna-t-il de sa voix grave et assurée, teintée toutefois d’un pointe d’inquiétude.
Je me sentis ramassée par une poigne ferme et vigoureuse. Mon Dieu, mais…. mais, oui !…. Je me trouvais dans les bras de Castor ! N’était la douleur lancinante que je ressentais à la cheville, je me serais crue au paradis. Situation inespérée, inattendue, une sorte de cadeau du destin. Après la casserole malicieuse, voici la racine complice ! J’étais gâtée !
– Reprenez le jeu ! dit-il, se tournant vers la troupe indécise. Je m’occupe de Dominique. Je la ramène au camp ! Je crois que ce ne sera rien.
– Veux-tu que je t’accompagne ? proposa Lapin. Le camp n’est pas tout près, je pourrais te relayer.
Je sus que tout aller se jouer là, à cet instant précis. Je craignais que Castor n’accepte l’offre de Lapin, aussi généreuse que pétrie de bon sens.
Si Lapin nous escortait, l’occasion de nous trouver isolés s’en trouverait compromise, et tous mes espoirs de séduire enfin mon beau chef, réduits à néant.
Pendant un instant qui me parut une éternité, Castor sembla hésiter, puis, je l’entendis prononcer :
– Je te remercie Lapin, mais je préfère que tu restes ici pour veiller à la suite des opérations. Tu connais le chemin du retour mieux que n’importe qui, alors je te confie la troupe.
– Comme tu voudras ! fit Lapin, tout fier en réalité de se voir confier une telle responsabilité.
– Ramène bien tout le monde hein ! ajouta Castor en riant, avant de s’engager sur l’étroit sentier qui devait nous ramener au camp.
J’étais toute palpitante de bonheur ! Me trouver ainsi dans les bras de l’homme que je désirais avec ardeur ! C’était trop beau ! Mais il me fallait à présent « transformer l’essai » et arriver à mes fins.
Je me délectais du contact de ses bras musclés sur mes cuisses. Son torse puissant sur lequel je m’étais abandonnée.
Le son chaud et feutré de sa voix me parvint, comme dans un rêve :
– Ça va Dominique ?
Il me semblait à présent qu’une réelle inquiétude transparaissait dans ses mots. Mais je le rassurai :
– Oui, oui ! je pense que ce ne sera pas trop grave !
Quoique tout à fait supportable, la douleur n’en était pas moins présente et je ne sais pas si j’aurais pu poser le pied au sol sans ressentir une vive douleur.
Je m’abandonnai à la douce sensation de sentir ce corps puissant tout contre le mien. Je me laissai bercer par le doux balancement de notre marche. Je l’observai à la dérobée, derrière la barrière de mes paupières quasi fermées. Je ne me lassai pas d’admirer les traits réguliers de ce visage énergique. Ce me fut une grande satisfaction d’amour propre de constater qu’il ne pouvait s’empêcher de me contempler d’un air pas tout à fait neutre et selon une fréquence et avec une intensité que n’imposait nullement mon état. Il m’admirait donc ! Il prenait plaisir à contempler mes formes, même à la dérobée. J’en étais toute bouleversée. Je me serrai davantage contre lui, à coup sûr afin de faciliter sa progression, mais aussi, mais surtout, afin d’augmenter le contact de nos deux corps.
Je n’étais plus une gamine tout de même, et je devais constituer un certain fardeau. Lorsque je sentis qu’il commençait à faiblir sous l’effort, je lui dis :
– Je crois que nous ferions bien de nous accorder une petite pause !
À la manière dont il me regarda à cet instant, je sus que j’allais emporter la partie ! Son œil était aussi doux que celui d’une biche ! Et ce que je lus dans son regard était bien autre chose que l’inquiétude d’un chef. Il me regardait comme un homme regarde une femme, une femme qu’il désire. Il y avait dans ses yeux quelque chose d’éperdu, et je sus qu’il n’avait pas fini de lutter contre lui-même, déchiré sans doute encore entre ses scrupules et son attirance maintenant presque palpable. Voilà qui me le rendait encore plus attachant. Je décidai de ne rien précipiter, de laisser venir les choses. Je pensais même que je n’aurais pas à donner le moindre coup de pouce.
Je le vis déglutir avant de me réponde d’une voix étrangement détimbrée :
– Oui, euh… tu as sans doute raison ! Mais juste une minute alors ! Je dois soigner ta cheville le plus tôt possible. Elle risque de se mettre à gonfler.
J’avais envie de lui répondre que le seul gonflement qui m’intéressait en ce moment n’était nullement celui de ma cheville, mais je m’abstins.
Le regard que nous échangeâmes au moment où il me déposa, avec mille précautions, sur une souche au bord du chemin, était d’une tendresse infinie. Ce garçon était bon, généreux et tendre, j’en avais là la confirmation la plus limpide.
Je sentis qu’il s’arrachait à mon regard et il me sembla voir ses joues s’empourprer légèrement.
Il se mit à masser ma cheville endolorie avec des gestes doux et attentionnés. Le contact était agréable que je vécus plus comme une première caresse que comme un acte de soin destiné à apaiser ma douleur. Il sortit son mouchoir de sa poche et, après l’avoir légèrement humecté de salive, le posa délicatement sur ma cuisse à l’endroit de l’égratignure. Je remarquai, non sans une secrète satisfaction, qu’il regardait ma jambe avec admiration. Je ne pus m’empêcher de la remuer légèrement pour mieux l’offrir à son regard.
Lorsque ses yeux se reportèrent sur moi, ils brillaient d’un feu étrange. Il me mangeait du regard à présent et je tressaillis de fierté lorsque son regard avide se riva un instant sur mes seins avant de m’envelopper dans un vaste coup d’œil circulaire puis de remonter vers mon visage. Je crus apercevoir une bosse qui déformait le haut de son short. Lorsque j’entrouvris les lèvres et inclinai légèrement la tête sur le côté, il se rapprocha de moi, s’immobilisa un instant à quelques centimètres de mon visage ; ses yeux sautaient d’une de mes pupilles à l’autre, à toute allure… il eut une sorte de soupir d’animal blessé puis, soudain, ses lèvres entrèrent en contact avec les miennes. Elles étaient brûlantes et je crus défaillir de bonheur. Nos langues se cherchèrent un bref instant puis se lancèrent dans une course effrénée. Mon excitation grimpa aussitôt, multipliée par celle je sentais gronder dans le corps de Castor. Il me serrait à me briser les côtes et c’était divin ! Quelle force, quelle fougue. Dieu que j’avais envie de ce garçon !
Notre baiser se prolongea longtemps, accompagné de halètements, de mouvements incontrôlés, de doux frissons, et d’une envie grandissante de sexe.
Ce fut lui qui se ressaisit le premier. Il détacha son visage du mien, me sourit et me regarda avec une tendresse qui acheva de me faire fondre. Il passa lentement sa main dans ma chevelure toute dérangée puis, sans un mot, me souleva comme une plume et m’entraîna dans ses bras puissants.
Le reste du chemin se fit presque en courant et je me demande encore où il prit la force de me porter sur une aussi longue distance sans fatigue apparente. Je m’efforçai de me faire aussi légère que possible dans ses bras.
Le soleil déclinait lorsque nous parvînmes en vue du camp. Personne ne se montra et seuls quelques bruits de casserole provenant de la tente d’intendance m’apprirent que le lieu n’était pas complètement déserté.
Castor fila tout droit vers la tente qui servait d’infirmerie. Il m’allongea sur le lit de camp et entreprit aussitôt de soigner ma cheville endolorie. Elle était à peine gonflée, et je pouvais la remuer sans occasionner d’élancements douloureux. Pas de foulure ni d’entorse ! Ouf !
– Rien de bien méchant finalement ! conclut-il avec un sourire ravi.
Non sans un rien de perversité, j’avais pris soin de déboutonner légèrement mon chemisier de façon à laisser voir le haut de mes seins enfermés dans leur soutien, et, prenant appui sur mes coudes, je guettais la réaction de Castor.
Celle-ci ne se fit pas attendre : la rougeur lui monta au visage, ses yeux s’embrasèrent à nouveau et, l’instant d’après, il était sur moi, haletant, en proie à une belle excitation, lui aussi.
Alors qu’il entreprenait de me déboutonner entièrement, ma main partit à la rencontre de son sexe qui semblait vouloir crever l’étoffe distendue de son short.
Le membre accusait une belle taille, j’en fus toute impressionnée. Je me battis un instant avec la boucle de sa ceinture qui résistait obstinément, ce qui eut le don de m’agacer : je trépignais d’impatience telle une gamine capricieuse. La ceinture finit par céder, de même que les boutons supérieurs et, en un tournemain, le short du garçon fut à ses pieds. Sans hésiter, j’entrepris de dégager le phallus du caleçon qui le retenait prisonnier. Rapidement libéré, le chibre se dandina quelques instants sous mes yeux ravis avant de se faire happer par ma main. Quelle merveilleuse sensation de sentir ce membre, tout gonflé, tout gorgé de sang, tout tendu de désir, palpiter, frémir entre mes doigts. Il était comme animé par une vie propre, frétillant comme un poisson sur la berge juste après la prise. Je me mis à masser vigoureusement le sexe ainsi brandi, offert et tout palpitant. Il me sembla qu’il gonflait encore et se faisait plus dur, plus tendu.
Je devinai que le garçon avait envie de me découvrir, de me regarder. Délaissant le phallus incendié, je dégrafai mon soutien-gorge et me laissai aller en arrière, m’étendant de tout mon long sur l’étroit lit de camp, les mains ramenées dans ma chevelure. Je me cambrai, sachant l’effet que produit en général cette posture. Le résultat ne se fit pas attendre, Castor devint écarlate, sembla hésiter un bref instant, puis, avoir m’avoir longuement dévoré des yeux, se mit à me distribuer de longues et insistantes caresses. Rapidement, je fus dans tous mes états, le danger qu’il y avait à être surpris ajoutait encore à l’excitation. Je poussai un petit gémissement de plaisir lorsqu’il s’empara de mes seins et se mit à les malaxer. Je me tendis vers lui, vers ses mains, vers sa force… malheureusement, comme trop souvent, il passa un peu trop vite à… autre chose. Ce n’est pas que j’aie eu à m’en plaindre, mais c’est si bon quand les caresses perdurent un peu !
Mais peut-être redoutait-il de prolonger nos doux ébats par crainte d’être pris sur le fait. Je n’osai imaginer les conséquences… Je fus prise d’une angoisse soudaine à l’idée de ce qui pourrait survenir si…
Une nouvelle vague de plaisir se répandit dans tout mon corps, balayant mes pensées, emportant mes états d’âme, faisant table rase de mes scrupules.
Le moment était venu : je me redressai et m’emparai des fesses du garçon que je serrai bien fort en les rapprochant de moi tout en écartant les cuisses au maximum. L’invite était des plus claire et je sentis Castor se glisser en moi d’un seul coup. Il me pénétra bien profond presque aussitôt tant j’étais prête : ruisselante, lubrifiée à souhait ! Dieu ! que ce fut bon ! Après m’avoir besognée lentement durant quelques longs moments, il s’emballa soudain et se mit à me distribuer une série de coups de boutoirs bien assénés. Mon bassin se précipitait à sa rencontre à chaque approche, je le regardais dans les yeux, me repaissant du spectacle de son plaisir. Ce martèlement dura un bon moment, délicieux, sauvage, bestial à souhait.
Lorsque je sentis que son orgasme approchait, je resserrai mes muscles de façon à bien enfermer son membre au fond de mon vagin. Il explosa presque aussitôt et je me sentis jouir à mon tour, emportée par le tourbillon de son plaisir. Je fus secouée par une succession de spasmes qui me firent hoqueter pendant de longues secondes après l’orgasme. Je mis un certain temps pour me calmer et reprendre mes esprits.
Complètement relâché, tel un bébé sur le ventre de sa mère, Castor était allongé sur moi, c’était attendrissant au possible.
Je sentis le liquide poisseux se répandre entre mes fesses et sur mes cuisses que je serrai, par pur réflexe. Je sentis que j’aurais pu repartir pour un second service tant mon excitation était encore vive.
Mon bel Apollon ouvrit les yeux. Quelle douceur ! quelle paix ! Je lus de la reconnaissance et une pointe d’étonnement dans son regard encore trouble. Il me serra fort contre lui, me sourit puis, lentement, comme à regret, se détacha de moi. J’aurais voulu le garder en moi encore un moment, le sentir s’abandonner complètement, mais je savais que c’était impossible : il ne fallait tout de même tenter le diable, et c’était miracle que nous n’ayons pas été surpris.
Il se rhabilla en hâte, sans mot dire puis, après m’avoir baisé les lèvres avec une infinie tendresse, se glissa hors de la tente.
Je n’osai croire encore que ce qui venait de se dérouler là était bien réel !


