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 Les Amantes. - Ce-Line

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MessageSujet: Les Amantes. - Ce-Line   Les Amantes. - Ce-Line Icon_minitimeSam 30 Déc 2017 - 13:35

Pseudo de l'auteur : Ce-Line

Nombre de chapitres : en cours

Rating de l'histoire :  PG13 (peut contenir des mots crus et choquants)
Genre de l'histoire : Romance - Dramatique

Résumé de l'histoire :

Léna et Emma rentrent dans leur ville natale, Bordeaux, après 5 ans de vie commune à travers la France. Ces deux jeunes femmes sont ensemble depuis plus de 6 ans. Leur amour est fusionnel, est passionnel.
Pour autant, tout peut basculer à la suite d'une rencontre, Morgane. Cette dernière va chambouler leur vie : Attirance, Jeu, Colère, Incompréhension, Attachement...

Tout cela fait dorénavant partie de leur quotidien qui se retrouve chamboulé. Léna était à des millions de lieues de cela, sur sa petite colline verte à vivre d'amour et d'eau fraîche : depuis, ce n'est qu'un tourbillon d'émotions...
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MessageSujet: Re: Les Amantes. - Ce-Line   Les Amantes. - Ce-Line Icon_minitimeSam 30 Déc 2017 - 13:37

Chapitre 1 - Prélude
Young Dumb & Broke

Léna, jeune femme de 24 ans ne s’attendait pas à ce que sa vie change depuis le retour dans sa vie natale. La vie est faite de rencontres. Elle est rythmée par les rencontres finalement. Ces dernières fondent le caractère.
La première rencontre de la vie est celle avec nos parents, notre famille. Leur éducation forme, apprend les codes sociaux, ce qu’il faut faire et ne pas faire, le bien et le mal. Durant cette période, il y a beaucoup de comportements qui se calquent également : il y a les « il faut » mais en tant qu’enfant, l’observation des comportements des grands, de nos parents, de nos frères et sœurs a également son importance. Puis, vient le temps de l’école où nous côtoyons d’autres personnes, hors cadre familial : ce sont des nouvelles rencontres qui vont nous apporter d’autres points de vue, d’autres repères.
Karin Tuil dit dans l’un de ses ouvrages : « Tout dans la vie n’est qu’une question de détermination et de désir. Tout n’est qu’une question d’opportunités, de rencontres et de chances à saisir. » Une rencontre peut tout basculer et tout bousculer.

Léna ne connaît pas cette phrase, mais pour autant, ces pensées s’en rapprochent en séchant mes cheveux blonds mi- longs, la tête à l’envers avec ma serviette. Cela fait 6 ans et demi qu’Emma et Léna sont ensemble. Léna n’a que 23 ans et vient juste d’être diplômée en tant que kiné. Pour autant, malgré son jeune âgé, elle sait que c’est avec elle qu’elle souhaite fondée une famille : 6 ans et demi d’amour et d’eau fraîche, de hauts mais aussi des bas, comme dans toute vie.
Léna se prépare pour aller au travail : elle a tellement transpiré cette nuit qu’elle a dû se doucher en ce matin du mercredi 13 décembre 2017 pour pouvoir être présentable devant ses patients. Elle travaille dans un cabinet non loin de leur modeste appartement situé dans la banlieue proche de Bordeaux. Elle se relève et redresse sa tête : il va falloir maquiller les cernes, maquiller les yeux rouges et gonflés, ravaler sa peine et se bouger.
Emma est restée dans le lit, elle a mis son réveil pour 11h. Elle travaille au sein du club de volley-ball dans lequel toutes deux sont inscrites. Elles jouent dans la même équipe, depuis toujours, depuis 7 ans. C’est d’ailleurs au volley qu’elles se sont connues et depuis, plus quittées. Léna avait 16 ans, Emma 20.

Un peu de fond de teint ainsi que du blush sur ses joues, une touche de mascara et Léna est prête à partir. Elle se dirige dans la chambre, embrasse Emma tant bien que mal, rongée par la peur, l’incompréhension, la peine.

« Ca va ? Tu as l’air fermée, dit Emma à moitié endormie
- Autant que faire se peu, c’est difficile. Je n’ai pas beaucoup dormi et le peu de temps de sommeil, ce n’était pas très réparateur.
- A tout à l’heure, bon courage pour ta matinée mon ange. Je t’aime, tu le sais. »

Léna reste assise quelques secondes au bord du grand lit blanc Ikea en la regardant.
- Oui, je le sais que tu m’aimes. Oui, je le sais car moi aussi. Seulement, c’est difficile car une autre occupe tes pensées : Morgane -


« A tout à l’heure oui. Je pense que je rentrerai vers 15h à peu près. »

Léna se lève du lit, lui caresse une dernière fois ses cheveux long bouclés châtains et se dirige vers l’entrée de notre appartement. Elle enfile son manteau, un bomber vert kaki venant de chez Bonobo, met ses chaussures, prends son sac, ouvre la porte et part pour le travail.
Elle secoue légèrement la tête, en fermant la porte de l’appartement pour se remettre les idées en place.
-Comment est-ce possible qu’en 3 semaines tout se soit accéléré ? J’avais fait part de mes craintes, je l’avais senti et je l’ai communiqué à Emma. J’ai eu confiance en elle et voilà où nous en sommes quand même aujourd’hui. -

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MessageSujet: Re: Les Amantes. - Ce-Line   Les Amantes. - Ce-Line Icon_minitimeLun 1 Jan 2018 - 16:50

Chapitre 2 – Se souvenir
https://www.youtube.com/watch?v=zMbIipvQL0c&index=8&list=RDMMTyHvyGVs42U

Emma ne parvenait pas à se sortir du lit. Elle aussi était perdue. Tout s’était passé tellement rapidement. En quatre semaines, tout avait basculé. En quatre semaines, Morgane, jeune femme de 27 ans aux cheveux de jais, à la voix douce et suave, avait percé sa coquille peu à peu. Emma avait souvent répété que c’était un coup de foudre amical. Dans le lit, seule, Emma essaie de se souvenir des mois passés : elle s’enroule un peu plus dans la couette, couvre son corps fin et musclé et réfléchit.

En août 2017, Léna et elle étaient revenues sur Bordeaux, leur ville natale. Elles avaient trouvé un appartement après plusieurs semaines à vivre chez leurs parents respectifs. Ce n’était pas simple à gérer, après 5 ans de vie commune, de devoir retourner vivre chez les parents, même si ce n’était que temporaire. Cela avait été difficile, mais elles avaient supporté cette situation ensemble, pour finalement emménager dans leurs 65 mètres carrés en banlieue bordelaise le 8 septembre 2017. Elles avaient dormi pendant un mois sur leur canapé Ikea, gris anthracite, dans le salon, le temps de commander un nouveau lit chez le même fournisseur suédois. Léna avait toujours souhaité dormir une nuit entière sur ce canapé. Elle avait été servie pendant un mois : cette pensée fait sourire tendrement Emma.

La reprise des entraînements du volley s’était également effectuée dans ces eaux-là, début septembre. Au départ, il s’agissait de séances de physique pur et dur : du footing, des accélérations, du gainage, des pompes : de quoi bien faire transpirer pendant une bonne heure et demie.
Emma se faisait également à son nouveau travail : elle rencontrait les membres du club omnisport et de la section de volley-ball. Le président du club lui expliquait ses attentes : gérer l’administratif du club, faire découvrir l’activité du volley-ball dans les écoles, mais également être coach de l’équipe départementale féminine du club. Léna et Emma font partie de l’équipe pré-nationale.

Tout se déroulait plutôt bien. Léna était épanouie dans son travail. Elle s’entendait bien avec ses nouveaux collègues et prenait confiance en tant que nouvelle thérapeute. Il n’était pas simple pour elle, au départ, d’intégrer le cabinet. En effet, venant d’être diplômée, elle avait besoin de prendre confiance en elle. De plus, il n’était pas simple d’intégrer une équipe exclusivement masculine. Cela ne lui faisait pas peur, mais certains patients avaient des préjugés : « Vous êtes bien frêle, vous allez vous fatiguer ! »
Ce genre de remarque était rare, mais c’était déjà arrivé. Oui, Léna n’avait pas une carrure de camionneuse : petite blondinette aux yeux bleus de 1,65m pour 52 kilos, mais avait surtout un caractère bien trempé. Elle ne se laissait pas impressionner par ce genre de remarques pleines de préjugés. Elle jubilait d’autant plus quand certaines personnes sortaient de la séance complètement lessivées, soulagées, mais lessivées.

Emma tente de se souvenir, recroquevillée dans le lit, des dernières semaines, riches en émotions.
Tout avait commencé à déraper lorsqu’Emma et Morgane s’étaient rapprochées. En effet, Morgane lui avait proposé de l’aider à coacher l’équipe départementale : jamais elles n’auraient cru ne plus contrôler cette situation.
Elles avaient pris l’habitude de se retrouver le mardi après-midi aux alentours de 17h au café du magasin Cultura. Discussions après discussions, elles se découvraient et s’appréciaient de plus en plus. Emma l’avait même qualifiée de « coup de foudre amical ». Mais Léna avait confiance et était même contente que sa compagne se fasse une nouvelle amie, avec qui elle puisse discuter de tout : du volley, comme de la politique en passant par la musique et le cinéma.

Emma se retourne dans le lit et plonge sa tête un peu plus dans l’oreiller. Ses cheveux sont en bataille, recouvrent son visage et ses yeux sont humides :
-Si seulement tout était resté amical. –

Emma avait toujours redouté d’entraîner une équipe. En effet, elle avait plutôt suivi une formation de Management Sportif et Evènementiel Sportif. Mais petit à petit, avec le collectif sympa de cette équipe, elle y avait pris goût. Et qui dit sport collectif, dit cohésion d’équipe, dit partage de moments et donc sous-entend de la complicité. Elles avaient fait plusieurs soirées ensemble, après lesquelles Emma était rentrée aux alentours de 7h du matin. Léna n’y était pas spécialement conviée, mais elle n’avait pas été vexée : il est important que cette équipe se découvre et Léna n’en faisait pas partie.

Léna venait de se faire opérer des dents de sagesse (et sans terminer comme un hamster) quand elle avait fait remarquer à Emma qu’elles les avaient légèrement trouvées proches. Léna avait assisté au match de la départementale ce dimanche-là, le 26 novembre, 4 jours après son opération. Après cette rencontre sportive, il y avait un repas prévu dans un restaurant pour l’anniversaire d’une des joueuses, Clara.
Morgane était assise en bout de table, Emma à sa gauche et Amélie à sa droite. Léna était placée à la gauche d’Amélie.
Pendant tout le repas, Léna s’était sentie à l’écart, mais se résonnait en se disant qu’elle ne pouvait pas être si intégrée vu qu’elle ne connaissait personne. Elle avait donc bien discuté avec Clara et Alice, deux filles de l’équipe. Le soir même, dans le lit, Léna avait dit à Emma :

« Tu sais, cet après-midi, je ne me suis pas forcément sentie à l’aise…
- Ah bon, pourquoi ça mon ange ? avait demandé Emma en se mettant face à sa compagne.
- Je vous ai trouvées vachement proches toutes les trois avec Morgane et Amélie. »

Amélie était la compagne de Morgane depuis un peu plus de deux ans. Elle faisait partie de l’équipe départementale et en était même la capitaine. Elle était grande, avait des cheveux châtains et des yeux verts.

« Ne le prends pas mal, mais j’avais l’impression d’être face à un triangle amoureux dont je ne faisais pas partie. Je n’y étais pas intégrée. Vous étiez taquines. Je ne t’ai jamais vue comme ça avec d’autres personnes que Cécile, Estelle et les autres filles de la bande… je ne suis pas jalouse hein, mais ça me fait bizarre quand même.
- Ah, je n’ai pas spécialement remarqué honnêtement. Après tu sais, Morgane est taquine, elle chambre facilement, donc je réponds et je chambre aussi Amélie. Et puis aussi, c’est difficile de s’intégrer directement mon ange.
- Je sais. Puis la configuration de la table n’aidait pas forcément non plus. Mais bon, je ne sais pas, j’ai quelque peu tiqué quand même.
- En tout cas, je te le dis, il n’y a rien. On se vanne beaucoup toutes les 3. Cela t’inquiète vraiment ? avait demandé Emma.
- Avant, tu sais, je ne t’en aurais pas forcément parlé directement. J’aurais épongé et cela aurait sûrement explosé un jour quand une goutte d’eau aurait fait débordé le vase. Tu m’as beaucoup apportée de ce côté-là, donc je préfère t’en parler et je me sens capable de t’en parler « tôt » plutôt que de rester dans le silence et d’accumuler pour entraîner une réaction démesurée après…
- Je comprends ta démarche, mais ne t’inquiète pas. Il n’y a que toi. »

Emma avait pris Léna dans les bras en l’embrassant tendrement. Après ces confidences, elles s’étaient endormies l’une contre l’autre, Emma dans le dos de Léna, recroquevillées et se tenant chaud dans le lit.

Emma se met maintenant à plat ventre dans le lit, la tête sur l’oreiller de Léna qui sent son odeur.
-Non à cette époque-là, il n’y avait rien, j’en suis sûre-.
Après quelques minutes silencieuses spirituellement parlant, elle se redresse dans le lit. Il est temps pour elle de se lever. En se remémorant les mois passés et ces dernières semaines, elle ne parvient pas à se rendormir. Elle enfile sa robe de chambre, se lève et ouvre les volets de la chambre.

Petit à petit depuis ce restaurant, la situation avait dégénéré. Emma avait parlé des craintes de Léna à Morgane. Cette dernière avait assuré qu’il n’y avait rien de son côté non plus et de même pour Amélie. Dans un premier temps, la situation avait été éclaircie. Elles avaient même passé tout un dimanche après-midi toutes les 4 après un match à parler de tout et de rien. Au football, on parle de 3ème mi-temps. Au volley, on parle plutôt de pot d’après-match.
Léna avait parlé de ses craintes, elle avait été rassurée et ces peurs s’étaient effacées. Elle souhaitait juste découvrir ces personnes qu’Emma apprécie. Elles avaient beaucoup ri. Léna avait été satisfaite car elle ne s’était pas sentie à l’écart. Elle s’était même trouvé des points communs avec Morgane : Harry Potter et en général les films fantastiques.

La vie reprenait petit à petit son cours. Léna ne se méfiait pas quand Emma et Morgane se voyaient lors de leur rendez-vous hebdomadaire. Elle se donnait toujours à fond dans son travail, au volley, à la course à pied en préparant son semi-marathon. Léna était satisfaite de la vie qu’elle menait, elle était heureuse d’habiter avec la femme qu’elle aime, d’être nouvellement marraine de la fille de sa grande sœur, Jessica.
De petits évènements venaient parfois piquer sa curiosité, sans l’alarmer. En effet, une semaine après, Morgane avait rompu avec Amélie. Elles sont restées en bon terme.

Cependant, les moments entre Emma et Morgane devenaient de plus en plus taquins et peut-être même plus tactiles. Emma pensait pouvoir gérer la situation, au départ. Elles avaient même parlé sexualité : ce sujet ne doit pas être un tabou au 21ème siècle, mais Emma avait avoué qu’un éventuel plan à 3 voire à 4, en intégrant Amélie, ne la dérangerait pas.
Léna ne savait rien de tout ça. Elle ne savait pas qu’au café, elles se dévoraient du regard et que les discussions pouvaient être tendancieuses sur Facebook.
Durant ces moments de complicité, Emma ne se doutait pas que son coup de foudre amical pour Morgane se métamorphosait en attachement. Les sentiments évoluaient et elle s’était rendue compte que Morgane lui plaisait : physiquement par ton teint mat, par ses cheveux de jais lissés, par ses yeux marrons virant vers le noir, par sa voix douce et suave et son rire innocent. Mais, elle lui plaisait également par ses réflexions, son parcours atypique.
En pensant à tous ces détails décrivant Morgane, Emma sent un sourire se dessiner sur ses lèvres fines, trahissant également son bas ventre qui se réveillait légèrement. Elle secoue la tête.
-Je ne peux pas penser comme ça. Je ne peux pas. Je sais ce que je souhaite et ce que je veux. Je ne veux pas perdre Léna : c’est avec elle que je veux voyager, découvrir le monde, grandir et vieillir. Je l’aime, c’est Léna que j’aime du plus profond de mon être. -

Emma avait tout avoué à Léna, tout de suite après avoir réalisé qu’elle s’attachait à Morgane. Léna termine tard au cabinet le mardi. C’est ce qu’elle aime dans son travail : travailler par grosse demi-journée pour pouvoir avoir du temps libre pour sa vie privée.
Hier, le mardi 12 décembre, Léna était rentrée à l’appartement aux alentours des 21h30. Emma n’était pas encore arrivée. Elle avait posé ses affaires, mis la table et attendu en lisant son livre « The Handmaid’s Tale ». Sa compagne était arrivée vers 22h. Toutes deux avaient une petite tradition : se dire « go » quand une partait du travail ou rendez-vous pour se tenir au courant du retour à la maison.
En entrant dans l’appartement, Emma avait le visage fermé et triste à la fois.

« Ca va mon ange ? Comment s’est passée la journée ? avait demandé Léna en fermant son livre.
- Attends, laisse-moi le temps d’arriver. »

Son ton était froid et sec. Cette réaction était typique d’Emma. Il ne fallait pas la brusquer lorsqu’elle était sur les nerfs. La mettre sous pression était le meilleur moyen de la braquer et d’envenimer la situation. Léna en était parfaitement consciente.
Emma avait posé son manteau et son sac. Sa compagne était repartie dans la cuisine afin de terminer la préparation du repas : une poêlée parisienne surgelée. Elle attendait qu’Emma vienne lui parler d’elle-même.

« J’étais avec Morgane cet après-midi et ce soir.
- Je sais, vous vous voyez le mardi. Cela s’est bien passé ? Vous avez bien préparé l’entraînement ?
- Oui, on est restées au café du Cultura jusqu’à la fermeture et on est allées à Flunch car Morgane avait faim.
- Ah d’accord, donc tu as déjà mangé ?
- Non, j’ai juste picoré des olives dans son assiette.
- Amour, qu’est ce qu’il s’est passé ? avait demandé Léna en cherchant sa compagne du regard. »

Emma avait mis quelques secondes avant de répondre à Léna. Elle n’osait pas la regarder dans les yeux.

« Je ne contrôle plus avec Morgane. Je crois que je me suis attachée à elle, elle m’attire… »

Léna avait lâché la cuillère en bois dans la poêle. Elle s’était rapprochée d’Emma.

« Depuis quand ?
- J’ai commencé à m’en rendre compte hier bébé. Je pensais gérer la situation, ce n’était que des taquineries. Mais ce n’est rien, je le sais.
- Ah bon, ce n’est rien ? Tu es attachée, elle t’attire et ce n’est rien ?
- C’est ce que je lui ai dit : mes sensations pour elle ne sont que primaires. Te concernant, mes sentiments sont plus profonds, ils sont réels. Je sais ce que je veux : c’est toi.
- Je ne peux pas te croire, j’aimerais, mais je ne peux pas. Là, tout ce que je me dis c’est que j’avais bien raison de tiquer au restaurant. Je me dis aussi que je t’ai poussée à continuer à la voir parce que j’étais contente que tu te fasses une nouvelle amie : je t’ai juste poussée dans la gueule du loup. 
- Non pas du tout. Tu m’as fait confiance, tu nous as fait confiance. »

Toute cette soirée n’avait été qu’explications, pleurs. Il n’y avait pas eu d’énervement, juste de l’incompréhension. Léna avait dit : « Tu ne te rends pas compte. Je t’ai parlé de ma crainte, je t’ai dit que ça m’avait dérangé. On a échangé et discuté. Je t’ai fait confiance et 2 semaines plus tard tu me dis ça. J’étais sur ma petite plaine d’herbe verte et là, ça me projette dans la falaise ».
Elles avaient discuté de la façon de gérer la chose. Emma avait déclaré qu’elles allaient se « sevrer » de cette relation et ne plus parler à Morgane petit à petit. Tout était chamboulé en Léna : elle ne ressentait pas de haine, elle ne leur en voulait pas car ces sentiments sont humains. Elle s’était même dit : « Comment en vouloir à des personnes de se plaire ? Les rencontres sont humaines. » Cela lui faisait mal, elle avait peur car elle se trouvait dans un tourbillon déferlant et elle ne parvenait pas à voir le soleil briller lui montrant le chemin et la guidant.

Emma se fait un café dans la cuisine pour son petit-déjeuner. Léna finit de travailler vers 14h : il est 11h. Il lui tarde qu’elle rentre.
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MessageSujet: Re: Les Amantes. - Ce-Line   Les Amantes. - Ce-Line Icon_minitimeMar 2 Jan 2018 - 23:47

Chapitre 3 – Gérer la situation


Pendant qu’Emma se remémore tous les évènements passés, Léna travaille. Le mercredi, elle commence généralement à 8h : elle aime arriver légèrement en avance pour préparer la salle et se mettre en tête chaque personne qu’elle va voir en cette matinée.
La jeune femme se gare sur le parking réservé à ses collègues et elle derrière le cabinet. Maxime est déjà là : elle n’a pas à ouvrir et tout installer :

-Ouf, car ce matin, j’ai clairement la flemme. Pourvu qu’il y ait des annulations ! -

Léna n’aime pas penser de cette façon, mais elle est tellement assommée par tout ce qu’il se passe en elle qu’elle souhaiterait juste dormir paisiblement, dans le silence, sans aucune image ni pensée. Elle ouvre la porte de derrière et dit :

« Bonjour tout le monde ! »

Les deux patients déjà présents lui répondent avec un sourire dessinés sur leurs lèvres. Léna traverse la salle de rééducation pour rejoindre le bureau. Maxime, son collègue, est assis devant l’ordinateur et pointe ses séances du jour.
Maxime avait été celui qui l’avait recrutée et qui s’est le plus occupé d’elle depuis son arrivée dans le cabinet. Il continue de la forme par ses expériences, ses formations complémentaires et sa soif d’apprendre : car même si le diplôme est obtenu, le meilleur apprentissage reste le terrain. Léna aime sa profession pour cela : chaque cas, chaque blessure est différente parce que chaque personne est unique.

« Salut Maxime ! Ca va ?
- Plutôt bien et toi ? Tu as fini à quelle heure hier soir ?
- Ca va, un peu fatiguée ! Il pique le réveil à 7h20 quand même ! Vivement ce week-end honnêtement ! Oh tu sais, hier j’ai fini comme d’habitude, aux alentours de 21h30. »

Maxime est grand et porte des lunettes. Le troisième kiné à être présent le mercredi matin est Sam : le Hobbit du cabinet. A son arrivée, il y a trois ans déjà, les trois associés (Maxime, Pascal et Christophe) l’avaient surnommé le Hobbit en raison de sa petite taille de 1m70 pour un homme, sa barbe bien fournie et sa perpétuelle bonne humeur.
Après avoir fait la bise et discuté brièvement avec Maxime, Léna pose son manteau, son sac, attrape sa bouteille d’eau. Elle s’assoit devant l’ordinateur et commence à pointer les rendez-vous de la matinée. Son premier patient n’est pas encore arrivé. Son planning est tranquille, elle est rassurée et souffle un coup. En attendant que Mr Régent arrive, Léna pense à l’entraînement de volley ce soir qui a lieu à 20h30.

-Comment je vais faire ? Est-ce-que j’ai réellement envie d’y aller ? J’ai envie de taper du ballon un peu mais pas de les avoir en face de moi pendant deux heures. Même s’il ne s’est rien passé de physique selon Emma, l’attachement et le désir sont présents. Mais pour autant, pourquoi serait-ce à moi de me priver finalement ? –

La situation était compliquée pour cela : toutes les trois se côtoyaient au volley, dans la même équipe, en pré nationale. Morgane et Emma se voyaient en plus pour le coaching de la départementale. Mais le volley est un sport collectif expressif : en effet, à chaque point, les joueurs se rejoignent au centre du terrain pour crier leur joie de gagner chaque point.

« Bonjour Léna, comment ça va ? Je commence par 10 minutes de vélo pour m’échauffer ? »

Monsieur Régent vient d’arriver et ainsi de sortir Léna de ses pensées qui vont et viennent à tout allure sans aucun filtre. Elle secoue légèrement la tête, la relève, sourit et regarde le jeune homme :

« Salut ! Commence par le vélo Kévin : 5 minutes sans résistance et après tu l’augmentes toutes les minutes. Comment va ta cheville ?
- Cela a tiré un peu le soir même après la séance, mais aujourd’hui c’est nickel !
- Parfait, dès que tu as fait tes 10 minutes, tu viens sur la table que je la regarde de plus près ! »

Monsieur Régent sourit, met en place ses écouteurs et commence à pédaler. Léna a envie de parler, d’en parler à quelqu’un. Elle pense à sa sœur Jessica qui ne la jugera certainement pas. Elles ont treize ans de différences et ont seulement le même père. Leur relation est fusionnelle. Léna attrape son téléphone et commence à lui écrire un message :
« Salut Yaya ! J’espère que tu vas bien, que tu te reposes petit à petit ! Comment vont ma petite filleule et ma nièce ? Dis moi, demain matin tu fais quel chose ? Je ne travaille pas et j’aimerais que l’on se voie si tu es disponible. Gros bisous »
Jessica avait accouché deux mois auparavant d’Agathe et elle avait demandé à Léna d’être la marraine. Anabelle, qui a 4 ans, était très fière d’être grande sœur. Depuis l’accouchement, Léna passait régulièrement chez sa sœur le lundi pour garder Agathe lorsque Jessica avait des impératifs.

Après avoir cliqué sur le bouton « Envoyer », Léna pose son téléphone, préalablement mis en mode sonnerie, dans sa bannette au coin bureau. Monsieur Régent a fini de pédaler, elle lui montre une table de massage dans la salle de rééducation. Il enlève sa chaussure pour mettre à disposition sa cheville et s’allonge sur la table. Léna commence mobiliser et masser sa cheville tout en discutant.
Au fur et à mesure, les patients arrivent, mettant ainsi un peu plus de vie au sein du cabinet, qui était pour l’instant, silencieux. Sam est arrivé à 9h : l’équipe du mercredi est ainsi au complet. Toute cette animation, toutes ces discussions font reculer les souvenirs de la veille et permettent à Léna de respirer et non plus de suffoquer.
Au total, ce mercredi matin, Léna s’est occupé de 13 patients et a discuté brièvement par sms avec sa sœur. Léna est contente car elle voit Jessica le lendemain matin à Auchan Bordeaux Lac car Yaya doit récupérer un cadeau pour Laurent, son compagnon.

Aujourd’hui, Léna termine sa journée aux alentours de 13h. C’est le cœur lourd qu’elle reprend sa voiture pour rentrer après avoir envoyé le « Go » traditionnel par message à Emma.
Léna gare sa voiture sur leur place réservée dans sa résidence et rentre dans leur immeuble haut de 4 étages. Emma et elle habitent au 1er étage. Après avoir regardé s’il y avait du courrier dans la boîte aux lettres, Léna monte les 17 marches de l’escalier et rentre chez elles. Emma est dans la cuisine, en train de préparer le repas.

« Tu aurais pu sonner Amour. Cela t’aurait évité de galérer avec la porte, elle est un peu chiante à ouvrir, dit Emma.
- J’avais les clés sous la main, et puis j’ai regardé le courrier. Ce n’est pas grave. »

Léna a envie de contact, elle se rapproche de la femme qu’elle aime pour l’embrasser. Seulement, Emma paraît froide et ne bouge pas en direction de Léna.

« Qu’est ce qu’il y a ? Tu es énervée ? demande expressément Léna
- Un peu… Ce n’est pas agréable de te voir rentrer comme ça. Tu pars ce matin tu es de mauvaise humeur et là tu rentres en étant égoïste, dans ta bulle.
- Je rêve… Je t’arrête tout de suite. Tu souhaites te prendre la tête pour ça ? Vraiment ? Pour une histoire de clé ? A ce moment même, tu me fais des reproches ?
- Oui, parce qu’hier, je t’ai dit tout directement. Je ne t’ai rien caché. Je t’ai dit que j’étais désolée, qu’il ne s’est rien passé physiquement. Je t’ai aussi dit que, Amour, c’est toi que j’aime. C’est avec toi que je veux continuer de grandir, mûrir, vieillir et fonder une famille, débite Emma en ayant les larmes aux yeux.
- Oui, c’est vrai, tu m’as dit tous ces mots. Tu m’as aussi dit que lorsque tu la voyais, tout était flou dans ta tête, que tu t’es attachée à elle et qu’elle te plaît. Laisse-moi du temps. Je n’ai pas haussé la voix hier soir, et je ne le ferai pas car je n’en ai pas envie. J’ai juste mal, et j’ai peur. J’essaie de comprendre, mais je n’arrête pas de me dire qu’en plus, je t’avais prévenue, j’avais tiqué ? Est-ce-que tu sais ce que je me disais après ?
- Non… Dis moi…
- Je m’étais dit que j’étais la copine relou et suspicieuse et je ne veux pas être ce genre de femme. Je crois même que je m’en suis voulue au fond de moi ! Et là, j’apprends tout ça ? Tout votre jeu sur Facebook, toutes vos attentions et vos moments… Donc oui, je suis déçue et j’ai mal… »

Emma pleure en silence face à son assiette. Léna prend la main de sa compagne et la regarde dans les yeux :

« C’est difficile pour toi et pour moi. Laisse un peu de temps à toutes nos émotions. Il n’est pas question de m’éloigner de toi ou inversement. Je n’en ai pas envie, mais alors pas du tout. Je veux juste avoir confiance en toi, mais comprends que l’image que j’avais de ta personne est un peu entachée. Je suis blessée mais mon amour pour toi ne change pas. J’arrive à me dire, à certains moments, que c’est humain de rencontrer des personnes et de ressentir des choses : c’est ce qui fait que nous sommes en vie aussi. C’est ce qui fait que la vie est un tourbillon. Donc sois, s’il-te-plaît, patiente avec moi. Il y aura des moments où je serai démonstrative et réceptive et d’autres plus difficiles à gérer…
- Tu le sais que je suis désolée. Tu sais aussi que Je t’aime. Dès que j’ai senti lundi que je ne maîtrisais plus tout ça, c’était horrible en moi. Horrible. Je ne pouvais pas le garder pour moi.
- Je comprends mieux pourquoi tu as eu peur que j’aie regardé ton ordinateur… Demain matin, je rejoins Yaya à Auchan. Elle doit récupérer le cadeau pour Laurent. Je vais faire un tour dans les magasins et on ira boire un café je pense. »

Emma serre la main de Léna et la caresse tendrement. Elles sont assises l’une à côté de l’autre, sur leurs chaises hautes de la cuisine. Aucune d’entre elles n’a encore touché à son assiette. Elles restent silencieuses un petit moment, à se caresser les mains.

« Cela peut te faire du bien d’en parler à quelqu’un oui. J’en parlerai aux filles, surtout à Laurine.
- Oui, et puis cela va me sortir aussi. »

Laurine est une amie de longue date d’Emma. Elles s’étaient rencontrées lors de leurs années lycées, lors de soirées entre jeunes lesbiennes. Depuis, toutes les filles de cette bande sont restées en contact et sont surtout très proches. Laurine est très grande, s’habille toujours en noir et a de longs cheveux lisses bruns.

« Ce soir, après l’entraînement, je resterai parler avec Morgane si cela ne te dérange pas ? Il faut que je lui dise qu’on met un terme à tout ça : comme une sorte de sevrage.
- Pas de soucis, je rentrerai. Tu me diras à quelle heure tu pars de là-bas. Ne t’étonne pas si je lui envoie un message dans la semaine pour lui parler ou pour la voir. Je pense que j’ai des questions à poser, j’ai besoin d’avoir son point de vue sur toute cette histoire.
- Ne lui fais juste pas de mal je t’en prie. C’est quelqu’un de bien…
- Je ne pense pas être dans l’optique de détruire une personne, que ça soit toi ou elle. Du peu que je connais d’elle, je l’apprécie et c’est ce qui rend la situation compliquée.
- Elle aussi t’apprécie, tu le sais. Elle en est mal de tout ça.
- Certes, mais ça ne vous a pas empêchées de vous chercher de plus en plus pendant je ne sais combien de temps. Même s’il n’y avait pas d’attachement, je pense que le désir était là des deux côtés depuis plus longtemps. Et de son côté, ça n’allait pas bien avec Amélie. Je me pose des questions Amour et je pense qu’elles sont justifiées…
- Tu gères comme tu le sens mon ange. Je te dis, pour moi, je vais lui parler ce soir : lui dire que ma priorité et mon futur c’est toi. Je vais lui dire que pendant les vacances, il n’y a pas volley, il n’y aura pas de contact entre elle et moi. Cela va être difficile mais nécessaire… »

Léna verse quelques larmes en entamant le contenu de son assiette : un mélange céréalier et une côte de porc. Elle ajoute un peu de moutarde sur la viande, la coupe et commence à manger une première fourchette. Cela a refroidi mais le met reste bon. Il est environ 14h et Emma part généralement au gymnase aux alentours des 15h.
Après avoir fini leur repas, les deux jeunes femmes débarrassent et mettent à chauffer un moelleux au caramel au four. Elles se posent ensuite sur le canapé pour s’apprêter à regarder un épisode de la série « How I met your mother » narrant les aventures de cinq new-yorkais dans les années 2000. C’est dans leurs habitudes de partager une petite gourmandise avec un café devant une série avant de reprendre le travail.

« Allume ton ordi, déclare Léna. Le moelleux est prêt dans 5 minutes et je ferai couler le café. »

Un épisode dure environ vingt minutes : elles trouvent que c’est le temps parfait pour partager un dernier moment de détente avant d’aller travailler.
Emma installe son ordinateur sur la table basse du salon. En général, elles s’assoient l’une près de l’autre sur la méridienne de leur grand canapé gris anthracite.
Léna apporte le café et le moelleux sur un petit plateau. Elle s’installe sur le canapé aux côtés d’Emma. Cette dernière prend le moelleux, en grande gourmande qu’elle est, afin de l’ouvrir pour qu’il refroidisse légèrement. Elles se sourient et partagent ce moment en tout simplicité, sous les plaids, à rire aux jeux de mots et situations comiques de la série.
Une fois l’épisode terminé, Léna s’attache à débarasser et ranger le bazar du repas tandis qu’Emma se prépare pour se rendre au gymnase. Elle se brosse les dents, met une nouvelle fois du déodorant, prend sa bouteille d’eau et quelques gâteaux :

« A tout à l’heure mon ange, dit doucement Emma en prenant son sac à dos et son manteau.
- Oui, bon courage avec tous tes groupes !
- Ca va aller de mon côté ne t’en fais pas ! Tu es sûre que ça ira toi ? Tu vas t’occuper hein ?
- Ne t’inquiète pas, ça ira ! »

Léna tend son front pour qu’Emma y dépose tendrement ses lèvres. Elle lui caresse les cheveux avant de relever son visage et l’embrasser.

« Il n’y a que toi, je ne veux que toi. »

Léna acquiesce d’un signe de tête et elles se sourient. Après un dernier baiser, Emma déverrouille la porte et sort de l’appartement pour rejoindre sa voiture. Elle pense au travail : elle a quelques dossiers administratifs à gérer avant de commencer les créneaux d’entraînement à partir de 16h. Elle commence par le Baby-Volley, puis l’équipe départementale en tant qu’entraîneur. Ensuite, à 21h, dès la fin de l’entraînement de l’équipe sénior départementale, ce sera son tour d’avoir le rôle de joueuse et de s’entraîner.
Elle appréhende d’entraîner les séniors. Elle aimerait savoir si Morgane va bien, si elle gère bien la situation de son côté. Emma, mardi, lui avait dit tout ce qu’elle ressentait pour elle. Elle lui avait également dit qu’elle ne voulait rien entre elles deux car Emma considère Léna comme la femme de sa vie. La jeune sportive repense à leur au-revoir au Flunch : elles s’étaient étreintes et cela avait été intense.
Intense car Morgane représentait l’interdit.
Intense car elle ne voulait rien risquer, mais ne rien perdre également.
-J’espère que cela va bien se passer ce soir. –

Léna tourne et vire dans l’appartement avant de trouver quoi faire réellement. Elle s’attaque à ranger quelque peu l’appartement : lancer une machine à laver et ranger le salon. Quelques manteaux traînent sur les chaises noires, elle replie les plaids posés en bazar sur le canapé après l’épisode de « How I met your mother ». Elle passe un léger coup de balai.
-Je n’aime pas faire ça, mais bon il faut. C’est plus agréable de vivre dans un endroit propre. Et puis, ça m’occupe. –

Léna allume une bougie de Maison du Monde, un magasin de meubles et décoration, sentant l’air frais marin. Elle sourit : cela sent bon. La bougie n’est pas entêtante. Cela lui rappelle les moments passés à l’océan avec Emma qui lui apprend à surfer alors que Léna a peur de l’eau. Cela lui rappelle ses premières sensations à faire tellement confiance à quelqu’un qu’elle surpasse sa peur, ses premières sensations debout sur une planche.
Elle attrape son ordinateur et commence à surfer sur le net :
-J’ai encore des cadeaux de Noël à trouver. Il me manque celui de Yaya, Laurent, les parents et la sœur d’Emma et mon cousin. –

Léna aime bien faire la chasse aux cadeaux en cette période de Noël. Après de longs moments passés sur une multitude de sites divers et variés, elle trouve à peu près son bonheur : des livres pour ses beaux-parents, un shaker pour faire rapidement de la pâte à crêpes pour son cousin, un coffret de thé pour sa sœur et un tour de cou pour Laurent.
Elle commande ces articles en mode « Click and Collect » : ils seront disponibles dès le lendemain dans la grande surface proche de chez elle, le Carrefour Mérignac Soleil.

Après avoir accompli cette tâche, Léna se motive pour aller courir. Elle se change rapidement, met une brassière de sport, un legging de course et un lycra. Elle attrape ses écouteurs Bluetooth, son téléphone ainsi que son brassard. Elle prend ses clés, enfile ses chaussures et sort de son appartement.
Léna court dans le parc non loin de son appartement. C’est un endroit boisé, parcouru par un petit ruisseau : un petit havre de paix apprécié des familles et des sportifs.
Léna court en écoutant sa playlist « Running » sur Spotify. Elle choisit le titre « Sunset Lover » de Petit Biscuit pour commencer sa course : c’est un morceau doux et progressif, parfait pour un échauffement. Elle active par la suite le mode aléatoire. La jeune femme se laisse mener par la musique. Son cœur s’emballe sous la contrainte de l’effort : elle aime cette sensation. Elle maintient une bonne allure de 11km/h pendant 45 minutes avant de rentrer chez elle. Il est 18h, il est temps de se doucher.
Elle se déshabille, met son téléphone sur l’étagère, le son monté à fond et se faufile sous l’eau chaude.

-Je n’ai pas envie d’y aller ce soir à l’entraînement. Il faut essayer de faire abstraction si j’y vais. Je dois y aller pour moi. Tiens, si j’apportais les genouillères pour Morgane. Je lui avais dit que je lui amènerais. Je suis encore bonne poire, mais je lui avais dit. Et puis, je verrai bien si elle se sent mal à l’aise ou pas…-

L’heure de l’entraînement arrive rapidement : il démarre à 20h30 et Morgane et Emma le rejoignent à 21h. Léna rentre dans le gymnase et se dirige directement vers les filles de la pré-nationale sans adresser un sourire à celles de la départementale. Elle s’en veut un peu, mais elle ne veut pas regarder.
Elle fait la bise aux filles déjà présentes : Estelle, Gabrielle, Sandra, Nina, Elodie, Roxane. Après avoir discuté brièvement, elles commencent à courir autour du terrain. Léna a les jambes lourdes de la course.
Emma et Morgane arrivent à 21h, Léna tressaille : cela lui fait mal de les voir. Elle baisse la tête et reprend son échauffement avec Nina.