Le soir même, tous rassemblés autour d’un majestueux feu de camp pétillant d’allégresse, nous entonnions à pleine voix Les Filles de La Rochelle. J’avais le sentiment un peu trouble de trahir cette communauté au sein de laquelle régnaient confiance et droiture. N’étais-je pas en train de leur dissimuler un fait qui n’aurait pas manqué de les surprendre, de les choquer, voire de les blesser ?
J’arrivais difficilement à détacher mon regard de ce merveilleux Castor dont je sentais encore la virile présence pulser au cœur de mon intimité.
Je laissai aller mon regard de-ci de-là, heureuse d’appartenir à un groupe s’exprimant avec une si joyeuse simplicité.
J’adressai un sourire complice à Mireille qui me paraissait en pleine forme et qui chantait avec un bel entrain. Elle m’adressa un petit clin d’œil bien sympathique.
Je sentis mon sourire béat de femelle repue se figer soudain à la vue d’une petite silhouette dont la totale immobilité contrastait avec l’allégresse générale. Les yeux rivés à la flamme, comme hypnotisée, Belette, les mains rivées à ses genoux, offrait l’image même du désespoir. Ce fut comme si l’on venait de me plonger les pieds dans un seau de glace. Je sentis mon sang se figer et mon cœur fut comme écrasé dans un étau. Les chants me semblèrent lointains tout soudain et la scène me parut toute trouble, comme si je la voyais à travers un verre dépoli.
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MessageSujet: Re: Belette ou castor - Bilitis   Belette ou castor - Bilitis Icon_minitimeMer 22 Juil 2015 - 20:55

Chapitre 5 - Jeu de nuit

J’avais passé une nuit affreuse. Dire que je m’étais imaginé m’endormir comme une reine, doucement bercée par l’évocation toute récente d’ébats amoureux que je n’espérais plus ; m’imaginant blottie dans les bras virils de mon beau conquérant ; me laissant aller à la douce sensation de son membre encore si présent à l’intérieur de mon corps…
Que j’avais pu être égoïste ! Toute à mon exaltation, j’avais complètement évacué jusqu’à l’existence de Belette, l’adorable petite Chloé. Bien plus qu’une avalanche de reproches ou même qu’un regard chargé de rancune, l’image de sa détresse discrète et résignée m’avait remuée au plus profond. Je me maudissais et, me tournant et me retournant sur mon matelas pneumatique qui émettait de ridicules petits couinements, je ne pouvais chasser l’image de l’adorable Chloé, si frêle, si attachante… si triste à présent, par ma seule faute ! Je me serais bien giflée ! J’étais tendue comme une corde de piano, je grinçais des dents, les mâchoires serrées, et je m’aperçus que j’étais en train d’enfoncer mes ongles dans la chair de mes cuisses. J’avais envie de hurler, de me précipiter sous sa tente et d’implorer son pardon, de l’inviter à me baffer, à me punir cruellement, à m’infliger tous les sévices qu’elle voudrait. Je revoyais son sourire lumineux, ses yeux pâles si intenses…
Je lui parlerais, sans plus attendre, dès que je la verrais, quoi qu’il m’en coûte !

La blessure de ma cheville était plus spectaculaire que grave et je fus très rapidement remise sur pied.
La troupe était partie en randonnée et je déambulais en claudicant encore un peu parmi les tentes, livrée à moi-même.
Il faisait bon, l’air était doux, la campagne paisible. L’orage grondait en moi, cependant, lourd, menaçant. Le soleil brillant d’optimisme semblait me narguer, tout comme la paix des champs et le calme de la nature, insouciante, immuable, superbement indifférente à mes tourments.

Castor m’avait fixé un rendez-vous secret dans la petite chapelle à deux pas de laquelle je m’étais blessée. La veille encore, je me serais sentie transportée de joie à l’idée de rejoindre ce beau garçon qui m’avait tant fait vibrer, qui m’avait procuré un si vif plaisir ; mais là, je me surprenais à redouter cette nouvelle rencontre, non en raison de son caractère clandestin, non parce que nous bravions là un interdit, une règle de conduite sacro-sainte, mais parce qu’il me semblait que je volais à Chloé le bonheur auquel elle avait droit, les plaisirs qui lui revenaient légitimement. Après tout, je m’étais rendue compte que j’étais tout aussi attirée par elle que par Castor, davantage même peut-être, dans la mesure où cette attirance me semblait venir du plus profond de mes entrailles, parce qu’elle s’imposait à moi, au mépris de résolutions pourtant bien arrêtées.
C’est donc le cœur lourd et l’angoisse au ventre que je me dirigeais, en cette fin d’après-midi, vers le lieu secret de notre rendez-vous. Mille fois, je faillis rebrousser chemin, tiraillée par des sentiments contradictoires, des réflexions antagonistes. Ce n’est que lorsque je vis apparaître la pierre usée au travers des frondaisons que je sus que je ne ferais pas demi-tour, que j’irais au bout de ma démarche, avec un triste courage. Ainsi donc, c’était presque à regret que je me rendais à un rendez-vous que j’avais ardemment désiré pendant de longues semaines. Quelqu’un m’aurait raconté ça deux jours plus tôt que je l’aurais pris pour un débile profond !

Lorsque, quelques minutes plus tard, Castor fit à son tour grincer la lourde porte prête à s’effondrer, j’étais blottie, pelotonnée sur moi-même, au fond de la chapelle, transie de froid, de honte, d’indécision.
Il fit vers moi deux pas assez vifs, puis son rythme se brisa net et c’est presque furtivement qu’il vint s’asseoir à côté de moi dans la pénombre.
Il avait deviné aussitôt que quelque chose n’allait pas. Ce que j’éprouvais devait probablement être bien lisible sur mon visage, surtout aux yeux de quelqu’un doté comme lui d’une sens aigu de l’observation.

Nous demeurâmes silencieux un long moment. Il me regardait avec tendresse, mais avec gravité aussi, comme s’il savait déjà tout de mon combat intérieur. Je lui sus gré de ne pas s’être jeté immédiatement dans une étreinte ou un discours amoureux. Son beau visage affichait un fin sourire plutôt énigmatique. Au bout d’un temps que je ne saurais évaluer, il avança lentement la main et se mit à me caresser le visage avec une tendresse infinie. La veille encore, ce geste aurait suffi à me mettre en émoi, à allumer mon désir. Mais je demeurais impavide, comme tétanisée.
Il lisait en moi, je le sus ; et je ne tentai en aucune manière d’échapper à ce regard à la fois inquisiteur et bienveillant. Je n’avais aucune envie de lui dissimuler quoi que ce fût.
–Tu as réfléchi ? C’est ça ? prononça-t-il, sur le souffle.
Le sourire que j’arrivai à lui rendre dut lui paraître bien triste. J’arrivai à articuler.
–Oui ! Mais… ce n’est pas ce que tu crois ! Je… je crois que ce que nous faisons…
Son doigt vient se déposer délicatement sur mes lèvres. Ses yeux étaient presque rieurs, mais sans la moindre nuance de moquerie.
– Ne dis rien !… murmura-t-il. Nous avons été follement attirés l’un par l’autre Dominique, et tu peux te vanter d’être la première – et tu resteras probablement la seule – à avoir su me faire enfreindre la règle que je m’étais fixée. Je sais que tu n’en conçois nulle fierté, que tu n’iras pas le crier sur les toits, que cela restera entre nous… Et je t’en suis reconnaissant. Mais cela restera sans lendemain. C’est cela que j’étais venu te dire.
Je ne sus si le sentiment que j’éprouvai en entendant ces mots s’apparentait davantage à du soulagement, de la reconnaissance ou de l’admiration. Quoi qu’il en fût, je ne pus empêcher les larmes de sauter de mes yeux, brusquement, comme une fontaine. Je pleurai silencieusement, presque sereinement, sans ressentir de tristesse pourtant.
Il m’attira à lui, doucement. Je blottis ma tête au creux de son épaule. Il était à nouveau à sa place : mon chef, mon protecteur, ce grand frère que je n’avais pas, cet ami qu’il demeurerait sans doute.
– Tu n’es pas seulement belle à l’extérieur tu sais ! souffla-t-il au creux de mon oreille.
Je crois que je n’aurais rien pu espérer entendre de plus beau en cet instant.
Après un petit frisson, je m’écartai pour le regarder. Je devais avoir le nez rouge et les yeux inondés. J’eus un petit rire gêné parfaitement crétin en reniflant comme une enfant chagrine et en me passant le dos de la main sur le nez.
Il me prit la tête entre ses mains et posa sur mes lèvres tremblantes un doux et chaste baiser. Nous étions loin du désir, de l’emportement sexuel de la veille, mais comme cet instant était précieux !
Ce qu’il me dit alors me sidéra :
– Ton cœur est ailleurs, Dominique ! Ne te trompe pas de chemin.
J’en suis encore à me demander aujourd’hui si ce garçon n’était pas un peu sorcier.

J’avais passé tout le restant de la journée à tenter de capter le regard de <i>Belette</i>. En vain ! J’en étais malade. J’étais néanmoins bien décidée cette fois à provoquer la confrontation. Elle aurait lieu, tôt ou tard, je m’en étais fait le serment.

Castor avait organisé un grand jeu de nuit. Après le repas du soir, les équipes avaient été constituées. Il s’agissait d’un jeu de piste, le camp vainqueur serait celui qui ramènerait le premier le trophée au camp, devant la tente d’intendance.
Belette ne faisait pas partie de mon équipe, à ma grande déception. Ce ne serait pas encore cette nuit que l’occasion me serait offerte. Tant pis. Mais elle ne perdait rien pour attendre !

C’était Gazelle qui avait été désignée comme chef de groupe, et elle avait eu une idée brillante : « plutôt que de nous focaliser sur la découverte du trophée, prévoyons l’éventualité où l’équipe adverse le découvrirait avant nous. Comme nous avons le droit de capturer nos adversaires, nous augmentons ainsi nos chances de récupérer le trophée. Le seul point faible de ce plan, c’est qu’il suppose qu’une personne isolée ait découvert le trophée. Mais ça vaut la peine de tenter le coup ! »

Castor et Nandou, qui s’étaient chargés de jalonner les parcours avaient probablement multiplié les fausses pistes et parsemé le chemin d’une série de pièges. Notre groupe de diviserait donc en petites cellules de deux ou trois alors que les ‘espions’ agiraient en solitaire. Gazelle avait estimé qu’il en faudrait bien trois pour assumer cette fonction. Je m’étais proposée et avais été retenue en même temps que Fouine – dont le totem avait été parfaitement bien choisi – et Ouistiti, aussi gouailleur et boute-en-train que malicieux et habile.
À l’heure prévue, c’est à dire à la nuit tombante, le coup de sifflet lancé par Castor donna le signal attendu.
Notre petite troupe se dispersa bien vite, chacun et chacune sachant ce qu’il avait à faire.

Je m’étais mise à parcourir en long et en large, un peu au hasard, le périmètre qui m’avait été imparti. Il restait suffisamment de clarté pour que je n’aie pas encore à faire usage de ma lampe de poche. Je commençais à me dire que j’avais bien peu de chance de tomber sur le pot au rose, lorsque la chance me sourit : j’entendis les buissons craquer à quelques mètres à peine, sur ma droite. Je me fis aussi silencieuse que possible, retenant mon souffle, et me dissimulai dans l’ombre d’un gros hêtre. Quelqu’un approchait. Dans la pénombre, je crus identifier la silhouette de Lapin. Lorsqu’il passa non loin de moi, sans me voir, je le reconnus : c’était bien lui. Il ne me restait plus qu’à le suivre tout en espérant qu’il se montrerait assez futé pour dégoter la cachette du trophée. Dans cette hypothèse, j’aurais à l’affronter sur le chemin du retour, ce qui ne serait pas une mince affaire.
J’entrepris donc de le suivre, en redoublant de précautions : au moindre bruit, il se saurait suivi et c’est moi qui risquais de devenir alors sa prisonnière. Mais tout se passa bien et je pus le suivre pendant un bon moment.
Relevant les divers signes qui jalonnaient son chemin : cailloux disposés de façon à former une flèche, écorces d’arbres marquées, branches pliées, etc., il progressait lentement en direction du village.

Brusquement, je sentis l’air se rafraîchir, le vent venait de tourner et le ciel de s’assombrir sans que cela soit dû au crépuscule. La progression sans lampe torche allait bientôt s’avérer impossible. Je réalisai très vite qu’un orage se préparait. Voilà qui n’allait pas simplifier ma mission, ni celle de personne d’ailleurs. Après quelques éclairs et un impressionnant roulement de coups de tonnerre, une pluie lourde et poisseuse se mit à tomber, giflant les feuilles au passage, faisant frémir toute la ramure alentour. Je savais qu’il était imprudent de se réfugier sous un arbre, aussi décidai-je de rejoindre au plus court le village, espérant tomber sur quelque grange ou quelque refuge d’ouvrier agricole. J’avais perdu la trace de Lapin, mais cela avait moins d’importance à présent.

La pluie tombait drue et j’étais déjà trempée. On y voyait de moins en moins et la lumière de ma lampe de poche ne servait qu’à accentuer la noirceur de tout ce que n’éclairait pas le mince cône blafard qui tressautait devant mes yeux, strié par la pluie tombante. Il m’avait semblé apercevoir, à la soudaine lueur d’un éclair, la silhouette sombre d’une grange en bordure d’un champ tout proche. Il n’y avait pas à hésiter et je me précipitai dans la direction du bâtiment entraperçu.

Je faillis me heurter à une ombre qui accourait en sens inverse. C’était Mireille. Elle avait les cheveux collés au visage et me cria, pour dominer le martèlement de la pluie et le hurlement du vent :
– Ah ! c’est toi Dominique ! Tu tombes bien ! Va vite dans la grange, là-bas, tu pourras réconforter Belette.
Je sentis mon sang se glacer et une boule d’angoisse me nouer l’estomac.
– Que… que s’est-il passé ? arrivai-je à crier.
– Elle a glissé et est tombée sur une pierre tranchante. Ce n’est pas bien grave, mais elle a besoin de soins. Je cours chercher la trousse au camp. Va vite la rejoindre et prends bien soin d’elle. Je me dépêche.
Mireille était repartie en courant. Je demeurai un instant abasourdie. Ainsi donc s’offrait à moi une occasion inespérée de… Mais ce n’était pas le moment de conjecturer, il y avait urgence ! Belette était blessée, elle avait besoin d’assistance et rien d’autre ne comptait en ce moment.