Le coach, Eric, rassemble les filles au centre du terrain :
« Bonjour tout le monde. Après les quelques matchs précédents où on était à plat, on reprend peu à peu du poil de la bête et ça fait plaisir à voir. Alors on continue sur cette lancée !! »

Tout le monde sourit. Eric peut paraître dur d’apparence mais c’est une vraie crème. Léna est partie chercher les genouillères dans son sac, elle se rapproche de Morgane :
« Tiens, tu ne trouves pas les tiennes. Je t’avais dit au match précédent que j’avais une paire supplémentaire, tu les essaieras, débite Léna en souriant faiblement.
- Merci… Beaucoup. »

Morgane sourit timidement en retour, en baissant les yeux.
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MessageSujet: Re: Les Amantes. - Ce-Line   Les Amantes. - Ce-Line Icon_minitimeLun 8 Jan 2018 - 19:25

Chapitre 4 – Prendre une décision difficile

Léna tend les genouillères noires, légèrement abîmées à Morgane. Cette dernière ne sait pas comment réagir, elle sourit alors simplement et baisse les yeux. Il lui est difficile de regarder Léna en face, droit dans les yeux. Difficile parce que Morgane l’apprécie. Difficile parce qu’elle apprécie, plus qu’elle ne devrait, sa compagne. Difficile parce qu’elle ne veut pas faire de mal, même si cela est déjà fait. Difficile car tous ses sentiments sont chamboulés : Comment savoir ce qu’il faut faire lorsqu’on est tiraillé entre écouter son cœur, son corps et écouter la raison, cette petite voix dans la tête qui murmure que ce n’est pas bien, que cela ne doit pas arriver ?

« Je les essaierai pour l’entraînement de vendredi. C’est vraiment gentil, je ne m’y attendais pas Léna. »

Léna esquisse un sourire et pose brièvement la main sur son épaule. Ce contact les électrise. Dire que Morgane ne plaît pas à Léna et que Léna ne plaît pas à Morgane serait faux. Mais la situation demeure compliquée pour les deux jeunes femmes. Léna ne sait pas quoi penser :

-Pourquoi suis-je gentille avec la potentielle maîtresse de ma compagne ? Je devrais l’étriper, la mettre plus bas que terre. Au lieu de ça, je veux juste que tout se passe bien et qu’aucun mal ne soit rajouté. –

Léna retire rapidement sa main quand elle entend Eric, l’entraîneur, l’appeler pour qu’elle se mette à son poste pour un nouvel exercice. Morgane file vite poser les genouillères dans les gradins, proches de ses affaires.
L’entraînement commence réellement. Il est basé sur le travail de l’attaque, la défense et le contre. Emma joue au poste de centrale, au milieu du filet. Léna est la capitaine de l’équipe et joue réceptionneuse attaquante, c’est-à-dire ailière gauche au filet. Morgane est passeuse, le chef d’orchestre de l’attaque : elle distribue les ballons pour que les filles puissent attaquer devant. A elles trois, en match, elles forment une ligne offensive parfaite. Durant l’entraînement, Léna est souvent placée en tant qu’adversaire d’Emma et Morgane. Léna rit intérieurement :

-A croire qu’Eric sent les choses : les deux en face de moi, contre-moi. Je reste forte. Je ne craquerai pas. Le terrain c’est le terrain. Cela doit rester mon défouloir et elles ne m’enlèveront pas ça. -

Emma et Morgane rient beaucoup et sont complices. Léna regarde, observe mais ne bronche pas : elle préfère rester discrète et se concentrer pour se dépenser. Elle se jette sur tous les ballons, et donne tout à l’attaque, le plus agressivement possible. Elle est satisfaite de ce qu’elle produit ce soir et l’est d’autant plus lorsqu’elle défend les attaques d’Emma ou bien réceptionne les services Morgane.
Léna sait pertinemment que c’est de la fierté, mais cela ne la dérange pas, car rien n’est mesquin.

Emma lance de temps à autre des regards en direction de Léna qui reste plongée dans sa bulle. Elle observe ses attitudes et ses mimiques : elle n’a jamais été aussi constante mais le visage fermé à la fois.

-Elle donne tout. Elle ne me regarde même pas alors que d’habitude, on se comprend d’un simple regard. Je ne peux pas lui en vouloir. –

Emma se reconcentre sur l’entraînement. Pour l’exercice, Morgane est dans son équipe et Léna se retrouve une fois de plus dans l’équipe adverse, en défense. Morgane et Emma sont côte à côte sur la ligne offensive.
Emma prend une grande inspiration, elle ferme brièvement les yeux. Elle ne sent qu’une seule et unique chose : le parfum de Morgane, le classique de Jean Paul Gaultier. Elle se trouve vers la jeune brune et sourit en lui tapant la main. Cette senteur a un pouvoir très envoûtant : Emma le sent au niveau de son bas ventre. Elle rougit légèrement et secoue la tête lorsqu’elle se rend compte que les deux grands yeux bleus de Léna la fixent intensément.

Morgane sourit en retour à Emma. Elle aimerait savoir ce qu’il se passe dans sa tête. Elle se place face au filet et voit elle aussi le regard de Léna fixant Emma : il est à la fois vide d’émotion et triste.
Morgane sent son ventre se dérober. Elle se sent coupable d’avoir aimé ce jeu qui, avec Emma, s’est installé naturellement au fil du temps. Elle se sent d’autant plus coupable qu’elle ne veut pas y mettre un terme. Elle aime la taquiner et attiser sa curiosité. Elle apprécie lorsqu’Emma refait le nœud de son bracelet placé à son poignet droit : ce simple contact peau à peau l’envoûtait et l’électrisait à la fois.
Elle est tiraillée par le bien-être procuré par ce jeu de séduction entre elle et Emma, par cette satisfaction quand elle se rendait compte de l’effet qu’elle faisait à Emma et par le visage vide de Léna traduisant quelques nuits d’insomnies, de la fatigue, des pleurs et un cœur en peine.

Léna a leur complicité en ligne de mire : elles les voient se sourire, se taper dans les mains. Elle essaie de rester stoïque. Elle aperçoit également la réaction de Morgane. Son visage s’est fixé à l’instant même où elle s’est replacée face au filet, face au terrain adverse et donc face à Léna. Cette dernière s’en fiche, elle veut juste finir l’entraînement et rentrer. Il est 22h15. Ce sera donc le dernier exercice de ce soir.

22h30 est affiché au tableau scoreur du gymnase. Les filles ramassent tout le matériel, les ballons. Elles rangent le filet et les poteaux. Elles rejoignent leurs affaires placées proches des gradins de la salle. Emma s’approche de Léna qui est assise en train de s’étirer les adducteurs :

« Je reste un peu pour parler avec Morgane après l’entraînement. Je te dirai quand je pars.
- Je sais, tu m’avais prévenue. Je finis cet étirement et je rentre.
- Je rentre au plus vite. »

Léna se relève, remet son pantalon de jogging et ses chaussures d’extérieur ainsi que sa veste. Elle rassemble ses genouillères, ses chaussures de la marque Mizuno, sa bouteille d’eau pour tout ranger dans son sac de sport.

« Salut les filles ! Salut Eric ! A vendredi tout le monde !!
- A vendredi Léna, crient tous en cœur les joueuses et l’entraîneur. »

Elle sort de la salle, monte dans sa voiture et rentre à l’appartement. Elle ne se sent pas nerveuse, mais plutôt pétrifiée : elle ne contrôle pas ce qu’elles vont se dire. Elle aimerait tellement être une petite souris pour savoir exactement ce qu’elles se disent et voir les gestes, les réactions.

-J’espère que ça va bien se passer. En attendant, je vais me doucher et me regarder une petite série. -

Emma, après que Léna soit sortie, rassemble ses affaires. Elle a la gorge nouée. Elle sent son cœur battre au niveau de ses tempes. Il faut qu’elle parle à Morgane. Il le faut et elle en a envie. Elle veut être claire avec Morgane, avec elle-même. Emma se dirige vers elle, avec son sac à dos :

« On peut parler 5 minutes ?
- Oui, pas de soucis. Je vais fumer une cigarette. On se met dehors si ça te va. De toutes façons, le gardien ferme la salle à 23h et il est déjà 22h40. »

Emma acquiesce, enfile son manteau et suit Morgane après avoir dit au revoir à tout le monde. Elles s’installent dans un recoin, proche de l’entrée du gymnase mais à l’abri des regards. Elles ne veulent pas être dérangées, ne veulent pas être entendues : c’est une situation déjà bien assez compliquée comme ça.
Elles s’assoient par terre, sur le bitume froid et humide à la fois.
Morgane allume sa cigarette et regarde Emma : elle joue nerveusement avec ses mains, la tête baissée. La jeune femme se sent observée, mais cela ne lui déplaît pas. Alors, Emma prend une grande inspiration et commence :

« J’en ai parlé à Léna hier soir.
- Déjà ? Tu ne laisses pas le temps pour digérer, ou encore réfléchir ?
- Je suis claire dans ma tête Morgane… Je sais que je ne veux pas perdre Léna. Ce qui rend la chose difficile, c’est que tu me plais et que plus on se découvre, plus c’est le cas.
- Depuis hier, je n’ai pas eu le temps d’analyser quoi que ce soit. Toi, ça fuse dans ton esprit. Me concernant, j’ai besoin de digérer avant de déclarer quoi que ce soit.
- C’est justement pour cela que je lui en ai parlé, ne te braque pas. Si je ne l’avais pas fait, ç’aurait été encore des secrets et je n’en veux plus. J’ai envie d’être une personne bien. Je ne veux pas faire de mal, ou du moins pas plus : ni à toi, ni à Léna.
- Comment Léna a-t’elle réagi ?
- Elle est restée un peu stoïque, sur le cul au départ je crois. Il y a eu forcément des pleurs, de l’incompréhension, mais pas tant d’énervement que ça finalement. Elle était surtout déçue de moi, mais aussi de toi.
- Pourquoi de moi ?
- Parce qu’elle avait déjà tiré une sonnette d’alarme. Elle a juste l’impression qu’on s’est bien foutues d’elle, ce que je peux comprendre.
- Oui, mais ce n’est pas le cas. A l’époque, il n’y avait rien de mon côté je crois.
- Moi non plus Morgane. Tu m’as toujours plu physiquement, mais l’attachement est venu après et j’en suis sûre.
- Tu sais Emma, commence à dire Morgane après avoir légèrement souri à cet aveu, je ne veux rien casser entre vous deux. J’admire votre relation, je vous trouve belles ensemble. Je ne ferai rien qui vous mettrait plus en danger. S’il faut que je m’efface, je peux le faire sans problème.
- T’effacer ? C’est-à-dire ? »

Morgane tire une longue bouffée de sa cigarette. Les deux jeunes femmes se tiennent proches l’une de l’autre. Elles se touchent par le seul biais de leurs épaules. Mais ce simple contact leur est déjà réconfortant. Emma frissonne : c’est l’une des nuits les plus froides depuis peu. Elle range ses mains dans les poches de son manteau.
Morgane finit sa cigarette. Elle réajuste son bonnet noir sur sa tête et se tourne vers Emma :

« M’effacer oui. Bon, arrêter le volley alors que je viens de reprendre et d’intégrer l’équipe, je t’avoue que je n’en ai pas envie. Mais par contre, ne plus rester aux pots de fin de match ou autres soirées, je peux le faire sans problèmes. »

Morgane est sincère dans ses propos. Elle peut le faire. Elle n’en a pas envie, mais elle peut le faire. Elle se sent coupable d’avoir causé tant de doutes et de mal, même si une petite voix dans sa tête lui murmure qu’il ne s’est rien passé de mal, de physique. Morgane avait arrêté le volley il y a deux ans, après une année sportive assez chaotique : l’ambiance dans l’équipe de l’époque n’était pas bonne, contrairement à cette année. Elle apprécie toutes les filles, l’ambiance est détendue et les rires fusent.
Emma secoue la tête :

« Pour moi, ce n’est pas une solution. Te priver n’est pas envisageable : c’est juste une façon de te punir et c’est tout.
- Mais tu ne crois pas que ce serait plus simple pour Léna, pour toi, pour moi ? Je n’imagine même pas ce que Léna doit ressentir.
- Je ne peux pas l’imaginer réellement non plus : un milliard d’émotions en même temps je pense. Seulement, pour moi, tu fais partie de l’équipe. Cela ne serait pas une bonne solution que de fuir. Tu ne mérites pas ça, dit Emma en souriant tendrement.
- Léna doit m’en vouloir, ce n’est pas possible. Il faut qu’elle sache que je n’ai pas quitté Amélie pour toi. Il faut que tu lui dises. Je te l’ai dit, tu le sais, ça n’allait pas entre nous deux depuis un moment.
- Je sais Morgane. Je sais tout ça. Après, je pense qu’il est normal que Léna se pose un milliard de questions, que des connexions se fassent dans sa tête sans pour autant qu’elles soient réelles.
- C’est sûr…
- En tout cas, tu sais ce que je pense et ce que je veux. On met un terme à tout ça. J’ai un coup de cœur pour toi, mais j’aime Léna. Je veux que cela reste ainsi, enfin… tu m’as comprise, je ne veux pas me séparer de Léna. Mais je ne veux pas pour autant que tu te prives du volley ou de quoi que ce soit.
- J’ai compris ce que tu voulais dire, rit Morgane. Je verrai ce que j’envisage Emma. Je ne raisonne pas aussi rapidement que toi. J’ai à peine le temps de me remettre d’hier que ce soir tu m’annonces que Léna sait… Je ne sais pas comment gérer et je n’aime pas être celle qui cause le trouble, la tourmente et le malheur dans un couple, surtout pour deux personnes que j’apprécie. Après, je ne peux pas nier… Oui, tu me plais. J’aime énormément les moments passés ensemble, nos discussions. Je frissonnais à chaque fois que tu me refaisais le nœud de mon bracelet, je me maudissais même quand j’oubliais de le mettre et j’étais flattée quand tu le refaisais de toi-même.
- Morgane… ne me dis pas tout ça…
- Si j’en ai besoin. Même si ça lui fait du mal, tu peux en parler à Léna. Tu te dois d’être honnête avec elle, car tu veux rester avec elle. Je n’ai personne, mise à part ma mère, à qui en parler. Je n’ai personne à qui me raccrocher, donc je ne sais pas quoi faire, je te suis juste dans tes raisonnements car je respecte tes choix. C’est important pour moi que tu saches, que tu sois consciente de cet effet que tu me fais quand nous sommes ensemble. »

Emma est prise d’un spasme : elle étouffe un sanglot. Elle voit le visage de Léna. Elle la visualise souriante, au milieu d’un ciel azur, ciel qui en presque 7 ans de relation n’avait pas connu pareil orage. Chaque spasme de son corps est un éclair, la foudre qui s’abat dans sa tête et son cœur. Le visage de Morgane vient perturber le bleu azur si apaisant. La jeune brune pose sa main sur le genou d’Emma qui revient à elle.
« Je ne peux pas Morgane, je ne peux pas ! Ce que je ressens pour toi, c’est primaire. Mais pour Léna, tu comprends, c’est ancré au plus profond de moi : dans mon âme. Je l’ai en moi et je ne veux pas perdre tout ça. Pour autant, tu arrives à perturber tout cela. Tu sais que tu me plais et tu en joues ce qui te rend encore plus désirable. Je me suis imaginée te faire des choses qui me font sentir coupable aussi, alors que ce n’est que de l’ordre du fantasme.
- Je ne souhaite pas cela pour vous. Mais si, je dis bien si, dans un, cinq ou bien trente ans vous vous séparez, pense à moi. Contacte-moi.
- Je ne peux pas te dire ça et tu le sais, rétorque Emma légèrement sèchement, trahie par un sourire au coin de ses lèvres.
- Promets-moi d’y pense, juste d’y penser…
- Pour l’instant, tout ce que j’ai en tête, c’est que ce sont bientôt les vacances de Noël. Il n’y aura ni entraînement, ni match, que ce soit en équipe prénationale ou en équipe départementale : donc pas de contact entre nous. Ça va être difficile, mais nécessaire.
- Je respecte ta décision. Je ne veux rien faire qui mette en danger votre relation. »

Emma acquiesce en souriant timidement à Morgane. Elle pose sa main sur son genou, où se trouve celle de Morgane. Elle la serre, comme un merci, comme un au-revoir douloureux à l’hôpital. Non, c’est pire que ça pour Emma. C’est un adieu forcé qu’elle n’aurait su imaginer : un adieu à la femme qu’elle découvre et qu’elle désire.
Désir brûlant et passionnel ou Amour fusionnel ?
Le classique de Jean-Paul Gaultier ou le parfum Wave de Hollister ?
La belle brune qui éveille tous ses sens ou la blonde aux yeux bleus qui a fait chavirer son cœur il y a 7 ans de cela ?
L’aventure, l’excitation ou bien les projets à deux, la sécurité, la stabilité ?

Morgane sent son cœur battre intensément au contact de leurs mains. Elle resserre l’étreinte pour ne pas qu’Emma s’échappe. Car elle va s’échapper retrouver Léna. Pour autant, Morgane se raccroche à l’idée qu’à cet instant précis, le mercredi 13 décembre 2017 à 23h10, il n’y a que cet instant qui compte, que ce contact charnel simple et pur à la fois.

Ce contact les fait chavirer toutes deux. Elles en profitent. Emma sait pertinemment que ce moment privilégié sera sûrement le dernier. Elle en est consciente et le souhaite du plus profond de son âme, où se trouve Léna.
Morgane savoure, se délecte de toucher sa peau rougie et asséchée par le froid. Elle ne veut pas que ce soit la dernière fois. Elle ne veut pas la lâcher, la laisser s’échapper. Tout est allé tellement vite depuis leur rencontre.
Discussion après discussion.
Rires après rires.
Echanges après échanges.
Simples contacts après simples contacts.
Elles se sont plu et apprivoisées : un lien forcé d’être plus ou moins platonique car le désir et l’envie étaient plus que présents.

Emma se lève, Morgane fait de même :

« Je pense que je vais rentrer, annonce Emma. Pour les entraînements de la départementale, je te propose que chacune prépare l’intégralité de l’entraînement une fois sur deux…
- Moi aussi, je vais y aller, je me lève tôt demain. Oui, c’est sûrement le plus simple. A vendredi ? »

Emma se rapproche de Morgane, hésite l’espace d’une seconde en la fixant droit dans les yeux. Elle la prend dans ses bras et lui murmure :

« Tu es quelqu’un de bien. Tu n’as pas à t’en vouloir et tu mérites de trouver quelqu’un de disponible qui te rendra heureuse. A vendredi, à l’entraînement. »

Emma resserre son étreinte, lui embrasse tendrement le front. Elle en profite pour prendre une dernière bouffée de son parfum et se détache de Morgane, à contrecœur.
Elles se fixent, dans les yeux : bleu-vert face au marron-noir, un duel bien envoûtant.
Morgane rompt le contact visuel en attrapant son sac qui était resté par terre. Emma l’imite. Elles se dirigent toutes les deux vers leurs voitures respectives.

« A vendredi alors, prends soin de toi, dit Emma.
- A vendredi. »

Chacune rentre dans sa voiture, ferme la portière et met le contact. Elles partent dans deux directions opposées mais restent liées : liées par le vide qu’elles ressentent d’ores et déjà.
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MessageSujet: Re: Les Amantes. - Ce-Line   Les Amantes. - Ce-Line Icon_minitimeLun 15 Jan 2018 - 18:17

Chapitre 5 – Voir plus loin – Laisser libre cours aux émotions

Léna attend patiemment sur le canapé qu’Emma rentre de la discussion avec Morgane. Elle regarde un épisode de Riverdale : la nouvelle série en vogue chez les adolescentes. Elle s’est douchée, en a profité pour laver ses cheveux blonds mi- longs et rester un moment sous l’eau chaude. Elle n’a pas encore mangé : elle attend Emma pour cela. Au menu, ce sera salade et quiche lorraine.
Il est 23h20 et Léna commence à avoir faim. Son estomac sonne creux mais le plaisir de manger n’est pas au rendez-vous, elle qui est plutôt gourmande de salé d’habitude.
Léna frissonne : elle a froid. Elle se couvre d’un plaid supplémentaire. Le salon a une grande baie vitrée donne une vue imprenable sur le stade : parfait pour regarder les matchs ou les entraînements de foot le week-end. Elle n’a pas fermé les volets roulants : la flemme a pris le dessus ce soir.

A la fin de l’épisode de sa série, Léna ouvre l’application Spotify sur son MacBook Pro et lance sa playlist « Running ». Sur le son « Maryland » d’Elephanz, elle entame ses étirements sur son tapis de sol Décathlon. Elle est assise, jambes tendues et tente d’aller toucher petit à petit ses pieds : elle n’a jamais été un modèle de souplesse.

-Il me tarde de voir Yaya demain. Ca va me faire du bien de verbaliser tout ça avec une personne extérieure. J’irai faire un tour dans la galerie marchande en l’attendant. J’irai plus tôt et je prendrai mon temps comme ça. Je ne commence qu’à 14h le lendemain. J’ai besoin de m’aérer. –

Léna change de position pour s’étirer le dos qui a pas mal trinqué durant l’entraînement de ce soir. La sonnerie de son téléphone vient perturber le morceau « Les Moissons » du groupe Radio Elvis. C’est un message d’Emma qui part du gymnase. La discussion vient donc de se terminer : il est presque minuit. Léna se lève tranquillement, range le tapis après l’avoir soigneusement enroulé et se dirige vers la cuisine. Elle dresse la table pour deux, ouvre le réfrigérateur, attrape la salade verte ainsi que la quiche qu’elle met à réchauffer au four.

-Je n’ai pas peur. Enfin, je crois. Je n’ai pas peur pour nous, ni pour moi car sinon je serais déjà partie je pense. J’ai confiance en Emma, j’ai envie d’y croire. Cependant, je n’ai pas confiance en Morgane. Mais j’ai envie de croire que nos projets ne partent pas en fumée, de croire que je ne suis pas renvoyée au second plan, de croire qu’Emma voit en moi la femme avec qui elle voulait et veut toujours partager le reste de sa vie. –

La sonnette de l’appartement résonne dans la tête de Léna : c’est Emma. Léna se lève de sa chaise haute, appuie sur le bouton pour lui ouvrir. Elle laisse la porte d’entrée ouverte, repart dans la cuisine pour sortir la quiche du four. Elle en coupe deux parts qu’elle place dans les assiettes. Elle sert ensuite de la salade verte pour chacune.
Emma rentre dans l’appartement, enlève ses chaussures et pose son sac par terre. Elle sort son manteau, le range dans l’armoire de l’entrée et rejoint Léna dans la cuisine.

« Ca s’est bien passé ? demande Léna, déjà assise à table.
- C’était difficile, mais ça a été.
- Difficile ? Pourquoi ?
- Parce que c’était une sorte d’adieu, un au revoir. Et forcément, cela lui a fait de la peine.
- Tu étais préparée quand même. Enfin, je veux dire que c’est ce que tu voulais, enfin de ce que tu m’as dit…
- Oui c’est sûr. Mais cet au-revoir fait mal, car j’aurais aimé et préféré que tout reste sain et simple.
- Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ? plaisante Léna. Qu’est-ce-que vous vous êtes dit ?
- Honnêtement, on s’est dit beaucoup de choses. Elle veut que tu saches qu’elle n’a pas quitté Amélie pour moi ou pour profiter de la situation et qu’elle est désolée.
- Elle me dira tout ça au moment voulu et en face, plutôt que de faire passer le message. Oui, elle est désolée, mais seulement après coup, car je pense que sur le moment, elle comme toi, vous ne l’étiez pas. Vous profitiez juste du moment que vous passiez toutes les deux. »

Un ange passe. Emma ne sait pas quoi répondre à cette réplique, car elle sait que tout est vrai. Elle tourne sept fois sa langue dans sa bouche :

-Il ne faut pas que je m’énerve. Forcément, c’est compliqué pour elle. Léna ne peut pas rester tout le temps calme, ce qui rend les sautes d’humeur plus piquantes je pense. Mais il faut que ça sorte : ne pas réagir, ne pas envenimer la situation. Je dois rester calme. –

Après un court temps de réflexion, Emma poursuit :

« C’est vrai, je l’admets. Je ne peux pas dire qu’on pensait à toi dans ces moments-là. Pour autant, je crois qu’il y avait toujours une partie de moi qui culpabilisait au fond. Après, pour revenir à ce soir, on a convenu qu’il n’y aurait aucun contact pendant la trêve de volley pendant les vacances de Noël. Le sevrage commence dès maintenant : on ne se verra plus pour préparer les entraînements. Elle voulait même s’effacer, ne plus participer aux pots, aux soirées…
- C’est idiot. Maintenant, il faut assumer : c’est facile de fuir. Ca ne sert à rien qu’elle se prive et qu’elle s’exclue. A quoi cela rimerait ? Faire les entraînements, les matchs mais pas les soirées ? Dans tous les cas, je la verrais, je vous verrais quand même ! Je vous verrais rire ensemble quand même : ça me fout les boules car je ne peux pas vous enlever ça !!
- Rire ? Quand est-ce-que tu nous as vues rires ? Ce soir ? A l’entraînement ?
- Oui et tu le sais. Ca m’a énervée, je te l’avoue, parce que je vous avais en face de moi. Ca m’a énervée car pour les autres filles, c’est normal, mais pour moi non car je sais ce qu’il y a derrière.
- Ah oui et quoi ?
- De l’attirance, du désir, du plaisir, de l’attachement.
- Et de la culpabilité après, tu le sais.
- Sûrement oui. Enfin non, je ne sais plus grand chose. Du moins, j’aimerais être sûre à 100%. Bref, ce n’est pas la question. Qu’est ce que vous vous êtes dit d’autre ?
- Que ça allait être difficile que que c’était ce que je voulais : je ne veux que toi. Elle ne veut rien faire contre nous. Et moi, je veux tout faire pour nous garder aussi. »

Dans leur équipe, en pré national, elles sont un effectif de 14 filles et un coach, Eric. Tous sont au courant qu’Emma et Léna sont ensemble, et cela ne pose aucun souci. Elles se sentent parfaitement intégrées et non jugées.
Elles finissent de manger sans plus préciser quoi que ce soit sur cette discussion entre Morgane et Emma.
Léna se sent à la fois triste, mais rassurée. Elle ressent une multitude d’émotions qui se contredisent à chaque seconde : c’est un véritable duel entre son cœur et sa tête.
Serait-ce de la tristesse de savoir qu’Emma ne veuille qu’à contre cœur mettre un terme à ce lien entre elle et Morgane ? Ou serait-ce plutôt de la joie qu’Emma puisse s’en passer aussi rapidement ?
Serait-ce de la peur de ne pas la croire autant qu’elle le souhaiterait ? Ou serait-ce de l’assurance ou encore du courage que de savoir que Léna souhaite continuer cette histoire ?
Serait-ce de l’inconscience de poursuivre et de pardonner ? Serait-ce se laisser vivre ? Ou serait-ce plutôt une forme de combat pour ne pas abandonner ce qu’elle aime par-dessus tout ?

L’amour est un pari difficile. C’est une chose que d’entamer une relation avec quelqu’un. Finalement, cela reste assez simple de rencontrer une personne. Ce qui est plus complexe, c’est d’entretenir cette relation afin qu’elle perdure au fil des jours, des semaines, des mois et des années qui passent.
Léna en est consciente.

Les deux jeunes femmes se retrouvent dans le lit après qu’Emma se soit douchée. Cette dernière rejoint Léna sous la couette :

« Amour, tu rejoins ta sœur à quelle heure déjà demain ?
- Elle arrive pour 11h normalement. Mais j’aimerais y être un peu avant pour me promener dans les magasins, donc vers 10h.
- A quelle heure mets-tu le réveil ? 9h ?
- J’ai mis 9h, pour partir vers 9h30 à peu près. »

Léna pose son téléphone sur la table de chevet à sa droite. Elle se positionne en chien de fusil et Emma vient se blottir dans son dos. Cette dernière l’entoure de son bras gauche que Léna attrape afin d’entrelacer leurs doigts. Léna se sent bien : elle tourne sa tête pour embrasser une dernière fois Emma avant de dormir. Elles échangent un long baiser tendre, doux et langoureux. Rapidement, elles tombent toutes deux dans les bras de Morphée, l’une contre l’autre, leurs respirations synchrones.

Le réveil de Léna sonne à 9h : elle se réveille en un sursaut furtif et l’éteint. Elle est en sueurs : elle a sûrement dû faire des cauchemars cette nuit encore. Elle ne s’en souvient pas. Emma se retourne vers Léna :

« Bien dormi mon chat ?
- Plus ou moins. Je vais préparer les cafés, tu te lèves avec moi ou tu restes dans le lit ?
- J’arrive dans 5 minutes. »

Léna embrasse le front d’Emma, met sa robe de chambre et part en direction de la cuisine. Elle met en marche leur cafetière Senseo, attrape deux tasses, change les dosettes et ouvre les volets roulants. Elle met à griller deux tranches de pain complet, sort le beurre et le miel.
Elle s’assoit sur une des deux chaises hautes et attrape son téléphone : elle ouvre l’application Facebook Messenger et décide d’écrire un message à Morgane :

« Salut Morgane,
Inutile que je te demande comment ça va tout en sachant que tout est un peu chamboulé pour toutes les trois mais le cœur y est.
Sache que je ne te « déteste » pas : je n’ai aucune raison de te haïr. Je sais que cela arrive, c’est humain. Seulement, je suis juste déçue et mal, un peu tombée de haut je crois. Tombée de haut car j’avais tiré une sonnette d’alarme et que j’avais pleinement confiance en vous deux. Mais après, je sais que ce genre de sentiments arrivent plus vite que prévus, et ne se contrôlent pas surtout. Et finalement, le jeu est assez agréable.
Je ne peux pas en vouloir à Emma, mais j’ai quand même mal. Ca me fait mal de vous avoir toutes les deux dans ma tête avant de dormir : ça fait mal et j’ai juste peur. Je n’ai pas envie de t’en vouloir non plus. Je t’apprécie Morgane : forcément, en ce moment, c’est un peu compliqué ce que je ressens pour toi, mais je sais qu’au fond, je t’apprécie quand même.
Je ne veux pas que tu te prives du volley, des pots, des soirées. Cela ne servirait à rien selon moi, mis à part t’isoler. Il faut assumer pleinement…
Je ne vous regarde pas avec haine, mais plutôt avec peine à l’entraînement. Car je sais que vous êtes complices, que vous vous entendez sur beaucoup de sujets… c’est d’autant plus difficile pour moi. Peut-être que je suis bonne poire, peut-être un peu conne, je n’en sais rien, mais je n’ai pas spécialement envie que vous vous perdiez en tant qu’amies… J’ai juste envie de garder la femme que j’aime à mes côtés.
J’espère que les genouillères allaient. Je sais que tu étais mal à l’aise, moi aussi, mais c’est aussi une forme de… La vie continue…
Je compte sur toi pour rester vendredi soir, en gros, demain après l’entraînement, pour l’anniversaire de Clara, je crois que ça me ferait plaisir.
A bientôt. »

Léna appuie sur « Envoyer » et pose son téléphone. Emma ne tarde pas à arriver dans la cuisine. Elle attrape Léna par la taille et dépose un baiser dans son cou. Elles s’assoient toutes les deux et commencent à partager le petit-déjeuner.

« Je rentrerai manger ici avant de partir travailler. Ce sera peut-être un peu à la va vite, mais je n’ai pas envie de manger un simple sandwich. Il faut que ça me tienne l’estomac pour toute l’après-midi.
- Ca marche mon ange. J’espère que ce sera bien avec ta sœur et que tu passeras du bon temps.
- Ca va me faire du bien je pense, m’aérer un petit peau. Je te laisse ranger amour, je file me préparer. »

Emma sourit en guise de réponse car elle a la bouche pleine de tartine beurre-miel. Léna se dirige dans leur dressing, choisit une tenir simple et confortable : un jean noir moulant, un t-shirt blanc et une veste beige. Elle se lave le visage, se brosse les dents puis s’habille : un petit coup de déodorant, de parfum, un soupçon de maquillage et Léna est presque prête. Elle met sa montre et ses boucles d’oreilles.
Emma est dans le salon, elle vient d’allumer son ordinateur pour commencer à travailler : il est 9h25.
Léna attrape son écharpe, met ses converses blanches. Emma la rejoint dans l’entrée avec son sac à main.

« Tu me dis quand tu pars d’Auchan Lac comme ça je lancerai à manger pendant que tu seras sur la route.
- Pas de soucis Amour. Je te dis à tout à l’heure.
- Profites en bien avec ta sœur ! Je t’aime…
- Moi aussi, amour, moi aussi… »

Un dernier baiser et Léna sort de l’appartement pour se mettre en route. Emma retourne sur le canapé et travaille : elle a beaucoup de dossiers à gérer en cette fin d’année civile. Elle met de la musique classique pour se concentrer. Elle aime le son du piano, cela l’apaise. Elle écoute la discographie de Ludovico Einaudi sur Spotify, en mode aléatoire : elle a connu ce compositeur grâce à Mommy, le film de Xavier Dolan.

Léna rejoint la rocade de Bordeaux sans trop de difficultés. A 9h30, le plus gros des embouteillages est passé. Elle roule au rythme des différentes stations de radio, zappant à chaque pub audio qu’elle entend. Elle arrive au magasin en vingt minutes. Elle se gare et rentre dans la galerie marchande. Son téléphone sonne, elle le sort pour répondre : c’est sa sœur :

« Oui Yaya ?
- Je suis sur la route ma puce. Je t’appelle avec le bluetooth. Est-ce-que tu m’entends bien ?
- Oui parfaitement même ! Je suis dans la galerie marchande, je fais un petit tour dans les boutiques en t’attendant !
- J’arrive d’ici moins vingt minutes car la circulation est fluide ! Je te rejoins au niveau de la Fnac si ça te va. Je dois récupérer le cadeau pour Laurent et après on ira se boire quelque chose au Colombus Café.
- Ca me semble parfait tout ça ! Envoie moi un texto quand tu es garée Yayou !
- A tout à l’heure, bisous. »

Léna range son téléphone dans son sac et rentre chez Undiz, un magasin de sous-vêtements. Elle y fait un bref tour, repère quelques pièces, un pyjama et quelques bas, mais ressort sans rien acheter. Elle tourne et vire de magasin en magasin mais ne passe jamais pas la case caisse : elle n’est pas d’humeur à acheter mais plutôt à faire du repérage.
Elle passe chez Pimkie, Zara, Bershka et même Mango. Elle en ressort bredouille à chaque fois. Elle s’arrête maintenant chez Nature & Découvertes. C’est un magasin que Léna adore. On y trouve des huiles essentielles, des articles en rapport avec le voyage, la découverte de soi, des centaines de livres et des accessoires de bien-être. Léna se laisse transporter par les odeurs des diffuseurs, les saveurs des quelques thés en dégustation gratuite, les titres des livres la transportant aux quatre coins du monde.
Son téléphone sonne encore une fois : c’est un message de sa sœur. Elle vient de se garer. Léna lui répond brièvement : « D’accord. Je suis chez Nature & Découvertes, à côté de la Fnac. »
Peu après avoir répondu, Léna aperçoit sa sœur Jessica entrer dans le magasin avec la poussette. Elle est habillée d’une jupe aux motifs fleuris arrivant à ses genoux, des bottes noires en cuir à talons, un haut noir à manches longues et un manteau rouge. Jessica a les cheveux parsemés de mèches blondes de différents tons donnant ainsi une multitude de nuances à sa couleur naturelle se rapprochant d’un blond vénitien foncé. Elle est légèrement plus petite que Léna mais est plus pulpeuse.
Léna se rapproche de sa sœur et l’embrasse sur les deux joues :

« Ca tombe bien que tu sois dans ce magasin. Je dois acheter un livre de contes pour enfant et un diffuseur pour mettre dans la chambre de ta filleule ! »

Léna se penche au-dessus de la poussette et voit le visage rond d’Agathe. Elle dort à poings fermés. Léna la balade à travers le magasin pendant que sa sœur trouve les articles qu’elle souhaitait acheter. Elles sortent du magasin et se dirigent vers la Fnac. Entre les deux magasins, Jessica demande :

« Bon comment vas-tu ?
- Pas terrible Yaya. Vraiment bof…
- Je me doutais bien quand tu m’as demandé si j’étais libre aujourd’hui… Qu’est ce qu’il se passe ma puce ? »

Léna sourit timidement du coin de ses lèvres. Jessica ne la connaît que trop bien : sa petite sœur peut difficilement lui cacher les choses. Elles ont une relation fusionnelle depuis la naissance de Léna. Cette dernière sent une boule se former au fond de sa gorge et les larmes lui monter aux yeux.

« C’est Emma. Il y a une autre femme.
- Et merde… Viens-là… »

Jessica se tourne vers sa sœur, passe un bras autour d’elle et lui embrasse le front. Elle sait qu’elles en parleront mieux autour d’un café. Elles entrent dans la Fnac pour récupérer le livre dont elle a besoin. En attendant, elles parviennent à discuter de divers sujets : les cadeaux de Noël, des parents, de la vie en général. Elles rient sur le fait qu’Agathe soit hors normes : elle n’a même pas deux mois qu’elle fait déjà la taille et le poids d’un bébé de trois mois et demi.
Jessica récupère le livre de photographie pour Laurent, paie les autres cadeaux qu’elle a trouvé. Léna a trouvé des écouteurs Bluetooth pour la course à pied : ils étaient en soldes, elle en a profité.
Après avoir toutes les deux payé, elles se dirigent au comptoir du Colombus Café : il n’est que 10h45. Elles passent leur commande : un Macchiato supplément chantilly pour Léna et un Latte Caramel pour Jessica. Elles paient, récupèrent leurs boissons et trouvent une table au fond du café pour être tranquilles. Elles s’assoient face à face :

« Bon, alors, raconte-moi tout, commence Jessica.
- Comme je te disais, il y a une autre femme pour Emma. Elles n’ont rien fait de physique apparemment, de ce que je sais. Mais Emma est attachée à elle et elle lui plaît forcément.
- Comment se sont-elles rencontrées ?
- Par le Volley. Tu sais, Emma travaille dans le club où nous jouons. Morgane était la coach de l’équipe départementale sénior fille qu’Emma a repris cette année. Morgane s’est proposée de l’aider depuis octobre il me semble. Elles se retrouvaient tous les mardis pour préparer les entraînements : et petit à petit, elles se sont découvertes…
- Donc tu la vois parfois ?
- Oui, tous les mercredis et tous les vendredis ! Au départ, je ne faisais que la croiser aux entraînements et elle venait nous voir quelques fois aux matchs à domicile, avec son ex qui joue aussi en départementale. Elles se sont séparées, il y a deux semaines à peu près… C’est fabuleux n’est-ce-pas ?! »

Léna laisse ses larmes couler et boit une gorgée de son café : il est brûlant, elle regrette aussitôt. Jessica écoute attentivement sa sœur qui poursuit :

« Oh et puis… Morgane ne jouait dans aucune équipe, elle a arrêté cette année. Mais depuis un peu moins d’un mois, elle a repris avec nous. Emma a même insisté auprès d’elle et du coach car on avait besoin d’une passeuse pour aider la notre… C’est vraiment TOP comme situation !!
- Depuis combien de temps tu sais tout ça ? Comment l’as-tu su ?
- Emma m’a tout dit mardi, quand elle a senti qu’elle ne maîtrisait plus ses sentiments : qu’elle s’attachait vraiment à elle quoi.
- Comment tu te sens ?
- Honnêtement ? Je ne sais pas trop. Mal et déçue je suppose, en tout logique. Mais, à la fois, j’arrive à comprendre que ce genre de chose puisse arriver : rencontrer une personne, la découvrir et se rendre compte qu’elle nous plaît. Je suis déçue car j’avais tiré une sonnette d’alarme, on avait tiré la situation au clair. Et finalement, non ! J’avais une confiance aveugle ! »

Léna poursuit son récit tout en buvant le reste de sa boisson chaude. Jessica berce de temps à autre la poussette car Agathe pleurniche quelques fois, à de rares reprises. Elle pose quelques questions mais laisse Léna tout raconter pour avoir tous les éléments : Morgane, Emma, le volley, l’alarme, les discussions, les taquineries, les dialogues qui ressemblaient à ceux d’Emma et Léna à l’époque où elles se sont rencontrées, les contacts…

« Tu sais ma puce, commence Jessica, tu as une réaction mâture en disant que tu ne peux pas les blâmer. Mais maintenant, réponds-moi en toute honnêteté, est-ce-qu’avec Emma vous en avez déjà parlé d’ouvrir votre relation ? Je vais reformuler. Vous êtes ensemble, ensemble toutes les deux. Vous n’avez jamais parlé de liberté sur d’autres relations, d’autoriser ce genre d’extra-relation ?
- Non, pas du tout.
- Tu vois, avec Laurent, je lui ai toujours dit comment je voyais l’amour, ou plutôt le polyamour. Je l’aime d’un amour puissant, mais si un jour, je rencontre une personne qui me plaît, je n’ai pas envie de me le refuser donc on ne s’en empêcherait pas. Tu devrais lire le livre « Les Vertus du Polyamour », vraiment. Bien sûr, on en parlera avant. Ma relation avec Laurent est la plus importante et pour lui aussi. Mais nous avons chacun la possibilité de nous accorder un moment de liberté, de découverte avec quelqu’un d’autre ou ensemble avec une tierce personne. La question que tu dois te poser maintenant c’est la suivante : qu’est-ce-que tu souhaites vraiment au fond de toi ? »

Léna a écouté attentivement tout ce que sa sœur venait de dire. Elle prend plusieurs minutes avant de formuler sa réponse :

« Yaya… Je ne sais pas vraiment. Là, ce que je sais, c’est que je ne veux pas en finir avec Emma. Je ne veux pas non plus faire de mal à qui que ce soit : je ne veux pas que Morgane s’efface non plus. C’est ça qui est paradoxal. Je me dis, depuis le début de la semaine : ce serait tellement plus simple si ce n’était qu’une connasse sans cœur, que je ne connais pas, que je n’apprécie pas, que je ne suis pas amenée à revoir ! J’aurais juste à l’insulter, ne plus la voir et c’est tout quoi !!!!
- Je sais ma puce, je sais. Ca ne t’aide pas à en finir avec cette histoire. Mais, tu n’as que 23 ans, prends le temps de réfléchir. Tu as toute ta vie devant toi, tant de choses à découvrir : la peine, comme la joie, car la vie c’est un grand mélange de ces deux émotions en créant ainsi une infinité. Prends du temps pour toi : réfléchis et écoute toi. »

Toutes deux finissent leurs cafés : il est bientôt midi. Léna ne va pas tarder à partir pour rentrer manger avec Emma avant de démarrer sa journée de travail. Elles font une dernière halte chez Yves Rocher où elles achètent quelques articles : du gel douche parfumé à la fleur de Tiaré et fleur d’Ylang Yland et des baumes à lèvres. Léna affectionne tout particulièrement cette senteur : elle lui rappelle l’été, les beaux jours, le sable, la plage, l’océan, la liberté des mouvements de l’eau.

« Je vais y aller ma Yayou. Il faut que je mange avant d’embaucher quand même !
- Je vais passer chez Maison du Monde un petit peu. Dis-moi quand tu es rentrée. Si tu as besoin, tu m’appelles ma puce. D’accord ?
- Ne t’en fais pas, et merci surtout. Si j’ai déjà réussi à le verbaliser et donc à t’en parler si rapidement, je le ferai de nouveau sans soucis je pense. De toutes façons, lundi tu as un rendez vous il me semble. Je garde Agathe, donc on se verra et je te raconterai les nouvelles péripéties !! »

Jessica acquiesce d’un signe de tête et prend sa petite sœur dans ses bras. Elle passe une main dans ses cheveux fins ondulés : sa petite sœur grandit, mûrit et avance dans la vie. Elle aurait aimé, et même préféré, que Léna ne connaisse jamais ce sentiment de déception, d’incompréhension, d’impuissance, cette faille au niveau du cœur. Jessica sait que Léna est aussi torturée spirituellement parlant qu’elle. Elles ne sont pas sœurs pour rien : elles se questionnent souvent, se remettent souvent en question et sont toujours en quête de paix intérieure. Chacune a ses démons. Chacune a son caractère. Chacune a ses forces. Chacune a ses faiblesses. A ce moment-là, Jessica, en regardant sa sœur marchant vers la sortie du magasin, ne voit plus la petite blondinette aux yeux bleus insouciante à son plus jeune âge, mais une jeune femme perdue dont l’esprit vagabonde, dont le cerveau tourne à mille à l’heure pour tenter de chercher à comprendre comment cette situation pourrait être mieux vécue pour tout le monde. Chacune d’elles deux a ses propres faiblesses, mais elles en possèdent une commune : celle de faire souvent passer les autres avant elles.
Jessica se dit, en commençant à se diriger vers le magasin Maison du Monde :

-Elle s’en sortira. Il faut qu’elle prenne le temps de réfléchir maintenant : le temps l’aidera à trouver un calme intérieur pour mieux gérer toute cette situation. Elle ne se brûlera pas totalement les ailes : elles ont été quelques peu amochées, mais elle volera de nouveau. Telle un phénix, elle renaîtra de ses cendres. J’espère qu’Emma est sûre d’elle et qu’elle aussi se pose les bonnes questions. –

Léna rentre dans sa voiture, prévient Emma qu’elle part d’Auchan Lac et qu’elle sera donc rentrée dans une vingtaine de minutes. Elle se sent toute chamboulée par ce qu’a dit Jessica. Cela change sa vision sur la vie de famille, sur la société. Elle se sent tout à coup enchaînée de force à un modèle sociétal automatique. Elle ne s’était jamais posée de telles questions.
Son téléphone sonne : Emma lui a répondu et Morgane a envoyé sa réponse au message de ce matin. Léna lira ce dernier message plus tard.
La circulation est fluide sur la rocade Bordelaise. Léna arrive rapidement à l’appartement, aux alentours de 13h, Emma est là pour l’accueillir :

« Cela s’est bien passé avec ta sœur ? J’ai fait Gnocchis-Steak pour midi, je me suis dit que ça te ferait plaisir.
- C’est parfait, tu sais que j’adore quand on mange ça !! C’était très bien avec Yaya : on a beaucoup parlé, cela m’a fait du bien. J’ai acheté des oreillettes Bluetooth pour la course à pied !
- Oh, tu aurais pu donner l’idée pour Noël quand même !!! Tant mieux, je suis contente que tu aies bien profité avec ta sœur. »

Emma brûle d’envie de savoir ce qu’elles se sont dit au cours de cette matinée. Mais elle respecte le silence de Léna, qui traduit qu’elle ne souhaite pas développer ni partager plus que ça pour l’instant. Léna est plutôt solitaire, il lui faut du temps pour s’ouvrir. Ses yeux bleus sont légèrement gonflés et rouges : Emma en déduit que des larmes ont encore coulé ce matin.

« J’ai envoyé un message sur Facebook à Morgane ce matin. Elle m’a répondu, mais je n’ai pas encore lu, déclare Léna après avoir fini sa bouchée.
- Ah d’accord. Qu’est-ce-que tu lui as écrit ? demande Emma, plus qu’intriguée.
- La même chose que je t’ai déjà dite : que j’étais déçue mais que je ne vous en voulais pas forcément et qu’elle n’avait pas à s’effacer. J’aimerais lui parler avant l’entraînement de vendredi, surtout qu’il y a le petit pot pour l’anniversaire de Clara.
- D’accord mon ange. De toutes façons, tu gères à ta manière. Je n’ai rien à te dire sur tout ça, sauf de ne pas lui faire de mal, mais ça tu le sais.
- Je sais ce que tu penses. Mais dans tous les cas, ce n’est pas mon but de faire du mal. S’il y a quelqu’un a qui je devrais en faire, ce serait à toi. Je ne peux pas la blâmer d’être intéressée par toi. Seulement, j’ai eu ta version des faits, j’ai besoin de savoir ce qu’elle pense, ce qu’elle ressent.
- Je comprends… »

Les deux jeunes femmes finissent leur repas en changeant de sujet : elles discutent du volley, du match du samedi, de la famille, des cadeaux de Noël… C’est un moment en toute simplicité qu’elles apprécient. Léna part même à contre cœur au travail : elle est épuisée. Elle aimerait dormir, se reposer pendant une décennie. Elle regarde brièvement son emploi du temps sur son téléphone : 19 personnes à voir. Elle soupire mais d’une part est contente également : elle n’aura pas le temps de penser à autre chose finalement.
Elle prend sa voiture après avoir dit au revoir à Emma, qui se met directement à préparer ses séances pour l’après-midi dans les écoles.

Emma n’est pas trop sereine que Léna veuille parler avec Morgane. Elle arrive à comprendre mais n’est pas rassurée. Léna peut être sanguine parfois, dire des choses qui font mal pour se défendre quand elle se sent attaquée. Elle secoue la tête, Morgane ne va pas l’attaquer dans ses propos, donc finalement, cela devrait bien se passer.
Emma se pose sur le canapé, après avoir allumé son ordinateur. Elle pense à Morgane : comment doit-elle vivre toute cette situation ? Elle prend son téléphone, va dans ses contacts, ouvre celui de Morgane. Elle hésite. Elle est prise entre deux feux : l’appeler pour savoir comment elle se porte ou ne rien faire, se mettre à travailler et ne penser qu’à une seule femme, Léna.
Plus elle se pose cette question, plus son doigt se rapproche de la touche « Appeler »…

En arrivant au cabinet, Léna dit bonjour à tous les patients présents dans la salle de rééducation et fait la bise à ses collègues. Elle enlève son manteau et son écharpe, pose son sac au niveau du vestiaire réservé aux kinés et attrape son téléphone. Il est 13h48, son premier patient n’est pas encore arrivé, elle a le temps de lire la réponse de Morgane :

« Salut Léna.
Avant toutes choses, merci pour ce message. Je me doute que c’st compliqué pour toi en ce moment, et, bien évidemment, je m’en sens en partie responsable. Je ne suis pas très à l’aise à l’écrit pour m’exprimer mais je vais faire de mon mieux. Si tu le souhaites, on pourra prendre un moment pour parler de tout ça.
Déjà, sache que je ne te déteste pas non plus, au contraire, et j’ai beaucoup de respect pour toi, ce qui rend tout ça difficile à gérer.
Je n’ai jamais vécu quelque chose de similaire avec autant d’honnêteté, de compréhension, de transparence entre toutes les trois. C’est dur de croiser ton regard pour moi, je me sens mal. C’est la raison pour laquelle je ne sais pas encore si ça ne serait pas mieux de m’effacer à certains moments, pour toi, mais aussi pour vous…
J’’admire ta force et le recul que tu as. Je respecte votre couple, votre histoire, votre amour. Je perds mes mots…
Merci encore pour les genouillères : elles avaient l’air d’aller. Je ne perds pas espoir de retrouver les miennes, mais au moins, au cas où, j’aurais quelque chose. Merci.
Tu as raison, la vie continue. Tu peux compter sur moi vendredi. Passe une bonne journée Léna. »

Léna lui répond assez rapidement. Elles discutent brièvement et conviennent d’un moment pour se parler en face en face : vendredi soir, après l’entraînement, après le pot pour l’anniversaire de Clara qui fête ses 18 ans.
Demain soir, Léna aura des réponses. Elle a hâte.
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MessageSujet: Re: Les Amantes. - Ce-Line   Les Amantes. - Ce-Line Icon_minitimeLun 22 Jan 2018 - 14:09

Chapitre 6 – Confrontation

Léna et Emma trouvent un petit rythme quotidien qui semble leur convenir. Elles n’ont pas discuté de Morgane depuis que Léna ait vu sa sœur autour d’un café. Il n’y a pas eu de tempête ni d’orage depuis, mais plutôt des gestes de tendresse, encore timides car c’est comme si elles se redécouvraient.

Emma se sent tiraillée, comme prise entre deux chaises. Elle veut se concentrer sur son couple mais a pour autant la sensation de vide au jour le jour. Sa tête ne connaît pas de moment de répit : Léna, Morgane, Morgane, Léna… Leurs deux prénoms oscillent, résonnent dans ses pensées en permanence.
Elles ont entraînement ce soir. Léna doit avoir une discussion avec Morgane après l’entraînement et Emma le sait : c’est d’ailleurs ce qui l’angoisse. Les rôles seront inversés : Emma attendra que Léna rentre de la fameuse confrontation avec Morgane. Ce dialogue peut se révéler intense pour Morgane et Léna, mais finalement aussi pour Emma qui ne sait pas à quoi s’attendre.

Ce vendredi matin-là, le 15 décembre, Emma et Léna vont faire un peu de shopping ensemble pour acheter l’ensemble des cadeaux prévus pour Clara qui fête ses 18 ans avec l’équipe après l’entraînement.
Les deux jeunes femmes se promènent de magasin en magasin. Elles trouvent divers cadeaux : des bijoux, de la lingerie pour rire, un préservatif avec l’inscription « Permis de Conclure », une écharpe et bien d’autres.
Elles passent un bon moment ensemble : il n’y a pas de cris, ni de pleurs, juste quelques rires, sourires en imaginant Clara porter un short en moumoute rose venant de chez Undiz.

En se promenant dans la galerie marchande, elles se promènent main dans la main. Emma et Léna se contrefichent du regard des gens. Ce contact est important. Entre elles deux, c’est une relation très tactile : toujours un contact, une petite caresse, une main bienveillante. Leurs doigts sont entrelacés, Léna resserre l’étreinte de temps en temps et Emma lui répond d’une caresse de pouce en guise de « Oui, je suis là, avec toi ».

Après avoir trouvé tout ce qu’elles souhaitaient, elles prennent leur voiture pour rentrer à leur appartement. Il est presque midi. Emma s’attelle à emballer les cadeaux pendant que Léna fait bouillir de l’eau pour faire cuire du riz blanc.

« Tu les emballes bien ! Moi je n’y arrive jamais. Faire les paquets cadeaux, ça a le don de me gonfler en cinq minutes top chrono, rit Léna.
- Ca va, on est assez complémentaires alors mon ange ! Toi, tu trouves les idées pour faires les cadeaux et moi je les emballe bien !
- Tu as raison ! Ca ne peut pas être qu’une coïncidence !! »

Léna se penche vers Emma. Cette dernière est assise au sol, sur le parquet du salon, entourée du papier cadeau, des présents, de la paire de ciseaux et du rouleau de ruban adhésif. Emma lève la tête et répond au baiser langoureux et tendre de Léna.
Cette dernière met un terme à ce moment doux et charnel en déposant ses lèvres sur le front d’Emma. Elle retourne dans la cuisine et met à cuire deux pavés de poissons du rayon traiteur de Carrefour.

Emma apprécie ces moments simples car ils viennent naturellement malgré la situation. Ils ne sont pas forcés. Elle sait que si Léna n’en avait pas envie, elle ne le ferait pas. C’est ce qui la rassure : Léna ne peut pas se passer d’elle et vice versa.
C’est tellement une évidence pour Emma qu’elle ne comprend finalement pas comment Morgane ait pu pénétrer et flouter ses certitudes lorsqu’elles passent du temps ensemble.
Comment a t’elle pu atteindre l’inatteignable ?
Comment peut-elle rendre incertaines ses plus profondes et puissantes convictions ?
Comment cela peut-être difficile de se passer de Morgane si Emma sait ce qu’elle veut au fond d’elle ?
Emma repense au film Vicky Christina Barcelona, le message de ce dernier étant qu’il ne s’agit pas forcément de savoir exactement ce qu’on veut mais plutôt de savoir ce qu’on ne veut pas. Et Emma est bien sûre d’une chose : elle ne souhaite pas perdre Léna.

L’après-midi se déroule sans accroche pour toutes les deux. Elles se sont embrassées au moment où Léna partait au travail : elles ne se reverront qu’à l’entraînement ce soir.
Emma est parvenue à se concentrer sur ses séances à préparer et ses dossiers de subventions. Cela lui paraît étrange de ne plus préparer la séance de la départementale avec Morgane. Pour ce soir, c’est justement au tour de cette dernière de préparer. Cela allège le travail d’Emma qui n’a que la séance de jeunes à imaginer. Mais elle ressent tout de même un vide douloureux au fond d’elle, encore et toujours.

-J’espère que ces sensations vont disparaître. Finalement, je n’ai rien fait de mal. J’ai tout avoué. Il faut maintenant laisser le temps au temps. Cela serait tellement plus simple si d’un claquement de doigt on pouvait obtenir tout ce que l’on souhaite… -

Léna travaille l’après-midi le vendredi : elle termine cependant légèrement plus tôt pour pouvoir être à l’heure au gymnase. Elle quitte le cabinet aux alentours de 20h car l’entraînement débute à 20h30.
Son planning est bien rempli et elle est contente de ne pas penser à tout ce qui se passe actuellement dans sa vie personnelle. Elle préfère se concentrer sur la vie que les patients lui racontent.
Léna parvient normalement à masquer ses contrariétés et déceptions : elle le fait grâce au sport, au volley et la course à pied. Sauf qu’en l’occurrence, dans cette situation, le volley rentre dans le cadre des soucis personnels. Mais elle ne peut pas dire qu’elle n’a pas hâte d’aller s’entraîner, retrouver la bonne humeur de ses coéquipières et taper du ballon.

Elle quitte donc le cabinet avec plus ou moins d’entrain en direction du gymnase. Elle dit au revoir à ses collègues et patients encore présents, leur souhaite de passer un bon week-end et prend sa voiture.
A cette heure-là, il n’y a pas trop de circulation. Elle écoute la station Virgin Radio : c’est la chanson « Papaoutai » de Stromae. Léna connaît les paroles par cœur : elles la font vibrer et le rythme également.
Elle arrive à la salle aux alentours de 20h20. Elle aperçoit l’entraînement de la départementale en rentrant dans la salle de sport. Elle voit Emma et Morgane, elle croise par inadvertance leurs regards. Très vite, sans un sourire ni un signe de tête comme elle avait l’habitude de faire, Léna part saluer Eric et les filles de son équipe déjà présentes.

Elle file dans un vestiaire pour se mettre en tenue. Léna enlève rapidement son jean pour mettre un short noir moulant Domyos, enlève son t-shirt et en met un autre plus approprié à la pratique sportive après avoir remplacé son soutien-gorge par une brassière noire Nike. Elle enfile ses genouillères et ses chaussures.

Léna sort rapidement du vestiaire et rejoint ses coéquipières. Sous les directives d’Eric, elles commencent toutes à courir pendant dix minutes pour s’échauffer progressivement. Puis, elles entament un petit circuit de renforcement musculaire : abdominaux, gainage, dorsaux, pompe et cordes à sauter. C’est parfait pour se mettre en jambe.
L’entraînement se poursuit avec divers exercices avec ballons et jeux d’opposition. Emma et Morgane ont rejoint le collectif à 21h.
Morgane fuit encore le regard de Léna. Cette dernière reste autant fermée qu’à l’entraînement précédent. Cependant, contrairement à la dernière fois, elle n’est pas fermée totalement, mais seulement à deux personnes. Léna parvient à prendre du bon temps, rire, déconner avec les autres filles. Elles ne les surveillent plus, elles ne regardent pas du coin de l’œil.

Emma et Léna, depuis leur arrivée au sein du club en septembre, ont instauré un nouveau jeu dans l’équipe : le jeu du titre. Léna en avait expliqué les règles après un match :

« Dès qu’une phrase tendancieuse est prononcée et qu’elle pourrait être le titre d’un film X, il faut dire Titre. C’est très drôle car, c’est dans un tout autre contexte à chaque fois et cela fait dégénérer les conversations !! »

A cet entraînement, les titres fusent. Ophélie et Léna sont très réactives ce qui fait rire l’ensemble du collectif et détend l’atmosphère.
La séance se termine vers 22h, une demie heure plus tôt que coutume pour trinquer en l’honneur des 18 ans de Clara. Les filles démontent le terrain, rangent le matériel et filent toutes à la douche. Léna ne reste pas trop longtemps sous l’eau chaude, contrairement à Emma, elle rejoint rapidement Eric dans le foyer.

« Alors ma petite, comment ça va ? demande t’il.
- Un peu fatiguée en ce moment. La trêve va faire du bien je pense !!
- Tu prépares toujours ton semi-marathon ?
- J’essaie mais je m’y mets progressivement et surtout plus sérieusement en Janvier. Là, je veux juste reprendre un petit peu du poil de la bête !!
- Allez demain à fond pour le match : il faut qu’on aille chercher la victoire ! La semaine prochaine, il n’y a entraînement que mercredi. Jeudi, on fait le repas raclette tous ensemble au restaurant et après on aura tous deux semaines de repos bien méritées. As-tu pris quelques jours durant les fêtes ?
- Non, j’en prendrai beaucoup plus durant le printemps et l’été ! Je prendrais peut-être un jour ou deux en janvier mais c’est tout. »

Les filles les rejoignent au compte goutte. Eric a la soixantaine, et atteindra bientôt les 70 ans. Il est bienveillant envers toutes les joueuses de l’équipe.
Léna et Ophélie l’aident à installer les gâteaux et les gobelets sur la table. Emma arrive peu de temps après, elle s’assoit à côté de Léna. Morgane, quant à elle, se trouve en face d’elles deux.
Toutes et Eric chantent « Joyeux Anniversaire » et Clara souffle ses bougies et ouvre ses cadeaux. Elle est ravie, sauf pour le short en moumoute rose :

« Tu dois le porter au prochain entraînement, s’exclame Ophélie.
- Mais non !!! Vous déconnez ?! Je vais avoir tellement chaud là-dedans ?
- C’est l’entraînement ou le match ! rétorque Laurie.
- Ok, finalement, je le porterai à l’entraînement, ce sera PAR-FAIT ! »

Emma et Léna se regardent en souriant : elles ont vu juste en prenant plein de petits cadeaux à la fois sérieux pour certains et d’autres plus frivoles. Elles se tapent dans les mains.
Clara remercie tout le monde par une bise et chacun lève son verre en son honneur. Ils restent une petite demie heure tous ensemble avant de commencer à ranger et nettoyer le foyer.
Le pot d’anniversaire touche à sa fin. Léna aperçoit du coin de l’œil Morgane qui rassemble ses affaires. Elle s’approche de la jeune brune :

« On parle 5 minutes après, comme on avait dit ? On se mettra dehors, tu pourras fumer et on sera plus tranquilles. »

Morgane hoche la tête en guise de réponse. Emma se sent nerveuse : elle aimerait rester pour pouvoir tout savoir et tout entendre.
Après que tout le monde ait aidé à ranger, les filles et Eric se disent au revoir, conviennent de l’heure du rendez-vous pour le match à domicile du lendemain et retournent chacun à leurs véhicules respectifs.
Emma se rapproche de Léna qui suivait Morgane pour entamer la discussion :

« Je vous laisse parler tranquillement. A tout à l’heure mon ange, dit Emma en souriant à Léna.
- Yes, à tout à l’heure. Je te dis quand je pars. »

Emma se sépare des deux jeunes femmes qui s’assoient contre le mur du gymnase. Léna est nerveuse, elle ne sait pas par où commencer ni de quelle façon entamer le dialogue. Morgane allume une cigarette et ramène ses genoux contre elle. Léna décide de se lancer, supportant mal le court moment de silence déjà bien trop pesant pour elle :

« Je ne suis pas là pour t’en mettre plein la tête tu sais. Je sais qu’Emma t’a prévenu que je pouvais être méchante parfois. Mais comme je lui ai dit, comme je t’ai dit aussi dans le message, je n’en ai pas envie car je t’apprécie du peu que je connaisse.
- Je suis vraiment désolée pour tout ça Léna. J’espère que tu le sais. Je ne veux rien faire qui vous mette en danger. D’ailleurs, je te le dis et te le répèterai si besoin. Je n’ai pas quitté Amélie pour tout ça. Ca n’allait pas entre nous depuis quelques temps et je me posais déjà des questions concernant notre avenir.
- D’accord… Mais j’ai besoin de réponses à mes questions Morgane. J’ai besoin de savoir comment tu vis tout ça, toute cette situation. Je veux savoir depuis combien de temps vous vous cherchez réellement. Est-ce qu’elle te plaît ?
- Je ne mentirai pas, donc oui, Léna, elle me plaît. »

En prononçant cette phrase, Morgane a tourné la tête en direction de Léna pour la regarder dans les yeux. Une larme coule sur la joue de cette dernière.

« Est-ce-que tu ressentais déjà tout ça quand j’ai fait part de mes inquiétudes ?
- Je ne pense pas que j’avais les idées, ces envies, cette attirance en tête. Cela m’a embêtée quand j’ai su que tu tiquais car justement tout était sain, sans arrière pensée, rien quoi !
- Depuis combien de temps tu penses que tout a basculé ?
- C’est arrivé petit à petit à partir de ce moment-là je pense. Mais je ne me focalisais pas dessus. Je profitais juste du temps, des moments passés ensemble.
- Je comprends. Ce qui me blesse finalement, c’est que je vous avais prévenu. J’avais tiqué une fois, j’avais prévenu Emma. Vous m’avez rassurée : Emma directement, mais toi aussi indirectement car tu étais en accord avec ce qu’avait dit Emma. Vous en avez parlé, j’ai été rassurée. J’avais pleinement confiance en vous deux. Je ne m’en préoccupais plus ! Et allez que deux semaines plus tard, j’apprends tout ça ? Je vois les conversations aguicheuses… parce que oui, Morgane, j’en ai lu des bribes de vos conversations joueuses, j’ai demandé à voir.
- Je sais Léna, je suis désolée, prononce Morgane en étant très mal à l’aise. On s’est laissées dépasser par ce qu’on faisait qui ne nous semblait pas mal sur le moment. Et surtout, je le répète, à la base, tout était sain, sans arrière pensée.
- Mais le pire, enfin le plus déroutant, c’est que je n’arrive pas à vous en vouloir. Je ne peux pas être en colère après vous c’est vrai ! Je devrais vous en vouloir mais pourquoi ? Parce que vous vous plaisiez ? Parce que vous vous êtes découvertes et appréciées petit à petit ? Les rencontres sont humaines… Je suis blessée car je n’ai pas l’impression d’avoir été respectée, d’avoir été prise, excuse-moi pour l’expression, mais littéralement pour une conne.
- Je ne sais pas quoi te dire en réponse à ça… si ce n’est qu’il ne s’est jamais rien passé de physique, vraiment. Sois-en convaincue.
- Je le sais, enfin je crois. Mais je n’ai pas de mal à vous imaginer, à avoir ces images en tête et ça me fait du mal car c’est ce que je vois avant de dormir. Donc je ne me repose pas, j’ai toujours la tête plongée dans cette situation. Et tu vois Morgane, même en disant tout ça, je n’ai pas envie de t’en mettre plein la tête et je n’arrête pas de me dire que tout serait tellement plus simple. Plus facile si tu n’étais qu’une simple connasse que je ne connais pas, que je ne reverrais pas : j’aurais juste à déverser ma haine sur toi, à te détruire momentanément verbalement. Mais bordel, Morgane, on est amenées à se côtoyer trois fois par semaine, dans un gymnase, sur un terrain de 81 mètres carrés !!
- C’est pour cela que j’ai dit que si besoin, je peux m’effacer sans problème. Je ne plaisante pas en disant ça Léna. Crois-moi.
- Honnêtement, crois-tu que ce soit une solution ? Personnellement, je ne pense pas. A un moment donné, il faut savoir aussi assumer. Le terrain, c’est le terrain comme dit Eric et il n’a pas tord. »

Morgane allume de nouveau une cigarette et tire une latte. Elle sourit en hochant la tête. Elle est d’accord avec la phrase que vient de citer Léna. Elle est d’accord et de plus, elle en est contente car elle ne souhaite pas, au fond, avoir à se priver. Mais pour autant, elle ne veut pas être une mauvaise personne et faire du mal à deux personnes qu’elle connaît et qu’elle apprécie. Si cela n’avait pas été le cas, Morgane ne se serait pas autant posée de questions, ni remise en question. Elle n’aurait pas autant réfléchi sur toute la situation, sur toutes les solutions possibles et envisageables pour faciliter la vie d’Emma et Léna. Elle aurait juste vécu et profité de la situation, consommé simplement le plaisir sans se poser de questions.
Morgane tourne la tête vers la jeune femme assise à côté d’elle. Morgane trouve en Léna une force de titan, mais aussi une incroyable vulnérabilité ce qui la rend encore plus touchante. Elle voit les tiraillements. Elle voit les cernes. Elle voit les yeux gonflés par les pleurs.
Léna poursuit :

« Donc, vraiment, je compte sur toi pour l’apéro demain après le match.
- Je ne sais pas. Vraiment Léna. Tu es sûre de toi ? C’est réellement ce que tu souhaites ?
- Je ne sais pas si c’est ce que je souhaiterai demain. Mais, dans mon raisonnement, je fais partie de l’équipe, Emma fait partie de l’équipe, tu en fais partie aussi. C’est un moment qu’on partage avec l’équipe donc tout le monde doit être là s’il le peut.
- C’est vrai, sourit Morgane. Je verrai demain. J’entends ce que tu me dis et je comprends ton cheminement. C’est gentil de me dire tout ça, merci.
- Ne me remercie pas, je ne cherche pas être gentille. Je t’expose un petit peu tout ce qu’il se passe dans ma tête. Si je vais plus loin dans ma réflexion, c’est bientôt mon anniversaire, début janvier. Je pense vouloir le fêter avec l’équipe aussi le samedi après le match en organisant une petite soirée tranquille à l’appartement. Et je crois que j’aimerais que tu sois présente. »

Morgane rit nerveusement à cette annonce. Elle ne s’y attendait pas, mais cela la touche : autant de transparence concernant des ressentis, des pensées, des cheminements.
Elle sourit car elle aimerait qu’en Janvier la situation soit plus claire, plus simple, plus saine. Mais personne ne peut le garantir.

« On verra à ce moment-là. Cela me ferait plaisir mais on va d’abord voir comment tout se passe avec la trêve aussi. Emma a dû te dire pour elle, et me concernant c’est pareil : ce sera silence radio vraiment. Le sevrage, le sevrage comme elle dit…
- Oui c’est sûr. Le sevrage, c’est vrai qu’elle emploie cette expression : je ne l’aime pas trop à vrai dire ! avoue Léna. Elle est assez… forte. Après c’est vous qui gérez personnellement toutes les deux : vous ne vous parlez plus. Certes, ça me fait moins paniquer c’est sûr. Mais à terme, j’aimerais que tout soit simple : qu’on soit potes quoi !
- Moi aussi, j’aimerais claquer des doigts et hop que ce soit fait !!
- Tu m’étonnes, à qui le dis-tu ! »

Elles rient toutes deux légèrement à cette phrase.

« Je te dis juste ce que je pense depuis le début Morgane. Et c’est assez difficile de gérer tout ce qu’il se passe en moi. J’ai l’impression d’être constamment dans l’attraction des montagnes russes. Je ne sais pas de quel pied je me lève le matin car un rien peut faire chavirer mon état d’esprit. Je n’aime pas être victime de mes propres émotions. Je ne sais pas si je peux faire entièrement confiance à Emma : j’en ai très envie, j’essaie au quotidien mais il y a toujours forcément des doutes. Je ne sais pas si je peux te faire confiance car finalement, je ne te connais que très peu. Surtout, j’ai quand même au fond de moi cette douloureuse impression que vous vous êtes bien foutues de moi. J’entends tout ce que vous dîtes toutes les deux, que non, ce n’est pas le cas, c’est arrivé sans crier gare : mais dans les moments difficiles, cela revient toujours. Je ne sais pas si je suis tout simplement inconsciente de te dire tout ça : je ne veux pas que tu t’isoles. Je ne veux pas qu’à terme vous vous perdiez en tant qu’amies parce que vous vous apportez beaucoup, j’en suis persuadée. Je suis peut-être naïve ou folle, mais je veux juste être respectée et ne pas tomber des nues encore une fois. »

Léna pleure en prononçant ces mots. Elle exprime ses conflits émotionnels et non dans un but de toucher Morgane. Elle souhaite juste verbaliser ce qu’elle ressent : mettre des mots sur tout ça a un effet thérapeutique. Mais Léna souhaite également que Morgane sache tout ce qu’il se passe en elle, tout ce que cette situation provoque.
Selon Léna, c’est important que Morgane sache tout cela : pour qu’elle mesure réellement la complexité de la situation, pour qu’elle se rende compte que Léna souhaite seulement que tout s’éclaircisse et devienne plus aisé pour tout le monde.
Finalement, derrière toutes ces émotions contradictoires, la plus présente reste la peur.
La peur de perdre la femme qu’elle aime, la femme qui lui a permis de s’émanciper et de vivre réellement sa vie. Léna avait quitté le domicile familial à ses 18 ans pour suivre Emma à Nice pour les études. Léna en avait profité pour faire une classe préparatoire pour le concours de Kinésithérapeute : les deux jeunes femmes vivent ensemble depuis cinq ans.
La peur d’être abandonnée et remplacée si facilement.
La peut car elle ne peut pas contrôler les sentiments d’Emma et encore moins ceux de Morgane.
La peur de ne pas gérer au match demain.
La peur de ne plus gérer tout court au volley finalement.
La peur de devenir complètement paranoïaque.
La peur de ne plus faire confiance.
La peur de ne vivre que dans la peur de perdre.

« Je te préviens, si tu viens demain soir, j’aurai sûrement envie de me mettre une charge, balance Léna avec tout son sérieux.
- Moi aussi, je crois que j’en ai bien envie, répond Morgane après avoir écarquillé ses yeux. J’apporterai à boire alors demain. Vin rouge ? Rosé ?
- Comme tu veux et tu me serviras un verre de ta bouteille alors. On trinquera à tout ça.
- Entendu et avec plaisir ! »

Les deux jeunes femmes se sourient mutuellement à cette promesse de trinquer : trinquer car la vie continue. Léna se lève et attrape son sac. Morgane l’imite. Elles se tiennent face à face. Léna regarde l’heure sur son téléphone : il est minuit passé de cinq minutes.

« Je te dis à demain soir alors, en pleine forme Morgane.
- Toi aussi, en pleine forme, histoire de trinquer aussi à la victoire ! »

Morgane et Léna s’enlacent après s’être rapprochées du parking où sont garées leurs deux voitures. Morgane caresse gentiment le dos de Léna pour la rassurer. Rien ne sera plus pareil dorénavant.
Elles se détachent au bout de quelques instants. Elles se font la bise et reprennent chacune la route en direction de leurs domiciles respectifs.

Léna arrive rapidement à l’appartement : elle avait prévenu Emma de son départ par le traditionnel message. Cette dernière ouvre à Léna, le ventre un peu noué, brûlant d’envie de savoir et connaître tout sur cet entretien ayant duré une heure.

« Est-ce-que ça s’est bien passé mon amour ? demande Emma après l’avoir embrassée tendrement.
- Tranquillement, intense, honnête à la fois. J’ai hyper faim : qu’est-ce qu’on mange ?
- Salade verte et nuggets de poulet ! Qu’est ce que vous vous êtes dit ?
- Attends amour, laisse-moi juste le temps de poser mes affaires, plaisante Léna. Impatiente va !! 
- J’avoue… lève les mains au ciel Emma. »

Elles rient innocemment. Léna enlève ses baskets, dépose son manteau sur le dossier d’une chaise noire du salon. Elle range ses chaussures de sport et ses genouillères dans le cellier et rejoint Emma qui l’attend à table dans la cuisine. Les deux assiettes sont prêtes. Léna s’assoit à côté d’Emma et boit une grande gorgée d’eau bien fraîche :

« Ce qu’on s’est dit… Voyons… Globalement, beaucoup de choses que nous nous sommes déjà dites toutes les deux. J’ai juste dit que je ne voulais pas qu’elle s’efface, qu’il fallait assumer et qu’on n’allait pas s’arrêter de vivre. J’ai parlé aussi de mon anniversaire : je lui ai dit que je pense que j’aimerais qu’elle soit présente.
- Ah oui ? vraiment ?
- Après on est tombées d’accord sur le fait qu’on verra comment cela se passe par la suite. Elle mise beaucoup sur la trêve aussi.
- Moi aussi et tu le sais…
- Oui, c’est sûr et d’une façon moi aussi. Mais personnellement, je n’ai rien à faire comme action, sauf attendre. Donc ça reste assez flou et utopique pour moi tous vos discours et attentes sur la trêve.
- Je n’ai pas envie que tu me démoralises sur la trêve justement amour… j’y crois vraiment…
- Je ne la décrédibilise pas bébé. Pas du tout même. Je dis juste que pour moi, trêve ou pas, je n’ai qu’à attendre finalement. Je me suis mal exprimée.
- Ah oui, je comprends mieux en effet. Cela faisait vachement sec !!
- Excuse-moi, ce n’était pas le but. Elle vient aussi au pot demain soir, enfin elle reste après le match quoi.
- Ah ok ! c’est bien qu’elle ne se prive pas. De toutes façons, je resterai à côté de toi, je n’irai pas avec elle.
- Ça me paraît assez évident en ce moment oui !!! répond d’un ton légèrement sec Léna. Et puis on verra, mais j’ai dit que selon si on gagne ou pas, je fêterai bien bien bien ça. Un peu d’alcool pour oublier tous les derniers évènements et se libérer un peu plus !
- T’as bien raison mon ange ! On pourra laisser la voiture sur place et rentrer à pied après au pire : il n’y a que deux kilomètres entre le gymnase et l’appartement. »

Emma et Léna finissent tranquillement de manger leur assiette. Elles dégustent leur dessert : un yaourt pour Emma et un café liégeois pour Léna.
Elles terminent cette journée dans le lit, enlacées l’une contre l’autre, en peau contre peau, Emma dans le dos de Léna. Elles tombent toutes deux dans les bras de Morphée, rassurées par la présence et le contact de l’autre. Elles sont un pilier l’une pour l’autre et commencent à retrouver leur stabilité qui avait été un peu ébranlée ces derniers temps.
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MessageSujet: Re: Les Amantes. - Ce-Line   Les Amantes. - Ce-Line Icon_minitimeJeu 1 Fév 2018 - 6:07

Chapitre 7 – La décadence commence.

Pour Emma et Léna, il n’y a que très peu de choses aussi, voire plus agréables, le samedi matin, que de faire une bonne grasse matinée pour recharger les batteries. C’est un moment partagé qu’elles savent apprécier : le contact charnel, le toucher peau à peau le soir pour s’endormir le soir et le premier contact du matin pour se réveiller tout en douceur.
Elles avaient mis le réveil à midi car Emma doit aller coacher son équipe jeune qui a match cet après-midi.
C’est pourquoi elles mènent une vie quelque peu décalée : elles n’ont pas un week-end ni un rythme classique. Elles ont un seul jour de repos réellement en commun : le lundi. Tout le reste de la semaine est rythmé par les entraînements, les matchs de volley et les demi-journées de travail au cabinet.
Elles ne connaissent pas réellement le rythme métro-boulot-dodo. Elles en sont plus que ravies de pouvoir regarder des séries, des films, de parler tard le soir sans trop se soucier du réveil du lendemain matin.
Ce samedi 16 décembre, Emma et Léna se réveillent donc à midi, après une bonne nuit de sommeil. Elles s’embrassent tendrement.

« Bonjour toi, commence Léna.
- Bonjour mon amour. Bien dormi ?
- Oui, cela fait du bien une vraie nuit. Je vais aller faire couler les cafés. On fait un gros petit déjeuner brunch ? Vu que tu pars à 14h, ce serait bien, comme ça tu tiendras bien tout l’après-midi !!
- Carrément !! Fais chauffer la cafetière, je te rejoins pour tout préparer. »

Léna sourit et se lève dans sa tenue d’Eve. Elle attrape sa robe de chambre bleu marine qui se trouve par terre et l’enfile. Elle ouvre la porte de la chambre et laisse pénétrer la lumière du jour. Elle entre dans la cuisine et ouvre les volets après avoir allumé la cafetière Senseo.
Emma sort du lit, met son peignoir et ouvre les volets de la chambre. Elle laisse la fenêtre ouverte pour aérer la pièce. Elle rejoint ensuite Léna dans la cuisine qui est en train de mettre deux tranches de pain à griller. Emma l’entoure de ses bras au niveau des hanches et l’embrasse sur la joue :

« Qu’est ce que tu veux avec ton pain Amour ? demande Léna en souriant et en tendant un peu plus la joue.
- Nutella et peut-être beurre-miel pour certains.
- Ok, attrape le beurre alors. Je sors le miel et le Nutella. Sors aussi le jus d’orange, la salade, le chèvre et le saumon fumé. On va vraiment se régaler !! »

Emma sourit à cette phrase. Elles sont toutes les deux très gourmandes que ce soit du sucré comme du salé. Elles installent le repas sur la table du salon car celle de la cuisine se révèle trop petite pour accueillir autant de choix gustatifs en même temps : pancakes, tartines de pain grillé, saumon, salade, œufs, café et jus d’orange. La totale pour bien commencer la journée.