C’est le cœur battant, en proie à une angoisse incoercible, que je poussai la lourde porte ruisselante de la grange. Dans quel état allais-je la trouver ? pourvu que…
Une lampe tempête était posée sur le sol de terre battue et éclairait tout le mur du fond du vaste bâtiment occupé en majeure partie par une bonne réserve de foin et encombré de toutes sortes d’outils agricoles.
Belette était là, assise sur une sorte de paillasse qui jonchait le sol, elle avait la cuisse gauche bandée au moyen du foulard de Mireille. Un peu de sang tachait le tissu. Elle clignait les yeux, l’air inquiet, cherchant à voir qui venait de passer la porte. Lorsque je pénétrai dans le cône de lumière, elle eut, en me reconnaissant, une sorte de haut le cœur qui me déchira le ventre. Son visage s’empourpra aussitôt et je crus lire dans ses yeux un mélange de détresse et de fureur contenue. Refoulant mes larmes, je m’approchai et m’agenouillai à côté d’elle. Elle avait l’air d’un animal pris au piège, la respiration accélérée, la tête dodelinant sur ses épaules. Dieu ! Qu’elle pouvait être belle en cet instant ! Mais j’avais autre chose à faire que la contempler !
– Ça va Belette ? lui dis-je, maîtrisant mon émoi.
– Oh ! Ça va, laisse-moi ! lança-t-elle en affichant un air boudeur et en essayant de me tourner le dos.
Je me sentis envahie par une vague de désespoir. Elle était toujours aussi fermée, peut-être même s’était-elle mise à me haïr ! Mon nez se mit à picoter, la boule au creux de mon estomac se fit plus douloureuse. Je me sentis soudain malheureuse comme les pierres. Pour avoir voulu nier un sentiment auquel je n’étais pas préparée, pour avoir voulu m’en tenir à de stupides résolutions, j’avais tout gâché, tout foutu en l’air. J’avais envie de me rouer de coups, de me jeter à ses genoux, de me taper la tête sur le mur épais de cette grange inhospitalière, de la serrer dans mes bras, de me précipiter au dehors pour mêler mes pleurs à ceux du ciel déchaîné…

Sans doute intriguée par mon absence de réaction, Belette tourna légèrement la tête dans ma direction.
Nos regards se croisèrent, je sentis que mes yeux étaient baignés de larmes, que mes ailes de nez palpitaient, que j’étais prête à éclater en sanglots. Je serrais les mâchoires à m’en faire grincer les dents. Mes doigts étaient blancs et glacés.
Quelque chose se modifia dans la physionomie de Belette, ou plutôt de Chloé, car pour moi, avant d’être une ‘scout-girl’, elle était cette fille, cette femme que j’aimais déjà comme une folle, je le réalisai à l’instant.
Son expression passa du ressentiment à la surprise. La lueur de dureté qui m’avait glacé les sangs quelques minutes auparavant avait disparu pour laisser place à une expression flottante, irrésolue.

Ses sourcils se rapprochèrent et je sus que, dans sa tête, tout était en train de basculer.
– Oh ! Mais… tu… articula-t-elle, Est-ce que ?…
Dans ses yeux, il n’y avait plus qu’un immense désarroi, une sorte d’affolement soudain. Son regard sautait à présent d’une de mes pupilles à l’autre, sa bouche s’entrouvrit et elle respira plus fort, plus vite.
Je ne pus empêcher mes mains de se poser sur les siennes ; elles étaient glacées.
Je regrettai aussitôt mon geste et tentai de le reprendre. Je ne voulais surtout pas la brusquer et risquer de provoquer un regain de méfiance, voire d’hostilité.
Et c’est peut-être cette hésitation même qui acheva de renseigner Chloé sur mon désarroi.
L’instant était magique ! Nous étions toutes deux comme suspendues l’une à l’autre, en train de nous demander avec une égale intensité si nous n’avions pas fait fausse route depuis le début, si nous ne nous étions pas fourvoyées l’une comme l’autre…
Quelque chose allait se passer, quelque chose de fort, d’intense, d’exceptionnel, je le savais, je le sentais, ne sachant si je devais l’espérer ou le redouter. Chloé allait-elle se refermer à tout jamais ou comprendre enfin que… oh mon Dieu !… que je l’aimais comme une folle ?

Brusquement, elle se jeta dans mes bras et se mit à me serrer contre elle avec une force dont je ne l’aurais jamais crue capable. Une onde de bonheur étonné me parcourut toute, des pieds à la tête ; des milliers d’épingles tambourinaient ma chair hérissée ; mes cheveux devaient s’être dressés sur ma tête. Incapable d’opérer le moindre mouvement, je me laissai inonder par ces sensations aussi fortes qu’inespérées.
Les petites mains de Chloé se mirent à me parcourir à vive allure, comme si elle cherchait à s’assurer de ma réalité, à avoir la certitude que j’étais bien présente. Ses paumes ne glissaient pas d’un endroit à un autre de mon corps, elles se soulevaient légèrement pour aller se poser un peu plus haut ou un peu plus bas. C’était comme si mille petites mains se parcouraient mon corps, m’investissaient, prenaient possession de moi, me donnaient vie. Chacun des attouchements créait une part de moi entièrement neuve, elle était en train de façonner une nouvelle Dominique, aussi sûrement qu’un sculpteur extrait un corps de la glaise informe ou de la pierre froide et brute. <br>
Mais oui ! Chloé était en train de me faire renaître : elle balisait mon corps au moyen de ses mains brûlantes de vie, débordantes de fièvre créatrice ; elle marquait sa propriété, son territoire. Je sus que ma chair ne m’appartiendrait plus désormais.
Comme l’aurait fait un petit animal, elle se mit à lécher les larmes qui sillonnaient encore mes joues. J’en fus toute attendrie.
Le regard qu’elle jeta sur moi l’instant d’après me secoua aussi sûrement que l’aurait fait un séisme. La braise de son regard se répandit en moi comme une coulée de lave. Ce n’était pas sa détresse encore toute récente qu’elle faisait passer ainsi en moi, c’était bien autre chose : je me sentais envahie par sa force vitale, sa joie de vivre, son rayonnement intérieur, son soleil intime, ses plus profondes vibrations. Voilà tout ce qu’elle déversait en moi, sans compter, aussi sûrement que l’essence distribuée par le pompiste coule dans le réservoir de l’automobile qu’il abreuve.
C’était donc cela donner, se donner !
Avec ses petites mains délicates elle achevait de façonner mon corps à sa mesure, avec son regard de lumière et de joie, elle venait de se glisser dans mon âme. Ce qu’elle venait d’insuffler ainsi dans tout mon être était la plus belle, la plus puissante des forces qui soit au monde ; la plus enivrante, la plus suave des liqueurs ; le plus précieux, le plus recherché des trésors : l’Amour.


La tête me tournait, mes oreilles bourdonnaient, mon sang s’était mis à bouillir, chaque respiration me déchirait la poitrine, j’étais comme en suspension dans un monde à part, quelque part aux confins de la réalité, éperdue, incapable de me rendre présente à ce qui me submergeait. Je me noyai dans ces yeux immenses qui exprimaient à présent une douceur, une tendresse, une bonté… autant de mots qui me parurent prendre à cet instant précis leur véritable signification.

Une sorte d’image mentale s’imposa alors à mon esprit, ou peut-être était-ce une hallucination auditive : brusquement, j’étais devenue un violoncelle ! Ses éclisses étaient mes hanches, mes cuisses ; son manche était mon dos, ma colonne vertébrale, qui ondoyait aussi sûrement que les sons la faisaient vibrer ; et le fluide qui s’écoulait en moi était la musique même de cette sonate de Michel Corrette intitulée "Les Délices de la solitude". Mais aux longues notes déversées par le sensuel violoncelle répondaient le harcèlement des pointes aiguës et obstinées émises par le clavecin qui l’accompagne. Chacune de ces pointes qui venaient vriller le chant de mon langoureux instrument correspondait à chaque déplacement des mains de Chloé sur mon corps. C’était une sensation ineffable, magique, probablement hors du réel, mais tellement présente qu’elle constituait le seul repère raisonnable en ce moment unique. Oui ! Nous étions aussi inextricablement liées en cet instant que les notes émanant des deux instruments jouant ce sublime morceau. À nous deux, nous étions musique, anges, délires paradisiaques…
Non, plus jamais les choses ne seraient comme avant !

Curieusement, au cœur de ce délire insensé, de ce tourbillon où les sentiments se disputaient la part belle aux émotions, le sexe était tranquillement absent : son heure n’avait pas encore sonné. Une certitude s’imposa à moi au moment même où j’arrivais enfin à me reprendre un peu et à adresser à une Chloé radieuse un sourire qui devait être béat ; c’est que, de ce côté-là, nous ne perdions rien pour attendre.
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Belette ou castor - Bilitis Empty
MessageSujet: Re: Belette ou castor - Bilitis   Belette ou castor - Bilitis Icon_minitimeMer 22 Juil 2015 - 21:01

Chapitre 6 - Fa-ria, fa-ria, hô !

Mireille n’avait pas tardé à revenir et, à trois, nous avions attendu que l’orage daigne s’éloigner. Fine mouche, elle avait compris immédiatement ce qu’il venait d’advenir. N’était-ce pas elle d’ailleurs qui m’avait décillée à propos de Chloé ? Je réalisai qu’elle avait du, avec une discrétion dont je devais lui être reconnaissante, ne rien perdre de mes états d’âme. Il faut dire que je n’avais pas du être bien difficile à deviner. Elle avait du comprendre pour Castor, tout comme en ce moment même, elle savait pour Belette !
À son retour, ne nous avait-elle pas trouvées blotties l’une contre l’autre dans une attitude laissant peu de place à l’équivoque ? Certes la froidure engendrée par la pluie battante et la nuit à présent bien avancée pouvait justifier que nous ayons cherché à nous donner chaud mutuellement, mais la manière dont Belette me tenait enlacée trahissait bien autre chose que le seul souci de se réchauffer.
Chloé avait eut un sursaut à l’arrivée de Mireille et avait cherché à se donner une contenance. C’est moi qui l’avait maintenue enlacée, sachant que, de toutes façons, Mireille avait déjà tout deviné. Et puis, je venais de décider de ne rien lui dissimuler, elle avait bien le droit de savoir après tout ! N’était-elle pas mon amie, ma complice de toujours ? Nous échangeâmes un sourire discret… tout était dit !
Mireille s’occupa de la plaie à la cuisse de Belette. Ce n’était d’ailleurs pas bien méchant. Nous décidâmes d’attendre la fin de pluie avant de nous aventurer sur le chemin du retour.


Le lendemain fut une journée difficile : je passai mon temps à essayer d’éviter de croiser le regard de Chloé (pardon, de Belette) – ce même regard que je recherchais tant la veille encore – sachant que mes sentiments devaient s’y lire avec une trop grande évidence. Fort heureusement, elle avait adopté le même comportement et nous parvînmes à nous éviter. Mais à quel prix ! Je me languissais, aspirais à me trouver en sa présence, n’importe où, n’importe quand, seules, pour pouvoir libérer enfin le flot tumultueux que je brûlais de déverser sur son joli corps ! Cette attente m’était un véritable supplice ! Je savais maintenant ce que le malheureux Tantale avait pu endurer !

La journée allait se terminer de façon importante pour moi puisque j’allais recevoir mon totem !
La cérémonie fut émouvante, sobre, bien réglée, inventive et toute empreinte d’un esprit de camaraderie qui ne faisait que trop défaut en dehors de ce cercle privilégié.

La troupe, au grand complet, s’était réunie autour du feu, comme presque chaque soir. J’avais du rester seule à l’extrémité du camp, assise à califourchon sur une vieille souche, dans l’attente que quelqu’un vienne me chercher le moment venu, comme le voulait l’usage. Je voyais le feu rougeoyer à quelques centaines de mètres et j’entendais résonner à mes oreilles les chants de la troupe. Une sourde mélopée venait de débuter qui contrastait étrangement avec les airs joyeux qui l’avaient précédée. Je tendis l’oreille et frémis d’émoi et de surprise. Les paroles qui me parvenaient me bouleversèrent. La troupe entière chantait à pleine voix : « Dominique, Dominique, c’est la dernière fois qu’on t’appelle comme ça ! » J’en fus toute remuée ! Découvrir que tout le monde se souciait ainsi de moi me conférait une importance soudaine dont je me sentais bien indigne. Allais-je être à la hauteur de ce qu’on allait désormais exiger de moi ? Avais-je suffisamment développé l’esprit scout, serai-je prête à me montrer « toujours prête » en toutes circonstances ? Je me souvins que, à la veille de leur adoubement, les chevaliers d’autrefois passaient, dans la plus grande solitude, au pied d’un autel, une nuit en prière.

Quelqu’un s’approchait : on venait enfin me chercher. Mon cœur se mit à battre la chamade. Qu’allait-il se passer ? Je savais que j’aurais à subir quelques épreuves à propos desquelles le secret avait été soigneusement gardé. Je me sentais prête néanmoins, et c’est le front haut que je me présentai devant la troupe, dans le cercle qu’éclairaient les flammes pétillantes du feu de camp. La soirée était superbe : le ciel, bien dégagé, scintillait de mille étoiles. Ils avaient tous le visage dissimulé derrière leur foulard, fixé sur la tête, dont ils avaient laissé la pointe pendre jusqu’au menton. Ça avait quelque chose de cocasse et de légèrement inquiétant. Je reconnus la silhouette trapue de Lapin, assis un peu à l’écart, de trois quarts dos, et qui martelait en cadence un djembé fatigué. Les chefs, qui avaient gardé le visage découvert, portaient leurs chapeaux qu’ils avaient ornés de feuillages divers, ce qui leur donnait vaguement l’allure de chefs indiens.
Castor s’approcha de moi, le regard exagérément sévère, très imprégné de son rôle et de la solennité du moment.
– Dominique ?… Réponds à mes questions !…
Il me fixa un long moment avant d’entamer :
– Es-tu sûre de vouloir te joindre à notre troupe ?
– Oui ! fis-je sans hésiter.
Un vigoureux roulement vint ponctuer ma réponse aussi suivi d’un lent et long « mmmmmh », musé par la troupe entière.
– Es-tu prête à renoncer à porter ton nom de ville ?
– Oui !

Nouveau roulement, nouvelle mélopée.
– Es-tu prête à répondre au nom qui te sera donné lorsque tu auras été acceptée par les anciens ?
– Oui !

Roulement, « mmmmmh ».
– Es-tu prête à subir les épreuves d’initiation ?
Je déglutis avant de répondre, d’une voix légèrement tremblante :
– Oui.
Cette fois, le roulement, plus brutal, se noya dans les hurlements féroces de la troupe entière qui vociférait, comme en proie à une frénésie incontrôlable.
La soudaineté de ces cris sauvages et le contraste avec le calme qui précédait me glaça les sangs. Je sentis un frisson me parcourir l’échine.
Je me sentis brusquement tirée en arrière, puis soulevée du sol par des mains solides. Au même moment, le ciel qui venait de s’offrir à ma vue se déroba : un tissu lourd et épais venait de se poser sur mon visage, m’aveuglant complètement.
On m’assit de force sur le sol, puis on m’attacha les mains dans le dos.
Une voix que je n’identifiai pas et qui se voulait sarcastique sonna à mes oreilles :
– Oseras-tu avaler ce ver de terre, pied-tendre ?
Une main souleva un bref instant le tissu qui me recouvrait le visage, le temps de me laisser apercevoir deux doigts qui pinçaient en effet une sorte de larve blanchâtre et gesticulante. J’eus un hoquet de dégoût. On m’obligea à ouvrir la bouche et je sentis des doigts vigoureux qui me contraignirent à avaler la chose immonde. Je pensais que j’allais avoir un haut-le-cœur, mais je reconnus le goût d’un macaroni mal cuit. Je manquai éclater de rire sous la surprise et le soulagement, mais déjà des mains me soulevaient à nouveau et m’entraînaient un peu plus loin. Et je dus subir l’épreuve de la hache (on allait me couper un doigt !… j’entends encore l’impact de l’outil sur la souche où était étalée ma main !) ; puis celle du feu (on allait griller mes cheveux ! je sens encore cette odeur abominable de poils roussis qu’on avait fait brûler juste à côté de mon visage !)
Vint alors une ‘épreuve’ bien plus intéressante. Dans sa sagesse, Castor avait imaginé un rituel que je considère encore aujourd’hui comme intelligent et généreux.
J’étais debout à présent, toujours cagoulée, mais on m’avait libéré les mains.
Castor s’était approché, il me dit, de sa belle voix grave :
– Voyons à présent si tu as su engranger un minimum de ces qualités indispensables à un bon scout. As-tu suffisamment observé ceux-là même avec qui tu partageras désormais la vie de notre clan ? Sauras-tu reconnaître tes compagnes, tes compagnons, par un simple contact ?… Voyons cela !
Il souleva mes mains et les posa sur les épaules de quelqu’un qui venait de se placer en face de moi.
– Qui est-ce ? demanda la voix impérieuse de Castor.
Je sus immédiatement qu’il s’agissait d’un garçon, mais lequel ? Je laissai mes mains gagner le cou, puis, je remontai lentement vers les joues, les lèvres. J’approchai mon visage dans l’idée de reconnaître une respiration…
– Nandou ! m’exclamais-je soudain, sûre de mon fait.
Une salve de cris et de rires joyeux m’indiquèrent que j’avais tapé dans le mille.
Nandou se retira et Castor posa à nouveau mes mains sur d’autres épaules. Ah ! une fille, cette fois ! grande, les os fins… Martre peut-être ou Mésange ? Non…
– Les genoux ! me dit Castor. Et, joignant le geste à la parole, il saisit mes mains et les déposèrent sur les genoux de la compagne que je n’avais pas encore identifiée.
Ces genoux fins… je remontai très légèrement un peu plus haut, puis laissai couler ma main sur un mollet. Cette ossature fine, ces jambes élancées…
– Gazelle ! lançai-je d’une voix forte.
Nouveaux cris de joie, applaudissements et roulements de djembé.

Mes mains ne s’étaient pas encore posées sur les épaules de la troisième personne que j’avais à reconnaître que, déjà, j’avais identifié Belette.
Le cœur battant, je me penchai vers son visage, je chuchotai à son oreille, au moment même où mes mains entraient en contact avec ses épaules (on avait du la poser sur un support quelconque, car elle me parut trop grande).
– C’est toi !
Mais il me fallait jouer le jeu, et ne surtout pas montrer que je l’avais reconnue si vite, il s’en fallait de notre secrète intimité, d’une chose qui n’appartenait qu’à nous et qui n’avait aucun rapport avec la cérémonie que nous vivions là.
Je m’accroupis alors et posai mes mains sur ses genoux. Je réalisai, mais un peu tard, que j’avais mon nez juste à hauteur de son sexe, que j’étais agenouillée, en public, devant une fille pour laquelle j’éprouvais une attirance hors du commun, que mes mains s’étaient mises à trembler, que mon cœur battait à tout rompre, que des sirènes de pompier hurlaient dans mon ventre, qu’un doux frisson me remontait le long de l’échine…
Si je ne me faisais pas violence, si je ne me reprenais pas immédiatement, mes mains se mettraient à courir sur cette peau, à la caresser, à la pétrir… oh mon Dieu ! dans quelle situation m’étais-je encore fourrée ! J’étais là, à crever de désir – je mouillais sans doute – à un moment totalement inopportun, dans des conditions parfaitement inappropriées. Bon sang !
Au prix d’un violent effort, je m’arrachai à ma contemplation (mes narines s’étaient déjà dilatées dans l’espoir de se remplir de cette odeur de sexe qui m’avait tellement troublée la première fois ! Oui ! j’avais tout à coup très envie de sexe, et le fait que ce ne soit pas, mais alors là, pas du tout le bon moment, ajoutait encore à ma confusion, à mon trouble, à mon désir.
Je me relevai brusquement, comme si je venais de me brûler. Affolée, éperdue. Je savais que mon visage était écarlate et j’espérais que l’on mettrait ce soudain afflux de sang sur le compte de mon trop vif mouvement.
La tête me tournait un peu… Je crus défaillir lorsque je perçus les mots que Belette venait de chuchoter, furtivement, dans une sorte d’urgence, à mon oreille :
– Je t’aime !
N’était-ce pas là la déclaration d’amour la plus inattendue, la plus déplacée, la plus saugrenue, la plus rocambolesque, compte tenu du contexte, des circonstances, du lieu et de nos positions respectives ? Et c’est pour toutes ces raisons, justement, qu’elle me fit un tel effet. Je crus que j’allais exploser de joie, de surprise, d’amour ! Mais je devais me ressaisir ! J’avalai ma salive et arrivai à prononcer d’une voix qui sonnait un peu rauque :
– Belette !
Ce fut une ovation cette fois ! Mes épreuves (toutes !) étaient terminées : le conseil m’accueillait, j’étais acceptée, je faisais bel et bien partie de la troupe, je cessais d’être un « pied-tendre ».
Je ne serais plus appelée désormais que Loutre gouailleuse, tel était le totem que les anciens avaient décidé de m’attribuer. Je m’imaginais, dérivant lentement à la surface de l’eau, faisant la planche, en train de briser la coquille d’un crustacé au moyen du caillou que j’avais posé sur mon ventre.
Je devais probablement mon qualificatif de « gouailleuse » à l’entrain et la fantaisie dont j’avais su faire preuve tout au long du camp, sans me forcer d’ailleurs, tant je m’étais sentie bien tout au long – enfin, presque – de ce séjour miraculeux à bien des égards.
Je reçus solennellement et avec beaucoup de respect mon couteau gilwell que j’avais désormais le droit de porter à la ceinture. J’étais fière, heureuse, étourdie et totalement troublée par les instants magiques que je venais de vivre.


Le jour suivant fut le dernier de ce camp d’été. Déjà ! Enfin ! Déjà, nous allions nous séparer ; enfin, j’allais pouvoir retrouver Chloé dans un contexte plus approprié. Je ne sais pas ce que j’aurais donné pour être plus vielle de vingt-quatre heures ! Mon entrejambes n’avait pas cessé de fourmiller toute la journée, j’étais excitée comme une puce, sans cesse à penser à Chloé, à son rire, à sa chevelure, à ses yeux, à sa peau, à… à son sexe ! oh ! mais oui, pas d’hypocrisie ! les choses n’étaient que trop claires à présent : à son sexe ! à ses lèvres, à ses fesses, à ses cuisses, à son cul ! je voulais voir ses beaux yeux se révulser sous la force du plaisir que je lui prodiguerais sans retenue, je voulais entendre ses halètements, sentir son odeur si bouleversante, voir couler son jus sur ses admirables cuisses, la serrer conter moi à l’étouffer, mêler ma cyprine à la sienne… oh ! il fallut me calmer et ce fut au prix d’un très gros effort.
L’après-midi, il était prévu que nous aurions droit à une ultime activité. Castor s’était entendu avec quelques villageois afin de faire construire, à leur profit et contre quelques approvisionnements pour notre troupe, un pont de bois qui enjamberait la rivière. Excellent exercice pour nous !
J’avais été désignée pour faire partie de l’équipe d’assemblage. Je me trouvais donc, en cet instant, un peu à l’écart des autres qui s’affairaient autour du pont déjà à moitié installé, à devoir fixer un ‘brelage’, sorte d’assemblage de cordes destiné à réunir deux pièces de bois et à les fixer. Pour faciliter la manœuvre, j’avais glissé l’épais rondin de bois, soigneusement poli, entre mes cuisses et le maintenait ainsi solidement. La tâche n’était guère absorbante et je laissai vagabonder mes pensées qui me ramenèrent bien vite à Chloé non sans réveiller en moi cette langueur qui ne me quittait pratiquement plus depuis notre nuit d’orage. Était-ce la pensée de Chloé, le frottement de ce bois à la surface lisse, presque soyeuse, entre mes cuisses, la tension accumulée depuis la veille et qui se combinait à mon désir latent, toujours est-il que je sentis se répandre dans mon ventre cette douce chaleur qui me laissait de moins en moins de répit pour n’avoir pas encore été calmée. Je resserrai davantage mes cuisses sur le mât et, me baissant légèrement, je le logeai plus haut, bien dans mon entrejambes, cherchant le contact avec ma vulve. Je tournai la tête afin de m’assurer que personne ne m’observait, mais ils étaient tous bien trop absorbés par l’assemblage du pont pour me prêter la moindre attention. Rassurée, je me laissai aller et me mis à onduler légèrement du bassin, ce qui ne fit qu’alimenter mon excitation. Je sentis que je mouillais, c’était bon, frustrant mais bien plaisant. J’avisai alors, un peu sur le côté et légèrement plus bas, un nœud dans le bois qui formait une sorte d’excroissance à la surface lisse du rondin, une saillie de quelques centimètres à peine. Je fis pivoter le mât de façon à aligner correctement mon entrejambe sur la rondeur salutaire, puis me laissai glisser de façon à ce qu’elle vint se loger juste entre mes cuisses. La nature s’était-elle faite ma complice en cet instant ? Toujours est-il que me retrouvai à me masturber bel et bien avec cette excroissance, le long mât logé entre mes cuisses et sur lequel je me frottai de plus en plus en plus vite, telle une chienne lubrique. J’avais le sentiment que le nœud du bois était en train de gonfler, qu’il se faisait vivant, qu’il allait s’insinuer en moi, me pénétrer, m’investir, me procurer une jouissance sauvage, brutale peut-être. Il me semblait que le rondin lui-même se mettait à vivre, qu’il se transformait, se démultipliait pour former des cuisses puissantes, des bras musclés qui s’emparaient de mon corps offert et tout tremblant, que… oooh ! je mouillais, je haletais, j’étais excitée comme une puce, j’avais envie de sexe, d’être possédée, baisée comme une vulgaire pute… Castor ! oooh, comme j’avais envie que sa grosse queue s’introduise en moi, me pilonne correctement, me fasse jouir. L’orgasme ne se fit pas attendre et j’eus une jouissance crue, furtive, brimée, frustrante, mais néanmoins intense. Quelle espèce de bête étais-je donc en train de devenir ?

Quand vint le soir, je ne pus m’empêcher, durant notre ultime feu de camp, particulièrement réussi d’ailleurs, de laisser mon regard envelopper l’adorable silhouette de Chloé. Je ne m’attendais pas à ce qu’elle me renvoie un rapide coup d’œil et ce fut comme si elle avait lancé une balle de base-ball dans ma culotte. Je manquai jouir sur le coup. Mon bassin eut un bref soubresaut… Non, c’était clair, je n’allais plus pouvoir tenir longtemps !
Je me remis à chanter avec toute la troupe un de mes chants favoris : « Chante et dan-anse la Bohê-ême, fa-ria, fa-ria, hô… ; vole et cam-ampe où Dieu te mè-ène, fa-ria, fa-ria, hô… » Le regard trouble, je contemplais les flammes déclinantes de ce feu pétillant qui fut le témoin et le complice de mes jours heureux.


Dans le bus, pour le trajet du retour, Chloé et moi n’avions pas pu résister à l’envie de voyager l’une à côté de l’autre. Pourtant, nous en avions discuté et étions arrivées à la conclusion que ç’aurait été « plus raisonnable » de demeurer à bonne distance, qu’il ne fallait pas tenter le diable, qu’il fallait encore se montrer discrètes. Nous avions bel et bien décidé de voyager séparées, de nous infliger cette ultime torture. Et puis… et puis elle avait eu ce regard… comment résister à un appel aussi clair, à une invitation aussi pressante ? Cela devenait ahurissant : chaque fois que Chloé me regardait de cette façon, la tête à peine inclinée, le sourire un peu triste, l’œil légèrement humide, mais d’une intensité insoutenable. Son regard plongeait immédiatement au fond de ma culotte, j’avais le sentiment qu’elle me voyait nue, qu’elle savait que je mouillais aussitôt. J’adorais ça. D’une petite voix d’enfant punie, elle avait minaudé :
– Oui, tu as raison, c’est plus prudent de voyager séparées. Elle avait ensuite poussé un profond soupir puis… elle m’avait regardée en ajoutant : Tu es sûre ?
Et j’avais craqué :
– Il y a une chose dont je suis sûre ! c’est que je ne tiendrai pas !
Nous avions ri, elle était ravie. Cette bouffée de joie juvénile avait achevé de me convaincre qu’il serait vain d’essayer de résister à note envie. Nous ferions le trajet ensemble, mais en demeurant bien prudentes, enfin… le plus possible.
Nous avions eu terminé de remplir le camion en fin d’après-midi. Après avoir pris une légère collation, nous nous étions dirigés vers bus qui nous attendait en crachotant.