« Tu ne vas pas t’ennuyer pendant que je serai au match de mes petits jeunes hein amour ? demande inquiète Emma.
- Oh bah écoute… Je vais bien m’occuper. Je vais aller courir un petit 5 kilomètres tranquillement vu qu’on a match ce soir et me regarder peut-être un épisode de ma série. Cela va rapidement passer tu sais. Tu pars à 14h, tu vas rentrer vers 17h et on a rendez-vous à 19h30. Donc ne t’en fais pas pour moi !!
- C’est vrai, tu as raison. J’ai toujours peur que tu balises et que tu déprimes seule à l’appartement…
- Il ne faut pas t’en faire. Et puis si ça arrive, ça doit arriver, je saurais me raisonner. Je suis une grande fille et je bien m’occuper de moi-même. »

Après avoir chacune fini leur bouchée, les deux jeunes femmes s’embrassent tout en se caressant la main sur la table. Léna boit son cappuccino et Emma son café noir sans sucre.
Léna n’a pas peur de passer du temps seule : elle sait qu’elle ne va pas laisser trop de temps à son esprit pour divaguer.
Divaguer entraîne la réflexion.
La réflexion engendre l’imagination.
L’imagination lui provoque en ce moment l’insécurité.
L’insécurité l’entraîne dans l’énervement, le malheur, le rejet, l’incompréhension, la perte de confiance : tant de sentiments négatifs que Léna n’a pas du tout envie de ressentir.
Cependant, elle aimerait bien penser à tout cette discussion avec sa sœur Jessica. Pour l’instant, tous ses mots ont été mémorisés, entendus et placés dans une case en retrait dans son cerveau en attendant que celui-ci calme les émotions primaires.

Emma n’aime pas lorsqu’elles sont contraintes d’être séparées : une qui soit occupée et l’autre non, d’autant plus en ce moment. Elles n’ont jamais apprécié cela : leur relation est fusionnelle. Emma a envie de se concentrer sur son couple, sur sa compagne : lui prouver que Léna peut lui faire confiance, qu’elle n’a pas à avoir peur. Elle veut lui prouver qu’une erreur, un moment d’égarement ne peut pas ébranler presque sept ans de relation. Pour Emma, c’est deux poids, deux mesures. L’attachement, les sentiments, les émotions ne sont pas du tout les mêmes et ne sont tout simplement pas comparables.

Emma regarde Léna en buvant son café. Même si le ciel est plutôt grisonnant, un mince et faible rayon de soleil illumine le visage à moitié réveillé de Léna. Elle sourit en l’observant réellement.
Emma aime ses cheveux blonds ondulés, libres de faire ce qu’ils veulent, à la fois disciplinés et indisciplinés.
Elle aime ses yeux bleus profonds tirant vers le gris.
Elle aime le bout de son nez qui a tendance à être souvent rouge ce qui a la don d’énerver Léna.
Elle aime sa bouche pulpeuse qui ne demande qu’à être embrassée et son sourire charmeur qui la fait vaciller.
Emma aime ses dents blanches, parfaitement alignées après plusieurs années de galères avec les appareils dentaires.
Léna fronce les sourcils :

« Pourquoi me regardes-tu comme ça ? J’ai quelque chose sur le visage ? Ou c’est encore mon nez qui est tout rouge ?
- Ah ah, s’esclaffe Emma. Non, tu n’as rien sur le visage. Mais oui, par contre, ton nez est légèrement rouge, petite ivrogne !!
- Arrête, c’est vraiment pas drôle !! Il rougit tout le temps lorsque j’ai froid !
- Moi, j’aime bien tes petites rougeurs…
- Ouais ouais c’est ça…
- Allez, ne fais pas ton ronchon mon ange ! »


Léna fait la moue et tire ensuite la langue à Emma qui rit à gorge déployée. Une fois le brunch terminé, Léna s’attelle à ranger. Il est 13h20 et Emma doit se préparer. Elles ont passé un agréable moment à deux, à rire, à discuter, sans prise de tête.
Parler de tout et de rien.
Parler de la photographie, domaine que Léna apprécie.
Parler de voyages, de découvertes du monde entier.
Parler de volley évidemment.
Parler de la course à pied et du semi-marathon de Léna.
Parler de surf, de vagues et d’océan.

C’est dans les dires les plus simples qu’elles se retrouvent d’une façon la plus sincère et la plus pure qu’il soit. C’est dans ce moments que le doute ne plane pas au-dessus de leurs têtes. C’est dans ces instants que l’évidence s’illustre et se renforce, que le naturel s’impose et s’affirme. Les regards doux, l’élaboration de projets à deux, le manque de l’autre ne mentent pas.

13h50 est affiché à l’horloge de la cuisine. Emma est sur le départ. Elle est habillée en mode sportive : une brassière de sport, un jogging noir, un t-shirt blanc et sa veste grise et bleu de chez Roxy. Elle met son manteau, enroule son écharpe autour de son cou , enfile ses chaussures et porte son sac à dos sur son épaule droite. Toutes deux se tiennent à l’entrée de l’appartement :

« Je te dis à tout à l’heure mon amour. Je te dirai quand je pars de là-bas. J’ai 30 minutes de trajet à peu près, déclare Emma.
- Oui, de toutes façons, je serai là. Je vais m’habiller pour aller courir là, mais pas beaucoup, une petite demi-heure, histoire de prendre l’air. J’espère que ça irai avec ton équipe. Gagnez !!
- On va tout faire pour ma foi ! Cela va être un match intéressant je pense. Allez je dois filer avant que je ne sois en retard ! Je t’aime, à tout à l’heure !! »

Les deux jeunes femmes s’embrassent pour se dire au-revoir et Léna ferme la porte de l’appartement. Elle regarde par la fenêtre de la cuisine Emma qui se dirige vers la voiture : elles se font un dernier signe de la main.
Léna attrape ses affaires pour courir dans le placard : ses manchons de compression, un legging Décathlon, un lycra et un pull. Elle met une brassière de sport, enfile le reste de ses vêtements, se brosse les dents et s’attache les cheveux en faisant une queue de cheval. Elle enfile son brassard où elle y a placé son téléphone et enclenche ses écouteurs Bluetooth.

-Et c’est parti pour 5 kilomètres en courant tranquillement. Objectif : les faire en 27 minutes. Allez, tu en es capable Léna !! –

Pendant ce temps, Emma roule en direction du gymnase de Saint Laurent de Médoc. Elle écoute Radio Nova Sauvagine : une station peu connue, peu commune, riche en culture, avant-gardiste sur pas mal de morceaux musicaux. C’est une station éclectique qu’Emma et Léna apprécient particulièrement.
Il n’y pas beaucoup de monde sur les routes du Médoc aujourd’hui. Elles sont surtout très empruntées l’été avec les touristes.
Le temps reste maussade. Le soleil parvenait à percer quand Emma est partie de l’appartement à Bordeaux. Mais, plus elle s’enfonce dans le Médoc, plus le ciel est grisonnant. Une pluie fine commence même à tomber. Emma espère que Léna ne va pas courir sous la pluie et attraper un mauvais rhume par la suite.

L’esprit d’Emma divague en ayant en arrière plan le match de ce soir. Elle craint un petit peu le fait d’être toutes les trois sur le terrain en même temps. De plus, c’est un match à enjeu que l’équipe doit gagner.
Emma sait que Léna essaiera de faire la part des choses. Elle ne sait cependant pas si elle y parviendra. Mais elle souhaite que Léna profite du match et prenne du plaisir à jouer car Emma sait que cet engouement est quelque peu entaché en ce moment.

L’après-midi passe. Les heures défilent, les rapprochant toujours un peu plus du match du soir-même les opposant à la belle équipe de Jurançon. Léna s’est occupée toute l’après-midi : courir, naviguer sur le net, écouter la musique, préparer les affaires du soir. Elle ne s’est pas ennuyée. Elle a même eu le temps de se faire un gommage sous la douche en rentrant de sa sortie course à pied.

Une fois Emma rentrée, elles se préparent petit à petit. Il est 17h. Elles goûtent, car le goûter est aussi une de leur tradition favorite. Puis, elles entament l’activité que toute femme adore : l’épilation.
Elles font chauffer la cire au micro-onde, et entament l’extermination de leurs poils. Elles font ça en musique et se moquent l’une de l’autre lorsqu’un cri strident retentit dans l’appartement.

Il est 19h15 : les affaires sont prêtes. Un dernier baiser langoureux et les deux jeunes femmes quittent l’appartement avec leurs sacs de sports pour partir en direction du gymnase. Elles disent bonjour aux filles déjà présentes en arrivant et finissent de mettre leur tenue. Il ne leur reste qu’à mettre leurs genouillères, leurs chaussures de salle et le t-shirt d’échauffement.

Morgane est déjà là elle aussi. Emma lui fait la bise avec un certain trac tiraillant ses entrailles : elle reste enivrée par son parfum qu’elle n’avait pas senti aussi intensément, d’aussi près depuis quelques jours. Emma reste désemparée : doit-elle se sentir coupable de ressentir du plaisir à humer cette odeur ou doit-elle juste en profiter ?
Léna dit également bonjour à la jeune brune, le plus cordialement possible. Elle parvient même à esquisser un sourire contrairement aux entraînements précédents où leurs regards se croisaient à peine, par mauvais hasard.

La musique retentit dans le gymnase : c’est Laura qui a branché son portable pour mettre en fond sonore la playlist d’échauffement. Elles commencent donc toutes à courir, faire des montées de genoux, des talon-fesses ou encore des accélérations. Le début du match est prévu pour 20h30. Les filles de l’autre équipe sont grandes : le match risque d’être tendu.
Il est maintenant 20h. Les joueuses s’échauffent deux par deux, avec un ballon. Comme à leur habitude, Emma et Léna se mettent ensemble pour cette partie de l’échauffement. Elles se lancent le ballon pour mettre en condition leurs articulations puis elles se smatchent rapidement dessus.
20h15 : l’arbitre appelle la capitaine de chaque équipe pour tirer au sort qui aura le service pour le début du match. Léna enlève son t-shirt de chauffe et met son maillot de match : elle porte le numéro 2.
Léna serre la main de la capitaine de l’équipe adverse et des deux arbitres. L’arbitre principal tire à pile ou face l’équipe qui aura le service : face en faveur de Léna, pile pour Jurançon. Il lance la pièce, l’attrape et la retourne sur son poignet : c’est face.

« On prend le service, déclare Léna.
- Très bien. Allez toutes les deux signer la feuille de match et bon match !
- Merci, répondent en cœur les deux joueuses. »

Léna signe et se dirige vers Eric :

« On a le service chef !
- Très bien ma petite, très bien. Allez va t’échauffer au filet un peu ! Lâche-moi ce bras ! »

Au volley, un quart d’heure avant le début d’un match, toutes les joueuses passent au filet : elles attaquent une par une, à chaque poste et ensuite finissent par deux minutes de service.
Emma est explosive au filet au centre. Léna l’est un peu moins mais reste très solide derrière, en réception et en défense.
L’arbitre siffle. Les joueuses rangent les ballons et se rassemblent autour de leur coach Eric qui commence à leur donner des consignes :

« Bon les filles… Ce soir, Jurançon qui sont juste devant nous au classement. On peut les taper. On peut les avoir si on se défonce sur tous les ballons ! Au contre, on prend bien l’axe de force pour bloquer la diagonale. Au service, on met la pression directement ! On les fait craquer pour nous mettre en confiance et gagner ce match, point par point, set par set ! »

Les filles acquiescent et Eric donne la position de départ : Emma, Laura, Léna, Aurélie, Nora, Lison et en libéro, Lucille. Laura, la passeuse, commence au service.
L’arbitre siffle pour ordonner l’entrée des joueuses sur le terrain. L’arbitre assistant vérifie les positions de départ. Une fois cela fait, le match peut réellement commencer.

Le premier set démarre plutôt mal. Tous les points sont disputés mais le réalisme n’est pas forcément au rendez-vous, ce qui est très frustrant. Rapidement, Eric fait sortir Laura, la passeuse, pour faire rentrer Morgane à sa place. Léna essaie de rester calme et détendue. Mais, ce n’est pas aisé pour la jeune femme : la frustration de relever tous les ballons, de ne pas marquer de points directement et que Morgane soit à présent sur le terrain rendent tout cela compliqué.
Léna ne fait pas de fautes en défense, se bat sur tous les ballons mais n’est pas à l’aise en phase offensive. Emma le sait et vient lui parler discrètement au filet, entre deux points :

« Allez, tu sais le faire. Lâche-toi, détends-toi. Ne joue pas paralysée. »

Léna sourit et acquiesce. Cependant, elles perdent quand même le premier set 25-22. Eric est en colère :

« Vous m’énervez les filles. On joue à 60% de nos capacités. Donc, c’est fini. On efface le premier set. On se motive et on échauffe le petit moteur Diesel que nous sommes et c’est parti. On va chercher les trois prochains sets ! »

Entre chaque set, les équipes changent de côté. Les filles se replacent sur le terrain. Cette fois, c’est léquipe adverse qui a le premier service.
Le match se poursuit. Les filles d’Eric prennent l’avantage : elles se réveillent. Léna sort en milieu de set, après une faute directe à l’attaque. Emma avait redouté cela : que Léna ne soit pas intégralement dans le match, qu’elle ne parvienne pas à faire la part des choses entièrement et à jouer avec plaisir.
Léna sort contrariée car au fond d’elle, elle pense que cette sortie est injuste. Mais elle se ravise, se tait, et respecte la décision d’Eric : elle n’est pas décisive devant, mais elle ne fait pas tant de fautes que ça. Elle ne s’assoit pas sur le banc des remplaçantes mais va dans le carré au fond, où se trouvent les autres remplaçantes et qui continuent à s’échauffer pour une éventuelle rentrée. Il y a Ophélie, Laura, Alice et Marina. Emma y est également, car Lucille, la libéro est sur le terrain sur les positions défensives à la place d’Emma. C’est Laurène qui remplace Léna.

« Ne le prends pas pour toi. C’est pour amener du sang neuf sur le terrain, dit gentiment Emma.
- C’est clair meuf ! Tu as sauvé de ces balles derrière ! s’exclame Ophélie.
- Non, mais on joue n’importe comment, ça m’énerve. Notre jeu n’est pas beau. C’est n’importe quoi, râle Léna. On est capables de tellement mieux ! »

Emma sait que le fond du problème n’est pas le match. Mais Léna est contrariée et ça se voit : elle a besoin de râler. Emma connaît Léna, elle sait que dans ces cas-là, il faut juste attendre qu’elle se calme intérieurement, qu’elle exprime ses opinions, qu’elle verbalise tout ça.
Léna la regarde avec une once de dégoût dans les yeux : elle ne parvient pas à se raccrocher aux paroles d’Emma. Elle reste prisonnière de ses pensées sans pouvoir se sortie la tête de l’eau :

-Ne penser qu’au match. Ne penser qu’au match. Ne pas faire sa tête de con, sinon, tu vas exploser. Tu peux le faire Léna. Ne pas les voir toutes les deux bien trop proches. Ce n’est que le volley. Le terrain, c’est le terrain. Tu es capitaine, ressaisis-toi ! -

Léna reste échauffée dans le carré des remplaçantes. Emma rentre lorsque c’est à elle de repasser sur la ligne offensive. Le reste du set se déroule sans soucis. Point par point, leur équipe s’impose pour finalement le gagner sur un score de 25 à 17. Cela fait un partout. Il faut encore remporter deux sets pour gagner le match.
Léna rentre de nouveau au début du troisième set. Elle se sent légèrement plus à l’aise. Emma et Morgane sont également titulaires. C’est Aurélie qui part au service. Les points s’enchaînent. Le ballon passe et repasse au-dessus du filet : attaques, renvois directs, défenses, petites feintes. Les deux équipes se disputent tous les ballons donnant aux spectateurs un agréable divertissement devant autant de points marathon.

Les filles remportent le troisième et le quatrième set plus facilement. Elles sont ravies et crient au centre du terrain, après le coup de sifflet final, leur joie de la victoire. Puis, elles partent serrer la main des arbitres et de leurs adversaires, pour finir par s’étirer sur le terrain.
Eric est ravi de remporter cette victoire à domicile : son équipe prend dorénavant la 5ème place du championnat.

Emma et Léna s’étirent côte à côte. Emma piste chaque émotion pouvant émaner du visage de sa compagne. Cette dernière semble contente mais Emma sent et sait pertinemment qu’elle est déçue au fond d’elle et elle a raison. Léna est déçue. Déçue d’elle-même. Mais elle est aussi satisfaite qu’elles aient gagné toutes ensemble : c’est en ça que le sport collectif est beau. La victoire s’obtient ensemble et on se bat toutes dans la défaite pour ne rien lâcher.
Toutes partent à la douche avant de servir le pot d’après-match dans le foyer. Léna et Emma sont les dernière à rentrer dans le vestiaire avec leurs affaires :

« Ca va mon ange ? demande discrètement Emma.
- Oui Oui. Ca m’a gonflée. On a gagné et j’en suis contente. Mais je ne me suis pas sentie à l’aise, donc je n’ai pas l’impression d’avoir joué. Je n’ai pas fait mon match. Mais ce n’est pas grave, ça arrive. »

Emma hoche la tête et caresse doucement l’épaule droite de Léna. Elles placent leurs affaires côte à côte sur le banc dans le vestiaire. Elles se déshabillent, attrapent tous leurs produits de douche nécessaires et filent sous l’eau bouillante.
Laura a laissé la musique sur son téléphone ce qui met un peu d’ambiance et encourage Léna à sortir de sa mine bougonne.

« Morgane ne se douche pas ? demande Léna.
- Non, elle a oublié le pot chez elle. Elle est rentrée pour tout récupérer et elle va se doucher là-bas je pense, répond Aurélie.
- Mais quel boulet celle-là, renchérit Laura. »

Après s’être lavées et prélassées sous la douche, les filles sortent une à une et se rendent dans le foyer pour mettre en place le pot. Eric a déjà commencé à sortir les plats et les boissons. Les filles de Jurançon arrivent également au compte-goutte.
Léna s’est légèrement pomponnée contrairement aux autres après-matchs. Elle a mis un jean slim brut, un body noir et un pull loose gris chiné en maille. Elle s’est discrètement maquillée au niveau des yeux en appliquant une fine touche de mascara. Elle porte également des bottines roots beige en daim et une écharpe grise anthracite.
Emma s’est aussi apprêtée en portant son jean boyfriend brut, des baskets de la marque Victoria blanches, un t-shirt noir simple et un pull gris foncé. Son écharpe est également dans les tons de gris.
Morgane arrive dans le foyer peu de temps après, douchée avec les deux bouteilles de rosé pétillant à la main. Elle les pose sur la table. Toutes les filles sont dorénavant présentes. Le gardien du gymnase ferme l’accès à la salle, aux terrains et les laisse profiter du reste de leur soirée.

Emma se tient proche de Léna qui grignote à tout va. Thon-St Moret, chips, guacamole, rillettes, pain, fromage, pizza et quiches faites maisons : tout est présent pour bien se remplir la panse. Tout le monde boit soit une bière soit un verre de vin.
Léna n’a pas spécialement envie d’être chaperonnée par Emma qui se tient près d’elle, sans rien dire, alors que Léna profite d’une discussion fort amusante avec Stéphanie. Elles se regardent de temps en temps, mais ne se parlent pas. Elles n’ont pas forcément besoin de mots pour se comprendre : elles feront un débriefing du match et de la soirée lorsqu’elles seront tranquilles chez elles.
C’est compliqué à gérer pour Emma qui voit Léna d’une humeur assez hasardeuse et de voir Morgane à l’autre bout de la pièce tout sourire. Elle ne sait pas où donner de la tête.
Léna plaisante beaucoup avec Stéphanie, une des « anciennes » de l’équipe. Elle en est à sa deuxième bière et se sent déjà ivre : la sensation de légèreté, des bulles montant rapidement à la tête avec la redescente de l’adrénaline, l’esprit léger et fluide, l’amusement en ligne de mire. Elle cherche enfin Emma du regard. Mais en vain, elle se tourne vers Aurélie :

« Tu sais où est Emma ? lui demande Léna.
- Dehors avec Morgane il me semble. Elles fument une cigarette.
- Ah bon ? s’étonne Léna. Très bien, merci.
- Oh, mais faut pas être jalouse, plaisante Aurélie en donnant une petite tape sur l’épaule de Léna.
- Moi ? Noooon, pas du tout. Ne t’inquiète pas pour ça ! »

Mais Léna bout intérieurement.

-Alors comme ça, tu vas rester près de moi toute la soirée, ou du moins ne pas passer un moment avec elle. Mais bien sûr… Dès que l’occasion se présente, tu fonces… J’y crois pas, c’est pas possible. Je dois être en train de rêver !-

Léna attrape une nouvelle bière et voit Stéphanie qui attrape son paquet de cigarettes. Léna et Emma ne fument pas au quotidien, mais en soirée, elles apprécient de fumer, avec leur verre. Léna se rapproche de Stéphanie et demande gentiment :

« Steph ? Est-ce-que je peux te taxer une cigarette s’il te plaîîîîît ?
- Mais bien sûr tiens ! Allez viens, on va dehors se la griller ! »

Léna met son écharpe autour du cou, attrape sa bière et son manteau et suit Stéphanie dehors. Emma et Morgane sont là toutes les deux à rire : verres à la main et clopes au bec. Le sourire d’Emma diminue légèrement quand elle voit Léna sortir du foyer et arriver avec Stéphanie. La jeune blonde, quant à elle, sourit : elle ne veut rien montrer mais son sang bouillonne telle la lave d’un volcan prêt à entrer en ébullition à tout moment.
Léna s’adresse à Morgane en la pointant avec sa main tenant sa bouteille de bière :

« J’attends de goûter ton vin tout à l’heure. N’oublie pas qu’on doit trinquer toutes les deux !
- Je n’ai pas oublié, c’est quand tu veux ! Dis moi quand tu as fini ta bière et je te sers un verre ! »

Emma ne sait pas où se mettre. Elle ne faisait rien de mal avec Morgane, elle en est persuadée. Mais elle sait que Léna peut parfois surjouer et être en quelques sortes hypocrite pour essayer quand même bien de bien vivre une situation qui lui est trop rude. C’est un de ses moyens de protection : rester impassible et montrer le contraire.
Parfois, pour occulter le mauvais ressenti, il faut exagérer et provoquer les bonnes sensations : se sentir ivre d’émotions créant la chamade au sein du cœur, au cœur du cerveau qui préfère alimentaire les circuits de récompenses du plaisir.
A la fin de sa cigarette, Léna embrasse sur la joue Emma et retourne dans le foyer. Elle rejoint Aurélie qui se fait un sandwich :

« Tu m’en fais un s’il te plaît ? demande Léna.
- Ah tu as décider de te faire servir ce soir non ?
- Totalement, je l’avoue !!
- Allez, je te le fais… Tu le veux à quoi ?
- Comme tu veux ! Fais moi la surprise du chef !! »

Emma entre de nouveau dans la pièce. Léna la voit du coin de l’œil. Elle s’assoit à côté de Morgane, pile en face d’elle, en plein dans sa ligne de mire. Cette dernière bout encore un peu plus à chaque seconde. Elle se demande comment Emma fait pour ne pas se rendre compte, pour ne pas réaliser ce qu’elle est en train de faire.
Emma croise le regard froid de sa compagne. Elle parvient à lire sur ses lèvres : « Fais attention, vraiment… Méfie toi… »
Dès cet instant, Emma se rapproche de Léna qui s’est assise seule en attendant qu’Aurélie ne finisse de lui préparer son sandwich :

« Mais enfin, mon cœur… Il ne se passe rien tu le sais, commence à dire Emma paniquée.
- Méfie toi, c’est tout. Je te le dis. Je peux rester très calme si tu tiens tes paroles.
- Je te jure, il ne se passe rien !
- Arrête de parler si fort, répond sèchement Léna. J’ai envie de passer une bonne soirée. Je te crois, enfin j’essaie. Donc c’est bon, gère comme tu le veux. Je m’en fiche. »

Emma hoche la tête et chercher à capter sa compagne du regard qui observe avidement son sandwich en cours de préparation. Emma entrelace leurs doigts et serre fortement la main de Léna qui détourne le regard et fixe Emma qui balise un peu plus à chaque minute. Elle lui sourit faiblement, timidement, passe une main dans ses longs cheveux frisés châtains. Emma ferme les yeux à ce contact et savoure chaque caresse comme si cela pouvait être la dernière.
Aurélie vient mettre un terme à ce moment de douceur et de réconfort. Elle s’assoit à coté des deux jeunes femmes :

« C’est vraiment nul que personne n’ait amené d’enceinte pour mettre la musique. Cela mettrait un peu plus d’ambiance !
- C’est clair, je suis d’accord avec toi, ajoute Léna. Je suis bien partie pour avoir envie de danser !
- La prochaine fois, on amènera l’enceinte que nous a donné ton père. Ca sera cool : ça donnera du bon son, intervient Emma ! »

Après avoir dit cela, Emma se lève pour aller se chercher une autre bière. Elles ont toutes les deux déjà trop bu pour conduire : elles rentreront à pied. La salle n’est qu’à deux kilomètres de leur appartement.
Emma ne sait pas quoi penser. Pourquoi Léna lui a t’elle dit tout ça ? Pourquoi ces avertissements ? Qu’est ce qui l’a dérangée ? Elles parlaient et fumaient juste ensemble.

Morgane n’a pas vu la scène qu’il vient de se dérouler. Elle observe à tour de rôle discrètement Léna et Emma. Tout a l’air d’aller : Léna est en train de caresser les cheveux d’Emma.
La jeune brune ferme les yeux brièvement. Au fond d’elle, le temps de trois minuscules secondes, elle s’imagine être à la place de Léna. Elle ouvre les yeux subitement et secoue la tête. Elle attrape quelques chips, les engloutit et se sert un nouveau verre de rosé pétillant. Emma vient la rejoindre une fois assise :

« Alors comme ça, tu avais vraiment oublié les bouteilles chez toi ? demande Emma avec un sourire aguicheur.
- Disons que louper le moment de la douche m’arrangeait bien aussi je crois…
- Et pourquoi ça ? »

Morgane rit nerveusement avant de répondre. Elle boit une gorgée en vérifiant que personne n’est assis trop près d’elles deux pour pouvoir entendre leur conversation :

« Se doucher ensemble m’incommoderait, déclare Morgane sur un ton formel pour masquer la gêne.
- Je ne vois toujours pas pourquoi, insiste Emma.
- Il faut vraiment que je te fasse un dessin ??!
- Peut-être bien… »

La conversation s’interrompt naturellement par l’arrivée de Léna qui vient manger la fin de son sandwich avec les deux jeunes femmes tout en piochant dans le paquet de chips.

« Bon Morgane. Tu me le fais goûter ton rosé pétillant ?!
- Attends, je te sers un verre de suite !! »

Léna attrape le verre que Morgane lui tend. Elles trinquent toutes les deux puis avec Emma. Léna pose ses lèvres sur les rebords du verre et goûte :

« Il est pas mal j’avoue ! Je préfère quand même rester à la bière pour ce soir. Les mélanges ne me réussissent jamais… Mais pas mal pour l’été !! »

Elle pose son verre après l’avoir fini et attrape une autre bière. Les filles de Jurançon sont parties. Il ne reste que quelques personnes : Stéphanie, Aurélie, son frère, Emma, Léna et Morgane.
Aurélie a mis la musique sur son téléphone avec le son monté au maximum. Léna la rejoint pour danser le Madison. Ses pas sont dictés par la célèbre chorégraphie et sont un peu plus enflammés sous les effets de l’alcool.
Emma observe sa compagne se déhancher au rythme de la musique. Elle apprécie la voir si détendue, à rire d’elle-même lorsque ses pas deviennent un peu gauches. Morgane se trouve à côté d’elle :

« Elle est lancée pour la soirée Léna ! s’exclame Morgane.
- On dirait bien, répond Emma. Le réveil va piquer tout à l’heure. Il est déjà une heure du matin !
- Bon ça va vous deux ? demande Léna en s’asseyant sur les genoux de Morgane. Ca ne vous dirait pas un petit foot ?
- Carrément. Laisse moi trouver un vieux ballon, déclare Morgane. »

Léna se lève avec entrain. Morgane attrape le ballon et les voilà toutes les deux, vite rejointes par Aurélie, à se faire des passes.
Rapidement, une pseudo-compétition s’installe entre les trois coéquipières et plus particulièrement entre Morgane et Léna. Emma se sent gênée face à ce duel digne d’un concours de testostérone. Emma reste persuadée que Léna veut écraser Morgane pour montrer son territoire.
Pourtant, ce n’est pas du tout le cas dans l’esprit de Léna. Avec l’alcool, elle ne pense qu’à s’amuser. Mais une phrase lui reste quand même en tête : « Reste proche de tes amis, mais encore plus de tes ennemis. »
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MessageSujet: Re: Les Amantes. - Ce-Line   Les Amantes. - Ce-Line Icon_minitimeLun 12 Fév 2018 - 19:41

Chapitre 8 – Etre troublée


Rester encore plus proche de ses ennemis… Cette phrase n’a fait qu’un tour dans l’esprit de Léna. Cette dernière regarde Morgane sous un autre angle. La haine et la colère ne font pas partie d’elle à cet instant précis. Elle ne se sent pas triste non plus, mais plutôt désinhibée. Les filtres tombent.
Léna fixe discrètement à plusieurs reprises Morgane. Elle détaille ses cheveux de jais visiblement lisses. Elle s’attarde ensuite sur ses yeux bruns si sombres qu’il est à peine possible de discerner ses pupilles.
Léna et Morgane continuent de chahuter et de ses lancer des défis : faire le plus de jongles avec la tête, garder la balle pour soi le plus longtemps possible ou encore essayer de ses marquer des buts.

« Non mais tu as triché là ! s’exclame Morgane.
- C’est totalement faux !!! proteste Léna.
- Attends ! Moi aussi je peux marquer à coup sûr si je tire à deux mètres de toi à peine !!
- Essaie pour voir ! Je t’attends ! »

Elles se chamaillent et rient ensemble comme s’il ne s’était rien passé cette semaine. Du moins, c’est le cas pour Léna : elle ne pense pas aux récents évènements, au trouble, à la peur, à la déception. Elle ne ressasse pas la semaine qu’il vient de se passer, mais pense en priorité à son propre plaisir à cet instant précis.
Pour Morgane, c’est un peu plus compliqué. En effet, cette dernière ne sait plus où donner de la tête :

-Pourquoi Léna a t’elle cette attitude envers moi ce soir ? Pourquoi est-elle si amicale et taquine ? Je ne sais pas comment agir. Est-ce-qu’elle me provoque ? Qu’est-ce-qu’elle cherche à prouver ? Je la laisse faire ce qu’elle veut, et gérer à sa façon, c’est le mieux à faire. Mais c’est quand même déroutant. C’est vrai que je l’apprécie, enfin du peu que je connaisse d’elle, donc je ne vais pas être froide envers elle. Emma a l’air étonnée aussi de son attitude. C’est mignon, mais triste à la fois… -

Il est 5 heures du matin. Tout le monde décide qu’il est grand temps de fermer boutique, surtout après qu’un voisin se soit plaint du bruit. C’est le frère d’Aurélie, qui n’a pas bu, qui décide de toutes les ramener chez elles. Emma hausse la voix :

« Morgane, tu ne vas pas prendre ta voiture. Tu montes dans la voiture avec tout le monde. On a toutes trop bu !
- Je suis à deux minutes à peine. Sérieusement, ça va, je peux prendre la voiture !!
- Hors de question, proteste Emma.
- Allez monte avec nous derrière ! On ne mord pas tu sais ! tranche Léna. »

Morgane acquiesce. Emma se trouve au milieu sur la banquette arrière :

-J’ai envie que Morgane monte et vienne chez nous. Pourquoi ? Pourquoi je ressens ça ? Je n’ai pas envie de tout foutre en l’air. Mais ça ne m’a pas laissée indifférente de les voir proches comme ça ce soir. J’ai apprécié les voir taquines, les voir chahuter. Mais pourquoi Léna a été comme ça ? Est-ce de la vengeance ? Non, elle n’est pas comme ça. –

Morgane fixe Emma qui semble perdue dans ses pensées. Elle décale son visage pour regarder Léna qui paraît exténuée mais en pleine forme à la fois. C’est les nerfs qui la tiennent, comme les enfants. Ses yeux sont marqués : légèrement gonflés, masqués par le maquillage, les cernes quelques peu apparentes, signes que ces derniers temps ont été difficiles pour elle. Mais pour tout le monde aussi. Tout a été très rapide.

Le frère d’Aurélie se gare devant l’immeuble d’Emma et Léna. Morgane sort pour laisser les deux jeunes femmes se hisser dehors et attraper leurs affaires dans le coffre de la voiture. Emma se rapproche de Morgane pour lui faire la bise. Son cœur bat la chamade :

« Je te dis à tout à l’heure pour le match. Je passe te chercher vu que ta voiture est encore à la salle avec celle de Léna. J’ai la mienne ici. Je pars vers 8h45 d’ici, ça te va ? Je te préviens quand je pars, comme ça, tu te tiens prête.
- Ca me semble parfait, répond Morgane. Reposez vous bien et en forme tout à l’heure. »

Tout le monde se dit au revoir. Emma et Léna remercie Fabien, le frère d’Aurélie, de les avoir déposées. Morgane remonte dans la voiture. Le couple entre rapidement dans le bâtiment : l’air est plus que frais en décembre, même à Bordeaux où le temps peut être très clément.
Emma et Léna montent les escaliers les séparant de leur appartement situé au premier étage. Il fait bon dans leur appartement, malgré les volets roulants restés ouverts toute la soirée.

Elles rangent toutes les deux leurs affaires de sport pour éviter qu’elles n’embaument l’appartement, même si elles ont déjà eu le temps de bien macérer pendant toute la soirée. Léna est plus longue qu’Emma. Cette dernière attend patiemment sa compagne qui doit encore se laver les dents avant de la rejoindre dans le lit.
Quand elle arrive, enfin, dans la chambre et pendant qu’elle se déshabille pour entrer dans le lit, Emma entame le dialogue :

« Comment tu as vécu la soirée mon amour ?
- Bah au début, mal tu le sais bien. Mais après, je m’en fichais. Je ne pensais qu’à moi et à m’amuser, donc ça va. C’était une bonne soirée.
- Je n’ai pas vraiment compris pourquoi tu t’étais fermée d’un coup… Vraiment, je ne faisais rien de mal et elle non plus. Je sais que je me répète, mais je tiens à ce que tu l’entendes vraiment !
- Je m’en fiche finalement, si c’était mal ou non. Tu ne tiens pas ce que tu dis, c’est tout.
- Qu’est ce que je n’ai pas tenu Amour ? Dis moi ! Eclaire moi, car vraiment là je ne vois pas !
- Que tu resterais avec moi, par exemple, même si ça, ce n’est pas trop valable car tu peux passer du temps avec d’autres personnes, je ne suis pas un tyran ! Mais alors, ta phrase me disant que tu n’iras pas avec elle, que tu ne veux passer du temps qu’avec moi… Ca par contre, je l’ai bien en travers ! Tu sais pourquoi ?
- Non, dis moi…
- A un moment donné dans la soirée, je me demandais où tu étais donc j’ai posé la question à Aurélie qui était à côté de moi à ce moment-là. Elle m’a dit que vous fumiez une cigarette ensemble dehors. Elle a vu que ça me dérangeait un peu je crois parce qu’elle m’a balancé un « Oh, mais faut pas être jalouse ! » Bah si ! Justement, j’ai mes raisons de l’être !!! Mais je n’ai rien dit, je n’ai rien montré car je n’avais pas envie de faire un scandale mais juste de passer une bonne soirée !! »

Emma baisse la tête. Elle ne s’était pas rendue compte. Elle ne savait pas qu’Aurélie avait dit ça.

« Je ne savais pas bébé… Je comprends que ça ait pu te blesser, dit elle doucement en caressant la main de Léna dans le lit.
- Concrètement, et après coup, j’ai envie d’en n’avoir rien à faire justement. Mais c’est difficile. Donc fais vraiment comme tu le sens, je m’en fiche. Mais arrête de m’avancer des choses que tu ne tiens pas car ça ne te ressemble pas. C’est vendre du rêve, mais ça multiplie la déception et le mal après.
- Je sais bien, mais je ne pensais pas faire de mal…
- Encore heureux, mais tu en as fait, involontairement certes. Mais tu en as fait. Réfléchis surtout à tes actes. T’es consciente quand même que j’ai dû ravaler ma colère, et rester calme quand Aurélie m’a dit ça ? Alors que je n’avais qu’une envie c’était d’aller te chercher et de te secouer un peu ? De te faire réaliser les choses ?
- C’est pour cela que tu étais très proche de Morgane après ? Que tu surjouais un peu ?
- J’avais envie de passer du bon temps. Tu savais que je n’avais que deux options pour ce soir : soit je n’arrivais pas à gérer et je pétais un câble, soit je jouais moi aussi.
- Donc tu as décidé de jouer ? avec Morgane et avec moi ?
- Avec tout le monde oui. Enfin, j’étais surtout taquine avec Morgane. Mais j’étais proche de vous. Je voulais être proche de vous. Qu’est-ce-que ça t’a fait ? »

Les deux jeunes femmes se tiennent face à face, de profil, dans le lit. Emma ferme les yeux quelques instants pour se concentrer et se replonger dans la soirée. Tout était si confus.

« Ce que j’ai ressenti… De l’incompréhension au début avec de l’étonnement je crois. Un peu de peine car cela me donnait l’impression que tu galérais à gérer et je ne voulais pas que tu vives la soirée en étant mal. De la frustration et du désir aussi, lâche Emma en rougissant.
- Du désir ? renchérit Léna. Développe.
- Bah oui, de vous voir proches comme ça, à rire, à jouer, enfin à se taquiner plutôt… Forcément que ça me fait de l’effet. J’avais même envie de lui dire de monter tout à l’heure. J’ai honte de dire te ça mais c’est vrai. »

Un ange passe. Toute la soirée défile dans la tête de Léna. Elle aussi a ressenti du plaisir et du désir en y réfléchissant bien. Elle s’était même imaginée être au cœur de l’attention pour Emma et Morgane. Elle les avait imaginées en train de se disputer pour l’avoir et ça lui avait plu.
Léna fixe les yeux de sa compagne avec envie. Comme à leur habitude, elles se sont couchées avec pour seul habit un tanga noir pour Emma et un string blanc pour Léna. Cette dernière sent une vague de chaleur l’envahir et son bas-ventre se réveiller :

« Ca ne m’aurait pas dérangée qu’elle monte pour terminer la soirée… »

Les yeux d’Emma s’agrandissent quand elle entend Léna prononcer cette phrase dans un murmure sensuel. Elles se rapprochent un peu plus dans le lit. Léna caresse les cheveux d’Emma en laissant passer lourdement ses doigts entre chaque mèche. Emma laisse ses mains se balader au niveau du bas du dos de Léna.
Elles s’embrassent tendrement. Léna caresse le cou et les épaules nues d’Emma. Cette dernière parcourt doucement le ventre de sa compagne.
Léna aventure sa bouche pulpeuse dans le cou de sa bien-aimée et la dévore en y laissant trainer ses dents quelques fois. Emma lui tend sa nuque un peu plus à chaque baiser. Un souffle rauque et chaud s’échappe parfois.
Une once de chaleur envahit la pièce par leurs corps qui se réchauffent rapidement. Leurs pupilles se dilatent et leurs souffles deviennent de plus en plus saccadés. Les deux jeunes femmes brûlent de désir l’une pour l’autre. Leur peau est chaude comme si le soleil avait rayonné sur leurs corps.
A cet instant, il n’y a rien d’autre qui existe autour d’elles. Seule une petite guirlande lumineuse placée sur l’étagère de la chambre éclaire de façon tamisée la pièce blanche. Elles se regardent dans les yeux tout en laissant leurs mains redécouvrir leurs corps.
Les tétons de Léna se durcissent sous les caresses joueuses d’Emma. Léna fait danser ses mains sur le corps de sa compagne : son cou, puis ses seins où elle s’y attarde et enfin son abdomen dessiné. Elle s’amuse à y titiller son bas ventre en laissant traîner ses ongles qui griffent légèrement sa peau. Ce geste fait son effet à chaque fois ce qui électrise de plus en plus Emma. Cette dernière l’embrasse fougueusement et laisse sa langue, déjà durcie, entamer une danse sensuelle avec celle de sa compagne. Elles jouent, elles se cherchent et se trouvent.
Léna laisse sa main descendre progressivement au niveau du sous-vêtement de sa femme. Lorsqu’elle le touche, elle se rend compte qu’il est déjà humide ce qui la fait sourire. Elle cherche le regard d’Emma tout en se mordant la lèvre : elle est avide d’elle. Emma s’embrase d’autant plus quand elle sent les doigts doux et fins de Léna la caresse à travers son bas. Son bassin commence à se déhancher, à onduler traduisant son impatience.
Mais Léna aime la faire languir. Elle aime savoir que c’est elle qui l’embrasse, que c’est elle qui lui fait cet effet. Elle aime savoir qu’elle plaît. Elle aime savoir et ressentir qu’à cet instant, elle lui appartient. Elle est à sa merci et qu’elle laisse son corps lui communiquer.
Léna ôte délicatement le tanga qui devient rapidement gênant avant de reprendre aussitôt ses folles caresses. Le corps d’Emma se soulève et ondule au rythme des mains de Léna. Elle laisse virevolter ses mains entre les cuisses de sa compagne avant de s’attarder sur le clitoris d’Emma. Cette dernière gémit à la première pression, au premier contact. Son cœur accélère, son corps s’échauffe un peu plus. Elles ont retiré la couette qui leur tenait trop chaud.
Léna l’embrasse à pleine bouche avant de descendre entre ses jambes, tout en mordant et baisant chaque parcelle de peau que ses lèvres croisent.