Assises tout au fond du véhicule, comme à l’allée, Chloé et moi n’osions bouger de peur de nous jeter l’une sur l’autre, n’osions nous parler de peur de nous saouler de paroles d’amour qui nous auraient conduit à de regrettables excès.
Puis le crépuscule tomba, lentement, avalant les silhouettes des clochers et des maisons et enfonçant le paysage dans une pénombre de plus en plus épaisse, jusqu’à la noirceur.
Le froid se fit alors sentir et Nandou commença à distribuer les couvertures.
Chloé et moi étions à présent bien emmitouflées, nos corps et nos mains bien dissimulés aux regards ! Un bref coup d’œil suffit à nous allumer. Aucun mot ne fut nécessaire : nous nous rapprochâmes de telle sorte que nos couvertures se chevauchent légèrement, ne formant plus qu’une seule et vaste protection. La voie était libre !
L’obscurité était à présent presque totale au dehors et l’intérieur du bus baignait dans cette clarté incertaine provenant des quelques plafonniers allumés de-ci de-là et de la lumière aléatoire des phares des véhicules qui nous suivaient. Je distinguais à peine les contours du délicieux visage de Chloé, mais j’étais fascinée par la double flamme de son regard qui me fixait tel celui d’un lynx guettant sa proie.
Je tressaillis lorsque je sentis sa main sur ma cuisse. La chaleur s’installa aussitôt dans mon ventre et se mit à irradier, m’envahissant toute entière. Mon basin commença à se soulever sans que j’y sois pour quelque chose. J’écartais les cuisses, offerte déjà, sans réserve, haletante d’impatience. Avec une lenteur exaspérante, sa main progressait sur ma cuisse, s’appropriant centimètres après centimètre. Je me mordis les lèvres. Je sentis mes seins se gonfler et mes pointes se dresser. La fête du sexe commençait, enfin ! J’avais beau savoir que nous ne pourrions nous offrir là qu’un modeste apéritif, je n’en étais pas moins bouleversée. Ma cuisse, écrasée sur le cuir, s’aplatissait sous sa caresse ; ma chair se portait à la rencontre de sa main qui s’approchait doucement, lentement, trop lentement, m’arrachant des miaulements de plaisir que je contenais à grand peine. Je m’ouvrais toute, je sus que je mouillais comme une bête… j’étais déjà survoltée. Je crevais d’envie que ses doigts atteignent leur but, s’insinuent sous ma culotte, m’investissent, s’emparent de mon sexe, règnent sur mes sens affolés.
Le bus fit une légère embardée qui suffit à dévier les doigts de Chloé. J’eus un frisson de pure frustration. Mais les doigts revinrent se poser au même endroit et reprirent leur trop prudente reptation. J’avais profité du léger choc pour me rapprocher tant soit peu de Chloé. Le ronron obstiné du moteur et le frottement continu du caoutchouc sur l’asphalte m’empêchaient de percevoir son souffle, mais je me concentrais sur ses doigts, sur sa main, comme s’il se fût agi de surveiller du haut d’un hélicoptère furtif la progression d’un commando engagé en territoire ennemi et exposé à un grave danger.
Je me tordais les hanches à me faire mal, tentant de pivoter le bassin afin de présenter le plus possible ma vulve à la main approchante et tant désirée.
Je réprimai un gloussement lorsque, enfin, les doigts de Chloé entrèrent en contact avec mon minou, ruisselant, brûlant, hurlant son muet cri de désir. Offerte, pantelante, les cuisses écartées, je me tenais agrippée aux bras du fauteuil afin de maintenir au mieux l’inconfortable position qui me permettait de présenter mon sexe assoiffé à l’investigation de Chloé.
Un monologue délirant se déroulait dans ma tête, comme une séquence filmée, et je m’entendais prononcer ces mots fantômes et pourtant si réels :
« Oh, mais avance donc ! qu’est-ce que tu attends ? Viens, allez, approche, investit ma chatte, pince mes nymphes, glisse-toi dans mon vagin brûlant, je t’appartiens, cette chair est à toi ! Oooh ! mais comme j’ai envie de toi, de sexe, oh ! oui, de sexe avec toi, mon amour, ma belle, mon trésor… Je t’aime, oh ! mais qu’est-ce que je t’aime… »
Je sentis des larmes jaillir de mes yeux, j’étais éperdue.
Dès que ses doigts se mirent à fouiller dans mon puits brûlant, je fus prise de spasmes violents. Je dus mordre dans la couverture pour ne pas hurler de plaisir. Je m’ouvrais, j’avais l’impression que de nouveaux pans de chairs naissaient au fond de moi pour pouvoir s’ouvrir encore, plus largement, plus totalement. Je fus secouée par un orgasme aussi soudain qu’inattendu. Chloé avait immobilisé sa main mais ne l’avait pas ôtée. Elle me fixait, éperdue, hallucinée, ravie.
Elle retira doucement sa main, avec une grande délicatesse. J’aurais voulu la retenir, le sentir encore vibrer en moi.
D’une manière effrontée, elle me montra ses doigts qui luisaient de ma mouille et, lentement, avec une évidente délectation, elle les lécha consciencieusement.
N’y tenant plus, je l’attirai à moi, tout en veillant à le faire sans brusquerie. Nos cuisses se chevauchaient à présent et, non sans fébrilité, j’entrepris à mon tour d’explorer sa chatte. Je ne pris pas autant de précautions qu’elle et c’est résolument que j’engageai ma main sous son short, dans sa culotte. C’était à la fois un volcan et une inondation qui attendaient ma main. Chloé était brûlante, ruisselante, toute vibrante et comme tétanisée. Tout son corps était arc bouté, tendu vers ma main qu’elle semblait chercher à aspirer pour la faire entrer en elle. Ce ne fut pas long ! Son orgasme fut au moins aussi puissant que le mien. Je crois que je jouis encore une fois en sentant son jus brûlant se répandre sur ma main tremblante.

Quelques minutes plus tard, la tête de Chloé tressautait sur mon épaule. Elle dormait comme une bienheureuse et son regard affichait un sourire ravi. Je fondis de tendresse en contemplant cet ange endormi. Je m’assoupis à mon tour et c’est Castor qui me réveilla en me secouant légèrement l’épaule. Nous étions arrivés.
Au moment de descendre du bus, encore un peu abrutie par le sommeil, j’eus un regard tendre pour Castor qui me sourit d’une façon énigmatique. Je ne pus m’empêcher de penser : « Voilà un garçon pour qui tu en as bavé, ma fille ! et qui a su te procurer un plaisir merveilleux, celui-là même que certaines femmes ne connaissent que rarement ; et tu t’apprêtes à le laisser, à renoncer à un sort que bien des jolies filles recherchent et paieraient sans doute cher pour connaître, fut-ce de manière fugace. Es-tu bien certaine d’avoir opéré le bon choix ? »
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Belette ou castor - Bilitis Empty
MessageSujet: Re: Belette ou castor - Bilitis   Belette ou castor - Bilitis Icon_minitimeMer 22 Juil 2015 - 21:04

Chapitre 7 - Le temps de l'amour

Elle devait me rejoindre sur le coup de dix heures. Dès sept heures, je m’arrachai à mes draps, en proie déjà à une fébrilité inhabituelle. Une sourde excitation grondait dans mon ventre qui pressentait sans aucun doute les délices à venir. Je pris mon petit déjeuner dans l’urgence… quelle urgence ?… Toute énervée, Je passai ensuite à la salle de bains où je procédai à une minutieuse toilette, m’enduisant le corps de ma lotion favorite : un lait aux algues dont j’appréciais la délicate fragrance. Dix fois, je me peignis les cheveux, vérifiai si mes ongles étaient correctement manucurés, si mon maquillage – des plus léger – était réussi, si je présentais une image acceptable. Je tournai en rond, n’arrivant pas à me calmer. Je mis, pour la cinquième fois, de l’ordre dans ma chambre, réassortissant les coussins sur mon canapé-lit que j’osai à peine regarder tant me sautaient alors à l’esprit des images d’une parfaite lubricité, anticipant les ébats que je me préparais à vivre avec Chloé. J’ôtai une nouvelle fois mon chemisier le trouvant soudain bien peu seyant pour, trois minutes plus tard, arracher d’une geste agacé le t-shirt trop moulant que j’avais enfilé. J’étais l’indécision même. « Comment aimerait-elle me voir vêtue, me demandais-je ? » non sans angoisse. Mais je ne trouvai nulle réponse à cette question. J’avais beau essayer de me convaincre que ça n’avait guère d’importance, je n’arrivais pas à me décider. En fin de compte, je fixai mon choix, non sans d’ultimes et douloureuses hésitations, sur une petite robe lilas parsemée de fleurs minuscules, qui se déboutonnait sur le devant et dont le décolleté, pas trop ravageur, ne pouvait me faire passer pour une fille légère, enfin, pas trop. Ce n’est vraiment pas évident de s’habiller sobrement quand on est affligée d’un 90 D ! Mais cette sobriété, étais-je bien sûre de la rechercher en cet instant ? Je voulais plaire à Chloé, tout en étant bien consciente qu’il ne s’agissait plus de la séduire. Non, juste lui plaire, répondre à son attente, me trouver à la hauteur de ce qu’elle attendrait de moi.

Je ne pus réprimer un petit cri lorsque retentit – enfin – la sonnette. Mon cœur se mit aussitôt à battre la chamade. Je m’étais rarement trouvée dans un tel état ! L’excitation se mêlait ici à une sourde angoisse, j’étais comme affolée !
Me précipitant au devant de Chloé, j’ouvris la porte de mon appartement à la volée. Elle était là, sur le palier, souriante, radieuse, fraîche comme une fleur à peine cueillie, les yeux pétillants, les lèvres vermeilles, sa superbe chevelure flamboyante ruisselant sur ses épaules, rayonnante de beauté, de joie de vivre, de vitalité… Ce fut comme si un essaim d’oisillons venait de prendre son envol dans la moiteur de mon ventre. Une douce chaleur me monta aux joues et je me sentis vaciller légèrement. Elle portait une mini-jupe en coton, d’un joli bleu turquoise, qui mettait en valeur ses jambes fines et musclées, couleur de miel.
Un ravissant chemisier blanc orné de fine dentelle enfermait sa jolie poitrine qui tendait et détendait le tissu au rythme de sa respiration, un peu rapide. Nous nous mangions des yeux, sans retenue, sans éprouver le besoin de prononcer le moindre mot. Le temps était comme suspendu.
Je sentis que je déglutissais et c’est ce qui me ramena à la réalité. Les tempes battantes, je m’effaçai afin de permettre à Chloé d’entrer.
La porte à peine refermée, elle se tourna vers moi.
Je réalisai à quel point j’étais peu préparée ! J’avais pourtant connu bien des fois cette douce excitation qui prélude aux ébats amoureux avec différents garçons qui avaient su me séduire, pour qui j’avais ressenti de l’attirance, avec qui j’avais eu envie de vivre une aventure sensuelle forte et exaltante. Les choses n’avaient jamais traîné et, que ç’ait été lui ou moi, nous n’avions jamais tardé à nous trouver enlacés, roulant bien vite sur le canapé ou sur le sol, nous abandonnant sans retenu à la fougue de notre jeunesse.
Mais ici ! rien !… je me sentais totalement paralysée, incapable d’esquisser le moindre geste. Et pourtant je mouillais déjà comme une folle, je n’en étais que trop consciente. Je vis Chloé déglutir à son tour, passer furtivement sa langue sur ses lèvres. À l’évidence, elle devait se trouver également dans un drôle d’état, et ce constat n’était pas de nature à apaiser mes sens en complet désarroi.
Elle esquissa un petit pas dans ma direction, leva sa main qu’elle posa sur mon avant-bras. Ses beaux yeux pâles tremblotaient légèrement et je vis que ses pupilles sautaient d’un de mes yeux à l’autre ; les ailes de son nez palpitaient, son souffle… Oh ! je ne connaissais que trop bien la signification de ces petits signes ! Le contact de sa main, pourtant léger, me fut comme une décharge électrique, et une onde de chaleur partant de ce point de rencontre de nos chairs intimidées se répandit dans tout mon corps. L’instant approchait, je le savais, je le sentais, où nos bouches allaient se rencontrer, où nos mains allaient se mêler, où nos corps allaient s’étreindre…
Mais d’où me venait donc cette retenue, cette incapacité à m’abandonner à un délire que mon corps affolé réclamait en hurlant ?
Je réalisai soudain à quel point j’aimais Chloé ! Et, du même coup, je sus que ce qui me retenait de me jeter sur elle comme une furie pour apaiser notre fringale sexuelle, pour donner libre cours à notre désir, à notre folle attirance l’une pour l’autre, c’était justement l’amour que je lui portais. La crainte de mal faire, de déplaire, de blesser, de choquer, d’aller trop vite, pas assez, de faire un geste non souhaité, prématuré, trop furtif, trop violent, pas assez… trop… oh ! mon Dieu quelle angoisse ! Comme je me sentais balourde, gauche, penaude !… Je réalisai – et j’en fus envahie par une soudaine et brutale vague de désespoir – que je ne savais rien aux choses de l’amour ! du véritable amour, j’entends, non du sexe et des plaisirs de la chair, même assortis de plus ou moins d’estime ou d’admiration pour les forts, grands et beaux gaillards qui avaient su me donner du plaisir et me donner l’impression que je vivais un sentiment fort. Oui, j’étais en proie à une peur panique : celle de tout gâcher, de ne pas trouver le bon geste ou de ne pas l’accomplir au bon moment. Rien ! il ne me restait rien de mon ‘expérience amoureuse’, de ce savoir-faire que j’avais acquis au contact d’adolescents plus ou moins habiles, Castor en tête (qui les avait d’ailleurs tous surpassés, et de très loin). Tout le savoir-faire dont je pensais disposer, ne me servirait de rien, j’en avais l’effroyable certitude. Ainsi donc, tout était à inventer, à découvrir.
Un immense respect – presque une adoration – pour l’être merveilleux qui se trouvait en face de moi me laissait ainsi interdite, pantelante, en proie à un désir insensé, tel que je n’en avais encore jamais connu, mais incapable de remuer le petit doigt !
Chloé dut sentir, deviner, percer à jour la vraie raison de ma paralysie, car, très émue elle aussi, elle approcha ses lèvres. Sa voix menue déchira le lourd silence qui nous enveloppait :
– Oh ! Dominique ! mon Dieu ! que c’est… que… comme je t’aime !… Et elle ajouta précipitamment : Mais de quoi as-tu peur ?
Ses yeux étaient légèrement humides, trahissant son émotion, son désarroi face à mon inaction.
Une sorte de colonne de chaleur remonta de mon ventre à mes tempes, se répandant dans tout mon corps, faisant se dresser mes pointes de seins, hérissant sur ma peau frémissante le petit duvet qui la couvre, faisant sonner mon cœur comme le tocsin des jours de grand péril.
Mes mains partirent comme des fusées et, m’emparant de la tête de Chloé que j’emprisonnai entre mes paumes, je lui baisai les lèvres avec fougue.
Les yeux clos, j’étais à présent toute entière sur les lèvres de Chloé, à découvrir leur douceur, leur goût ; à pulser au rythme même de la vie qui s’exprimait là, brûlante, humide, palpitante ! Nous tremblions toutes deux, le cœur au bord des lèvres (jamais l’expression n’aura été si pertinente !), en proie à une émotion intense.
Lorsque la langue de Chloé, d’une incroyable douceur, s’insinua avec délicatesse entre mes lèvres frémissantes, je crus défaillir de bonheur, envahie par un plaisir à la fois doux et puissant. Ma bouche s’ouvrait, accueillant cette visiteuse tant attendue, tant désirée. Docile, ma langue vint prêter allégeance à sa souveraine, et c’est presque timidement que le contact s’établit. Les truffes mouillées de deux chiens qui font connaissance ont de ces frémissements étonnés et joyeux. En même temps que la langue de Chloé envahissait ma bouche, en prenait possession, ce fut comme si, simultanément, une seconde langue pénétrait mon vagin. La sensation était hallucinante, mais je ne cherchai pas à m’y soustraire au nom d’une logique et d’un réalisme parfaitement hors de propos en cet instant suave. Je m’abandonnai au contraire à ce double baiser, le plus doux, le plus merveilleux qu’il m’ait été donné de vivre. En même temps que nos langues se rencontraient, se mêlaient, se léchaient ; nos corps s’enlaçaient, se serraient l’un contre l’autre, comme pour ne faire plus qu’un. Et j’eus vite l’impression que nos langues et nos corps étaient en réalité en train de se livrer aux mêmes mouvements, se tordaient sous les mêmes vagues de plaisir, se gonflaient de volupté et de désir. Où étaient ses mains ? partout ! partout sur mon corps ! sur mes épaules, sur mes fesses qui pointaient pour mieux s’offrir, sur mes seins que je sentais se gonfler, sur mes cuisses qui se tendaient comme des arcs… Étions-nous encore debout dans cette pièce ? étions-nous encore de ce monde ?… Eh ! qu’importe ! J’étais en train de découvrir l’amour, le bonheur !