Elles font l’amour. Doucement. Naturellement. Sensuellement. Sauvagement, elles se dévorent du regard, de leurs mains, de leurs bouches avides de plaisir. Leurs mains, leurs lèvres, leurs langues entament et continuent cette danse charnelle qui leur avait tant manqué : cette connexion la plus pure et simple.
Emma monte rapidement sous la langue et les doigts de Léna qui la caressent, qui la pénètrent de plus en plus vite, de plus en plus fort. Leurs corps ondulent sous le plaisir qu’elles se donnent au rythme des respirations saccadées, des souffles coupés, des gémissements : au rythme du plaisir.
Emma jouit alors que Léna se trouve encore entre ses jambes : elle la fait remonter, prend sa tête avec ses mains et l’embrasse longuement. Elle la renverse pour se retrouver sur elle. Emma a envie d’amener Léna aussi haut, aussi loin. Elle commence par lui suçoter les seins pendant que sa main se place sur son sexe déjà bien mouillé. Emma sourit à cette surprise sensuelle. Sa femme gémit quand elle la pince au niveau du clitoris, quand elle lui mordille le téton.
Toutes deux sont trempées. Trempées de désir. Trempées de sueur. Ivre de donner du plaisir. Ivre d’en recevoir aussi intensément. Ivre de s’aimer.
Léna ne tarde pas à exploser sous les caresses d’Emma. Tout son corps se cambre, en un long gémissement, avant de ne ressentir qu’un relâchement total de tout son être.

Les deux jeunes femmes sont allongées l’une contre l’autre. Elles reprennent petit à petit leurs esprits. Leurs souffles se calment et elles se sont recouvertes avec la couette. Emma embrasse le front de Léna tout en lui caressant les cheveux :

« Tu sais que je t’aime, murmure Emma.
- Je sais, et moi aussi. Ca ne changera pas sache le. »

Toutes deux se rapprochent un peu plus, plus détendues que jamais, rassasiées, épuisées, mais heureuses de se retrouver. Elles s’endorment rapidement, sans qu’un seul doute ne vienne peser.
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MessageSujet: Re: Les Amantes. - Ce-Line   Les Amantes. - Ce-Line Icon_minitimeSam 3 Mar 2018 - 10:06

Chapitre 9 – 2ème round.

Morgane s’est faite déposer par le frère d’Aurélie juste après avoir ramené et Léna chez elles. Elle se déshabille et se met directement dans son lit. Elle doit être debout et en forme dans trois heures à peine. Emma vient la chercher vers 8h45 car leur équipe a match à Talence, une ville à 15 minutes en voiture de Mérignac. Mais Morgane n’a pas sommeil. Ses yeux restent grand ouverts malgré l’heure tardive. Elle n’a pas allumé la lumière : elle préfère rester dans le noir. Ses yeux s’habituent peu à peu à l’obscurité : ses pupilles sont dilatées, son iris noisette est difficile à distinguer.
Son esprit ne se calme pas : il ne cesse de tourner. Elle repasse la soirée sans cesse en essayant de faire des arrêts sur image pour analyser. Elles pensent à elles deux, ensemble puis séparément.

-Cela fait six ans et demi qu’elles sont ensemble. Elles étaient tellement jeunes quand elles se sont rencontrées et elles ont déjà vécu cinq ans ensemble. C’est beau, je suis plus qu’admirative en fait. Je n’aurais jamais pensé me rapprocher autant d’Emma en si peu de temps et encore moins à ce stade. Tout s’est passé tellement rapidement. Je n’ai même pas eu le temps d’avoir du recul. Autant de transparence entre elles deux, ça me transcende. Et Léna… Je ne sais pas comment elle parvient à gérer en fait. Comment peut-elle accepter que je sois encore dans l’équipe ? Pourquoi a t’elle agi comme ça avec moi ce soir ? Si détendue ? Si taquine ? Je n’en sais rien moi, je ne comprends rien du tout là. –

Sur ces pensées, ces questionnements, le sommeil arrive à l’assommer alors qu’elle est allongée sur le ventre, au milieu de son lit.
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Il est 8h du matin. Le réveil d’Emma sonne. Elle attrape son téléphone en toute hâte pour l’éteindre afin que Léna ne se réveille pas trop. Cette dernière grogne lorsqu’Emma bouge.

« Désolée de te réveiller bébé. Je dois me préparer. Je reviens te voir dans le lit avant de partir.
- Hmmm ok, marmonne Léna. »

Emma se lève, met sa robe de chambre et file dans la cuisine pour faire couler son café. Pendant que la cafetière chauffe, elle enfile un jean en vitesse pour avoir moins froid. Leur appartement est mal isolé, malgré les chauffages qui triment pour maintenir une température acceptable à l’intérieur.
Léna reste enfouie sous la couette après s’être programmé un réveil pour aller chercher la voiture au gymnase. Elle ira à pied : cela lui fera la sortie dominicale post-soirée pour décuver.
Emma rentre discrètement dans leur chambre et s’allonge doucement contre Léna qui s’était de nouveau rendormie en position fœtale. Elle lui caresse tendrement les cheveux pour la tirer gentiment de son sommeil :

« Je vais y aller mon amour. Il est 8h35. Je te dis quand le match est terminé. On va sûrement manger toutes ensemble après le match.
- D’accord, répond Léna d’une voix endormie. J’ai mis mon réveil à 10h30 pour aller chercher la voiture. Et je crois que je dois aller manger chez mes parents, j’avais oublié. Mais ça va bien m’occuper. Bon match surtout. Je t’aime.
- A tout à l’heure, repose toi bien. J’espère que ce sera top chez tes parents, tu leur envoies le bonjour de ma part. Je t’aime mon amour, tellement… »

Emma embrasse le front de Léna avant de sceller d’un baiser les lèvres de sa compagne. Elle sort de la chambre, enfile son manteau et met ses chaussures. Elle a le ventre quelque peu serré en partant. Elle quitte l’appartement en envoyant un message à Morgane :

« Hello. Je pars de l’appartement. Je suis chez toi dans cinq minutes. »

Elle monte dans sa voiture et se dirige vers l’appartement de Morgane qui se trouve à deux pas de chez elles. Emma a le ventre engourdi, paralysé par les émotions : fatigue, angoisse, excitation. Tout se mélange et bouillonne en elle. Emma pénètre dans la résidence. Morgane l’attend, en train de fumer une cigarette, en bas de son immeuble. Elle tire les trois dernières lattes avant de monter, le cœur légèrement lourd, dans la voiture. Elles se sourient timidement, en guise de bonjour. Le début du trajet reste assez silencieux. Emma vient rompre le blanc pesant :

« Tu as bien dormi en rentrant ? Pas trop crevée ce matin ?
- J’ai mis un peu de temps à m’endormir quand même. Mais bon, dans tous les cas, ça ne fait pas assez de sommeil. Mais c’était sympa hier soir après le match. J’ai bien rigolé ! Et toi ? Vous avez bien dormi cette nuit ? Léna dort encore ? »

Emma sourit en repensant à la nuit folle qu’elle a passé avec sa compagne. Des images lui reviennent en tête : leurs corps chauds, les caresses, la peau frissonnante, la fougue, les baisers sulfureux, les gémissements et les corps ondulant. Tous ses sens sont en éveil et son bas ventre frémit.

« Oui, elle dort encore. Elle ira chercher la voiture un peu plus tard dans la matinée et elle va manger chez ses parents. Elle avait complètement oublié. Et oui… On a très très bien dormi. »

Emma regarde Morgane et sent ses joues se rosir. Cette dernière hausse un sourcil et se met à sourire, pensant avoir compris l’allusion. En un fragment de seconde, en un clignement d’yeux, elle les imagine en parfaite symbiose, dans leur lit, à la lueur d’une bougie ou bien de la lumière de la rue traversant des volets mal fermés. Elle souffle profondément pour se reconnecter au moment présent et chasser, à contrecœur, cette vision charnelle et exaltante de ces deux femmes s’aimant et se donnant.

Elles arrivent à l’heure au gymnase de Talence, retrouvant leurs joueuses prêtes à s’échauffer pour le match. Aucune d’elles deux ne fait référence à la veille. Tout se déroule naturellement, sans accroche, sans malentendu, sans jeu pendant le match serré. Après avoir gagné sur un score honorable de 3 sets à 2, toute l’équipe décide de partir manger au MacDonald’s ensemble : un moment de sympathie en équipe qu’on ne peut se refuser après une belle victoire.

En retournant à sa voiture, Emma regarde son téléphone. Elle a reçu plusieurs messages de la part de Léna.

« J’espère que tout se passe bien mon ange. Il est 10h et je me lève. J’ai tellement la flemme d’aller chez mes parents mais bon, pour une tartiflette, je ne vais pas dire non ! Gagnez bien le match ! Je petit-déjeune et je pars chercher la voiture à pied. Je t’aime mon amour ! Tu m’as manquée dans le lit ce matin. Il y faisait froid sans toi… »

Assise au volant, prêt à démarrer, ce message fait sourire Emma qui se met à lire rapidement le suivant, envoyé quarante minutes plus tard :

« J’ai mangé une seule compote en guise de petit déj’. J’ai fait à peine 300 mètres à pied sur le chemin du gymnase et j’ai vomi au bord de la route. Dignité niveau 0 ahah. Je n’avais pas dû boire autant, ou soit rester à la bière. Tant pis ! J’espère que j’ai des chewing-gums dans la voiture… J’espère que tout se passe bien. Love you Babe !! »

Emma met le contact, entame sa marche arrière en riant. Morgane la regarde perplexe et demande :

« Qu’est ce qu’il se passe ? Pourquoi tu te marres autant ? Partage !
- C’est Léna. Elle a vomi en marchant de l’appartement à la salle. Elle doit tellement galérer chez ses parents la pauvre !!
- A cause de l’alcool d’hier ? ahhhhh petite nature la Léna !
- Arrête… Elle a quand même bien chargé hier soir… D’ailleurs, désolée pour son attitude… C’était un peu gênant, avoue Emma.
- Oh tu sais… Je n’ai pas trop compris non plus. Mais finalement, ce n’était rien de méchant, juste du défi ?
- Oui, elle peut être un peu comme ça. Mais ce n’est jamais pour faire du mal ou heurter les gens en tout cas.
- Je n’en doute pas. T’inquiète, mais c’était assez drôle quand même. »

Emma est rassurée par cette phrase. Elle conduit en direction du gymnase où se trouve encore la voiture de Morgane.

« Avec Léna, on a parlé hier soir, lance Emma.
- Je me doute bien, mais de quoi ? se moque Morgane.
- De toi et de nous.
- Développe, parce que je ne suis pas trop sûre de comprendre.
- J’avais envie que tu montes avec nous hier soir, lâche Emma d’une traite, en sentant ses joues chauffer.
- Je ne comprends toujours pas… »

Emma a arrêté la voiture au feu rouge. Elle sent son ventre se crisper. La gêne est présente, mais pour autant, elle a envie de lancer le sujet et voir ce qu’il en est. Ses mains deviennent moites, son cœur bat la chamade. L’adrénaline entre en jeu, envahit ses veines.

-Après tout, j’en ai parlé avec Léna qui était plutôt enjouée à cette idée, ce qui nous a valu de passer une belle nuit. Et puis maintenant que j’ai dit ça, je ne peux pas reculer. Il faut que je continue sur le sujet. –

Morgane regarde Emma du coin de l’œil. Elle ne sait pas à quoi s’attendre. Emma reste vague dans ses propos et cela a tendance à la titiller légèrement. La jeune brune est impatiente, elle a envie de savoir de quoi il s’agit maintenant.
Le feu passe au vert, Emma démarre tranquillement :

« Lâche le morceau. Maintenant que tu as commencé, tu ne peux pas reculer de toutes façons ! s’exclame Morgane.
- C’est sûr… Donc je disais… J’avais envie que tu montes hier soir. J’en ai parlé avec Léna, je ne savais pas comment elle allait réagir. Mais il se trouve qu’elle aussi en avait envie.
- Mais pourquoi vous en aviez envie ?
- Léna a joué avec toi le soir. Ce n’était pas pour te faire du mal, mais ça ne l’a pas laissée indifférente, et à vrai dire moi non plus. Donc on avait envie que tu montes. On n’a pas osé te le dire, et surtout devant les autres.
- Un plan à trois tu veux dire ? Appelle un chat un chat c’est bien plus simple !!!!
- Bah ouais, mais c’est pas évident attends… Bref, t’en aurais pensé quoi ?
- Honnêtement, je ne sais pas… T’es sûre qu’elle ne le ferait pas que pour toi ?
- Non, je ne pense pas. Enfin, elle ne m’a pas dit ça donc bon… 
- Ah ok d’accord. Bah écoute, c’est bizarre, je sais pas trop… »

La discussion se termine sur ces quelques mots car elles viennent d’arriver au gymnase. Elles se disent au revoir, se font la bise. Emma ne part de suite. Elle attrape son téléphone et commence à répondre à Léna :

« Oh merde mon chat. J’espère que ça va mieux et que tu es bien arrivée chez tes parents. On a gagné le match 3-2 et on est allées manger au Macdo’ après. C’était vraiment sympa. Je viens de déposer Morgane à la salle et je vais rentrer à l’appartement tranquillement. Je pense bien à toi ma petite femme. Je t’aime ! »

Emma appuie sur le bouton « Envoyer » de son écran tactile. Elle voit la voiture de Morgane s’éloigner, enclenche la marche arrière et se lance sur la route.

-C’était peut-être bizarre que j’en parle tout de suite. Un peu tôt peut-être alors qu’on n’en a pas vraiment parlé longuement avec Léna. Enfin bon… On verra par la suite. –

Les parents de Léna habitent aux portes du Médoc, à 30 minutes en voiture de chez elles. Le trajet à pied pour récupérer la voiture a été plus qu’éprouvant, surtout au début : deux arrêts pour vomir au bord de la route, l’estomac qui sonne creux mais qui ne veut rien ingérer à la fois et le foie qui peine à évacuer les déboires de la veille.
Elle arrive chez ses parents aux alentours de 12h30, après un long trajet à mâchouiller son chewing-gum à la menthe. Ses parents l’accueillent avec une mine rieuse :

« Oh toi, la nuit a été rude, s’exclame Renaud, son père.
- On va dire que je n’ai pas beaucoup dormi et que j’ai bien fêté la victoire hier soir…
- Tu vas bien te remplir l’estomac alors avec le bon repas qu’on a prévu, réagit Sandrine, sa mère.
- Je vais manger doucement mais sûrement ! J’aimerais bien la garder la tartiflette !! »

Tous les trois rient de bon cœur. Les parents de Léna habitent une grande maison landaise non loin des vignes. Ses parents ont allumé un feu de cheminée ce qui rend l’atmosphère chaleureuse et accueillante. Léna n’a connu qui cette maison avec son frère et ses sœurs. Elle se rappelle tous les Noëls, tous les anniversaires, les étés dans la piscine et sourit en se remémorant ces souvenirs.
L’odeur du fromage vient titiller ses papilles et son estomac commence à se réveiller. Elle sourit : quand l’appétit va tout va comme dirait l’autre.
La table est mise dans la salle à manger où se trouve la cheminée. La bonne odeur du feu vient contrecarrer les odeurs de tabac froid. Ses deux parents fument. Le repas se déroule sans encombre. Léna mange avec un bon coup de fourchette tout en discutant avec ses parents, ravis de l’avoir avec eux à table.
Leurs relations n’ont pas toujours été simples, comme dans toutes les familles. Mais un équilibre s’est instauré depuis quelques années, depuis le départ de Léna pour ses études et cela semble convenir à tous.
Ils passent l’après-midi à discuter, de tout, de leur vie, des projets. Léna regarde les meubles que sa mère a rénové : elle en est si fière.
Léna se sent repue et en bien meilleur état qu’en début de journée. Elle regarde son téléphone. Il est 16h et elle a deux messages venant d’Emma :

« Oh merde mon chat. J’espère que ça va mieux et que tu es bien arrivée chez tes parents. On a gagné le match 3-2 et on est allées manger au Macdo’ après. C’était vraiment sympa. Je viens de déposer Morgane à la salle et je vais rentrer à l’appartement tranquillement. Je pense bien à toi ma petite femme. Je t’aime ! »

Elle lit le deuxième reçu il y a 30 minutes :

« Je rentre à l’appartement mon ange. J’espère que ça se passe bien avec tes parents. Je pense fort à toi. Je t’aime !! »

Léna lui répond aussitôt :

« J’espère que le Macdo était bien. Je ne vais pas tarder non plus. Je te dis quand je pars. Love !! »

Léna commence à rassemble ses affaires tout en restant avec ses parents. Elle a passé un bon moment cet après-midi mais elle a hâte de rentrer chez elle se reposer et retrouver Emma. Elle n’a pas pensé une seule seconde à la soirée de la veille et de mettre son cerveau sur pause lui fait du bien. Les dernières semaines, les derniers jours ont été éprouvants.
C’est dans la voiture, après avoir dit au revoir à ses parents, que Léna commence à ressasser la soirée au peigne fin dans sa tête : le match, les émotions qu’elle n’arrivait pas à gérer, son énervement en sachant qu’elles étaient seules toutes les deux dehors, sa déception envers Emma, son attitude joueuse avec Morgane sans vraiment se poser de questions…

-J’avais juste envie de profiter de la soirée moi aussi. Pourquoi il faudrait que je sois forcément triste ou énervée par toute cette situation ? Je me sentais piégée en fait. Pour moi, je n’avais que deux options assez extrêmes : péter littéralement un câble, soit profiter quand bien même, dans l’extrême opposé. Si j’avais explosé, je n’aurais pas profité et passé de bons moments. J’aurais juste été dans le mal. On serait rentrées à l’appartement, en froid, totalement fermées à la discussion. On n’aurait pas fait l’amour non plus… J’en ai juste marre de ne pas savoir quoi ressentir vraiment : entre ce qu’il faudrait dans la normale et comment je me sens vraiment. C’est compliqué… J’ai l’impression de me prendre la tête pour rien, ça m’énerve…-

Léna sourit en se remémorant cette dernière partie de la soirée : leurs deux corps brûlant, vibrant, ondulant l’un pour l’autre et l’un avec l’autre. La fin de soirée n’aurait pas pu être aussi charnelle si elle avait perdu tous ses moyens. Léna arrive aux alentours de 17h30 à l’appartement. Emma est déjà présente et lui ouvre. Les deux jeunes femmes s’embrassent tendrement. Elles sont contentes de se retrouver après un long dimanche.

« Comment s’est passé le repas chez tes parents ? demande Emma après qu’elles se soient posées sur le canapé, chacune sous un plaid.
- C’était dur de manger avec appétit la tartiflette honnêtement… Mais bon, je suis contente, elle reste dans mon ventre, plaisante Léna.
- Mais oui, tu m’étonnes ! Quand j’ai vu ton texto, je me suis dit que tu allais galérer, vu qu’on mange toujours bien richement chez eux ! Comment tu te sens là ?
- Je suis contente d’y être allée et d’avoir mangé avec eux. Si j’étais restée ici, j’aurais trop cogité et comaté en même temps je pense… C’était même plutôt bien pour une fois. J’aurais juste préféré un plat plus léger pour profiter, mais je ne me sens pas trop barbouillée là ça va. Et toi ? Le match ? Pas trop dur de rester éveillée et lucide ? pas trop mal au crâne avec tous les cris ?
- Le réveil a été bien difficile ! Tu l’as bien vu ce matin ! J’ai pris un doliprane pour calmer la barre du front, mais mis à part ça, ça va nickel ! Le match était vraiment top : long, mais top !
- De quoi vous avez parlé avec Morgane quand tu es allée la chercher ? D’hier soir ? demande Léna d’un coup. »

Cette question désarçonne Emma qui ne s’attendait pas du tout à cela. Emma est prise au dépourvu la coupant ainsi dans son élan de narration de sa journée.

« Vous avez parlé d’hier soir ? insiste Léna.
- Un petit peu oui… Pourquoi ?
- J’ai envie de savoir ce que vous vous êtes dit… Ca me concerne aussi.
- C’est délicat quand même de résumer une discussion, exactement, mot pour mot.
- Je ne veux pas savoir les phrases exactes, mais connaître les idées principales.
- On a un peu parlé d’hier soir, de ton attitude que j’avais trouvé étrange…
- Ah oui ? étrange ? J’ai juste profité de ma soirée comme tu allais si bien le faire !
- Ne dis pas ça comme ça, répond doucement Emma. Tu sais que je ne m’en suis pas rendue compte. Je n’ai pas fait exprès. Je voulais fumer, elle m’a proposée une clope et on est allées fumer dehors ensemble, sans sous-entendu. Tu sais qu’il ne s’est rien passé. Je te l’ai dit de suite après bébé.
- Je sais, mais mets toi à ma place un peu. Tu aurais réagi comment honnêtement ? Que ta copine aille dehors seule avec la fille sur qui elle a craqué récemment ? Je ne suis pas sûre que tu restes calme. Surtout que deux jours avant tu me dis que tu resteras avec moi, que tu ne partageras pas un moment seule avec elle, que tu veux te reconcentrer sur nous bla bla bla.
- C’est sûr… dit comme ça…
- Et ensuite, pour la soirée. Je t’ai dit que j’avais deux options. Et il me semble, vu comment on a fini la soirée, que ça ne t’a pas déplu.
- Carrément, déroutant, mais excitant.
- Tu lui en as parlé de tout ça d’ailleurs ?
- De quoi ? Qu’on a fait l’amour après ?
- Mais non, du plan à trois ! Qu’on aurait bien aimé qu’elle finisse la soirée avec nous !
- Ah ça ! Oui un peu… Elle n’était pas hyper emballée je dois t’avouer. Un peu gênée, ou soit elle ne s’y attendait pas. Elle a surtout pensé que tu faisais ça pour moi.
- Oui, ça s’entend. Mais non, ce n’est pas le cas. Je reste sur mes positions, ça m’aurait bien plu aussi d’explorer. Pourquoi se refuser du plaisir ?
- Sûre de toi ?
- Totalement. »

Les deux jeunes femmes restent sur le canapé à discuter de la situation, sans aucune gêne. Avant, Léna n’était pas très à l’aise de parler de ses sentiments, de ce qu’elle ressentait et encore moins de sexualité. Ayant vécu dans une famille où le dialogue était difficile, elle s’était habituée à vivre en tant qu’huître : tout accumuler jusqu’à atteinte l’explosion. Emma, à son contraire, parlait beaucoup. Elle a permis à Léna de s’ouvrir, petit à petit. C’est un travail de longue haleine, qui n’est pas terminé, mais dont Emma est fière du résultat.
Elles terminent leur soirée, sur le canapé, après avoir mangé, devant une série : Gypsie. Sous les plaids, l’une contre l’autre, avec un bon thé bien chaud, elles regardent l’épisode de 45 minutes, avant de partir au lit pour une bonne nuit de sommeil après un week-end riche en émotions.

Le lundi, Léna ne travaille pas. Elle apprécie que son week-end soit prolongé chaque semaine. Ainsi, avec Emma, c’est le lundi qu’elles s’autorisent une belle grasse matinée ensemble. Ce lundi-là, le 18 décembre, Emma a un rendez-vous de prévu à 15h chez l’ostéopathe du cabinet où Léna travaille. Il n’y a plus de match avant la reprise prévue en janvier 2018 : c’est le moment parfait pour une petite séance pour tout remettre d’aplomb.
Après avoir mangé un gros petit-déjeuner toutes les deux, Emma se prépare pour se rendre à son rendez-vous. Elle partira au travail directement après. Elle entraîne jusqu’à 20h30 le lundi soir.

« Qu’est ce que tu vas faire mon ange ? demande Emma. Je pars d’ici 20 minutes. On a le temps de se prendre un petit café avant que je ne parte !
- Allez je le fais couler, répond Léna en allant allumer la cafetière. Arrête de t’en faire pour moi. Je vais bien m’occuper à l’appartement. J’aurais bien été courir, mais il pleut donc je vais rester tranquille dans l’appartement ! »

15h sonne rapidement et Emma part à son rendez-vous en étant sereine. Léna reste à l’appartement et a envie de regarder un traditionnel Harry Potter en ayant les rayons bien chauds du soleil donnant sur le salon par la baie vitrée. Elle attrape l’ordinateur d’Emma pour mettre le premier volet de la saga et ensuite le brancher sur l’ordinateur grâce à un câble HDMI. Son ordinateur était déjà allumé : la page Facebook d’Emma est restée ouverte. Un élan de curiosité pique l’esprit de Léna :

« Et si je jetais un petit coup d’œil ? Vu qu’elle ne m’a pas montré clairement ce qu’elles se sont dit et vu que la dernière fois, elle avait complètement paniqué que j’ouvre son ordinateur… »

Léna cherche le nom de Morgane pour trouver leur conversation. Elle l’ouvre après l’avoir repérée sans problème :

« Ce n’est pas possible… Dites moi que c’est une blague… »

La dernière conversation datant de cette fin de matinée. Léna remonte et lit attentivement chaque mot de chaque phrase. Les conversations récentes sont des échanges de banalités concernant le volley. Mais Léna reste stoïque, elle n’en revient toujours pas.

-Comment peut-elle m’affirmer qu’elle va se concentrer sur nous quand, dans mon dos, elle continue à lui parler ? Comment peut-elle avancer qu’elle fera tous les efforts nécessaires alors que même là, ce n’est pas le cas ?! –

Léna bout intérieurement. Ses doigts tremblent en remontant doucement la conversation message par message. Une phrase de Morgane, de ce matin fait déborder le vase : « Je suis plutôt impatiente, mais je sais être patiente quand il le faut. »

-Morgane a osé dire ça. Elle a osé… Alors qu’elle me sort tout un baratin comme quoi elle ne fera rien pour mettre en péril notre couple. Mais elle continue à l’aguicher comme ça. Elle se fout vraiment de moi elle aussi ! –

Et plus elle remonte dans la conversation, plus elle se fait du mal. Certes, elle remonte dans le temps mais Léna a le jeu devant les yeux. Elle était brièvement au courant, mais cela ne lui plaît pas.
Elle panique car ces conversations lui rappellent celles qu’elles entretenaient avant de se mettre ensemble, quand Emma et elle se sont rencontrées. Trop de similitudes sautent aux yeux bleus de Léna qui est totalement affolée. Elle attrape son téléphone et décide d’appeler sa sœur :

« Allez réponds, réponds… »

Mais le téléphone sonne dans le vide. Il est 16h15, l’heure d’aller chercher la petite à l’école. Léna ne lui laisse pas de message vocal. Elle pose son téléphone et fait les cent pas dans l’appartement.

-Comment ? Pourquoi ? Je ne comprends pas. Je ne comprends pas. Ca ne compte pas tout ce qu’on a vécu et tout ce qu’on vit maintenant ? Ca ne lui suffit plus ? –

Ses réflexions sont coupées par la sonnerie de son téléphone. Elle l’attrape à toute hâte en espérant que ce soit sa sœur qui la rappelle, mais c’est Emma.

« Oui ? répond sèchement Léna.
- Je sors de l’ostéo. Je suis dans la voiture avec le kit Bluetooth.
- Ok, donc tu pars au travail là ?
- Oui, ça va toi ? Tu ne t’ennuies pas trop ? Tu as l’air un peu énervée ?
- Un peu énervée, ça on peut le dire. Non ça ne va pas !
- Pourquoi ? Qu’est ce qu’il se passe ?
- J’ai regardé ton ordinateur figure toi. Mis à part ça, tu fais des efforts hein… Ca date de ce matin la dernière conversation, ce matin !!! Entre samedi et ça, il est beau ton engagement envers moi. C’est beau ! »

Un ange passe. Les deux jeunes femmes ont la boule au ventre, l’une par l’énervement et l’incompréhension, l’autre par l’impuissance et la culpabilité.

« Et pourquoi tu as regardé dans mon ordinateur ? demande Emma.
- Je voulais mettre un film sur la télé et ta page Facebook était restée ouverte ! Si tu n’avais pas crisé la dernière fois quand tu avais eu peur que j’aie regardé, alors que je l’avais juste déplacé, peut-être que je n’aurais pas mis le nez dedans. Mais je n’ai pas été déçue… Tu vois, j’ai regardé parce que la confiance que j’avais en toi a été entachée, mais là encore plus !
- Je n’ai rien à me reprocher pour les jours précédents…
- Rien à te reprocher ? tu ne devais pas faire la trêve ? Arrêter de lui parler ?
- Justement, aux vacances de Noël ! C’est hyper difficile et je t’ai dit que ça allait l’être, surtout quand je suis encore amenée à la voir !!
- Ca je n’en doute pas, vu que même un seul jour tu ne tiens pas ! C’est pas croyable quand même !
- Mais on a parlé que de volley Amour !
- ET alors ? Vous préparer encore les entraînements ensemble ? Vous vous voyez toujours au café ? Non il me semble ou soit tu m’as encore menti !! !
- Non pas du tout ! On fait chacune son tour. Et puis, je n’avais jamais dit que j’arrêterai directement. J’ai dit que j’avais hâte que la trêve arrive !!!
- Ah bah, je n’avais pas compris cela comme ça ! Et pareil pour la soirée alors ? Rien à te reprocher ? Tu les enchaînes maladroitement c’est tout ! Et c’est seulement parler Volley ? Allez, je veux bien admettre qu’on se soit mal comprises et que tu attendes les vacances, mais elle t’aguiche encore. Donc c’est que tu n’as pas été claire avec elle !
- Arrête Léna, tu vois tout en noir là !
- Ah oui ? Je suis impatiente mais je sais être patiente quand il le faut ? C’est pas une perche ça ?
- Effectivement, mais je n’ai pas répondu à ça je crois…
- Non c’est sûr, mais tu la laisses te dire ça. Ca me dégoûte. J’ai vraiment l’impression que tu te fous bien de ma gueule !
- Mais pas du tout !
- Alors comment peut-elle oser dire ça quand même ? Tu la laisses faire ! Je ne comprends pas comment c’est possible en fait.
- Je ne sais pas. Je n’avais rien vu, enfin pas de cet œil. Amour, vraiment, je te jure.
- J’en peux plus. J’en peux plus, à quoi tu joues ?!
- Je ne joue pas avec toi, ni avec elle. Je t’avais juste dit avec la trêve. Je ne m’étais pas avancée sur avant, surtout qu’on mange avec toute l’équipe jeudi et qu’elle sera là !
- Soit, on s’est mal comprises. Gère comme tu veux, je m’en fiche maintenant jusqu’à la trêve. Fais les conneries que tu veux !
- Ne dis pas ça, je t’en prie… c’est dur pour moi de tout couper d’un coup. Je ne veux pas lui faire de mal !
- Et moi ? Me faire du mal ? Moi ? Ta copine depuis 7 ans ? Ca ne compte pas ?
- Arrête de dire les choses comme ça. Tu sais bien que c’est faux…
- Non, là, j’en sais rien ! Je ne te reconnais plus. Allez, t’as du travail et moi ça m’énerve. Je n’ai plus envie de t’avoir au téléphone. On parlera ce soir. Tu rentres vers 20h30 c’est ça ?
- Oui, j’ai les jeunes ce soir. Ça m’ennuie que ça se passe comme ça, avoue Emma. A la base, je t’appelais pour te raconter comment s’était passé le rendez-vous et je m’étais dit que tu aurais aimé m’avoir au téléphone…
- Oui, en temps normal. A la base, je voulais juste regarder un film sur ton ordinateur, mais ça a fait tilt…
- Tu vas faire quoi jusqu’à ce soir ?
- Je vais me bouger, ne t’en fais pas.
- Hmmm ok… A ce soir alors… Je t’aime, tu le sais, ne l’oublie pas…
A ce soir, bon courage pour l’après-midi… termine Léna. »
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MessageSujet: Re: Les Amantes. - Ce-Line   Les Amantes. - Ce-Line Icon_minitimeMer 14 Mar 2018 - 17:11

Chapitre 10 – Réfléchir et mieux agir.

Emma se sent paniquée. Elle n’a jamais entendu autant de colère dans la voix de Léna. Seule dans son bureau, démuni de toute lumière solaire et surplombant les terrains de volley, Emma est affolée.
Affolée et effrayée : non pas par Léna en elle-même mais son énervement. Elle ne maîtrise plus la situation. Emma reste stoïque devant son ordinateur, écran figé sur les résultats du week-end tout juste passé.

-C’est vraiment grave là je crois. Mais je n’ai pas l’impression d’avoir déconné pourtant. C’est d’autant plus dur pour moi de me dire que Léna le prend mal. Et puis, ça m’embête qu’elle ait regardé mon ordinateur, même si sa raison n°1 n’était pas celle-là. En même temps, je peux comprendre aussi que sa confiance en moi soit entachée. Je ne sais pas comment je réagirais à sa place. Est-ce que je serais parano ? Est-ce que je supporterais de jouer avec Morgane enfin toutes les trois dans la même équipe ? Je n’en sais vraiment rien… Je ne peux pas imaginer ce qu’elle peut ressentir au quotidien, ou même en ce moment. Elle doit être en train de péter un câble. Je redoute ce soir, mais d’un côté je pense que c’est bien que je reste au bureau. J’espère juste qu’on pourra discuter calmement ce soir. Il faut que j’appelle Morgane pour la tenir au courant. Il est bientôt 17h, j’attends qu’elle finisse les cours pour l’appeler… -

Emma attrape son téléphone et commence à écrire un message à la brune occupant ses pensées :
« Salut Morgane. Dis-moi quand tu as fini les cours. Il faut que je t’appelle. »

Morgane a 25 ans et suit un cursus en alternance dans le domaine de la gestion des entreprises. Elle est en cours le lundi et le mardi, puis en entreprise le reste de la semaine. Emma se replonge malgré elle, avec beaucoup de difficultés, dans son travail. Il est 16h30.

-Autant optimiser mon temps de travail. De toutes façons, je ne peux pas faire grand chose d’autre en attendant…-

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Pendant ce temps, Léna passe énergiquement la serpillère avec son kit main libre, en attendant impatiemment que sa sœur ne la rappelle. Dans ses oreilles, c’est la chanson « I’m the One » de Justin Bieber qui résonne.

-C’est ironique que ce soit cette chanson qui passe aléatoirement. Mon téléphone le fait exprès c’est pas possible ! Bon, elle bouge, donc elle donne la pêche mais bon… Je ne suis pas la seule en ce moment. Allez Yaya, je t’en prie, rappelle moi rapidement, je ne vais pas récurer l’appartement de fond en comble… -

Avant de passer la serpillère, Léna avait déjà aspiré à fond tout l’appartement pour s’occuper tant bien que mal car le ménage n’est pas franchement sa passion. Mais elle ne veut pas rester inactive, subissant chaque seconde défilant lentement. En nettoyant le couloir séparant l’entrée de la chambre, Léna voit son reflet dans le miroir couloir bronze fixé sur le mur blanc du large couloir. Elle scrute son visage, fermé par l’énervement et la déception, sentiments qu’elle a en elle depuis plusieurs jours maintenant. Ils ne sont pas là de façon constante, elle en est consciente, mais ils la hantent et la fatiguent. La négativité amène à l’épuisement et la noirceur à l’isolement. Ce n’est pas ce que Léna veut, mais c’est ce dont elle est capable : c’est une vieille habitude qu’elle avait plus jeune, de s’effacer et s’isoler lorsque ça n’allait pas.

-Est-ce-que ça fait de moi une « je m’en foutiste » de la laisser gérer ? En même temps, si je ne la laisse pas, je vais avoir des attentes et être encore déçue. Comme aujourd’hui finalement : quelle douce illusion et quelle redescente horrible ! Seulement, il ne faut pas que je me laisse marcher dessus. Je veux qu’on me respecte et non qu’on se foute de moi comme ça… -

A peine a t’elle posé le balai de la serpillère à côté du canapé que son téléphone sonne. Elle l’attrape à toute hâte et s’assoit, ou plutôt s’allonge sur le canapé encore frappé par les rayons du soleil. Elle décroche :

« Oui Yaya ?! commence Léna.
- Tu m’as appelée ma puce ? Désolée, j’étais partie la petite à l’école et après, tu sais, il y a le goûter tout ça tout ça…
- Ne t’en fais. Je m’en doutais en t’appelant en cette heure-ci mais je voulais tenter quand même !
- Bon qu’est ce qu’il se passe alors ? Comment tu te sens depuis l’autre jour ? »

Léna commence à lui raconter calmement la soirée du samedi soir. Elle n’omet aucun détail et Jessica l’écoute très attentivement, sans interrompre sa petite sœur. Léna confit ses états d’esprit, ses opinions de chaque moment : sa colère, son incompréhension, son envie de profiter, de provoquer et de jouer aussi.

« Tu t’es sentie comment après la soirée ? demande Jessica. Enfin, le lendemain je veux dire !
- Mal hépatiquement parlant ! Je devais aller manger chez les parents en plus : tartiflette. Le plat parfait pour décuver quoi !!!
- Ohlala !! T’as dû bien galérer ! Plus sérieusement, tu me comprends quand je te demande comment tu t’es sentie …
- Je n’étais pas mal honnêtement. Emma n’a pas compris mon comportement, mais j’avoue qu’égoïstement, j’en n’avais strictement rien à faire de ce qu’elle pouvait penser.
- Et je pense que tu as eu raison de t’écouter et de profiter !
- Après je m’en veux peut-être un peu vis à vis de Morgane, d’avoir joué, sans l’allumer hein, mais la provoquer, la titiller. Mais je ne ressens plus ça, après ce que j’ai découvert aujourd’hui.
- Hein ? Raconte ?!
- Oh bah elles continuent de se parler et Morgane a tendu une belle perche aujourd’hui.
- C’est pas possible ? Emma continue ? Mais elle ne devait pas arrêter de lui parler ou je ne sais quoi ?!
- Bah apparemment, ce serait à partir des vacances de Noël qu’elle va s’y tenir soit ce vendredi. Parce que tu comprends, c’est difficile, ironise méchamment Léna. Et puis jeudi y’a le repas au resto avec l’équipe, donc bon… Ce serait bête de ne pas pouvoir lui parler hein n’est-ce pas ?!
- Elle ne sait pas ce qu’elle veut ou quoi ? Elle ne comprend pas que tu ne vas pas supporter ça ad vitam eternam ?
- J’en sais rien honnêtement Yaya… Ca me gonfle ! J’ai l’impression d’être une lionne en cage là, à l’appartement. Je suis à deux doigts de péter un câble, mais ça ne servirait à rien je le sais, sauf que ça me tape sur le système toute cette histoire.
- Où est Emma là en ce moment ? Comment as tu découvert tout ça ?
- Elle est au travail. Elle entraîne jusqu’à 20h ce soir. Elle avait rendez-vous chez l’ostéo à 15h et elle partait directement à la salle après. »

Léna continue la description de sa décevante découverte. Elle cite la phrase aguicheuse, décrit les conversations précédentes qu’elles entretenaient. Elle narre également son appel avec Emma plus tôt dans la journée. Parler à sa sœur lui fait du bien mais pour autant Léna ne se calme pas totalement. Il est 17h30 et elle doit attendre avant de pouvoir discuter vraiment, cartes sur table, avec Emma. La patience dans ces cas-là n’est vraiment pas le fort de Léna, d’où le sentiment d’être une lionne en cage.
De tourner et virer dans tous les sens.
De sentir la rage monter.
De se sentir impuissante.
Ne pouvant sortir, ne pouvant s’enfuir.
Prisonnière de la situation, elle erre dans son enclos, leur appartement.