Le baiser qui se prolongeait là était d’une douceur, d’une sensualité presque insupportable. J’étais au bord, déjà, de la jouissance, affolée éperdue. La chaleur, l’humidité de sa bouche se répandait dans tout mon corps, et ce n’était pas sa langue que je goûtais là mais, me semblait-il, Chloé toute entière !
Lorsque, après une délicieuse éternité, nos bouches finirent par se séparer, nos regards plongèrent l’un dans l’autre et je tressaillis de bonheur en lisant dans les beaux yeux de Chloé une même joie, authentique, vivace, forte, presque un rire. Allons ! j’étais sur la bonne voie ! le premier pas n’avait pas été si maladroit, je pouvais oser m’aventurer. À ce stade ci, il aurait d’ailleurs fallu m’abattre pour m’en empêcher ! Quelque chose venait de s’enclencher, je le sentais, qui me fis frissonner d’un bonheur impatient et sauvage. M’étant un instant attardée, du bout de la langue, à la commissure de ses lèvres, j’avais surpris un léger tressautement ; ainsi donc Chloé avait là un point sensible. Je me promis de m’en souvenir !
Chloé, mon amour, ma chérie, ma belle et tendre, attends, tu vas voir, tu vas voir comme je t’aime, comme je suis à toi, comme je suis déjà ta chose, ton esclave, ton jouet !

Quel curieux mélange ! quel étrange rapprochement des contraires : voilà que, tout à la fois, j’avais envie de plaire à Chloé, qu’elle me trouve belle, attirante, sexy, qu’elle ait envie de moi, de mon corps, sexuellement, crûment ; et en même temps, je ressentais, face à elle, comme une sorte de pudeur, de crainte de la choquer, de la décevoir, de compromettre la délicatesse de sentiments d’autant plus fragiles qu’ils étaient encore naissants. Mais le plus curieux, c’est que la pulsion sexuelle, indéniablement présente – et avec quelle force ! – ne semblait pas incompatible avec l’amour. Il me sembla qu’il s’en fallait là d’un ajustement de haute précision, comme s’il s’agissait d’accorder deux instruments, avec la plus grande exigence. Et je repensai, un bref instant, à la merveilleuse sonate de Michel Corrette. Oh mais oui ! cela m’apparut comme une évidence : nous allions jouer le même air, à l’unisson ! à en perdre haleine.

Lorsqu’elle avança ses charmantes mains vers mon corsage, je ne pus m’empêcher, bloquant l’air dans mes poumons, de gonfler la poitrine, de porter mes épaules vers l’arrière et de me cambrer, m’exhibant fièrement, m’offrant toute à ses regards, à ses caresses, à son désir. Je tremblais qu’elle ne fût déçue, qu’elle me trouvât soudain moins attirante qu’elle l’aurait cru.
Moment d’angoisse !…
Mes seins tremblaient d’impatience, aspirant à être dévoilés, contemplés, caressés, bécotés, malmenés… Mais les trouvera-t-elle à son goût ?…
Inquiétude !
Elle entreprit de déboutonner lentement le haut de ma robe, tout en me fixant bien droit dans les yeux. Je l’imitai aussitôt et, non sans fébrilité, me mis à défaire un par un les boutons de son joli chemisier. Nous respirions fort, en proie à un désir violent que nous n’allions plus pouvoir brider bien longtemps.

Elle promenait à présent ses doigts furtifs sur le haut de mes seins, n’osant encore les pétrir, les contemplant, toute tremblante d’émotion.
J’écartai les pans de son chemisier et contemplai ses seins délicats, tendrement enfermés dans un ravissant soutien-gorge rehaussé de dentelles et orné d’une petite fleur, juste entre les deux rondeurs. Sans être aussi volumineuse que la mienne, sa poitrine était de belles proportions, parfaite, en réalité, bien ronde, insolente de jeunesse et affirmant la vitalité d’un corps épanoui et harmonieux.
Ensemble, nous accomplissions les même gestes, tendres, délicats, presque timides : nous nous caressions le haut des seins, les soupesions, en éprouvions la texture, le poids, la souplesse… Nous prenions plaisir à faire durer ces délicieux attouchements.
Lentement, je l’attirai à moi, et nos deux corps entrèrent en contact. Moment divin que celui où sa chaleur vint se fondre à la mienne, où avec une grâce infinie nos bras s’enlacèrent, sans maladresse, sans hâte, comme si nous nous connaissions depuis toujours.
Mes lèvres s’écrasèrent sur la peau duveteuse de son cou, lui arrachant un petit gémissement de plaisir.
Ma cuisse s’insinua entre ses jambes, cherchant le contact.
Je fus prise d’une envie soudaine de me jeter sur ce corps merveilleux, de lui faire l’amour, de me donner à elle, éperdument, de lui offrir toutes les ressources de mon corps en délire, de me laisser totalement aller à la dérive, de l’emporter avec moi dans le tourbillon d’un plaisir qui ne pourrait s’avérer que grandiose.
Et puis, soudain, quelque chose se produisit en moi, comme si un mystérieux signal d’alarme venait de sonner. Non ! ce ne serait pas maintenant ! C’était trop tôt ! trop vite, j’allais tout gâcher ! J’en eus la certitude. Céder au désir maintenant, ce serait à coup sûr brûler les étapes. Chloé n’était pas, n’allait pas devenir, une amante de passage, une occasion de laisser libre cours à mon appétit sexuel, à la débauche de mes sens. Elle méritait mieux, infiniment mieux ! Certes l’amour passe aussi par le sexe – ô combien ! – mais il doit en demeurer l’expression, il doit le traduire, en être l’émanation, et non le guide. Place donc d’abord à l’amour, au vrai, à la douceur, à la tendresse ! Les ébats – et je ne doutais pas un instant qu’ils seraient vertigineux – suivraient en leur temps, viendraient à leur heure. Je voulais, déjà, impérativement, que Chloé soit non pas un objet sexuel entre mes mains – ou moi entre les siennes – mais mon amante, aimante et amoureuse. Oui ! je venais d’en prendre à l’instant la résolution : nous prendrions le temps de nous découvrir, de nous connaître au plus intime, au plus profond, et nous n’avancerions sur les chemins de la volupté que dans une parfaite harmonie, en étroite complicité, en totale symbiose. Je l’aimais trop déjà que pour tenter encore le moindre geste d’appropriation sexuelle, voire psychologique.
Avec une infinie délicatesse, je l’assis sur le canapé au fond duquel j’avais amassé une montagne de coussins qui nous attendaient.
Elle n’eût même pas l’air étonné de ce que je ne me livre pas à des caresses plus osées. Étions-nous donc déjà réellement en phase, en harmonie. Je me plus à le croire.
C’est d’une voix blanche, tremblante, que, la gorge serrée, j’arrivai à articuler :
– Chloé, je t’aime !
Un flot de larme jaillit de mes yeux et se répandit sur mon visage, me brûlant la peau. Je frissonnai, en proie à une vive émotion.
Sans attendre, sans réfléchir, guidée par un instinct sûr, Chloé se mit à me lécher les joues, comme pour effacer les traces de ce qui pouvait être un chagrin déplacé. Cette caresse avait quelque chose d’à la fois délicat et infiniment sensuel. Je crois que j’eus une jouissance sur le coup : mon ventre s’embrasa aussitôt.
Quelque chose me disait que Chloé n’était pas tout à fait novice à ces jeux. Peut-être ses mains avaient-elles déjà parcouru d’autres chairs féminines. Mais cela m’importait peu sur le moment.
La tête me tournait et, pour échapper à un début de vertige, je me laissai choir mollement sur les coussins, entraînant Chloé contre moi.
L’instant d’après, nous étions allongées, côte à côte, à nouveau étroitement enlacées.
Nos mains parcouraient nos corps alanguis, mais sans hâte, hésitantes encore, respectueuses. Nous nous cherchions, nos peaux faisaient connaissance, nos membres s’ajustaient, nos désirs s’accordaient aussi sûrement que deux instruments de musique s’apprêtant à jouer un duo.
Son odeur, sa délicieuse odeur de femme en désir, d’enfant excitée me parvint et m’enivra.
C’est un long voyage qui commençait là !
Nos mais entreprirent une lente, sensuelle, délicate et délicieuse exploration ; cherchant à épouser la moindre forme, se coulant le long d’une cuisse, s’incurvant pour rejoindre une hanche, se faisant aérienne pour parcourir une chevelure, se rendant douce et à peine présente pour effleurer une lèvre.
Nos langues se mirent de la partie, goûtant une peau, s’insinuant dans le lobe d’une oreille, glissant le long d’un avant bras, léchant la surface d’un ventre.
Le seul endroit que, par une sorte d’accord tacite, nous évitions soigneusement, c’était nos sexes, ruisselant pourtant de nos désirs inassouvis, brûlant de se rencontrer, assoiffés l’un de l’autre… Ils s’attendraient ! Leur heure n’était encore venue. Le feu d’artifice viendrait, en son temps, couronner la fête de nos sens.
Pour l’heure, c’est à la tendresse, à la douceur que nous sacrifiions, sans concession, trop conscientes l’une comme l’autre, du caractère unique, presque magique, de ce qui nous était offert de vivre en ces instants sublimes.
Une main impatiente qui se serait aventurée en nos béances intimes aurait certes dispensé un plaisir aigu, mais aurait, à coup sûr, compromis un rituel en train de s’installer, aurait hypothéqué de biens précieuses promesses.
Chloé avait eu, il est vrai, un mouvement vers mon entrejambe mais l’avait interrompu. Je m’en étais trouvée renforcée dans l’idée que nous devions nous accorder, ne pas laisser libre cours à nos sens, en tous cas pas immédiatement, pas maintenant, pas tout de suite.
Elle avait, quelques instants plus tard, murmuré, d’une petite voix suave un « Pourquoi ? » qui me fit sourire. Je lui avais répondu :
– Parce que je t’aime ! je veux que tu puisses te souvenir toute ta vie des premiers instants que nous partageons là.
Elle avait eu un sourire étonné, et ses yeux m’envoyèrent alors une lueur étrange, dont le sens me demeura obscur. Mais je sentais que je l’avais touchée.
Nous demeurâmes encore un long moment, parfaitement immobiles, enlacées, heureuses, légèrement tremblantes, les yeux clos, n’écoutant que le bruissement de nos souffles redevenus réguliers, repues malgré tout, non de sexe, mais de tendresse, de douceur, d’amour.
Le long regard tendre que m’adressa Chloé en se redressant faillit tout compromettre tant fut puissante la bouffée de désir qui m’embrasa les entrailles à cet instant.
Mais je me contins, pour elle, pour moi, pour nous.

Nul masochisme dans cette attitude pourtant, aucune concession à un quelconque code de morale ou de bienséance ! Tout simplement, nous réalisions une sorte d’investissement (le vilain mot !), nous ouvrions la voie royale à ce qui, nous le voulions autant l’une que l’autre, serait notre avenir. Tout simplement, nous lui construisions un socle, nous le voulions fait de tendresse, de respect, de douceur, de bonté, de beauté ; en un mot, d’amour, mais le plus pur, le plus profond.

Nous avions passé les heures suivantes à papoter comme de vieilles amies, à écouter de la musique, à regarder une émission à la télé. Gentiment assises l’une à côté de l’autre ; nous nous touchions volontiers, nous caressant tendrement. Et mon chat, qui l’avait aussitôt adoptée, avait eu droit, lui aussi, à son comptant de caresses.
Le désir ne m’avait pas quitté un instant, couvant en mon ventre comme un fauve aux aguets.