« De toutes façons, commence Jessica, tu ne peux faire qu’attendre Léna. Donc soit tu sors, tu vas te promener, respirer un peu. Tu prends l’air car finalement personne ne te force à rester enfermée jusqu’au retour d’Emma. Soit tu restes à l’intérieur, mais tu regardes ton film, comme tu avais prévu à la base, et t’arrête de faire la boniche comme tu fais pour t’occuper à chaque fois que ça ne va pas !!
- Autant que je sois utile dans l’appartement en même temps. Au moins, j’ai l’impression d’avancer sur quelque chose…
- Arrête ça de suite, et pense à toi un peu !
- Je vais regarder mon film je crois alors… J’ai la flemme de sortir…
- Parfait, prends-toi un bon thé, ou un café, une gourmandise et pose-toi pendant les deux heures que tu as devant toi !
- Je sais Yaya, je sais… Mais c’est plus facile à dire qu’à faire !
- Je sais ma puce, mais c’est important, sinon tu vas exploser !
- Merci Yayou…
- Ne me remercie pas, mais tiens-moi surtout au courant demain ou quand tu veux.
- Ca marche, je t’écris un petit message ce soir ou demain. Plutôt demain je pense. Quand je pourrai, quand je serai tranquille, je prendrai le temps de t’appeler d’accord ?
- On fait comme ça ma puce. Prends soin de toi. N’aies ni peur, ni honte de ce que tu ressens. Emma doit être capable d’entendre tout ça et sous n’importe quelle forme !!
- Je veux juste que la discussion soit constructive ce soir, donc on verra bien comment les mots sortent…
- Allez tiens-moi au courant surtout. Je t’embrasse, courage !! »

L’appel se termine. Léna se lève du canapé et ferme toutes les fenêtres de l’appartement car le parquet clair est déjà sec. Elle vide le sceau et met en route le film sur l’ordinateur d’Emma, branché par le câble HDMI à la télévision. Léna déplie le canapé pour pouvoir s’allonger confortablement de tout son long mesurant 1,64m. Elle s’est servie une citronnade et laisse une bouteille d’eau proche d’elle. Elle se love sous un plaid, entourée de coussins.

-C’est parti pour Harry Potter et les Reliques de la mort, 2ème partie. –
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Emma a reçu un message venant de Morgane :
« Je t’appelle dès que je suis chez moi, vers 17h15. »
Emma n’est pas concentrée dans son travail. Elle pense à son retour à l’appartement ce soir. Elle redoute la conversation. Léna était totalement hors d’elle.

-Je n’ai rien fait de mal aujourd’hui. On s’est mal comprises sûrement. Mais je ne veux pas qu’elle croie que je me fous d’elle, que je ne plus à elle parce que c’est faux. Mais je ne veux pas m’en vouloir et je ne m’en voudrais pas. Ca, c’est sûr que non ! Après, je sais qu’on est intelligentes toutes les deux, qu’on ne se veut que du bien et qu’on ne se déchirera pas ce soir. Je n’arrive pas trop à comprendre pourquoi Léna s’est embrasée comme ça, sauf pour la phrase de Morgane. Ok, j’avoue, c’était osé et déplacé vue la situation. Je n’y avais même pas fait attention. Dans ma tête, une barrière avait été installée depuis la semaine dernière. Mais c’est difficile aussi pour moi, en ayant la soirée de samedi en tête. Je ne sais plus où donner de la tête finalement : que Léna arrive à jouer, à être proche de Morgane comme ça. Forcément oui, ça me fait quelque chose, ça me titille, ça m’excite, tout comme quand on arrive à parler posément avec Léna de plan à 3. Mais c’est chiant, je n’ai jamais l’impression de bien gérer la situation. Je suis d’accord que je dois me concentrer sur Léna et nous deux, mais je dois aussi me focaliser sur moi pour me retrouver !! –

Son téléphone vient la sortir de ses pensées tumultueuses. C’est Morgane, elle doit être rentrée chez elle. Emma décroche :

« Ca y est, tu es rentrée chez toi ? demande Emma.
- Yes, tout juste. Je me pose dans ma chambre là. Ca va toi ? Ton message m’a fait un peu flipper !!
- Léna a vu nos conversations, dont celles de ce matin.
- Hein ? Et ? Les récentes ne concernaient que le volley il me semble… Donc ça va non ?
- C’est sûr… Mais il y a une phrase que tu as écrite qui l’a dérangée. Sur le coup, je n’y ai pas fait attention. Mais c’est vrai qu’elle peut être mal interprétée, surtout dans notre situation.
- Laquelle ? Attends, je regarde sur l’ordinateur.
- En gros, tu dis que tu es impatience mais que pour certaines situations, tu sais être patiente.
- Hmm oui, en effet… Merde, je suis désolée.
- Ouais, je l’ai eue au téléphone. Elle est pas hyper contente, voire bien remontée. La discussion va être mouvementée ce soir tout comme elle l’a été tout à l’heure.
- Je suis vraiment désolée Emma. Merde. Je ne voulais pas… C’est vrai que c’est limite. Mais j’ai été con !
- Je sais que tu ne voulais pas. Mais elle a lu et maintenant elle a encore plus l’impression qu’on se fout d’elle. Je ne sais pas dans quel état je vais la retrouver ce soir. Ca me fait un peu peur d’ailleurs, mais bon…
- S’il y a besoin Emma, tu sais que je peux m’effacer. C’est toujours d’actualité. Et puis, il n’y plus de match jusqu’en janvier donc ça peut être bien…
- Il y a le repas raclette au resto en équipe jeudi. Je ne suis pas de cet avis que tu doives t’effacer. On ne s’entraîne que mercredi et jeudi on a le repas. Je ne pense pas que Léna revienne sur ces paroles. Elle risque d’être un peu virulente mais elle ne changera pas d’avis sur ça. Elle t’apprécie et ne veut pas que tu abandonnes quelque chose que tu affectionnes.
- On verra… Mais c’est tout à fait possible, sache-le.
- Je sais, mais pour moi, je te le répète. Ce n’est pas une solution. Après, je ne suis pas dans la tête de Léna, bien que j’aimerais bien finalement parfois ! Ne t’en fais pas. La situation va se calmer dans tous les cas. Il faut laisser le temps. La discussion ce soir va faire du bien après coup aussi je pense.
- En tout cas, je suis désolée de foutre la merde entre vous deux, encore une fois. Je ne voulais et ne veux pas. Dis-lui bien ce soir hein ? Bon courage du coup… Tiens-moi au courant ?
- Je ne sais pas si je te tiendrais vraiment au courant Morgane. Mais ne t’en fais pas. Ca va bien se passer je pense, enfin je l’espère. Je dois te laisser, il faut que j’aille entraîner. Dans tous les cas, on se voit mercredi ?
- A mercredi Emma. »

Les deux jeunes femmes raccrochent. Emma rassemble ses affaires dans son sac à dos et descend de son bureau pour rejoindre le gymnase. Elle ne se sent pas mal, plutôt bien même car la prochaine heure et demie est bien chargée. Elle n’aura pas le temps de penser à quoi que ce soit, ni à quiconque.

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Morgane est allongée dans sa chambre, sur son lit deux places. Ses volets sont fermés, comme à leur habitude. Elle est en travers, les pieds dépassant car elle porte toujours ses Converses blanches. Elle les enlève rapidement, sans prendre la peine de défaire les lacets et s’installe mieux. Elle allume une cigarette et regarde son plafond blanc, légèrement jauni par les fumées.

-Mais pourquoi j’ai écrit ça ?! Putain, Morgane sérieusement, tu aurais pu t’abstenir, réfléchir quoi ! La perche était trop belle, mais je dois renoncer à Emma, même si je n’y jamais vraiment pensé. Je ne peux pas faire ça et je ne veux pas. Mais là, ça a été plus fort que moi je crois… c’est sorti tout seul… -

La jeune brune allume son ordinateur et met en route la musique de sa playlist Disney sur le site Spotify. Morgane adore ces films et connaît les paroles par cœur. Elle reste un moment allongée, sans réellement penser, sans réellement s’endormir ou même s’apaiser. Elle a fermé la porte de sa chambre pour ne pas être dérangée par sa mère. Morgane est très complice avec elle : elle est fille unique et a été élevée quasiment seule par Sylvie, sa mère.
Morgane se lève doucement de son lit. Elle allume la télévision fixée sur son mur blanc, en face de son lit. Elle met en marche sa console, la Playstation 3. Elle attrape une manette et s’assoit en tailleur pour jouer à Call Of Duty, Black Ops. Les chansons de Disney dans les oreilles, les armes en main par le biais d’une manette : elle se fiche des clichés ou bien des contradictions. Elle ne suit que ses envies : jouer et chanter Disney.

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Léna est affalée sur le canapé à regarder son film. Elle s’est ensuite fait bouillir de l’eau pour boire un de ses thés favoris : le Be Cool de Kusmi Tea qui est un mélange de réglisse et de menthe. Léna est une fan inconditionnelle du monde du petit sorcier anglais, que ce soit les livres ou encore les films.
L’heure tourne et l’air se refroidit dans l’appartement. La jeune femme se lève et ferme tous les volets roulants pour tenter de conserver le peu de chaleur que produisent les vieux radiateurs blancs en fonte. Elle regarde l’heure sur son téléphone : il est 20h. Emma ne va pas tarder et le film est bientôt fini.
Léna se blottit de nouveau sous le plaid gris sur le canapé. La sonnette ne tarde pas à retentir dans l’appartement. Elle se lève en sursaut pour aller appuyer sur le bouton de l’interphone pour ouvrir à Emma qui l’attend sur le pallier de la porte.

Emma n’est pas anxieuse, elle n’appréhende pas. Léna est retournée à l’ordinateur pour arrêter le film et quitter la page de streaming. Elle débranche tous les câbles et attend Emma sur le canapé pendant que cette dernière pose toutes ses affaires.

« Alors, ça s’est bien passé les jeunes ? demande le plus calmement possible Léna pour engager la conversation.
- Ca a été. C’était le dernier entraînement que je ferais le lundi. Après, je ne réserverais plus ce créneau. Et toi ? La fin d’après-midi ?
- Ca a été aussi. Je me suis occupée : ménage, appeler Yaya, regarder Harry Potter.
- Hmm ok… Comment tu te sens là ?
- Je ne sais pas. Cela va dépendre de la suite de la conversation je pense. Et toi ? ton après-midi ? Tu as reparlé à Morgane je présume ?
- Oui, je l’ai eue au téléphone après toi, avoue Emma penaude.
- Magnifique, j’en étais sûre. Du coup, tu lui as tout raconté. Qu’est-ce-qu’elle en pense ? Je suis curieuse là… Elle doit se dire que je suis la copine psychopathe, c’est fabuleux !
- Mais non, pas du tout ! Elle est désolée, elle ne voulait pas provoquer tout ça.
- La dernière fois, c’était le même baratin, donc c’est simple de dire ça… Soit elle n’a vraiment aucun respect envers moi, envers nous, soit tu n’as pas été claire dans tes propos nous concernant.
- Je ne vois pas ce que tu veux dire Amour.
- Et bien que tu laisses le jeu ouvert jusqu’aux vacances et après plus rien. Comme si simplement la distance et le silence allaient tout faire : faut y mettre aussi du tien et savoir ce que tu veux Emma !!
- Mais c’est toi, c’est nous que je veux !!
- Agis en conséquence alors ! s’écrie Léna. Car même si on s’était mal comprises sur les vacances, elle te dit cette phrase. Pourquoi ? Pourquoi elle ose ? Certes, tu n’as pas renchéri, encore heureux, mais tu laisses faire car tu aimes quand elle te titille !
- Honnêtement Amour, je n’avais pas remarqué avant que tu ne me le dises. Pour toi, ça a l’air simple de couper les points comme ça, sauf que non, ça ne l’est pas. C’est une personne bien, à qui je ne veux pas faire de mal. Je tiens à elle, il y a de l’attachement. Tu le sais, je te l’ai dit. Sachant qu’en plus, il y a la raclette jeudi avec l’équipe.
- Fabuleux, j’avais oublié… J’irai directement en partant du travail donc tu te feras amener. Si je pense que c’est difficile, ça l’est aussi beaucoup pour moi, car tu n’es pas claire avec moi non plus.
- Et bien soyons claires maintenant. Vendredi, c’est les vacances. Je ne lui parlerai vraiment plus à partir de ce moment-là, dit Emma en se pinçant les lèvres.
- Fais ce que tu veux, tu gères à ta façon. Pourquoi tu te pinces les lèvres ?!
- Je pense que je resterais un peu après la raclette avec Morgane pour lui parler, se dire au revoir vraiment. Peut-être que je vais lui écrire une lettre, ce serait sûrement plus simple de lui donner en plus. Qu’est-ce-que tu en penses ?
- T’es sérieuse à me demander comment dire au revoir à ta « maîtresse » ? Si tu veux lui parler, vas y je t’en prie !
- Merci… Ecoute, j’espère juste que je ne vais pas l’embrasser… »

Cette phrase heurte Léna de plein fouet. Elle se retourne vers Emma, les yeux plus écarquillés que jamais.

« Je rêve là ? Je cauchemarde plutôt non ? s’exclame la blonde. Tu me lâches ça comme ça ?
- Je suis honnête au moins… l’attraction est là, tu le sais. L’attachement aussi, la tendresse aussi…
- Et je suis censée être rassurée, que tu me dises ça comme ça, de cette façon, sans état d’âme. »

Léna éclate en sanglots sur le canapé. Elle se cache le visage de ses petites mains, moites par toutes ces émotions. Emma se rapproche d’elle, sans la toucher. Elle la regarde tendrement et tristement à la fois. Elle déteste lui faire du mal comme ça, mais elle préfère être honnête et ne pas cacher ce qu’elle ressent et ce qu’elle a peur de faire. Léna est si vulnérable comme ça, dans cette posture.

« Amour, je t’en prie… tente Emma.
- Comment veux-tu que je réagisse à tout ça ? Comment je suis censée prendre ça ? Tu me dis que tu espères que tu ne vas pas l’embrassée ? Et je dois me sentir rassurée ? Mais non Emma, j’ai peur, je ne te reconnais plus ! Comment croire que tu veux y mettre un terme ? Ce n’est pas toi, ce n’est pas possible que tu ne saches pas si tu vas ou non l’embrasser ! Bon sang, mais non quoi !! Ce n’est pas cohérent, pas du tout même, avec tout ce que tu me dis !
- Je sais, j’en suis désolée Amour… Mais ça ne change rien à ce que je ressens pour toi et comment je place et je vois notre couple. Ce sera toujours nous avant, ce sera toujours toi avant tout. Morgane c’est primaire, c’est superficiel ce que je ressens par rapport à tout ce que je ressens pour toi. Tout est plus profond, plus fort te concernant, concernant l’amour que j’éprouve pour toi. Après ce qui m’a fait bizarre aussi, c’est ce que tu m’as dit en rentrant de la soirée : le plan à trois etc. Ca m’a chamboulée.
- Ca me dépasse ce que tu dis… Je peux comprendre l’attirance, le jeu, l’excitation. Mais si tu sais ce que tu veux, pourquoi laisser la situation comme ça ? Tu veux vraiment tout perdre ? Nos projets ? Notre vie ? Nous ? Moi ?
- Non je ne veux pas te perdre !! hurle Emma. »

Ce sont des cris de douleur. Puissants. Rauques. Viscéraux. La discussion est intense. Les regards sont électriques. Les deux jeunes femmes ont mal.
Mal de faire du mal sans le vouloir.
Mal d’avoir l’impression de perdre la femme de sa vie et d’en être impuissante. Impuissante car on ne contrôle pas ce qu’on ressent ni même l’intensité. On ne peut contrôler que la façon dont on l’exprime.
Et Léna crie de douleur. Et Emma crie de douleur, pleure pour Léna, pleure d’incompréhension.
Les mots de posent peu à peu. L’accalmie est en chemin, sur un sentir tortueux mais elle arrive. Les deux jeunes femmes se rapprochent et arrivent à être en contact sur le canapé. Léna a laissé tomber sa carapace, a fait tomber les murs et laisse Emma entrer sans avoir de doute, sans rancœur. Léna a toujours vécu en ayant bâti des barrières autour d’elle pour se protéger du monde extérieur, pour ne pas laisser les gens la découvrir en profondeur comme s’ils allaient être déçus. Mais Emma y est parvenue, a fait tomber une par une chaque pierre de chaque barrière, jour après jour, mois après mois, année après année. Léna est devenue celle qui parvient à apaiser Emma dans ses coups durs et au quotidien. Emma a son pilier, et elle sait qu’il sera toujours là.
Les deux jeunes femmes forment un tout, un équilibre qui ne flanche jamais. Dans l’adversité, elles savent ce qu’il en est. Elles ne trouveront jamais cette connexion spéciale qui les lit et les unit. Au fond, malgré la peine, malgré la colère, malgré l’incompréhension, Léna sait. Elle sait qu’Emma veut et ne veut pas. Au fond, Emma sait également ce qu’elle veut et ne veut pas : elle ne l’a d’ailleurs jamais oublié. Mais Morgane, sans crier gare, est venue bouleverser ses certitudes, sans les réfuter, sans les contredire, juste les chambouler.

Emma et Léna suivent quand même leur rituel tendre de fin de soirée : se doucher ensemble et dormir peau contre peau. Le contact charnel. Pur. Simple. Rassurant. Le tumultueux orage est passé : le calme de la tempête s’est installé confortablement pour les faire tomber ensemble dans les bras de Morphée, l’une contre l’autre, en position de cuillère, Emma protégeant Léna.

Le mardi, c’est-à-dire le lendemain, est un jour douloureux pour Emma comme pour Léna. Les paroles, les découvertes de la veille, restent en tête. Elles restent tendres l’une envers l’autre, timidement, mais tendres. Emma serre toujours plus fort Léna à chaque fois qu’elle peut la prendre dans ses bras. Elle enfouit sa tête au creux de son cou, sent son odeur, son parfum aux goûts de l’été sentant le monoï. Léna caresse les longs cheveux ondulés d’Emma.

« Est-ce que tu crois que je peux appeler Morgane avant que tu partes au travail ? Juste pour savoir comment elle va ? demande timidement Emma.
- Fais ce que tu veux je t’ai dit hier, lâche Léna avec un sourire ironique. »

Emma hoche la tête et appelle Morgane, assise sur le canapé, pendant que Léna prépare ses affaires. Cette dernière observe Emma : elle a l’air d’une adolescente folle parce que sa mère l’a autorisée à appeler son nouveau petit copain. La rage et la peine emplissent la tête de Léna qui peine à rester calme. La curiosité est aussi présente car elle ne peut entendre que ce que dit sa compagne.

Emma, quant à elle, se sent timide au téléphone :

« Je ne te dérange pas au travail ? Comment tu te sens ? demande Emma.
- Non, c’est ma pause clope, je suis dehors là. Je ne sais pas trop comment je me sens. C’est plutôt moi qui devrais te demander ça je crois.
- Fatiguée, un peu chamboulée, mais ça va. Ca a été dur au départ, mais nous avons été adultes. Je voulais juste m’assurer que tu allais bien.
- Ca va Emma, ne t’en fais pas pour moi. Comme je te l’ai dit, s’il faut m’effacer, rester à peine cordiale au volley, je sais très bien faire, même si ça fait mal au fond.
- Il n’est pas question de ça et tu le sais. Je te l’ai dit hier. Bon pour demain, je prépare la séance pour la départementale.
- D’accord. Je te dis à demain alors ?
- A demain Morgane. Bon courage pour ta journée. »

Emma raccroche lourdement. Elle aurait aimé parler d’avantage, plus librement. Et elle ne se sentait pas libre avec Léna dans l’appartement. Elle sait que c’est difficile pour elle et Emma est consciente des concessions qu’elle fait déjà. Elles s’installent toutes deux à table :

« Sens toi libre de lui parler. Tu n’as que jusqu’à vendredi finalement, dit Léna. Mais juste ne prends pas ce ton, ni cette attitude de jeune amoureuse. Ça me fait mal.
- Ah bon ? J’étais comme ça ?
- On aurait dit une jeune, dont sa mère vient de l’autoriser à appeler son nouveau petit copain quoi ! Mais bon…
- Désolée, ce n’est pas le cas, tu le sais Amour… J’aimerais qu’on parle du plan à trois, on n’en a pas parlé hier.
- Oui ? Enchaîne ? dit Léna.
- Ca te dit vraiment ?
- Ecoute Emma… Je te l’ai déjà dit. J’ai bientôt 24 ans, cela va faire 7 ans qu’on est ensemble. Je n’ai connu que toi. Si ça peut se faire pourquoi pas : Morgane me plaît. C’est une personne que j’apprécie en plus, pas une parfaite inconnue rencontrée dans un bar et avec qui on le ferait salement.
- Tu ne le ferais pas que pour moi ? Tu ne te forcerais pas ?
- Non pas du tout. En ayant mon attitude samedi, c’était même troublant pour moi d’avoir cette envie là aussi. Mais finalement, on est jeunes. Je t’aime et ça rien ne le changera. Mais si on est d’accord toutes les deux, sur la même longueur d’onde et que ça tente Morgane aussi : alors pourquoi pas ? Pourquoi se refuser du plaisir ? Tu sais, Yaya m’a parlée de tout ça. Je crois que ça a fait son chemin dans ma tête mais pour autant, je ne veux pas que ça soit notre perte.
- Je comprends, moi non plus…"

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Léna est allée travailler, comme tous les mardis, l’après-midi, à partir de 13h pour ne finir qu’à 21h. Elle a écrit un message rassurant pour sa sœur :

« Coucou Yayou. J’ai bien dormi malgré la soirée très mouvementée. Je te raconterai tout ça au téléphone demain après-midi je pense. Je te tiens au courant. »

Elle a une rude après-midi : 21 patients à voir en tout. Elle n’aura pas le temps de penser, pas de temps de pause, sauf peut-être pour manger une petite gourmandise pour tenir toute l’après-midi.

-Allez… Il faut être forte. J’écrirais sûrement à Morgane pour lui parler demain si elle est disponible avant l’entraînement demain. J’ai besoin de savoir ce qu’elle pense vraiment de tout ça. Je ne peux pas rester comme ça, aller à l’entraînement, la côtoyer comme si tout était OK. Non, j’ai aussi besoin de dire ce que je pense. Après, c’est peut-être bizarre d’avoir autant envie du plan à trois. Mais c’est l’excitation de la découverte je pense. J’avoue que j’étais un peu déçue lorsqu’Emma m’a dit que ça ne disait pas forcément à Morgane. Ah, Monsieur Jean arrive. C’est parti ! –

------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
Emma reste étonnée du discours de Léna, quelque peu ébahie de sa vision novatrice et surprenante. Léna n’en avait pas forcément partagé ce point de vue. Mais ça ne la dérange pas : elle sait que Léna réfléchit seule avant de poser ses idées parfois.
Emma s’installe au bureau et commence à écrire sa lettre pour Morgane. Elle est impatiente : elle a hâte d’être jeudi. Si seulement elle pouvait accélérer le temps…
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MessageSujet: Re: Les Amantes. - Ce-Line   Les Amantes. - Ce-Line Icon_minitimeLun 26 Mar 2018 - 18:48

Chapitre 11 – Se lancer.

A 15h30, Emma part pour aller au travail. Elle a préparé toutes ses affaires pour les entraînements en tant que coach mais aussi en tant que joueuse. Généralement, Emma et Léna ne se douchent pas à la salle mais plutôt à l’appartement. Elle ne prend donc que son sac à dos contenant une bouteille d’eau, quelques barres de céréales, ses chaussures et ses genouillères.

« Je vais y aller mon ange, déclare Emma.
- Je pars dans pas longtemps aussi. Morgane vient de partir de son travail. Elle vient de m’envoyer un message sur Facebook.
- J’espère que ça va bien se passer.
- Mais oui, ne t’en fais pas. Je n’ai pas de mauvaises intentions envers elle, sinon je l’aurais fait depuis longtemps. Ça aurait beaucoup plus simple mais ce n’est pas le cas.
- De toutes façons, tu gères comme tu le sens amour. Allez je file ! Je t’aime, à ce soir !!
- Bon courage avec les jeunes ! Si tu as besoin de quelque chose, dis-moi. Je te l’amènerai quand j’arriverai pour l’entraînement.
- Oui, t’inquiète pas. Normalement, j’ai tout pris ! »

Emma met son manteau et enfile ses chaussures. Elle embrasse amoureusement Léna sur le pas de la porte. Elle descend les escaliers et rejoint sa voiture. Détendue. Emma se sent détendue.

-Après tout. Je n’ai pas à avoir peur. J’ai confiance en Léna et ses intentions. Elle n’est pas mauvaise et elle me l’a prouvé plus d’une fois ! –

Elle met le contact et démarre son véhicule imposant : un Renault Trafic imposant blanc fraîchement acheté. C’est un camion partiellement aménagé qu’elle et Léna ont acquis il y a peu de temps. C’était le rêve d’Emma d’avoir un van aménagé pour vadrouiller, faire le tour du monde, se poser n’importe où, n’importe quand, avec ses potes, avec la femme de sa vie. Regarder et profiter des couchers de soleil. Avoir les planches de surf dans le camion. Contempler les étoiles. Profiter de la nature.
La radio s’allume sur la station Nova. C’est la chanson « To Build a home » qui résonne dans le camion. Emma lève le son.

-Quelle belle chanson d’amour. Mon amour, Léna. Je pense à toi. Je ne cesserai jamais de t’avoir en moi. –
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Léna se prépare à partir de l’appartement. Elle attrape sa petite besace moutarde dans laquelle elle met simplement son portefeuille et un paquet de mouchoirs. Elle se remet un peu de déodorant, quelques pressions de son parfum pour masquer sa nervosité. Oh oui, elle angoisse quelque peu. Elle souhaite que ça se passe bien mais elle redoute les mots de Morgane, que ce soit trop difficile à entendre, à réaliser.
Il est 15h45. Léna met son bomber kaki, enroule son écharpe blanche autour de son cou, met ses converses blanches montantes et sort de l’appartement. Elle le ferme à clé et part en voiture en direction du McDonald’s proche de son travail.
Elle se gare proche du restaurant et pénètre dans l’enseigne américaine. Il est 15h55 : en avance, comme toujours.
Léna scrute la salle. Morgane n’est pas encore arrivée. Elle décide de commander à la borne automatique son café pour avoir le temps de se poser tranquillement, de poser son esprit, d’organiser ses pensées et ses futures paroles. Elle choisit un Cappuccino avec éclats de Daims, paie et attend sa commande. Elle part ensuite s’asseoir sur une banquette dans un coin tranquille du restaurant. Elle a ses écouteurs dans les oreilles : « Hard Times » de Paramore, célèbre groupe américain qu’elle affectionne depuis son adolescence.

Son téléphone retentit : un message de Morgane disant qu’elle est arrivée sur le parking. Léna lui répond rapidement : « Je suis déjà à l’intérieur ». Elle coupe la musique, débranche et range ses écouteurs. Quelques instants après l’envoi de son message, Léna la voit arriver, bonnet noir en laine sur la tête. La blonde se redresse sur la banquette, pose son écharpe sur ses genoux et tente de boire une gorgée de sa boisson chaude.

-Bordel ! Quelle conne !! Je me suis brûlée la langue ! –

Elle repose le plus calmement possible le gobelet en voyant Morgane s’approcher de la table avec son plateau et sa boisson qu’elle pose directement sur la table. Léna se lève et les deux jeunes femmes se font la bise. Morgane pose son manteau, son bonnet, mais garde son écharpe et s’assoit en face de Léna qui la fixe.

« Tu m’attends depuis longtemps ? demande Morgane.
- Non, juste 5 minutes, t’inquiète pas, la rassure Léna en souriant timidement, mais surtout nerveusement.
- Ecoute Léna, je suis désolée pour lundi. Je ne voulais pas…
- Ça, je le sais. Mais pourquoi c’est sorti ?
- Je ne sais pas, c’est venu comme ça. Je n’ai pas trop réfléchi, je l’avoue… Mais comme je te l’ai déjà dit, si c’est trop compliqué, difficile, j’en sais rien, je peux m’effacer après les vacances…
- Comment tu envisages les vacances justement ? De ne plus vous parler du jour au lendemain ? Ca va être difficile ? Et après ? Ca va perdurer ? Parce qu’arrêter parce qu’on ne se voit plus, ça paraît plus simple. Mais là, vous n’avez pas arrêté, donc comment je peux croire que ça va le faire après les vacances ?
- Je comprends… Je n’y ai pas trop réfléchi à l’avance en fait. Je prends les choses une par une généralement. Mais je pense que ça va être difficile oui… pour nous deux. »

Morgane sent une boule se former dans son ventre. En se projetant au-delà de vendredi, elle commence à se rendre compte de ce que cela implique : ne plus se parler, pas de contact, pas de discussion poussée sur tout et n’importe quoi sans risque d’être jugée, plus de rencontre au café pour préparer à la base les entraînements.

« Je te l’ai déjà dit que je ne souhaite pas que tu t’effaces. Pour moi, ça ne rime à rien mis à part te priver. Et puis, ce n’est pas non plus une solution que vous deveniez complètement étrangères l’une pour l’autre. Vous vous appréciez et je trouve ça con de vous perdre en quelques sortes. Peut-être que je suis folle de dire ça, mais ça me ferait chier.
- Ah, mais je peux être simplement cordiale pendant les entraînements, les matchs et ignorer totalement en dehors, aux pots etc…
- Dure comme solution, tu ne trouves pas ?
- S’il le faut, je le ferai Léna. Je te l’ai déjà dit que je vous admirais. Que je vous trouve belles ensemble. J’admire beaucoup votre relation, votre complicité, votre connexion. Et je suis sincère quand je dis que je ne ferai rien contre vous ou vous mettant en danger. Ce n’est vraiment pas ce que je souhaite et Emma non plus, tu le sais…

Léna a les larmes aux yeux. D’une main, elle serre son écharpe. De l’autre, elle attrape son gobelet et boit une gorgée pour se réchauffer. Morgane la regarde intensément, dans les yeux et scrute les réactions de la blonde en face d’elle. Marron contre Bleu, quel doux duel.

« Je sais tout ça, commence Léna en retenant ses larmes. J’ai juste peur Morgane. Peur de perdre la femme que j’aime parce que je ne l’ai jamais connue comme ça. Et comme je te l’ai déjà dit, cela aurait tellement plus simple si tu n’avais été qu’une connasse inconnue, croisée dans un bar ou dans une soirée. Emma l’avait dit aussi que ça aurait plus aisé si tu n’avais été que jolie. Mais ce n’est pas le cas… ce n’est pas le cas bordel, répète Léna en secouant légèrement sa tête baissée, en pinçant ses lèvres. »

Morgane pose sa main droite au milieu de la table. Léna tend la sienne. Leurs mains se touchent, se serrent, se caressent, se rassurent. Les larmes coulent sur les joues de la blonde qui ne parvient pas à les retenir. Elle tente de calmer sa respiration en gonflant lentement le ventre et vidant au maximum ses poumons. Ce contact lui fait du bien mais lui fait du mal.
Morgane baisse la tête et serre un peu plus sa main. Elle se sent mal. Mal de provoquer ces émotions négatives. Mal de se sentir responsable de l’état de Léna. Elle tente de s’excuser par ce simple contact. Elle veut montrer qu’elle comprend la douleur, qu’elle comprend la peur. Mais Morgane sait qu’elle ne peut finalement comprendre et sentir qu’une infime partie de tout ce que Léna peut ressentir. Elle a simplement conscience qu’elle y est pour quelque chose : chose que Morgane ne souhaitait pas.

« Je suis désolée Léna…
- Ne le sois pas. Je ne veux pas que tu t’excuses de ressentir des choses Morgane. C’est ça aussi qui est chiant. Je ne vous en veux pas, enfin peut-être pour lundi ok, tente de plaisanter Léna en souriant et en essuyant ses yeux humides. D’ailleurs, dans ce cas-là, excuse-moi pour samedi. Ca devait être un peu bizarre pour toi… !
- Oh, j’étais un peu paniquée au fond, rit Morgane. Mais je te laissais faire, je ne disais rien ! »

Les deux jeunes femmes rient de bon cœur, chacune se remémorant la soirée.

« Non mais oui, j’étais pitoyable quoi ! Mais je crois qu’il valait mieux que ça se passe comme ça plutôt que de péter un plomb. Et puis l’alcool m’a désinhibée aussi j’avoue !
- Oui, quand tu t’es assise sur mes genoux, je n’ai strictement rien compris. Je me disais : mais qu’est-ce-qu’elle fait là ? J’ai regardé Emma qui ne comprenait pas non plus ! Mais bon, c’était drôle de te voir comme ça !
- Très drôle je me doute ouais ! Tellement pitoyable la fille quoi ! Par contre, j’ai beaucoup moins ri quand vous étiez toutes les deux dehors. Ça encore… soit. C’est plutôt Emma qui ne tient pas ce qu’elle dit mais bref. Mais à ce moment-là, j’ai demandé à Aurélie si elle savait où était Emma. Elle m’a répondu que vous étiez ensemble dehors à fumer. J’ai dû faire une drôle de tête car elle m’a lancée un « allez, sois pas jalouse ». Bah siiiii, en fait… Mais bon, fallait rien montrer… et c’est à partir de là que… j’ai décidé de profiter !
- Oh je savais pas… Horrible. Putain, elle met toujours les pieds dans le plat celle-là, rit nerveusement Morgane.
- Je ne peux pas empêcher et ne veux pas vous enlever ce que vous avez Morgane. Je veux juste un peu de respect, un peu de considération. Parce que c’est dur…
- Je sais Léna, je sais, dit doucement la brune en lui prenant une nouvelle fois sa main froide. Je te trouve forte dans tes réactions, tes dires, tes paroles, tes réflexions... Et je te le répète, il ne s’est rien passé de physique entre Emma et moi. Vraiment… Crois moi, crois-nous !
- Oui, enfin… pour l’instant. »

Morgane lâche son étreinte l’espace d’une seconde. Elle cherche Léna du regard. Cette dernière baisse la tête et resserre ses doigts autour de la main de la brune. Elle sent sont regard s’intensifier mais Léna reste la tête baissée et se mord la lèvre en repensant à la phrase d’Emma. Elle sait qu’elle vient de lâcher une bombe et qu’elle va devoir développer. Morgane attend impatiemment la suite :

« Pourquoi tu dis ça Léna ?
- Parce que vous vous plaisez je le sais. Et parce que … Emma m’a dit lundi qu’elle ne sait pas si elle va t’embrasser ou pas demain. »

Morgane ouvre un peu plus les yeux quand elle entend les mots sortir de la bouche de Léna. La blonde relève la tête pour observer sa réaction. Leurs mains se lâchent. Morgane regarde la table, tripote nerveusement ses doigts en arrachant les petites peaux autour de ses ongles. Léna scrute son corps pour déceler chaque réaction, chaque émotion pouvant émaner de la belle. Un discret sourire pincé se dessine sur les lèvres de la brune quand elle penche légèrement la tête :

« Je ne savais pas, lance Morgane en passant doucement ses doigts au niveau de sa tempe puis dans ses cheveux, toujours le sourire pincé fixé sur ses lèvres.
- Je sais que tu ne savais pas, mais on en est là… Donc comprends que j’ai peur et que j’ai besoin de savoir où tu en es toi… »

Léna laisse couleur quelques larmes avant de les essuyer avec une des serviettes rugueuses du Fast-Food. En lâchant cette bombe, elle souhaitait au fond d’elle voir la réaction de Morgane.

-Bingo ! J’avais raison. Elle est contente d’entendre ça. Elle est contente de savoir qu’elle lui plaît et elle ne le cache même pas, ou soit elle n’y arrive pas… Je le savais, je le sentais ! Si Emma se lance, c’est sûr que Morgane y répondra et advienne que pourra… Est-ce que je suis prête à ça ? A partager ? Suis-je à partager aussi ou est-ce que je resterais sur le carreau ? –

Morgane tente de garder tant bien que mal la tête sur ses épaules même si tout se bouscule en elle. Elle ne sait pas ce qu’elle ressent, ni ce qu’elle doit sentir ou même dire en réponse aux dernières phrases de la blonde se tenant assise devant elle et la fixant de ses yeux bleus larmoyant. Léna attend. Figée, elle attend. Figée, Morgane écoute, encaisse, assimile et tente de réagir au mieux. Elle tend une nouvelle fois sa main que Léna attrape après avoir ramené un de ses genoux contre elle.

« Il y a de l’attirance, tu le sais. Elle me plaît, on se plaît, tu le sais aussi Léna. On n’a pas vu venir les choses. Même quand j’ai rompu avec Amélie, ce n’était en aucun cas en rapport avec Emma. Je te le répète. Et je le redis encore mais je ne ferai rien contre toi contre vous… »

Léna acquiesce en secouant la tête. Elle regarde brièvement son téléphone : il est déjà 17h20. Elle sort sa main de l’étreinte de celle de Morgane pour attraper un mouchoir et vider son nez qui se retrouve encombré en raison des pleurs dissimulés.
Elles ont toutes les deux fini leurs boissons. Elles ne se parlent pas mais se regardent. Avec instance. Intensément. Leur silence n’est pas lourd, n’est pas pesant. Il est même plutôt apaisant, même s’il est perturbé par les bips incessants venant des cuisines. Elles se sont tout dit, ou presque. Léna ne se sent pas forcément rassurée mais légère et épuisée à la fois.

« La vie continue, lance la blonde. Et c’est pourquoi je ne veux pas que tu t’exclues de l’équipe. C’est du sport, notre sport. On doit s’y amuser, y prendre du plaisir. Je sais que samedi, j’ai eu du mal pendant le match, malgré moi, malgré ce que je dis là. Je sais aussi que mercredi dernier, quand je t’ai filé les genouillères, cela partait d’une bonne intention même si … OK, j’admets… Il y avait un peu de provocation là-dedans, histoire de te mettre un peu mal à l’aise…
- Je le savais !!
- Oh c’était mignon arrête ! Je peux être bien plus con, crois-moi !
- Sur le coup, je me suis sentie bien mal à l’aise en tout cas ! Mais oui, je sais que c’était gentil. Gênant, mais gentil, plaisante Morgane. Je vais bien chercher les miennes. Elles doivent être chez moi, je demanderai à ma mère ! »

Elles continuent à parler quelques temps du volley, à plaisanter. Aux alentours des 18h, les deux jeunes femmes se lèvent, se couvrent et jettent leurs plateaux. Elles se dirigent vers le parking : elles sont garées non loin l’une de l’autre. Elles s’arrêtent devant la 308 blanche de Léna, face à face.

« Je vais aller me manger un bon plat de pâtes avant ce soir pour tenir les deux entraînements, déclare Morgane.
- Oui, prends des forces pour ce soir ! En forme hein !
- Toujours !! »

Elles se sourient, se font la bise et se prennent dans les bras simplement avant de prendre chacune leurs voitures pour rentrer avant de se retrouver le soir même sur le terrain.
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Morgane monte dans sa voiture et s’empresse d’allumer une cigarette. Elle démarre en trombe car elle n’a qu’une hâte : arriver à se poser avant de partir pour trois heures d’entraînement.
Une fois garée dans sa résidence, elle monte les six étages grâce à l’ascenseur du bâtiment. Elle lance directement l’eau à chauffer dans une casserole pour y faire cuire une poignée de pâtes. Elle y ajoute un cube pour donner un goût plus savoureux à ses féculents.
Elle pose son manteau sur son lit et retourne dans la cuisine, son téléphone et son paquet de cigarettes à la main. Elle s’assoit sur la table de sa cuisine blanche. L’eau est prête à bouillir. Elle ajoute les pâtes puis se rallume une cigarette et attend impatiemment que le tout soit cuit pour pouvoir manger son assiette dans sa chambre.