Le dernier baiser que nous échangeâmes ce jour là, au moment de nous quitter, fut, je m’en souviens comme si c’était d’hier, d’une tendresse, d’une douceur, d’une chaleur à nulle autre pareille.
Au moment de franchir le seuil, elle eut un élan vers moi. D’une voix précipitée, légèrement rougissante, elle me dit :
– On ne m’a jamais aimée comme ça !
Puis elle s’en fut, presque en courant, comme bouleversée.

Je demeurai un long moment, tendue, les sens en éveil. Lorsque j’eus la certitude qu’elle était bien partie, je me relâchai complètement : j’éclatai tout bonnement en sanglots. Toute la tension accumulée au cours des heures qui avaient précédé se libérait là, d’un coup. Je réalisai que j’étais dans un état de nervosité et de tension incroyable. Je fus parcourue d’un frisson qui me secoua toute. Trop longtemps contenu, mon désir, mon envie de sexe s’empara de moi et ne me laissa plus aucun répit. Ma main partit vers ma vulve que je découvris ruisselante. Je me précipitai sur mon canapé avec une telle brusquerie que mon chat s’enfuit vers la cuisine, affolé. J’arrachai mes vêtements avec frénésie, je me roulai, à demi nue, parmi les coussins et me mis aussitôt à me labourer l’entrejambe en couinant. J’étais comme folle, j’écartai les cuisses en un mouvement d’une rare impudeur. Une de mes main s’était emparée d’un sein que je me mis à malaxer avec sauvagerie, tandis que l’autres investissait mon sexe que je fouillais, triturait, torturait de mille façons. Je me trémoussais, haletante, écarlate, la tête en feu, les sens en folie. Des ondes électriques me traversaient toute, je perdais complètement la tête. Après avoir arraché ma culotte dont la résistance stupide m’agaça au plus haut point, je laissai mes doigts se précipiter à l’intérieur de mon vagin où je les agitai avec une rage soudaine. Je tressautais comme une hystérique. J’étirai mes pointes de sein à me faire mal, ma poitrine, toute gonflée, depuis des heures, me lançait des éclairs à la fois suaves et douloureux. Je me surpris à gifler la chair qui protégeait mon clito affolé, je me distribuai quelques claques sonores sur les fesses ; à deux mains, je les écartai dans l’espoir insensé d’une pénétration aussi soudaine que brutale. Mes doigts plongèrent à nouveau dans l’entrée de mon vagin et, telles des serres de rapace, me labourèrent sans ménagement. Je sautais sur place, m’arc-boutant au milieu des coussins épars, tout mon corps était brûlant, secoué de spasmes incoercibles, je me mis à crier, ce qui me surpris et m’électrisa tout à la fois. Je me labourais, comme une démente, cherchant à me soulager d’un désir incroyablement puissant, d’une envie de sexe, de sauvagerie, de bestialité, comme je n’en avais encore jamais connu. Heureusement que Chloé était partie, elle m’aurait prise pour une folle et se serait enfuie en hurlant à la démence ! Démente, je l’étais à coup sûr ! Avisant une innocente banane qui trônait au milieu du panier de fruits qui ornait la table basse, je m’en emparai et l’engageai aussitôt dans mon vagin ruisselant. Je manquai jouir sur le coup. Ooh ! que c’était bon, mon Dieu que j’avais envie de sexe, de baise, de… oooh ! mais dans état me trouvai-je donc ? Je me labourai incontinent le vagin avec le fruit qui, tout surpris, se fit bien vite mon complice et me procura le plaisir bestial, crû, sauvage, que j’attendais de lui. Je brûlais, je flambais, je hurlais. Je lançai la tête de droite à gauche dans une série de mouvements désordonnés tandis que mon bassin tressautait, en proie à un delirium digne des grandes crises d’épilepsie. J’applaudissais des cuisses, me retournai sur moi-même. Je vibrais comme une machine à dépaver les rues ; mes doigts recourbés grattaient l’intérieur de mon vagin brûlant… je… oooh ! je… l’orgasme s’annonçait, majeur, impérial, somptueux. J’eus soudain l’impression que doivent ressentir ceux qui sautent en parachute : une bascule dans le vide. Ce moment qui précède tout juste la chute elle-même, lorsque l’organisme sait qu’il va vivre quelque chose d’intense, d’exceptionnel. Un grand vide se fit soudain, je demeurai tétanisée un bref instant, le souffle court, les poumons bloqués, la bouche ouverte, appelant l’air, le cœur cognant à tout rompre ; puis ce fut le feu d’artifice, la grande libération, le jaillissement ! eh oui, le jaillissement : un flot de liquide incolore jaillit d’entre mes jambes, avec une abondance et une force incroyable tandis que je hurlais tout à la fois de surprise et d’un plaisir sauvage. Je crus que j’hallucinais, que j’avais une vision, que je pétais vraiment les plombs. Pourtant le doute n’était pas permis ; j’avais bel et bien émis un flot de liquide ! Incroyable ! Insensé ! Je me souvins alors vaguement, par bribes, vu l’état dans lequel je me trouvais, avoir entendu deux de mes camarades de classe parler un jour des « femmes fontaines » et de leur incroyable faculté d’émettre de tels jets au moment où elles connaissaient l’orgasme. J’avais cru à un délire d’adolescents vaguement vicelards et quelque peu mythomanes.
Me laissant retomber lourdement, avachie, brisée, complètement ramollie, dans les coussins ébahis, je me rendis à l’évidence : à n’en pas douter, je faisais partie de ces phénomènes ! Je ne sus trop, sur le moment, si je devais m’en réjouir ou le déplorer, mais je me promis d’étudier la question.
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Belette ou castor - Bilitis Empty
MessageSujet: Re: Belette ou castor - Bilitis   Belette ou castor - Bilitis Icon_minitimeMer 22 Juil 2015 - 21:09

Chapitre 8 - Au pays de ton corps

D’ordinaire, j’essayais plutôt de me soustraire aux regards qui convergeaient sur ma silhouette dans les lieux publics. Larges pulls et vêtements amples m’y aidaient durant la saison froide. En été, c’était évidemment une autre affaire et j’évitais alors de porter des tenues trop provocantes sauf quand, par malice, par jeu, j’avais au contraire envie de vérifier si mon pouvoir de séduction était bien intact. Et là, j’avais envie de plaire, de me sentir belle. C’est que j’étais en route pour aller rejoindre mon tendre amour, ma douce Chloé, que je chérissais déjà de toutes me forces.
Et sur le chemin qui me menait à ce petit restaurant italien où nous étions données rendez-vous, je m’imprégnais de ces regards qui me déshabillaient, me fouillaient, me caressaient, me parcouraient toute. Je me sentais belle, attirante, sexy, triomphante, femme en un mot ! Oui, je me sentais comme portée par ces regards langoureux, ces désirs furtifs ou avoués, fugaces ou soutenus qui me couvraient aussi sûrement que les rayons complices, à la fois chauds et caressants, de ce soleil de fin de journée estivale. Je sentais mon corps, j’étais totalement présent à lui, ne me contentant pas, comme à l’ordinaire de l’habiter distraitement, sans me soucier de ce qu’il ressentait. Mon esprit était comme fractionné, répandu dans chacune des parties de mon corps désormais éclaté, agrandi, diversifié. Les petites ondes de choc produites par les impacts de mes talons sur le pavé se répandaient le long de mes jambes et aboutissaient dans mon bassin qui les absorbait, s’en nourrissait en quelque sorte. La musculature de mes jambes exécutait sa danse souple et rythmée. Ma mini-jupe, complice, rappelait sans cesse ses limites à mes cuisses qui s’en trouvaient délicieusement agacées. Une sorte de moyeu doux et chaud articulait tous mes mouvements autour d’un point central : mon sexe qui, à l’évidence, faisait centre de rayonnement, diffusait ses ondes, faisait vibrer en moi un bien être insolent. Mes côtes, tout mon bassin, tout le haut de mon corps, en fait, était comme séparé du bas, rehaussé, suspendu. Je rentrai mon ventre afin d’accentuer cette sensation, de l’affermir, de la muscler. Mais les deux parties restaient articulées, elles dialoguaient : au roulement de mes fesses correspondait le balancement de mes épaules ; aux lancées successives de mes genoux répondaient les petits va et viens saccadés de mes coudes ; le tangage de mon bassin faisait écho aux mouvements relâchés de ma tête qui se laissait mollement emporter par le roulis de l’ensemble. De surcroît – plaisir ineffable et discret – la chaleur qui habitait mon ventre se retrouvait, je le sentais bien, étalée sur mon visage en feu. Je savais mes pointes de seins dressées, agacées par le frottement du tissu distendu de mon chemisier que le mince soutien-gorge de satin ne suffisait pas à enrayer. Je savais mon clito’ sujet à la même tension sous son petit capuchon, et ce lent et doux tournoiement de chaleur vorace qui grondait en mon ventre trouvait son parfait équivalent en ma poitrine gonflée à la fois de fierté et de désir. De petites ondes électriques parcouraient mes seins et allaient se perdre dans ma chair pour se renouveler sans cesse, à l’infini, en une plainte obstinée. À mesure que je me rapprochais du lieu où je savais retrouver Chloé, source de ce délicieux bouleversement de mes sens, ces sensations s’accentuaient, se développaient, achevaient de m’embraser. À coup sûr, elle était déjà en moi, me possédait par anticipation, régnait sur mes sens affolés avant même que je sois en sa présence.
Le haut de mon corps continuait de se visser et de se dévisser sur mes hanches ondoyantes, pulsant ses vagues de plaisir comme la marée roule ses galets, gratuitement, par jeu. Mon corps en fête ne faisait rien d’autre que de célébrer là le plus doux état qui soit : être amoureuse !


Comme sachant par avance où il la trouverait, mon regard tomba immédiatement sur Chloé. Je me laissai inonder par la vague de plaisir diffus qui se répandit en moi comme la brume du point du jour emplit une vallée. Elle était assise à une petite table non loin de la fenêtre légèrement à contre jour ; le soleil déclinant qui avait pris possession de sa somptueuse chevelure lui faisait une couronne rougeoyante ; sous cet éclairage assurément complice, le cuivré de sa peau ressortait et faisait scintiller ses taches de son, accentuant le ton de miel de sa carnation. Elle était d’une beauté à couper le souffle. Il me fallut déglutir avant de m’asseoir en face d’elle, incapable de prononcer un mot.
La bise amicale que nous échangeâmes était trop furtive, trop maladroite pour ne pas trahir notre trouble. Premier et délicieux partage qui nous lûmes aussitôt dans le regard, déjà complice, que nous nous adressâmes.
Elle se mit à tripoter nerveusement le ravissant petit sac de toile qu’elle avait déposé sur la table. Je me mordais les lèvres pour contenir mon émoi, mon cœur battait à tout rompre. Nous échangeâmes un sourire presque crispé. Je sus que nous partagions le même émoi ce qui, évidemment, n’était pas de nature à me calmer.
Je m’entendis articuler, d’une voix automatique :
– Tu es là depuis longtemps ?
– Non, non, je viens d’arriver !

Elle avait prononcé sa réponse d’une voix presque détimbrée qui trahissait une vive d’impatience.
– Je suis si contente de te voir, ma chérie !
– Autant que moi ?

Mon regard dévalait en cascade le long de son corps. Je me noyai un bref instant dans ses beaux yeux pervenche dont le contre-jour rehaussait la pâleur et la brillance. Mes yeux se laissèrent glisser le long de ses joues rosies par un émoi que je me refusai à évoquer sur le moment. Je m’attardai sur ses lèvres humides, si sensuelles, si vivantes, si mobiles, avant de dégouliner le long de son adorable cou si fin, si bien dessiné. Mon regard fit une brève halte à hauteur de ses clavicules, se baigna un court instant dans ses ‘salières’ avant d’achever sa chute sur la naissance de ses seins qui, tout ronds, tout guillerets, pointaient insolemment dans ma direction. Elle portait un t-shirt dont le haut formait une échancrure gardée par quelques lacets négligemment noués et qui révélaient sa poitrine plutôt qu’ils ne la dissimulaient. Très sexy !
– Tu m’as manquée !
– Toi aussi !

Dieu ! qu’elle était belle, désirable ! Elle me parut d’autant plus émouvante que, à l’évidence, elle ne cherchait nullement à rehausser sa beauté au moyen d’un quelconque artifice. À peine maquillée : la courbe en amende de ses yeux était soulignée d’un trait si fin qu’il en était presque imperceptible.
– Je n’ai pas cessé de penser à toi…
– Tout le temps, oui, moi aussi…

Le sourd grondement qui s’était installé dans mon ventre allait devenir difficile à contenir. Ses yeux s’étaient faits mobiles qui n’arrêtaient pas de sauter d’une partie de mon corps à l’autre, tels des mouflons se lançant du bord d’un ravin à une corniche. Je me sentais envahie, caressée, désirée. C’était divin.
– Tu sais Chloé, je… Elle me coupa la parole :
– J’ai envie d’aller coucher avec toi !
Ces mots, prononcés sur le souffle, d’une voix rauque, m’arrivèrent droit dans l’entrecuisse et provoquèrent une brusque montée de désir. Son visage s’était soudain empourpré, accusant un brusque surcroît d’excitation. Le redoublement du verbe m’avait ému plus que tout, tant il trahissait son trouble.
– Ma chérie… oh !…
– Si tu savais…

Il me fallut faire un gros effort pour dominer mon trouble, pour calmer les battements de mon cœur, pour arrêter le ridicule clignotement de me yeux, pour apaiser mon souffle qui s’était fait soudain plus fort.
– Je n’ai jamais ressenti ça, tu sais !… Pour personne…
– Pour moi, c’est pareil, tu peux être sûre…

Par inadvertance, mon genou venait de frôler l’intérieur de sa cuisse. La table étant assez exiguë, nos jambes pouvaient se toucher. La réaction de Chloé ne se fit guère attendre : elle enserra mes genoux entre les siens et se mit à serrer avec une force extraordinaire. Une onde électrique se propagea depuis l’endroit où nos chairs étaient en contact jusque dans mon sexe, directement, en droite ligne, y répandant son feu ravageur.
Moitié pour tenter de reprendre le contrôle de mes sens en ébullition, moitié par jeu, je me mis à exercer la force inverse : celle qui aurait pu repousser, écarter les mâchoires de l’étau que formaient les genoux de Chloé. Une sorte de lutte immobile venait de s’engager là ! Elle réagit aussitôt à ma poussée en accentuant encore la sienne.
– Je ne sais pas ce qui m’arrive, c’est si puissant !
– Oui, moi, c’est pareil !