-Bordel mais qu’est-ce-qu’il vient de se passer ? Et qu’est-ce-qu’il est censé se passer demain au repas ? Emma pense qu’elle serait capable de m’embrasser si j’en crois les paroles de Léna… J’aimerais tellement, je crois, je l’avoue… Si je ne me raisonnais pas et si j’en avais vraiment rien à faire de Léna, ce serait déjà arrivé depuis longtemps. Mais là, je ne peux pas. Je la connais, on joue toutes les trois ensembles. Et puis, elle est sympa quoi ! Je n’ai pas envie d’être responsable de leur séparation, je ne peux pas… -

L’eau manque de déborder de la casserole. Morgane les sort, les égoutte, rajoute un soupçon de poivre et part en vitesse dans sa chambre pour les manger en étant tranquille car sa mère ne va pas tarder à rentrer du travail. Elle allume la télévision de sa chambre, reliée à son ordinateur, pour regarder un épisode de Walking Dead.
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Léna rentre tranquillement à l’appartement. Elle se pose sur le canapé après avoir enlevé ses chaussures et son manteau. Elle allume son ordinateur et décide de regarder un épisode Riverdale.

-Après tout… J’ai deux heures et demie devant moi. Un épisode de 45 minutes va me détendre avant de me préparer pour ce soir. Peut-être que j’aurais le temps et surtout l’envie de repenser à cet après-midi : fort, intense, stressant, gênant, perturbant mais agréable. Tout ça à la fois. Une bonne pause me fera du bien. –
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L’heure de l’entraînement de la départementale arrive rapidement. Emma termine sa séance avec les jeunes. En attendant que les parents finissent de venir la voir, elle dit aux filles de commencer l’échauffement. Morgane est arrivée, comme à son habitude, un quart d’heure en avance. Emma s’avance vers elle, une fois les parents partis, et lui fait la bise. Elles sont à peu près tranquilles pour une dizaine de minutes le temps que les filles finissent de s’échauffer en courant et en prenant les ballons.

« Comment tu vas ? Ca s’est bien passé avec Léna ? demande doucement Emma.
- Oh bien oui, ne t’inquiète pas. On a parlé pendant bien une heure et demie il me semble. Je suis rentrée à l’appartement pour manger et me préparer après.
- Qu’est-ce-que vous vous êtes dit ?
- Tu en parleras calmement avec Léna, tout comme on a parlé calmement. Là, on n’a pas trop le temps et ce n’est pas l’endroit non plus. Bon, tu as prévu quoi ce soir pour les filles ?
- J’ai fait simple. C’est moins drôle et stimulant de préparer les entraînements toute seule. J’ai prévu quelques exercices de services, de réception et un peu d’attaques. On finira par du jeu, six contre six.
- Parfait, je te suis. »

L’entraînement se déroule dans la bonne humeur. Les exercices plaisent aux filles et beaucoup de rires résonnent durant l’heure restante. Emma et Morgane ne sont plus aussi proches durant les entraînements : une certaine retenue est présente entre elles deux depuis toute cette histoire.
Léna arrive à la salle aux alentours des 20h20. En rentrant dans le gymnase, elle a une vue directe sur leur séance mais elle ne s’attarde pas. Elle ne s’attarde pas ou plutôt, elle ne daigne même pas les regarder. Elle ne sait pas pourquoi. Peut-être que ça lui ferait du mal ? Léna ne sait pas, mais elle préfère se protéger. Simple précaution par pur instinct. Elle file directement dans la deuxième salle où se trouvent déjà quelques unes de leurs coéquipières : Claire, Léa, Aurélie… Léna commence à faire la bise à toutes les présentes et à Eric :

« Salut les filles ! s’exclame t’elle. Salut Eric ! Comment vous allez ? En forme ?
- Super et toi ma capitaine ? lui répond Eric en la prenant dans ses bras.
- Tout va bien. Un peu fatiguée mais ça va !
- Tu prends bientôt des vacances pour les fêtes de fin d’année ma belle ?
- Non, j’en prendrais sûrement quelques jours en janvier mais c’est tout.
- Ah tu ne vas pas dans ta famille ?
- Ils sont quasiment tous en Gironde donc non. Et puis, généralement, plus tu as du temps libre durant cette période, plus tu fais de lourds repas… Pas envie d’une indigestion encore cette année !! Ca m’arrange de ne pas en prendre sur ce coup-là vraiment crois-moi !
- Ah ah ! Je n’avais pas vu ça sous cet angle ! rit Eric. Allez ma petite, tu prends en charge l’échauffement : un peu de course, abdos et après vous prenez les ballons d’accord ?
- Yes, ça marche ! »

Léna prend les filles en main. Il est 20h40. Elles commencent à courir autour du terrain : simplement, des montées de genoux, des pas chassés, des accélérations… Elles prennent les ballons deux par deux. Léna se met avec Oriane, en attendant 21h qu’Emma et Morgane rejoignent le groupe pour s’entraîner à leur tour.
Les exercices que propose Eric sont classiques mais efficaces : la séance se déroule sans accroche. Morgane et Emma s’échauffent ensemble quand elles quittent leur équipe. Cela fait un petit pincement au cœur dorénavant à Léna car auparavant, c’était avec elle qu’Emma s’échauffait. Elles sont ensemble depuis 7 ans, elles se sont connues sur les terrains de volley et ont toujours joué ensemble.
La séance d’Eric n’est pas physique et c’est volontaire : il souhaite clôturer en douceur l’année 2017. Mais il y aura une préparation physique plus intensive en janvier après les fêtes de fin d’année si éprouvantes pour le système digestif de tous. L’entraînement se finit dans la bonne humeur.

« Bon les filles, on se voit tous demain au restaurant. Pour celles qui passent par ici, rendez-vous à la salle à 19h30 pour être à 20H au restaurant, déclare Eric. »

Ils se mettent tous d’accord pour le nombre de voitures, qui y va directement. Après avoir réglé ces détails, Emma et Léna rentrent chez elles chacune par leur véhicule. Elles lancent directement la poêle à chauffer pour cuire les galettes de pommes de terre et oignons.
En attendant, elles en profitent pour ranger toutes leurs affaires de sport. Une fois tout cela fait, elles se posent dans la cuisine. Elles s’installent et commencent à manger une fois que tout est cuit :

« Comment ça s’est passé avec la Dep ? demande Léna.
- Ca a été ! C’était sympa, vraiment. Et toi ? Cet aprèm ?
- Ca a été aussi… Je n’ai pas été méchante, pas de cris, si c’est ça que tu veux savoir…
- Non non, pas du tout. Je m’en doute. Mais je suis un peu curieuse, avoue Emma.
- Je sais amour. On a parlé de lundi forcément. Elle a répété qu’elle ne voulait pas nous mettre en danger, qu’elle nous trouvait belles. Elle avait l’air fatiguée ou mal à l’aise. Je n’en sais trop rien en fait. Une impression… On a parlé un peu de samedi soir aussi. Je lui ai expliqué un peu mon attitude. On en a ri, mais j’étais pas mal gênée quand même !
- C’est bien que tu l’aies fait amour. Quoi d’autre ? tout s’est bien passé alors ?
- Oui, c’était nickel. Je lui ai dit ce que tu m’avais dit lundi… que tu espérais ne pas l’embrasser demain…
- Quoi ? s’exclame Emma gênée. Mais pourquoi tu lui as dit ça ?
- Parce que c’est sorti comme ça et je ne vois pas pourquoi j’aurais dû le cacher. Et je n’ai pas été déçue de sa réaction…
- Qu’est ce qu’elle a dit ? s’empresse de demander Emma.
- Elle a souri du coin des lèvres en disant qu’elle ne savait pas que tu craignais ça. Elle tentait de cacher qu’elle était contente. Elle avait un sourire au coin des lèvres : ça se voit, elle n’attend que ça…
- J’aurais préféré que tu ne lui dises pas…
- Bah pourquoi ? Je ne comprends pas pourquoi… Et puis là aussi tu souri, j’aime pas ça…
- C’est gênant qu’elle sache ça…
- Peut-être pour toi oui, c’est sûr… Mais moi, ça me permet aussi de savoir à peu près où elle en est dans sa tête, ce qu’elle ressent un peu pour toi… enfin, je n’entrevois que la face visible de l’iceberg je pense. Tu as écrit ta lettre au fait ?
- J’ai commencé aujourd’hui mais je finirai demain. Je poserai le camion à la salle et je me ferai amener pour aller au restaurant.
- J’irai directement en partant du travail moi. Normalement, je me suis arrangée pour ne pas finir trop tard. Ça devrait le faire je pense. »

Emma acquiesce et pose sa main sur l’épaule de Léna. Elle a besoin de son contact rassurant, apaisant, aimant. Emma a toujours eu besoin de Léna. Ce besoin, cette envie, cette nécessité n’a jamais cessé pour cette jeune femme qui partage sa vie. Rien ne s’est appauvri.
Elles partent à la douche ensemble. Emma commence sous l’eau chaude. Pendant ce temps, Léna se démaquille devant le miroir de la salle de bain. Elle rejoint rapidement sa belle sous l’eau brûlante de leur douche à l’italienne, faite de petits carrés jaunes de mosaïque. Elles se prennent dans les bras laissant couleur l’eau sur leurs deux corps. Léna a la tête enfouie dans le cou d’Emma et resserre son étreinte.
Ce moment de complicité les apaise, les reconnecte, les rassemble autour d’une seule et même vérité : elles s’aiment. Le plus purement. Simplement. Avec un grand A. Et c’est sur cette certitude que les deux jeunes femmes s’endorment, le plus sereinement possible.


Ce jeudi matin là, elles ont encore beaucoup dormi pour rattraper la fatigue des journées intenses précédentes.
Morgane reste à l’appartement jusqu’à 15h30, heure à laquelle elle doit aller faire sa séance dans une école non loin de chez elles. Elle a préparé sa séance, elle peut donc travailler tranquillement depuis son ordinateur, assise sur le canapé.
Léna s’est préparée en prenant avec elle le nécessaire pour la soirée : des bottines loose beige à la place de ses baskets, une chemise en jean, du déodorant et du parfum. Pour la journée, elle porte un jean slim noir et un t-shirt blanc basique à col en V. Une tenue classique : habillée mais pas trop pour être à l’aise pour travailler. Elle a une grosse journée de travail : beaucoup de patients et d’administratif à régler.
La jeune femme est impliquée, essaie de rester concentrée mais c’est difficile pour elle. Léna a la tête ailleurs. Elle pense beaucoup. A tout. A Emma. A ce soir. A Morgane.
Le repas de ce soir en lui-même ne lui dit pas trop. Mais elle n’appréhende pas ou du moins pas autant. Elle a presque hâte finalement. Hâte de voir Emma et Morgane ensemble. Voir comment elles gèrent. Voir leur langage corporel. Elle se surprend à s’imaginer avec elles deux. Elles trois. Dans leur lit. S’embrassant. Se caressant. Se donnant du plaisir.
-Allez concentre toi sur le travail Léna. Il n’est que 16h. Tu as encore tout l’après-midi à travailler avant d’en arriver potentiellement à ce stade-là. Et puis, qui dit que cela se passera comme ça ? Je ne suis pas seule dans l’histoire : on est trois en fait… -

Léna secoue la tête, repose son téléphone dans son sac à main rangé derrière le bureau du cabinet. Son cerveau n’est jamais au repos. Entre réfléchir sur chaque cas, trouver des exercices pour chaque personne, échanger avec chaque individu lors des massages et ses propres pensées occupant une place énorme en elle, son esprit fonctionne à plein régime. Constamment.

-Plus que 2h30. Allez, encore six patients. J’ai tellement faim en plus… Ca va être le rush : les gens sortent du travail. Et avec les bouchons sur la route, ils vont tous arriver en même temps ! Au moins, le temps va continuer à défiler à une folle vitesse comme ça ! –
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Après que Léna soit partie travailler, Emma s’est sentie vide. Elle se pose sur le canapé, une tasse de café à la main, un cookie dans l’autre. Elle contemple, à travers la grande baie vitrée, les gens passant, courant, dans le parc entourant les terrains de football. Le ciel est gris, nuageux. Le vent vient secouer les branches des arbres dépourvus de toutes feuilles suite au passage de l’automne.
Emma attrape, dans son sac à dos, la lettre qu’elle a commencé à écrire pour Morgane. Elle ne l’a pas encore terminée. Elle souhaite prendre son temps et ne pas la bâcler.
D’ordinaire, Emma est à l’aise pour parler, dire ce qu’elle pense sans avoir froid aux yeux, quitte à ce que ça fasse mal. Mais elle ne peut rien garder pour elle. Mais là, il ne s’agit pas de dire un simple « Merde » à quelqu’un mais de se livrer, se dévoiler à la deuxième personne occupant ses pensées. Cela la déstabilise. Cela la déstabilise car elle ne peut s’autoriser à penser à Morgane de cette façon. Elle aime Léna et ne veut pas la perdre. Elle ne veut pas prendre ce risque. Donc elle écrit : pour sortir toutes ces idées, toutes ces pensées. Elle écrit pour éradiquer tout ça, pour se rassurer et ne pas faire de peine à Morgane. Elle ne veut plus faire de mal, car bien qu’elle n’ait jamais voulu en faire, elle sait qu’elle en fait.

-Je veux faire les choses de la bonne façon. Je me concentre sur cette lettre, sur mon au revoir difficile. Après, je me prépare pour la soirée. On a rendez-vous à 19h30 au gymnase. Allez j’ai encore deux petites heures devant moi. –

Emma est assise à la table du salon, écoute Ludovico Einaudi. Elle se concentre pour écrire, le plus honnêtement et le plus simplement possible. Elle ne se pose pas de questions et met sur papier ce qu’elle ressent. Emma ne veut pas avoir de remord. Non. Aucun.
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Léna part du travail à 19h45. Elle aura un peu de retard, le temps de trouver une place pour se garer sur Bordeaux. Le GPS lui annonce un trajet de vingt minutes jusqu’au restaurant. Elle prévient Emma qu’elle part et espère que cette dernière n’a pas oublié les cadeaux.
En effet, Ophélie a lancé l’idée de faire un Père Noël anonyme : une personne tire au sort un papier et doit offrir un petit cadeau à la coéquipière tirée au sort. La raclette de ce soir est un repas de Noël moins traditionnel mais tout aussi appréciable.
Léna vient de recevoir un message d’Emma : elle le lit brièvement lorsqu’elle s’arrête à un feu venant de passer au rouge.
« On vient d’arriver bébé. Gare toi dans la rue de l’Ombrelle, il y a beaucoup de places et c’est proche du resto. A de suite ! Je t’aime <3 ».

Léna roule tranquillement au son de la musique passant à la radio « Leave a light on » de Tom Walker. Une belle chanson qu’elle tente de chanter sans trop la massacrer.
Elle se gare sans difficulté et surtout sans avoir à faire un créneau serré. Léna change rapidement ses chaussures, enfile sa chemise. Elle se parfume légèrement avec la petite fiole « Wave » de la marque Hollister. Elle se dépêche de sortir de la voiture et marche rapidement pour atteindre le restaurant situé à 200 mètres de la voiture selon le GPS.

C’est le 21 décembre. Il fait froid. Léna porte son manteau blazer long camel et une écharpe blanche pour rehausser sa tenue. Ses cheveux blonds sont lâchés et lui arrivent juste au-dessus de sa poitrine discrète. Elle ne les a pas lissés, ils sont au naturel : légèrement ondulés, un peu fous finalement.
La jeune femme voit l’enseigne du restaurant. Elle ralentit pour calmer la folle cadence que maintient son cœur battant à plein régime, non pas par la marche rapide, mais par cette soirée assez mystérieuse. Elle ouvre doucement la porte.

-Allez, tu vas profiter de la soirée. Tu es là pour ça. Tu as confiance. Tu n’as qu’une vie. On n’a qu’une vie. Pas le temps de se rendre malheureux en avance. Pas le temps de se priver inutilement. Allez Léna. Pense à ce que t’a dit Yaya. –

« Salut tout le monde ! s’exclame Léna avec entrain.
- Ah ma capitaine est là, répond en souriant Eric. »

Elle fait la bise à tout le monde, Morgane en dernier et puis finir par embrasser amoureusement Emma. Léna pose son manteau, son sac et son écharpe et rejoint Emma à la table haute de l’enseigne. Emma porte un jean slim brut et un pull blanc échancré dans le dos avec une écharpe camel.

« Tu es très belle habillée comme ça mon ange… Même si je reconnais ce pull, enfin… MON pull, plaisante Léna.
- C’est vrai que je me suis permise de le prendre ahah !
- Tu sais bien que tu peux ! Quel est l’avantage d’être lesbienne et à peu près de même gabarit si on ne peut pas se piquer les fringues ? C’est sympa ici comme restaurant !
- C’est clair ! Ca fait boutique et restaurant en fait ! On va manger sur ces tables hautes là au milieu. T’as vu les pierres apparentes ? Ca rend hyper bien !!
- C’est super beau oui ! J’adore les vieilles bâtisses bordelaises de toutes façons ! »

Les gérants servent les filles et Eric un par un. Il y a le choix entre un vin rouge ou un vin blanc et du jus de fruit pour les plus calmes. Emma et Léna optent pour un verre de vin rouge. Elles restent à côté l’une de l’autre au début de la soirée.
Emma scrute Léna et elle voit bien que celle-ci n’est pas très à l’aise. Elle passe une main dans le dos de sa compagne qui tourne la tête vers elle et sourit timidement. Léna se perd dans les yeux bleu-vert d’Emma. Elle y voit l’amour, la sincérité, la sécurité. Mais au loin, en arrière plan, elle aperçoit Morgane. La peur l’atteint mais Léna veut la contenir et juste profiter de sa soirée.

Emma, Morgane et Léna se retrouvent à fumer dehors. Elles sont accompagnées par Delphine, la matrone de l’équipe. Le couple se regarde avec envie et se sourient. Le début de soirée était difficile pour Léna qui s’est détendue petit à petit.
Emma aime voir Léna comme cela, dans cet état, à profiter, sourire et discuter avec tout le monde.
Morgane discute avec Delphine, mais regarde les deux autres femmes du coin de l’œil, tour à tour. Elle redoutait la soirée. La redoutait mais en avait envie. Douce et troublante frustration de vouloir tout et son contraire. La belle brune en remarquant qu’elle et Léna sont quasiment habillées de la même façon : un jean noir et une chemise en jean, sauf qu’elle la porte fermée contrairement à Léna qui la laisse ouverte.

Le moment de l’ouverture des cadeaux est venu : juste avant de manger. Léna reçoit un décapsuleur en forme de Père Noël de la part d’Ophélie et offre à Sandra une figurine d’un Hobbit. Emma offre une serviette bleue et une sucette en forme de pénis à Delphine qui rit beaucoup en voyant cette dernière. Elle reçoit de la part de Morgane un livre sur les pensées positives.

Après que tout le monde se soit remerciée, la raclette commence réellement à la plus grande joie de tous les estomacs qui criaient famine pour la plupart. Les plateaux de charcuterie, les saladiers remplis de pommes de terre et les socles à fromage sont installés. Tout le monde se rapproche et commence à remplir son assiette. Léa, une des plus jeunes joueuses de l’équipe du haut de ses 19 ans, prend quelques photos de la soirée.

« C’est toi qui conduis babe ? demande Emma.
- Oui, je finis mon deuxième verre et après je tourne à l’eau ! T’en es à combien toi ?
- Euh… mon troisième déjà ! Contente de ton cadeau ?
- Top ! On n’avait pas de décapsuleur donc parfait !
- Tu passes une bonne soirée ? Pas trop crevée de la journée ?
- Non ça va ! Tout à l’heure j’avais le coup de barre, mais là ça va ! Ca fait du bien de manger ! »

Emma lui sourit, lui passe la main dans le bas du dos et l’embrasse tendrement sur la joue. Léna part discuter avec Ophélie et Emma avec Eric. Le repas se déroule dans une ambiance conviviale et festive pour finalement se terminer tous bien repus. Quelques gourmands, dont Morgane et Léna, continuent de picorer les restes de charcuterie avec du pain dans les plats. Les deux jeunes femmes se retrouvent assises côte à côte.

« Toujours pas lancé le sortilège d’Oubliettes ? demande en riant Léna après avoir fini sa bouchée.
- Arrête, c’est pas drôle, explose de rire Morgane en donnant une tape gentille dans l’épaule de la blonde.
- Non mais l’agression quoi ! Ca va je te charrie !
- Me lance pas sur Harry Potter, je les connais par cœur ! Comme le Seigneur des Anneaux d’ailleurs !
- Moi aussi, mais en anglais ! Le seigneur des anneaux, un peu moins mais j’aime aussi !
- Et puis Emma Watson quoi… Emma Watson ! On en parle ou pas ?!
- Je crois que tout le monde est d’accord sur le sujet Emma Watson, Morgane. »

Elles rient toutes les deux de bon cœur. Léna et Morgane sont désormais face à face : elles ont tourné leurs chaises. Elles sont proches l’une de l’autre. Morgane est une personne très tactile et son rire est communicatif. Parfois, une de ses mains touche le bras de la blonde ou bien sa cuisse dans un fou rire.
Léna apprécie la discussion et cette proximité qui ne la laisse pas indifférente. Elle repense à la soirée du samedi précédent et à la façon dont elle s’est terminée dans le lit avec Emma. A faire follement l’amour. La blonde regarde Morgane d’un œil différent. Elle n’est plus, à cet instant T, dans la peur mais plutôt dans l’envie. Elle s’imagine convoitée par les deux femmes. Elle se tortille sur sa chaise pour calmer les pensées et les images torrides le traversant.

La soirée touche à sa fin et tout le collectif rejoint les voitures pour rentrer. Emma, Morgane et Léa montent avec Léna. Emma pose sa main sur la cuisse de sa compagne au volant. Le trajet est court.

« Ils ont vraiment une boutique sympa, commence Léna.
- C’est clair ! Je ne m’attendais pas à ça, répond Léa.
- Tellement ! J’ai pris du bon thé pour ma mère pour Noël, j’en ai profité, continue Emma. D’ailleurs, Léa, tu enverras les photos de la soirée que tu as prises. Ca sera sympa de les avoir : tu pourras les mettre sur le groupe Facebook !
- Carrément, je fais ça d’ici la fin de la semaine. »

Morgane reste silencieuse sur la banquette. Plus le trajet passe, plus la belle se paralyse sur son siège. Elle redoute ce qu’il va se passer avec Emma. Elle repense à ce que lui a dit Léna. Elle erre sur Facebook, sur son téléphone. Mais elle sait pertinemment qu’il n’y a rien d’intéressant. C’est juste pour passer le temps tant bien que mal. Histoire d’occuper ses mains, pour éviter de s’arracher les petites peaux dépassant aux coins de ses ongles courts.

Léa part du parking : c’est la dernière de l’équipe à quitter les lieux. Il ne reste dorénavant que trois personnes : Morgane, Emma et Léna. Le trio debout au milieu du parking plongé dans le noir. Emma tend la main à Léna qui la saisit et en profiter pour la ramener vers elle pour une forte étreinte. Elle niche sa tête dans son cou encombré par son énorme écharpe grise.

« Je te tiens au courant quand je pars d’ici bébé, commence doucement Emma.
- Ca marche j’attends ton texto. »

Elles s’embrassent. Léna se dirige vers Morgane et lui dit au revoir en lui faisant la bise. Elles sont toutes les deux gênées. Léna reprend sa voiture. Le cœur lourd, elle conduit pour rentrer seule chez elles.
Personne ne sait combien de temps cette discussion va durer ni réellement ce qu’il va se passer. Tout est flou, tout est dans la noir, comme la nuit étoilée de ce soir.
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Les Amantes. - Ce-Line Empty
MessageSujet: Re: Les Amantes. - Ce-Line   Les Amantes. - Ce-Line Icon_minitimeMer 2 Mai 2018 - 19:00

Chapitre 12 – A une, à deux, à trois ?


En ce 21 décembre, la nuit est froide, est noire. Les étoiles sont nombreuses et bien visibles dans le ciel dépourvus de nuages. Il fait froid et les deux jeunes femmes sur le parking du gymnase le ressentent. Elles se regardent, face à face, toutes les deux ayant les mains dans les poches de leurs manteaux.

« Tu veux qu’on se mette dans le camion ? demande Emma.
- Je fume une cigarette d’abord et après oui, pourquoi pas, répond Morgane. »

Cette dernière attrape son paquet, son briquet et souffle la fumée dans la direction opposée d’Emma. Elles marchent silencieusement pour se rapprocher du véhicule blanc. Emma l’ouvre et pose son sac sur le siège conducteur. Elle l’ouvre et voit sa lettre à l’intérieur. Elle frotte le papier de son pouce et referme rapidement la fermeture éclair de son sac à dos. Elle ferme la portière et monte sur la banquette arrière. Elle se retourne vers Morgane.

« Léna m’a dit que ça s’était bien passé hier la discussion, commence Emma.
- Comme je te l’avais dit, oui. Tu avais peur que je te mente juste pour te rassurer ?
- Non pas du tout, s’empresse de répondre Emma. J’étais forcément intriguée et curieuse !
- Mais je comprends tout à fait Emma, dit Morgane en souriant.
- Arrête de te foutre de moi ! Je disais pour lancer la discussion rooh… »

Morgane fixe toujours Emma en souriant. Elles sont toutes les deux gênées. Elles montent dans le camion. Emma s’assoit à la place située derrière le conducteur, Morgane s’installe à côté d’elle, toutes les deux sur la banquette arrière. Elles ne se touchent pas, mais sont assises en tailleur, face à face.

« Je t’ai écrit une lettre. J’aimerais que tu la lises, reprend Emma.
- Moi aussi… On la lit, face à face ? En même temps ?
- Ca ne te gênerait pas ?
- Non, je ne crois pas. Enfin, pas à voix haute hein ?! Finalement, je parle pour moi, tout ce que j’ai écrit, tu le sais déjà plus ou moins… »

Emma acquiesce et se lève pour attraper les feuilles de papier rassemblées dans une enveloppe blanche classique. Elle la tend à Morgane qui lui donne en retour une feuille pliée soigneusement en quatre qu’elle a sorti de la poche de sa veste. Toutes deux se calent confortablement sur la banquette. Elles ouvrent chacune leurs papiers en entament leur lecture, les ventres noués, les cœurs accélérés.
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Pendant ce temps, Léna est bien rentrée à l’appartement. Elle pose ses affaires et met à chauffer de l’eau dans la bouilloire. Elle allume son ordinateur. Il est déjà minuit, mais elle a le préssentiment que la nuit va être longue, très longue.
Elle met à infuser son thé « BeCool » de chez KusmiTea et s’installe allongée sur le canapé. Elle décide de regarder « 50 nuances de Grey », le premier volet de la saga à succès. Elle l’a déjà vu une première fois avec sa sœur, en version française : elle n’avait pas spécialement apprécié, c’est pourquoi elle décide de le revoir, en version originale sous-titrée cette fois-ci.

-J’ai beaucoup aimé les livres. Mais les voix françaises m’avaient tellement refroidie ! Je laisse une petite chance supplémentaire ! Et puis… Vu ce que j’ai pu penser pendant le restaurant, peut-être que la frustration sera minime… -

Elle se couvre d’un plaid, pose son ordinateur sur la table basse du salon et lance le film.

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Emma finit de lire en premier. Elle relève la tête, les yeux larmoyants et observe Morgane, encore plongée tête baissée dans sa lecture, ses yeux bruns allant de gauche à droite frénétiquement. Emma regarde l’heure sur son téléphone : il est déjà 1h30. Le temps file à une vitesse folle. Le son du papier se repliant vient la sortir de ses pensées : c’est Morgane qui a fini de lire à son tour. Cette dernière tient fermement la lettre entre ses deux mains. Elle se tourne et se replace en tailleur, pour être face à Emma qui l’imite.

« Wahou… Ca chamboule, commence Emma.
- Un peu oui, c’est vrai.
- Mais, ça nous chamboule depuis le début finalement…
- Dit comme ça, c’est clair !
- Qu’est-ce-qui t’a le plus touchée dans ce que tu as lu ?
- La notion de pardon je crois, répond Morgane. Que je ne dois pas m’en vouloir. Le coup de foudre amical aussi. Ton honnêteté et ta transparence envers Léna, envers moi. Je n’ai jamais été dans une situation similaire où je connais la copine, qui plus est, être dans la même équipe, toutes les trois. Du coup, je n’ai pas forcément de vrai recul sur la situation, même si j’aimerais en avoir, crois-moi. Je ne sais pas comment tu fais pour tout analyser comme ça, au fur et à mesure.
- Tu es vraiment quelqu’un de bien Morgane. Je n’ai jamais eu de doute là-dessus, vraiment aucun. Et il me semble que Léna pense la même chose. C’est bien peut-être pour ça que c’est difficile aussi. »

Morgane acquiesce d’un mouvement de tête. Elle observe Emma sous toutes ses coutures. Ses longs cheveux châtains ornés de belles boucles anglaises sauf les mèches entourant son visage fin qui ont été lissées. Sa fine bouche appelant la sienne dans ses pensées à ce moment-même. Ses grands yeux ouverts, doux mélange d’un bleu azur et d’un vert menthe, tenant son regard, la fixant, la perçant en pleine nuit.
Morgane a placé ses mains devant elle, sur ses cuisses. Elle entrecroise ses doigts fins dépourvus d’ongles à force de les ronger nerveusement et parfois par habitude. Parfois, elle s’arrache même les petites peaux dépassant du pli de l’implantation des ongles. Elle les racle. Elle finira par les arracher avec ses dents, plus tard, elle le sait. Ses cuisses remuent frénétiquement.
Emma regarde, observe et épie les gestes, les réactions de la jeune femme se tenant à ses côtés. Elle se sent paralysée, peut-être même envoûtée par son parfum. Elle aimerait la prendre dans ses bras, maintenant. Mais la raison semble l’en empêcher.
Le silence est présent dans l’habitacle du véhicule. Emma n’a pourtant pas l’habitude de ne rien dire. Mais là, elle reste bouche bée, sans mot venant à sortir. Elle ne sait ni quoi dire, ni quoi faire.

Les deux jeunes femmes se tiennent toujours face à face, se fixant droit dans les yeux. Ce n’est pas un duel, bien au contraire. Ce n’est pas à celle qui flanchera la première. C’est plutôt à celle qui osera faire le premier geste, la première attention. C’est une danse des yeux ne vacillant pas, des souffles devenant de plus en plus chauds et profonds, des bouches s’entrouvrant et se crispant sous la tension corporelle.
Emma laisse finalement aller sa main prendre celle de Morgane. Leurs doigts s’entrelacent et se découvrent avec envie, avec soulagement. Morgane ferme les yeux et se laisse porter par ce doux et puissant contact. Ce dernier les exalte toutes deux. Leurs mains s’entremêlent, se cherchent, se caressent. Leurs visages se rapprochent. Des soupirs s’échappent. Soupirs d’émotion. Soupirs de surprise. Soupirs de plaisir. Même elles ne sauraient le dire. Leurs fronts se touchent, se tiennent.
Le silence est toujours présent, mais bizarrement agréable. Le contact est soudain, fatal, comme une évidence éclatant en plein jour. Leurs lèvres se goûtent timidement, puis avidement. Leurs langues se touchent, dansent ensemble, se titillent et se provoquent. Oui, leur découverte est une danse. Leurs corps se parlent enfin librement, sans peur, sans retenue.
Emma ouvre les yeux subitement. D’un coup, elle se redresse. Morgane s’écarte d’elle.

« Il faut que j’appelle Léna, lâche Emma paniquée. Il faut que je l’appelle. Tu restes là, je sors.
- Euh ok… »

Morgane se décale pour laisser passer Emma, le téléphone déjà collé à l’oreille. Cette dernière sort sur le parking, s’écarte du camion et s’assoit un peu plus loin, par terre, sur le bitume du parking. Morgane, quant à elle, commence à s’arracher les peaux qui l’agaçaient peu de temps avant. Ses cuisses tremblent, encore une fois.

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Léna, malgré sa deuxième tentative avec le premier film de la saga à succès des « 50 Nuances de Grey », n’est toujours pas emballée par l’adaptation cinématographique. Mais cela l’occupe. Cela comble le silence dans l’appartement. Parfois, elle parvient à se refaire le fil de la soirée.

-Bon Emma m’a déjà plus ou moins prévenue de ce qu’il peut se passer. Aussi maladroit que cela ait pu paraître, elle a ce mérite. Mais qu’est-ce-que je veux vraiment ? Est-ce que je tolère ça ? Est-ce que je veux juste m’amuser en intégrant Morgane ? Est-ce que je ne risque pas de finir sur le carreau finalement ? –

Léna se reconcentre sur le film, à moitié captivée, à moitié dans ses pensées : une énième fois qu’Anastasia Steele se mord la lèvre inférieure ce qui rend fou ce cher Christian Grey. Le film touche bientôt à sa fin. Il est 2h du matin passé et les yeux bleus de Léna sont encore grand ouverts.
A la fin du film, lorsque le générique apparaît à l’écran, Léna traîne sans grande conviction sur Facebook. La plupart des personnes dort à trois heures, bientôt quatre, du matin, surtout en pleine semaine.

-En même temps, il est quand même près de 3h du matin ! Mais… Yaya est connectée ? Ca doit être l’heure du biberon ! –

Elle sourit à la seule pensée qu’elle puisse peut-être parler quelques instants avec sa sœur : un peu de compagnie tardive. Ses doigts s’agitent sur le clavier de son ordinateur :

« Coucou Yayou ! Debout à cette heure ? Biberon peut-être ? »
« Qu’est-ce-que tu fais debout à cette heure ? Tu travailles demain en plus ? De nouvelles péripéties à me raconter ? »

Léna lève les yeux au ciel. Bien sûr qu’il y a eu de nouvelles péripéties et elle a l’impression que c’est loin d’être terminé. Elle commence à répondre à sa sœur :

« Oh que oui ! Oui, je travaille demain. Là, figure toi que j’attends Amandine qui est… avec Marie bien entendu ! »
« Mais non ? C’est pas possible ?! Dans quel état tu es ? »
« Ca va, je gère… Je me suis refait le 50 nuances de Grey, le premier. Je vais t’écrire un mail je pense pour tout t’expliquer, c’est plus simple. Mais en gros, là je suis à l’appart’ et elles sont ensemble pour se parler. On avait le repas raclette avec l’équipe de volley et depuis que le repas est fini, elles se parlent sur le parking du gymnase. FA-BU-LEUX ! »
« C’est une mauvaise blague j’espère ma puce… Sérieusement, tu le vis comment ? »
« Oh bah super comme depuis ces derniers jours ! Je prends sur moi, encore. J’évite de péter un câble mais c’est dur quand même. J’essaie de me tenir occupée, mais ça devient difficile… »
« Je finis de donner le biberon. Ecris moi le mail, je le lirai en buvant un petit café. Bisous »

Léna ferme Facebook, ouvre sa page Gmail et débute son mail. Elle raconte toutes les péripéties qu’elle a rencontré depuis la dernière fois qu’elles s’étaient parlées toutes les deux. Léna y ajoute ses questionnements, ses craintes, ses envies qu’elle identifie au fur et à mesure que le temps passe.

« Tu vois Yaya… J’ai beaucoup pensé à tout ce que tu m’as dit. J’ai même commencé à regarder Morgane autrement je crois. Ca me fait peur parce que je pense que du côté d’Emma, il peut y avoir (si ce n’est déjà présent) des sentiments plus forts. Et pour moi, c’est trop tôt pour le dire et puis ça ne se prévoit pas. De l’attirance oui c’est sûr qu’il y en a, mais après je ne peux rien prédire. Donc, je pense que j’ai réellement envie de tenter le plan à trois, mais je ne sais pas ce que je risque. Ca, ça fait peur. »

Léna rougit en écrivant ces dernières lignes. Des images lui viennent en tête, réveillant son corps dans sa globalité. Malheureusement, elle est tirée de ses rêveries sauvages par la sonnerie de son téléphone. C’est Emma : elle se dépêche de décrocher et se lève du canapé, sans réellement savoir pourquoi.

« Oui ? Tout se passe bien ? demande innocemment Léna.
- On s’est embrassées. »

Un ange passe. Pendant un court laps de temps, le sol semble se dérober sous les pieds de Léna. Elle pose sa main sur la table du salon, pour se stabiliser. Elle déglutit nerveusement et bruyamment pour se ressaisir rapidement.

« Bien… Remarque tu m’avais prévenue… Tu te sens comment ? Vous êtes toujours sur le parking ? Mais elle est à côté de toi ?
- Elle est restée dans le camion, je suis dehors sur le parking. Je suis un peu mal je crois. Mais toi ? Tu faisais quoi ?
- J’essaie de gérer là en fait. Ca ne me laisse pas indifférente. Je regardais un film. Venez à l’appartement, on va parler calmement de tout ça.
- Tu regardais quel film ? Tu as vraiment envie de parler ? Calmement ? Pas de colère ?
- Cinquante Nuances de Grey. Oui, j’ai envie de parler de tout ça : de ce qu’il se passe là entre vous, du plan à trois etc etc. Donc venez, je prépare les cafés et advienne que pourra. Pas de colère non, plutôt des envies je crois, finit par lâcher Léna.
- Ah okkkk ! rit Emma. Ecoute, je pense qu’on va encore parler et je te dis quand on part d’accord ?
- Ca marche, on fait comme ça.
- Je te laisse alors… Je t’aime tu le sais, ma petite femme.
- Oui, je le sais. Moi aussi. »

Léna pose le téléphone sur la table et se précipite devant son ordinateur en se laissant tomber sur le canapé. Elle conclut son mail : « Bon, bah c’est fait. Elles se sont embrassées, Emma vient de me le dire au téléphone à l’instant. »

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Emma raccroche, hébétée et rentre dans le camion. Morgane traîne sur son téléphone. Cette dernière relève la tête.

« Alors ? Qu’est-ce-qu’elle t’a dit ? demande Morgane, nerveuse.
- Elle veut qu’on passe boire le café et discuter.
- Pardon ? Quoi ? C’est pas possible… !
- Si si je t’assure… Elle était, apparemment, en train de regarder un film et elle paraissait parfaitement détendue au téléphone écoute.
- Qu’elle me donne le nom du film pour que je sois aussi détendue putain !
- Tu veux vraiment savoir le film ? déclare Emma en souriant.
- Vas y dis !
- Tu l’as déjà vu en plus !
- Allez balance !
- Cinquante Nuances… »

Morgane écarquille les yeux et ouvre légèrement la bouche. Elle n’en revient pas.

« Mais c’est pas possible, s’exclame t’elle.
- La question maintenant est : tu viendras boire le café ?
- Ouais, mais je sais pas en fait. Pourquoi elle veut discuter ? Je ne comprends pas. Sérieusement, je me sens assez larguée là en fait, sur tout ce qu’il se passe. »

Morgane essaie tant bien que mal d’organiser ses pensées pour espérer y voir plus clair. En vain. Elle a beau tourner la situation dans tous les sens, rien ne parvient à calmer le flux et la folle vitesse à laquelle filent ses songes.

« Je te jure Emma. J’ai beau me creuser la tête… je ne comprends pas comment ni pourquoi elle réagit comme ça, aussi calme d’après ce que tu dis. C’est clair pour toi ? Ou ce n’est que moi qui ne comprends rien ?
- Je ne comprends pas totalement non plu. Mais je pense que Léna souhaite qu’on parle toutes les trois ensembles de la situation et qu’on décide de ce qu’on envisage pour la suite…
- Ce qu’on envisage pour la suite ? Je ne te suis pas du tout là…
- Volley, Vacances, après les vacances… »

Morgane acquiesce sans grande conviction, la tête fixant ses cuisses tremblantes toujours autant. Emma tend la main vers elle, lui remontant tendrement le menton pour lui faire relever la tête. Elle l’embrasse sur le front et la prend dans ses bras. Elles se serrent fort, ne sachant pas si cela pourra se reproduire un jour.

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Léna a migré sur le lit. Elle attend impatiemment la réponse de sa sœur qui ne saurait tarder selon elle. Léna a entamé le second film de la saga à succès. Cette fois, elle n’a jamais vu la deuxième adaptation.