Elle relâcha légèrement la pression de ses cuisses qu’elle n’aurait d’ailleurs pu maintenir bien longtemps à un tel niveau. Je pus donc écarter un peu mes genoux, mais guère, car, presque tout de suite, Chloé revint à la charge. Je me laissai faire puis repris ma contre-poussée, mais brièvement de façon à laisser Chloé recommencer son jeu. Très vite s’installa une alternance, et fut comme si nous nous caressions, comme si nos corps s’adonnaient à une de ces luttes si fréquentes lors des ébats sexuels. Oui, ce jeu avait pris – nous en étions toutes les deux parfaitement conscientes – valeur d’échange sensuel, sexuel ! Nous nous faisions déjà l’amour en quelque sorte, là, sous la table, en public, sans avoir la moindre certitude qu’un observateur avisé ne perdait peut-être rien de notre manège. Cette pensée acheva de nous bouleverser. Nous nous regardions, toutes deux écarlates, immobiles, tendues par l’effort, les mains rivées aux bords de la petite table afin de donner appui à notre mouvement. Je sentais que je commençais à mouiller, et je m’affolai à l’idée que chaque poussée de ma part provoquait une légère émission de cyprine.
Notre petit jeu fut interrompu par l’arrivée du garçon qui venait prendre nos commandes.
Il semblait ne s’être aperçu de rien. Un rapide regard alentour me con-vainquit que personne n’avait du se rendre compte de notre état. Aux tables qui nous entouraient, les conversation allaient bon train, personne ne nous prêtait attention, si ce n’était cette paire d’amis qui, attablés dans le fond, assez loin de nous, heureusement, prenaient plaisir à nous observer. Leurs sourires gourmands montraient assez à quel point ils devaient s’échanger des propos salaces en évoquant probablement les plaisirs que nous aurions pu leur offrir.
– Tu as vu les deux gusses, là dans le fond ? demandais-je à Chloé qui reprenait des couleurs et une attitude à peu près normales.
– Oui ! fit-elle d’une voix rieuse. S’ils savaient !
Le fou-rire qui s’ensuivit nous aida à soulager nos nerfs et à canaliser notre excitation.
Ce ne furent pas tant l’escalope et les spaghettis que je dégustai durant cet étrange repas, mais bien plutôt la manière sensuelle dont Chloé savourait ses brocolis et avalait ses pâtes.
– C’est bon, hein ?
– Délicieux !

Sous la table, nous n’avions pas résisté à la tentation de reprendre notre jeu de jambes, mais de manière différente, moins sauvage : Chloé se contentait de frotter doucement l’intérieur de sa cuisse contre la mienne. Caresse furtive, frustrante, mais qui n’en constituait pas moins le rappel sensuel dont nous avions besoin afin de maintenir notre fringale d’autre chose que de nourriture à un niveau acceptable.


Le chemin du retour vers mon appartement m’avait semblé d’une longueur insupportable. Pourtant, le restaurant n’était situé qu’à quelques pâtés de maisons. Nous n’avions pas pu résister au désir de nous tenir la main. Les doigts énervés de Chloé cherchaient le contact, se voulaient sensuels, charnels. Et cette pression de nos paumes enlacées nous était comme une anticipation de nos ébats désormais imminents. Nos mains se faisaient l’amour, tout comme nos cuisses durant le repas.
Assez d’apéritifs, assez d’échantillons ! Il était temps de passer aux choses sérieuses !

Chloé ne put retenir un éclat de rire au spectacle de mon incapacité à ouvrir la porte de mon appartement. J’étais tellement énervée que je n’arrivais pas à introduire ma clé dans cette fichue serrure. Nous étions là, toutes les deux, secouées par un fou-rire inextinguible, prêtes à pisser sous la pression tout à la fois de nos rires et de notre excitation.
Lorsque, enfin, j’arrivai à ouvrir ma porte, nous nous précipitâmes à l’intérieur, telles deux furies. Je m’étais affalée le dos à la porte, pour souffler un peu, reprendre contenance et laisser filer ce rire qui n’en finissait pas.
Chloé vint à moi, s’empara de mes mains et les serra dans les siennes, les soulevant pour les placer de part et d’autre de mon visage, sans les lâcher.
Les rires se figèrent aussitôt. Un silence frémissant s’installa, l’air vibrait de nos présences, de nos désirs. La pièce toute entière se taisait, comme si elle ne voulait rien perdre de ce qui allait se passer là.
Le regard de Chloé me vrilla, me pénétrant au plus profond. L’instant était magique. Nous nous regardions avec une expression grave, presque tragique, voire douloureuse. Le moment était venu de laisser libre cours à notre passion.

Les lèvres de Chloé, d’une douceur satinée, entrèrent en contact avec les miennes. Feu mouillé, ravageuse incandescence ! Sa langue ne tarda pas à franchir la douce barrière de mes lèvres frémissantes et rencontra la mienne qui lui répondit aussitôt. Nous nous dévorions, en proie à une véritable fringale de plaisir, ne cherchant pas à nous soustraire à l’appel de nos sens. Je fermai les yeux pour mieux savourer, m’abandonnant à ce long baiser sensuel. Le feu du plaisir se répandit bien vite dans tout mon corps, et tout se passa comme si nos langues irradiaient leurs flammes bien au-delà de nos bouches, nous embrasaient toutes. Je sentis mes seins gonfler davantage encore, leurs pointes se faire plus drues. J’ondoyais, tout mon corps cherchant le contact, la chaleur, le plaisir, le sexe.
Notre baiser se prolongeait, nous ne cessions de varier la pression de nos langues, nos mouvements de tête, nos rythmes, nos caresses buccales.
Nous maintenions nos nuques dans un même mouvement prenant de nos mains qui se voulaient à la fois caressantes et possessives.
La tête me tournait, je voyais mille étoiles scintillantes, je ne percevais plus qu’un bourdonnement sourd et insistant. Dieu ! que c’était fort ! que c’était bon !

Lorsque, enfin, nos lèvres se séparèrent, comme à regret, nos yeux se rouvrirent sur une expression féline, presque sauvage.
Mes mains glissèrent le long des épaules de Chloé et, m’emparant de ses avant-bras, je la guidai vers le canapé impatient de nous accueillir.
– Ne bouge pas ! lui dis-je après l’avoir étendue parmi les coussins ravis, je vais m’occuper de toi !
Elle me mangeait des yeux, l’air égaré, la bouche entrouverte, haletante.
J’entrepris de délacer le haut de son t-shirt pour démasquer son adorable poitrine qui semblait frétiller d’impatience, mais sans aller plus loin.
Je lui retirai ses escarpins, puis entrepris de faire glisser sa jupette. Elle m’aida en soulevant son bassin. Ces quelques gestes me permirent de maîtriser mon trouble et j’achevai de la dénuder avec des gestes d’officiants, me livrant à un véritable rituel. Assise à ses côtés, je la contemplai dans sa nudité triomphante. Quelle était donc belle ! Un corps parfaitement harmonieux, équilibré à souhait, musclé, ferme et souple, tout recouvert d’un adorable duvet et parsemé de taches de son. Je la contemplai longuement, laissant mon regard errer de-ci de-là.
À son tour, elle entreprit de me dévêtir et, quelques instants plus tard, nous étions toutes deux entièrement nues.
– Laisse-moi faire ! lui glissai-je dans le tuyau de l’oreille. Ferme les yeux !
Elle était à nouveau étendue de tout son long sur le canapé.
Je me mis à parcourir son ventre du bout de mon nez, la reniflant comme un petit chien, laissant de temps à autres passer un tout petit bout de langue qui, l’effleurant à peine, lui arrachait de petits gémissements de plaisir.
Je goûtais sa peau, m’imprégnais de son odeur, cette odeur qui se faisait de plus en plus prégnante, de plus en plus enivrante, à mesure que je progressais. Tel un explorateur à la découverte d’une contrée nouvelle, je voulais connaître le moindre recoin de son corps, en découvrir toutes les saveurs, m’imbiber de sa plus secrète intimité. Un pays, oui ! avec ses collines et ses vallées, ses plaines et ses bosquets, son oasis délicieusement parfumée, ses courbes pleines et ses branches lisses et souples, la flamboyance de sa forêt incendiée qui encadrait ses deux lacs clairs aux reflets si troublants qui plongeaient dans l’infini de son être. Une symphonie de tons chatoyants, de rythmes sans cesse changeants, de courbes s’engendrant l’une l’autre, de déchirures poignantes : autant de gouffres plongeant dans son intime et moite douceur. Et le tout vivant sous mon souffle, sous mes caresses encore à peine marquées.
Un doux frisson d’admiration et d’amour me parcourait l’échine alors que je promenais mes yeux ébahis et mon souffle amoureux sur ce paysage unique et mouvant, le plu beau pays au monde, mon amour : le pays de ton corps !

À l’instar des régions vivantes de notre planète, le pays de ton corps est sans cesse brassé par des séismes, des glissements de terrain, des tremblements de chair ; il voit jaillir des geysers, il assiste à des éruptions, il est le témoin d’écroulements grandioses. Il bruisse, il chante, il hurle parfois : il vit !
Les ondes qui le parcourent, sous ta peau tendre et ferme, sont, je le sais, les réponses à mon souffle qui, tel un sirocco débridé, parcourt ta surface énervée par le galop de mes doigts, la pression de mes paumes, les léchouilles et les intrusions de ma langue fouineuse, avide, coquine…

Nous sommes assises l’une en face de l’autre, nos jambes mêlées, nous mangeant d’un regard dont l’intensité me bouleverse : l’amour profond, le désir puissant que je lis dans tes yeux me court le long de l’échine et met en transes, se répand en moi comme une coulée de lave dégringole le cône du volcan ; oui, du volcan, car nous sommes bien en éruption, toi et moi ! Nos souffles rauques, nos respirations haletantes, nos peaux écarlates, nos corps parcourus de frissons incoercibles, ces picotements, ces déchargent qui nous traversent, nous soulèvent… et l’éruption, le cataclysme qui s’annonce…
Tu as présenté tes doigts serrés l’un sur l’autre à l’entrée de mon vagin, et je me suis empalée sur ce pic de chair, je t’ai bloqué la main un instant, pour lui signifier de ne pas bouger, et c’est moi qui m’embroche, me précipite à l’encontre de tes doigts immobilisés, me retire et revient sans cesse, danse autour de tes doigts figés, me remue, me démène, m’excite, me masturbe sur tes doigts qui vibrent, qui frémissent, qui recueillent ma mouille qui se fait de plus en plus abondante.

Je ne sais plus comment, mais quelques instants plus tard, nous étions en train de nous lécher le sexe comme deux bêtes, têtes bêches, avides, sauvages, déchaînées, seulement conscientes d’être la proie du plus ravageur, du plus impérieux des désirs.
Écrasés sur son buste, mes seins décrivaient sur sa chair incandescente des cercles de feu qui achevaient de me catapulter aux portes de la jouissance. Je sus, aux spasmes soudain plus violents, plus rapprochés, qui la secouaient, que son orgasme était proche, ce qui précipita l’arrivée du mien.
Me souvenant soudain avoir découvert tout récemment que j’étais une « fontaine » et que mon « geyser » risquait de surprendre Chloé, voire de la choquer, je me mis à crier :
– Attention ! ça va gicler !
Je me retins un instant, indécise, n’osant m’abandonner. Mais Chloé fut saisie d’un soudain tremblement et se mit à pousser une série de petits cris aigus : elle entrait en jouissance. Je ne pus me contenir et me laissai alors submerger par la toute puissance d’un orgasme ravageur.
À travers le bourdonnement de mes sens en pagaille, je perçus la voix de Chloé :
– Waouh ! ooooh ! mais qu’est-ce que c’est que ça ??? Yahouuuu !…
J’explosais, je ne savais plus où j’étais, mille étoiles explosaient en tournoyant devant mes yeux, tout se mélangeait…
Reprenant peu à peu mes esprits, je réalisai que Chloé était en train de me boire, le visage inondé, l’œil allumé, l’air ravi… à l’évidence, elle était à la fête ! Un filet de ce liquide incolore que je venais d’émettre puissamment coulait le long de ses lèvres, et sa langue cherchait à en recueillir jusqu’à la dernière goutte.
Ma crainte n’avait pas eu raison d’être !
– Tu m’avais caché ça, coquine ! me dit-elle, d’un air gourmand, l’œil pétillant.
Puis, redevenant soudain grave, elle vint se lover tout contre moi, le visage tout baigné d’un mélange de cyprine et de ce curieux liquide ; elle se blottit tout contre moi et me murmura d’une voix infiniment tendre, sur un ton presque triste :
– Je t’aime, toi ! je ne savais pas qu’il y avait moyen d’aimer aussi fort !
Je la serrai contre moi, comme si je voulais l’envelopper toute et lui chuchotai :
– Pardonne-moi, ma chérie, mon amour, d’avoir mis si longtemps à le comprendre.
Elle me sourit avec une douceur ineffable et me dit sur un ton où perçait un léger reproche :
– Et… et… les hommes, ça ne va te manquer ? Castor, il te plaisait bien, non ?
– C’est vrai ! et ils me manqueront sans doute ; leur virilité, les plaisirs du sexe, leur intensité, c’est clair ! Mais l’amour, ma chérie, la tendresse, la descente au cœur de ce que nous sommes, le partage absolu, cet abandon si complet, cette confiance absolue, ce… ce… oh ! je ne trouve pas de mots… quand je te fais l’amour, je ne sais plus où je suis, ni si ce n’est pas toi qui es à ma place, je… cette fusion ! voilà, oui !… ça, c’est nous, mon amour, ma chérie, c’est nous, unies à tout jamais !

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