-Au moins, je me concentre sur quelque chose et le temps semble passer plus vite. Enfin… Je le subis moins. –

La sonnerie de la messagerie Facebook de son téléphone la sort d’une demie concentration cinématographique. C’est sa sœur lui répondant, à quatre heures et demie du matin :

« Sincèrement, même si elles n’assument pas, au vu des discours tenus de part et d’autres… Je ne devrais pas dire ça, mais c’est clair qu’inconsciemment pour elles, elles ont envie de plus… Le sevrage, comme l’appelle Emma… Des vacances ne suffiront pas : elles sont amoureuses, peut-être sans le savoir, mais elles le sont. Parce que le coup de sexe passe immédiatement avec la douche froide de la découverte du mensonge normalement. Et là, ce n’est pas le cas. Ensuite, concernant ton mail… Alors, le plan à 3 est à tenter dans un tout autre contexte. Là, si tu te laisses tenter, vue la situation, inconsciemment pour Emma, tu cautionnes son infidélité (et tout ce que cela sous-entend). Le plan à 3, pour qu’il soit réussi et pour en garder un bon souvenir : les trois personnes doivent être prêtes, le couple doit être dans une recherche de jeu, dans un lieu neutre pour les trois. Ce sont les conditions nécessaires. »

Léna lit attentivement la réponse de Jessica. Elle relit même plusieurs fois ce long roman. Elle entame sa réponse sur Facebook tant que sa sœur est toujours connectée :

« Je sais bien. Au fond de moi, je le sais je pense. Mais, je suis fatiguée. J’ai envie de ressentir d’autres choses que la déception et la peine. Alors pourquoi pas tenter finalement ? J’ai trop d’ambivalence en moi : leur en vouloir, me dire que c’est humain… »
« Réfléchis bien pour être sûre que tu ne fais pas ça pour Emma mais pour toi ma puce. »

Il est compliqué pour Léna de se poser toutes ses questions et d’obtenir des réponses. Un « ding » retentit de son téléphone : c’est Emma. Elles partent du gymnase, à 5h21 du matin. Belle heure pour entamer une discussion dont personne ne peut connaître la chute.

« Je te laisse Yayou. Elles arrivent toutes les deux. »
« Hein ? Toutes les deux … ? »
« Oui, je vais préparer des cafés. On va discuter. »
« T’es sûre que tu es en état de discuter ? Ne fais pas de carnage… »
« Ne t’en fais pas, ça ira. Je te raconterai, ça tu peux en être sûre ! Bisous ma Yayou, je t’aime. »
« Préserve-toi ma puce. Je compte sur toi oui pour tout me raconter. Courage ?! Moi aussi, je t’aime. »

Léna ferme son ordinateur et s’agite pour préparer trois tasses de café. Le rythme de son battement cardiaque s’accélère. L’adrénaline monte petit à petit, la faisant légèrement transpirer et donc changer de t-shirt pour la deuxième fois de la soirée.

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Emma descend de la banquette arrière après que Morgane soit sortie du camion pour passer derrière le volant. Il est temps de rentrer à l’appartement et de discuter. A trois.

« Tu me suis en voiture, déclare Emma.
- Oui, forcément. Je ne sais pas où vous habitez… »

Emma lui sourit gentiment et met le contact. Morgane rejoint sa voiture, la boule au ventre, la gorge serrée et démarre son véhicule. Elle attrape une cigarette qu’elle allume et commence à fumer, la fenêtre ouverte. Elle suit de près Emma.

-Dans quoi je m’embarque ? J’ai rarement eu aussi peur de ma vie je crois… Putain Morgane ! Calme toi… Allez fume une autre clope, ça va te détendre !! -

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Léna a préparé les trois tasses de café qu’elle a amené sur la petite table basse, en bois massif, du salon. Elle attend impatiemment assise sur le canapé. Elle croise ses mains et respire profondément. Ses yeux la grattent : elle commence à fatiguer malgré tout. Elle est contente de ne travailler que le vendredi après-midi. Elle se lève et retourne à la cuisine pour boire un grand verre d’eau. C’est là qu’elle aperçoit deux véhicules en train de se garer. Ça ne peut être qu’elles à cette heure-ci. Léna ne peut plus reculer et pourtant, elle se décompose intérieurement. Mais elle n’est pas la seule.
Léna range son verre d’eau dans l’évier et attend près de l’interphone pour leur ouvrir après qu’Emma ait sonné. Léna ne sait pas où se mettre. Doit-elle les attendre déjà assise sur le canapé ? Ou cela fait trop formel ? Doit-elle les attendre sur le pas de la porte ? Après une courte réflexion, elle préfère faire comme si elle venait juste de faire les cafés et de rester en perpétuel mouvement.

Emma et Morgane montent ensemble les escaliers. Chaque marche semble être un supplice pour le cœur de Morgane qui bat la chamade et ne demande qu’à sortir de sa cage thoracique. Elle le sent battre dans chaque partie de son corps. La pulsation est tellement puissante et profond qu’elle le sent résonner dans la totalité de son corps.
Emma ne sait pas à quoi s’attendre. Elle se demande ce que la discussion va donner, mais surtout dans quel état se trouve Léna. Elle est persuadée qu’elle est en train de faire les cent pas dans l’appartement. Dans ces cas-là, Léna parvient difficilement à rester sans rien faire : il faut qu’elle s’occupe, qu’elle occupe son corps mais aussi son esprit.

Léna a ouvert le verrou de la porte d’entrée de leur appartement. Elle patiente sur le canapé, mais elle les entend. Seules dix-sept marches les séparents de l’entrée de l’immeuble à chez elle, donc elles seront sur le pallier d’une minute à l’autre. Léna se sent transpirer. Elle se sent timidement l’aisselle droite. L’odeur la fait froncer les sourcils. Elle espère simplement qu’elle n’est pas réellement trop forte et que c’est parce qu’il s’agit de sa propre odeur qu’elle y est si sensible.

Emma ouvre la porte et enlève ses chaussures dans l’entrée, Morgane la suit de près et l’imite. Léna se lève d’un coup et vient se placer dans l’entrée du salon, l’épaule gauche posée contre le mur.

« Les cafés sont prêts, déclare t’elle timidement pour engager la conversation.
- Yeap, on arrive, répond Emma. »

Morgane ne prononce aucun mot. Emma la regarde du coin de l’œil. Elle pose leurs manteaux sur un dossier d’une des chaises du salon et rejoint Léna qui s’est rassise sur un des tabourets bas en bois. L’atmosphère n’est pas tendue mais plutôt gênée. Les trois jeunes femmes se retrouvent assises, ensemble, dans un périmètre avoisinant les deux mètres, sans qu’un seul mot ne sorte des trois bouches présentes et crispées. Toutes se regardent les unes après les autres, à tour de rôle. Parfois, c’est même le parquet clair qui se met à rougir tant il a d’yeux sur lui. Malheureusement, le vin ne coule plus dans les veines de chacune : les effets de l’alcool ne pourront pas aider. Emma boit une gorgée de son café : c’est la première à effectuer un geste, aussi minime et insignifiant soit il.

« Tu n’es pas trop fatiguée à avoir attendu comme ça ? demande Emma en regardant Léna.
- Non, ça va. Je me suis occupée, j’ai regardé mes films tranquillement.
- T’as regardé lequel après ? renchérit Emma.
- J’ai enchaîné avec le deuxième cinquante nuance.
- Ah et tu l’as trouvé comment ? questionne Morgane.
- Franchement, j’ai été déçue, mais bon, ce n’est pas grave. Ca fait quand même son petit effet, mais rien comparé au livre quoi !
- Je suis d’accord. »

Emma ne prend pas part à cet échange, car elle ne connaît ni les livres, ni les films. Elle est cependant contente qu’elles puissent parler, normalement. Sans gêne. Sur un tout autre sujet.

« Bon, parlons peu mais parlons bien, commence Léna. Qu’est-ce qu’on fait maintenant ? Qu’est-ce que vous pensez de tout ça ?
- Personnellement, commence Morgane, je suis un peu perdue depuis le début. Tout s’est précipité, pas du jour au lendemain mais presque finalement. Comment tu prends ce soir toi ?
- Ce soir ? Le fait que vous vous embrassiez ? »

Morgane hoche la tête tout en attrapant sa tasse de café avant d’en boire une gorgée.

« Je m’y attendais. Comme je te l’avais dit mercredi, Emma m’avait déjà plus ou moins dit que ça pouvait arriver. Je ne vais pas cacher que ça me fait quelque chose. Forcément. Ce serait très bizarre sinon. Mais, je n’ai pas regardé Cinquante Nuances pour rien.
- C’est ce que j’ai cru comprendre là à l’instant, répond Morgane. Mais, comment tu peux penser ça ? Comment tu peux penser à un éventuel plan à trois ?
- Comment je peux penser à ça ? Je ne vais pas te faire un dessin, c’est que tu plais aussi, avoue Léna en rougissant légèrement. Après, j’ai surtout beaucoup parlé à ma sœur qui m’a fait réfléchir sur pas mal de choses : la vision des relations, la vision de l’amour en général mais aussi au travers de la société. J’en suis arrivée à une conclusion pour l’instant. Je n’ai qu’une vie, je suis jeune : j’ai justement envie de vivre ma propre vie, de me faire mes propres expériences dans tous les domaines.
- Qu’est ce que tu sous-entends ? lui demande Morgane.
- Ce qu’elle veut dire, commence Emma, c’est pourquoi se refuser quelque chose à l’avance parce que c’est mal vu. Là, il n’est pas question que de sexe, mais d’amour également.
- Oui, cela s’appelle le polyamour. Qui a dit que le modèle classique de nos jours était le bon ? Qui a dit que c’était un modèle à suivre d’ailleurs ? Les grecs, les romains s’en foutaient de tout ça, des principes d’unicité, finit Léna. »

Morgane les regarde hébétée. Elle n’avait jamais entendu parler du polyamour. Ce dernier n’est pas à confondre avec le libertinage. Le polyamour implique les sentiments et est décrit comme étant une liberté, une « possibilité d’aimer plusieurs personnes à la fois, sans jalousie ni possessivité ». Le libertinage est, quant à lui, par définition, la possibilité d’avoir des relations sexuelles avec plusieurs personnes.
Léna a envie d’en apprendre plus sur le sujet, et pas que par le biais de sa sœur. Elle a envie de se faire sa propre opinion, de lire, d’en discuter avec des personnes le vivant également. Léna ne connaissait rien de tout ça avant que Jessica, sa sœur, ne lui en parle et lui ouvre les portes d’autres horizons.
Emma se laisse porter par la situation. Elle n’avait jamais envisagé ça non plus. Mais elle repense à la soirée du volley, la soirée d’après match. Elle revoit Léna jouant avec Morgane et retrouve les sensations si plaisantes qui étaient présentes en elle à ce moment là.

« Après, on est toutes les deux d’accord pour dire qu’on ne s’engage en rien. Pas de pression, rien du tout. Le but de tout ça n’est pas de créer un bordel monstre. Bien au contraire, c’est de vivre bien, de découvrir des choses et de se laisser porter au jour le jour finalement. C’est une vision assez belle je trouve, conclut Léna.
- C’est sûr qu’il n’y a aucun engagement, répond Emma.
- C’est pas parce qu’on se lance qu’on va acheter directement un troisième tabouret pour la cuisine, plaisante Léna. »

Toutes les trois commencent à rire de bon cœur. L’ambiance se détend petit à petit

« Non mais sans rire c’est vrai, le but ce n’est pas de se prendre la tête, finit par dire Léna.
- Par contre, commence Emma, on est d’accord sur le fait qu’on arrête tout dès lors qu’une de nous trois vit mal la relation. Et on doit communiquer franchement. Parler, parler, parler. »

Les trois jeunes femmes hochent ensemble la tête. Elles sont toutes les trois d’accord. Elles se lancent. Dans quoi ? Elles ne savent pas réellement.
Dans quelque chose de nouveau.
Dans une aventure peu commune.
Dans une relation peut-être un peu compliquée.
Dans le flou, oui sûrement.
Mais toutes les trois ont une certitude : elles ne se joueront pas les unes des autres. La bienveillance sera là.
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MessageSujet: Re: Les Amantes. - Ce-Line   Les Amantes. - Ce-Line Icon_minitimeJeu 14 Juin 2018 - 20:18

Chapitre 13 – L’après-coup


La nuit a été courte pour Emma, Morgane et Léna. Il est quasiment 7h30 lorsque Morgane quitte l’appartement situé en face d’un stade de foot municipal. Cette dernière ne sait toujours pas ce qu’elle faisait chez elles.
C’est comme si rien, aucun moment de cette soirée n’avait été réel finalement. Elle ne savait pas comment tout cela était possible et surtout comment la situation en était arrivée à cette décision. La décision de se lancer à trois dans une relation. Mais où ça allait la mener ? Mais où ça allait les mener ?
Dans sa voiture, Morgane réfléchit. Elle pense et se ressasse la soirée dans sa tête, encore et encore. Elle se refait chaque moment du repas au restaurant avec l’équipe. Elle revoit également toutes les discussions précédentes avec Emma, avec Léna. Morgane ne voit pas ce qui aurait pu lui faire penser que dans la nuit du jeudi 21 décembre 2017 au vendredi 22 Décembre 2017, cela se décanterait comme cela. Elle se rappelle des différentes possibilités qu’Emma et elle-même avaient envisagé pour que tout se règle plus classiquement : le silence radio, couper totalement le contact pendant les vacances des fêtes de fin d’année. Morgane se gare devant son immeuble et prend l’ascenseur pour monter les six étages la menant à son appartement. Elle se regarde rapidement dans le miroir de la cabine : lissage plus ou moins en place, petits yeux légèrement gonflés par la fatigue.

-Pas possible que j’aille travailler aujourd’hui. Je vais prévenir mon patron. Et j’appellerai le médecin pour qu’il me fasse un arrêt, histoire d’être tranquille et en règle. Et directement… en vacances ! -

Morgane ouvre sa porte d’entrée et se dirige droit vers la cuisine dont la lumière est allumée. Sa mère est assise, en train de prendre son petit-déjeuner. Elle lui sourit tout en lançant la cafetière à chauffer.

« Salut Maman, commence t’elle.
- Bonjour mon bébé ! Je savais bien que je ne t’avais pas entendue rentrer cette nuit ! Vous êtes sorties après le restaurant ? C’était bien ?
- Ca a été une bonne soirée oui ! On a super bien mangé, on est parties vers minuit à peu près. Après le reste de la nuit a été… Un peu plus bizarre, enfin je ne m’y attendais pas quoi ! J’étais avec Emma au départ, sur le parking de la salle, puis j’ai fini chez elles. Je t’expliquerai plus tard si tu veux bien. Déjà il faut que je dorme et ensuite que je réalise et m’en remette je crois !
- Pas de soucis ! Je te fais confiance pour venir m’en parler quand tu veux ! De toutes façons, je dois me préparer pour aller travailler et après je suis en vacances !!!! »

Morgane sourit à sa mère, et s’assoit en face d’elle pour boire son café en zonant sur son téléphone avant de partir se poser dans sa chambre. Se coucher à huit heures du matin… Elle sourit à cette pensée. Son lit n’était pas fait. Elle ne ferme pas ses volets roulants blancs : ils sont cassés et la lumière du jour ne la dérange pas pour s’endormir et dormir. Elle enlève sa veste noire en cuir, la balance sur sa chaise du bureau que trop peu utilisé mais encombré et se laisse tomber en arrière sur son lit après avoir posé sa tasse de café au sol.
Morgane rattrape son téléphone et écrit à son patron pour le prévenir qu’elle ne viendra pas travailler aujourd’hui : le sommeil avant tout. Elle n’est pas du genre à faire quelque chose dont elle n’a aucune envie. Elle sait où sont ses priorités et sait s’écouter ce qui a ses avantages et ses inconvénients parfois.
Après avoir réglé cette simple formalité concernant le travail, elle pose son téléphone face cachée à côté d’elle et fixe son plafond. Elle suit chaque dalle blanche, quoiqu’un peu jaunies avec le temps et la cigarette. Elle ne tarde pas à tomber dans un profond sommeil, en ayant deux prénoms en tête : Emma et Léna.
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Après que Morgane soit partie, Emma et Léna ne sont pas allées se coucher. Elles n’ont pas sommeil, malgré la grosse après-midi de travail qui les attend toutes les deux. Léna range une tasse dans le lave-vaisselle et fait couler deux autres cafés pour Emma et elle-même. Le petit-déjeuner est un repas sacré qu’elles ne louperaient sous aucun prétexte. Ne dit-on pas que le petit-déjeuner est le repas le plus important de la journée ? Emma attrape le paquet de brioches tranchées et en met deux parts dans le grille-pain.

« Tu es sûre que tu veux te lancer là-dedans ? demande Emma. Tu ne le fais pas pour moi ?
- Je ne pense pas être sûre mais j’ai bien envie de tenter ouais ! La vision de Yaya était tellement belle…
- Ca ne te fait pas peur ?
- Peur ? Non, pas pour l’instant ! Il ne s’est rien passé encore, sauf que vous vous êtes embrassées !
- Mais tu n’as pas peur que cela nous abîme ? Qu’on se perde en chemin ?
- Si on reste honnêtes, non… »

Emma acquiesce mais est inquiète. Elle regarde Léna qui attrape sereinement les tasses pour les mettre sur la table de la cuisine. Emma a déjà amené les tranches de brioches ainsi que le Nutella. Elles s’assoient à côté toutes les deux. Le soleil pénètre dans la pièce par la grande fenêtre : les couleurs sont belles, vives et chaudes pour un 22 décembre.

« Je ne vois pas pour l’instant, pourquoi cela nous abîmerait… On était toutes les trois d’accord pour dire que la communication est primordiale. Et surtout, qu’à partir du moment où l’une d’entre nous le vit mal, on s’écoute et on arrête tout si c’est nécessaire. Donc… Si tout le monde respecte… Je pense que cela peut bien se passer et toi, qu’en dis tu ?
- Je sais, mais si jamais tu pars…
- Hop Hop Hop Amour ! Je t’arrête de suite. Rassure toi. Il n’en est pas question et surtout pas maintenant alors que ça ne fait même pas une heure que Morgane est partie de chez nous ! Le noyau dur, le noyau central c’est nous et ça l’a toujours été !
- C’est sûr oui. Ca va faire bizarre quand même !
- C’est normal, tu ne crois pas ? Ce n’est pas commun ce dans quoi on se lance.
- Sûrement oui…
- Et alors ? Je ne vois pas pourquoi on devrait s’interdire de vivre une expérience, une potentielle belle expérience parce que c’est peu commun. C’est notre vie après tout, déclare Léna en souriant. C’est à nous de décider, pas aux autres.
- Par contre… Une règle entre nous.
- Vas y, dis moi.
- Pas de sexe à deux avec Morgane.
- Oula Oula, s’exclame Léna. Je n’avais même pas pensé à ça. Ok, vous vous êtes embrassées. Morgane et moi, pas encore, on ne se connaît même pas j’ai envie de dire. Donc je ne me suis pas projetée à ce stade !! Mais je suis d’accord oui. »

Emma renifle et penche sa tête pour regarder Léna qui boit bruyamment son café, apparemment encore trop chaud. Elle a le don pour se brûler très facilement la langue, ce qui l’énerve forcément, avec les boissons chaudes. La blonde pose rapidement sa tasse, la langue pendante, en gesticulant avec ses bras.

« Putain, je me fais toujours avoir quoi !
- Mais il n’est pas si chaud en plus ! rit de bon cœur Emma.
- Oui bon ça va hein. Je suis pas douée, je suis pas douée c’est tout !! Tu veux une autre brioche à griller babe ?
- Oui, merci. »

Léna se lève, se dirige dans la cuisine et enclenche le grille-pain. En attendant que les tartines ne sautent, elle en profite pour boire de l’eau bien fraîche, histoire de calmer le feu désagréable dans sa bouche. C’est agréable sur le coup, mais le feu revient très rapidement. Elle se rassoit à table après avoir tout ramené.

« Trois tabourets ne passeraient pas dans la cuisine. La table n’est pas assez longue, fait remarquer en riant Léna.
- C’est clair, répond Emma en manquant de s’étouffer de rire avec sa bouchée. »

Elles avaient ri toutes les trois ensemble à peine quelques heures auparavant sur ce sujet. Ce moment était beau, en toute simplicité. C’était pur, sans parasite, sans prise de tête. Pas de mal. Pas de tourbillon. Pas de feu ardent difficile à éteindre. Pas de douleur incessante dans la poitrine. Pas de dérobement sous les pieds. Pas de culpabilité. La simplicité est parfois le plus difficile à atteindre. Quel paradoxe ! Mais quelle douceur à savourer une fois atteinte ! N’est-il pas beau de sourire à une chose, à une blague toute simple ? N’est-il pas beau et agréable de se sentir léger quand tout s’éclaircit ?
Elles avaient ri. Fort. Aux éclats. Morgane avait déclaré qu’elle aimait beaucoup amener des viennoiseries pour le petit déjeuner. Emma et Léna avait rétorqué qu’il faudrait trouver un troisième tabouret pour la cuisine. Et elles en avaient eu les larmes aux yeux.
Elles ne sont pas dupes pour autant. Aucune des trois ne se projette. Comment le faire alors que cette décision a été prise seulement quelques heures auparavant ? Comment se projeter dès le début d’une relation ?

« Demain, tu pars à quelle heure avec tes parents mon amour ? demande Léna. Je te dépose près de la rocade non ? Ça les avancera, sans avoir à faire de détour. J’irai faire les magasins après je pense. Il me reste quelques cadeaux à trouver…
- Ah oui, c’est vrai que c’est Noël le week-end et que cette année, je pars à Vannes avec mes parents et ma sœur, chez mon oncle. Je les appelle et je te dis. Mais je pense qu’on va partir tôt dans la matinée, histoire d’être tranquilles sur la route ! J’ai toujours pas acheté les cadeaux moi non plus, enfin pas du tout quoi ! Heureusement qu’on ne s’offre rien chez eux. Ça me laisse un petit délai supplémentaire avant le repas chez mes parents !!
- T’es jamais prête à temps pour les cadeaux de toutes façons amour… rit Léna. Tout dans l’urgence !!!
- Hey… Te moque pas !!
- C’est ta marque de fabrique. Moi ça me fait rire à chaque fois ta petite panique de dernière minute toute choue !
- Toi, tu manges chez tes parents dimanche soir c’est ça ? Tu dors là-bas et le lendemain midi il y a tout le monde et ça se poursuit le soir c’est ça ? Je te rejoins là-bas le soir ?
- Exactement !! Il me reste juste à trouver les cadeaux pour les gamins, c’est pour ça que je vais dans les magasins. Ça va être facile pour eux ! »

Emma acquiesce et se lève. Elle respire profondément avant de reprendre :

« Tu devrais dire à Morgane de venir manger ici demain soir. Histoire que vous discutiez et appreniez à vous connaître aussi.
- C’est vrai. C’est une bonne idée !
- Elle adore Harry Potter, comme toi. Et je crois qu’elle joue très bien à Call Of Duty aussi : vu que tu aimes aussi sur la playstation. Ca peut être une soirée sympa.
- Carrément ! Je lui proposerai et on verra ce qu’elle dit. Ca peut être pas mal ! »

Emma lui a fait penser avec bon cœur. Cela lui fait forcément quelque chose. Elle appréhende. Finalement, c’est humain. Qui serait à l’aise de laisser sa copine passer la soirée avec une autre femme qui nous plaît et qui vient de rentrer dans la vie amoureuse de toutes les deux ? Cela deviendra banal : Emma l’espère. Mais, comme on dit, les premières fois sont difficiles.
Léna sourit à cette perspective. Elle sent son ventre se tendre d’avance. Ce sera si nouveau pour elle, mais à banaliser. Des milliers de questions fusent dans sa tête. Elle se demande si elle plaira à Morgane, et vice versa. Elle se demande si elles vont bien s’entendre. Car finalement, pour que tout marche, il faut que tout le monde se plaise et s’entende bien. Pour l’instant, le triangle n’est pas du tout dessiné entièrement. Une simple ébauche et c’est bien normal.
C’est en préparant le repas du midi que Léna se décide finalement à écrire à Morgane. La matinée s’est déroulée en toute simplicité : le travail pour Emma à terminer avant la fin d’année, la chasse aux idées de cadeaux sur internet. Léna s’installe dans le fauteuil Ikea en bois beige du salon, face à la baie vitrée. Elle commence à agiter ses doigts sur l’écran tactile de son téléphone.

-Déjà… Il faut engager la conversation. Trouve une phrase, une petite boutade à faire… Allez réfléchis Léna. Sois pas si coincée et nerveuse pauvre fille !! –

Elle se reprend à plusieurs fois pour écrire le message et finir par l’envoyer enfin. Elle se maudit une nouvelle fois après avoir réalisé qu’elle n’avait pas son numéro de téléphone. Elle copie son message, en se disant que la technologie fait des miracles, et le colle sur la messagerie Facebook :

« Ce petit-déjeuner aurait pu être bien meilleur si y’avait eu des chocolatines et des croissants comme tu nous l’as vendu ahah !! »

Elle appuie sur le bouton envoyer et pose son téléphone dans son sac. Elle ne veut plus le voir avant cet après-midi. Son cœur bat rapidement, épris par les effets de l’adrénaline. A cet instant-là, Léna se sent bête. Bête de se reconnaître, de se revoir comme à ses quinze ans lorsqu’elle osait envoyer un message au garçon qui lui plaisait à l’époque. Il n’y a pas eu beaucoup de garçons qui lui ont plu et avec qui elle est sortie. Emma est sa première véritable relation, son premier véritable amour. Et il dure depuis bientôt sept ans.
Léna songe à son après-midi et à leur soirée à venir. Un repas en famille prévu, chez sa deuxième sœur Pauline. Il y aura Yaya ce qui la rassure.

« Tu n’oublies pas que ce soir on a le repas chez Pauline aussi, rappelle t’elle à Emma.
- Ah c’est vrai j’avais oublié ! Tu as acheté quelque chose pour la petite ?
- Pour Aurore ? Non rien du tout… Je pensais prendre quelque chose chez Cultura, un pack pour faire des bracelets sur le thème du nouveau Disney Coco. Elle l’avait beaucoup aimé apparemment.
- Je ne travaille pas aujourd’hui. Si tu veux, je peux y aller cet après-midi. Je verrai peut-être Morgane aussi, je ne sais pas encore. 
- Oh ça serait top ! Je commence à 13h aujourd’hui pour essayer de finir plus tôt du coup. Tu me déposes au travail et tu reviens me chercher alors ?
- On fait comme ça oui ! »

Elles se sourient simplement et Léna commence à se préparer pour le travail. La matinée a filé à une folle vitesse. Emma a préparé ses affaires pour son week-end à Vannes après avoir terminé ses derniers dossiers. Léna a terminé quelques paquets cadeaux, les plus galères forcément. Les formes biscornues. Elle se maudit chaque année de ne pas acheter de cadeaux de formes simples, rectangulaires. Et pourtant, elle recommence à chaque occasion tout en utilisant une quantité scandaleuse de ruban adhésif pour chaque paquet.
Léna s’est un peu plus apprêtée pour être bien habillée à l’anniversaire d’Aurore. Un peu plus de fard à paupières, toujours dans les tons Nude, fameux terme à la mode de ces dernières années. Ses cheveux ondulent librement sur ses épaules. Son jean brut est retroussé au niveau des chevilles et elle porte ses converses blanches basses. Une veste noire fluide mais cintrée vient rehausser sa chemise rayée blanche et bleu ciel. Son après-midi sera plutôt calme et c’est ce dont elle a besoin après cette nuit blanche.

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Emma reste à l’appartement cet après-midi. Pour l’instant, toujours en pyjama, le temps de finir de travailler avant de partir acheter le cadeau pour Aurore. Elle baille en allumant son ordinateur. La fatigue l’assomme surtout en sentant le ciel chauffer le salon alors qu’elle est sur le canapé.
Elle songe à faire une sieste mais se ravise en se disant que ça ne serait finalement pas productif. Après avoir répondu à quelques mails, envoyé les derniers dossiers pour clôturer l’année, elle part à la salle de bain se préparer. Il est 15h. En se brossant les dents, elle décide d’envoyer un message à Morgane :

« J’espère que tu t’es bien reposée après cette nuit blanche. Je dois aller chercher un cadeau à Carrefour cet après-midi. Je ne vais pas tarder à partir là. Tu me rejoins à l’appartement après ? »

Après tout, elles ont le droit de se voir. Emma met rapidement un jean, enfile un t-shirt noir et son pull marinière de la marque Hollister.

-C’est à banaliser ce genre de choses. Mais ça fait bizarre de se dire que voir Morgane comme je l’entends est autorisé et doit devenir commun. Je le vis bien car c’est moi qui la vois, mais comment vais-je réagir quand ce sera Léna ? –

La réponse de Morgane ne tarde pas à arriver, ce qui fait sourire Emma. Sa rapidité de réponse, et son engouement :

« Carrément ! Tiens moi au courant de quand tu rentres  »

Emma attrape ses affaires et file dehors pour prendre son véhicule et partir en direction des magasins : tout ce qu’elle aime. Faire les boutiques en pleine période de Noël. Mais un sourire béat reste figé à son visage. Elle n’arrive pas à le dissimuler et n’en a peut-être finalement pas envie.

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Emma vient chercher Léna à son travail, aux alentours de 20h. Léna l’a prévenue quand elle avait bientôt fini, pour qu’Emma parte de l’appartement. Elle a passé tout l’après-midi avec Morgane. Doux moments de complicité, rires et tendresse.
Léna a passé également un bel après-midi. Certes à travailler, mais dans la bonne humeur. Et le temps passe bien plus rapidement dans ces cas-là. Elle entre dans la voiture, embrasse Emma qui se met en direction de chez sa sœur, Pauline, habitant à une dizaine de minutes du cabinet.

« Comment s’est passé ton après-midi mon ange ? demande Léna.
- Je suis allée chercher le cadeau pour Aurore. Comme tu m’as dit, j’ai pris un loisir créatif sur Coco. C’est pour fabriquer comme des bracelets brésiliens je crois. Et Morgane est venue à l’appartement. On a emballé le cadeau et passé l’après-midi ensemble.
- Ah cool ça ! »

Léna se force à se montrer contente, non sans une pointe au niveau du cœur. Elles se sont quittées à sept heures du matin à peine et cet après-midi, les revoilà déjà ensemble. Cela fait sourire gentiment Léna qui ne sait pas quoi penser au fond d’elle.

« Tu lui as écrit toi ? s’interroge Emma.
- Non pas encore. Je n’ai pas trop eu le temps au cabinet aujourd’hui. Je vais le faire là d’ailleurs.
- Normalement, elle est opé ! Je lui en ai parlé cet après-midi et elle avait l’air plutôt partante…
- Tu aurais pu attendre que je le fasse quand même !
- Bah pourquoi ?
- Parce que cela fait comme si je n’osais pas le faire…
- Oh mais non ne t’inquiète pas mon amour ! Rappelle moi, c’est bien par là le chemin pour aller chez ta sœur ? »

Léna acquiesce tout en attrapant son téléphone et en commençant à taper le message, non sans un soupçon d’énervement :

« Yo meuf ! Ca te dirait de débuter le marathon Harry Potter en VOST demain soir ? Tiens moi au jus que je prévoie le repas pour toutes les deux ! Bon courage pour le resto avec Amélie ce soir. La bise. »

Bizarrement, les mots sont venus assez rapidement. Elle se souvient que Morgane voyait Amélie, son ex-copine, ce soir, pour lui parler un peu de la situation actuelle.
Emma et Léna arrivent chez Pauline. Elles sonnent à la porte, rapidement ouverte par une bande de petits monstres excités par le taux élevé de glucose dans le sang. Tous leur sautent dans les bras, leur font un bisou, doux mélange de bave et de sucre, avant de repartir à l’étage pour jouer. Pauline et Yaya se tiennent juste derrière.

« Vous êtes bien accueillies les filles ! s’exclame Pauline en embrassant sa sœur.
- C’est clair ! Vous avez réussi à les canaliser jusque là ? demande Léna.
- Oui, mais il ne tarde qu’une chose à Aurore : de souffler les bougies pour ouvrir les cadeaux ! répond Yaya. Donc vous arrivez à pic ! »

Yaya fixe sa petite sœur du regard qui lui sourit timidement en retour. Léna sait ce que cela signifie : « Raconte-moi ce qu’il s’est passé hier soir ». La jeune femme fuit son regard mais elle sait pertinemment qu’elle ne pourra pas le faire tout le long de la soirée. Même si ça ne sera pas un grand dialogue, un grand récit en profondeur, Jessica souhaite savoir ce qu’il s’est déroulé la veille et dans quel état se trouve sa petite sœur. Elle regarde Emma et essaie de déceler ce qu’il s’est dit la soirée précédente. Elle remarque qu’elles ont toutes les deux les yeux gonflés. Jessica songe en premier aux pleurs, puis au manque de sommeil certain des jours précédents. Sa vision commence à se troubler à force de rester concentrée sur leurs deux visages. Elle secoue la tête et décide de rejoindre tout le monde dans le salon plutôt que de rester plantée au milieu du couloir de l’entrée de la maison de Pauline.
Les enfants descendent en trombe de l’escalier et se placent tous derrière le gâteau. Tous, adultes et enfants, chantent en cœur la traditionnelle chanson de l’anniversaire. Aurore est tout sourire derrière la pâtisserie au chocolat surmontée de Smarties et de 8 bougies de toutes les couleurs.
Yaya se place discrètement à côté de Léna et lui passe la main au niveau de la hanche. Léna se serre contre sa grande sœur :

« Allez raconte moi, je n’arrive pas à lire sur vos visages ! dit doucement Jessica.
- Elles sont arrivées comme je te l’ai dit sur Facebook. On a beaucoup discuté et on a décidé de se lancer toutes les trois…
- Tu es sûre de toi ?
- Comment tu veux que je sois sûre ? Justement, on tente… 
- On en reparlera mieux toutes les deux. »

Léna acquiesce et rejoint Emma qui est en train de prendre en photos les enfants soufflant tous ensemble sur les huit bougies. Elle la prend par la taille et lui dépose un baiser sur la joue.
Elle sent son téléphone vibrer dans sa poche de pantalon, c’est Morgane qui lui répond :

« Yo ! Ca marche pour le marathon des Harry Potter. Et peut-être une partie de play, ça fait longtemps que je n’y ai pas joué ! Merci, on mange, c’est pas simple… Mais bon ça va aller ! Bonne soirée ! La bise  »

Léna sourit timidement à cette réponse. Elle ne lui répond pas. Selon elle, cela ne sert à rien de la déranger plus alors qu’elle est avec quelqu’un, qui plus est son ex-copine à qui elle explique la situation. Elle range son téléphone dans son sac à main et retourne s’asseoir près d’Emma mangeant une belle part de gâteau au chocolat, gourmande qu’elle est.
La soirée ne se termine pas tard. Même si les enfants sont en vacances, qui plus est de Noël, ils sont en bas âge et l’heure du coucher est assez tôt.

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Emma et Léna s’étaient levées tôt pour une fois un samedi matin. En effet, Emma devait rejoindre ses parents pour fêter Noël en famille à Vannes. Léna la déposait à une sortie de rocade avant d’aller faire les derniers achats de Noël et quelques courses pour le repas avec Morgane le soir-même.
Léna y pensait un peu, pour ne pas dire beaucoup. Elle était angoissée mais impatiente à la fois : un doux mélange d’émotions contradictoires qui ne cessaient de s’entrechoquer dans sa tête.
Emma n’y pensait pas. Elle était partagée entre le fait de passer du temps en famille, ses parents et sa sœur, et le regret de laisser Léna seule, mais pas si seule pour une fois. Vêtue d’un pantalon de survêtement noir et d’un pull marron de la marque Billabong, tenue idéale pour passer quatre heures dans la voiture, Emma attrape son sac et son manteau pour sortir de l’appartement. Léna la suit de près, lunettes noires sur le nez, écharpe au cou et sac à main moutarde en bandoulière. Elle ne s’est pas maquillée et porte un legging noir ainsi qu’un pull gris chiné. Toutes les deux montent dans la voiture. Léna démarre tout en baissant le volume du poste radio.

« Qu’est-ce-que tu écoutes la musique fort ! plaisante Emma.
- Oh c’est l’hôpital qui se fout de la charité, répond Léna en souriant.
- Je plaisante mon ange ! Bon ça va aller ces deux jours hein ? On rentre lundi 25 dans la journée avec mes parents, normalement.
- Oui, tu me diras quand vous partez et que je viendrai te chercher pour le repas du soir chez mes parents !
- Yes ! On fait comme ça ! Tu as quoi de prévu pour l’instant du coup ?
- Oh bah là, je te dépose et je vais faire les courses chez Auchan. Ce soir, Morgane vient manger à la maison. Demain soir, je fais le repas toute seule avec mes parents et je dors là-bas. Le 25 à midi, tout le monde arrive et cela se poursuit le soir. Et toi à Vannes ? Qui vient là-bas finalement ?
- On loge chez mon oncle, le frère de ma mère. Sa sœur et ses enfants arrivent dans l’après-midi. On va beaucoup se promener je pense. La région est jolie par là-bas. J’espère qu’il ne va pas trop pleuvoir du coup !
- Ah bah c’est la Bretagne ! Tu m’envoies un petit sms quand vous arrivez ? Ou on s’appelle ?
- Comme à notre habitude ! Je les aime ces habitudes, tu le sais… Je t’appellerai dans le week-end aussi de toutes façons.
- On s’appelle oui… Comme on sait si bien le faire, ne pas perdre nos habitudes… Tes parents ne sont pas encore arrivés sur le parking. Ca laisse un peu de temps pour un petit câlin avant le départ… »

Ils s’étaient donnés rendez-vous sur le parking du Courtepaille de la sortie 6 de la rocade bordelaise. Léna se gare sur le parking désert en cette matinée du samedi 23 décembre. Elle recule son siège et prend Emma dans ses bras. Toutes les deux se serrent fort, très fort. Les parfums se mélangent, sans pour autant se confondre. Leurs têtes sont nichées dans leurs cous : elles sont parfaitement calées et bercées par le rythme des battements réguliers de chaque cœur. Elles s’embrassent tendrement, amoureusement. Leurs bouches se touchent, se goûtent et ne veulent pas se séparer. Léna pose sa main sur la joue d’Emma qui la regarde droit dans les yeux, avec douceur, tendresse. L’Amour.
Ce moment est perturbé par une voiture qui vient se garer près d’elles : une C4 picasso. Les parents d’Emma descendent de la voiture, ainsi que Laura, sa sœur. Tous s’étreignent pour se dire bonjour chaleureusement.
Léna apprécie beaucoup ses beaux-parents, contrairement au fameux mythe. Patrick et Séverine ont toujours mis à l’aise la jeune femme et l’ont accueillie à bras ouverts. Ils ont permis à Léna et Emma de partir ensemble pour leurs études, contrairement à ceux de Léna avec et pour qui tout avait été plus compliqué.

Après quelques échanges et les au-revoirs, les deux voitures démarrent et prennent le même chemin, provisoirement. Emma est assise derrière avec sa sœur, plus jeune de trois ans. Les deux sœurs, à première vue, ne se ressemblent pas du tout. Emma est grande, fine, élancée. Laura a plus de formes, tout en restant svelte. Emma a de long cheveux châtains ornés de boucles anglaises. Laura a certes les mêmes boucles mais est blonde comme le blé. Emma n’espère qu’une chose : s’endormir une fois qu’ils auront atteint l’autoroute.

-Après tout, les nuits ont été courtes récemment. On a tout le week-end pour parler de tout et de rien… Est-ce-que je vais en parler à mes parents ? J’espère que ce soir tout va bien se passer pour elles deux… Ca fait bizarre rien que d’y penser, mais il va falloir s’y habituer… Léna me manque… Morgane aussi, je crois… -

Emma cale sa tête contre la vitre et regarde défiler la route. Avant même qu’elle ne s’en rende compte, ses yeux se sont fermés. Le cerveau est posé et elle se laisse bercer par le bruit du moteur. Le pays des songes lui ouvre les bras : elle y plonge sans une seule hésitation.

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Léna se gare sur le parking d’Auchan Bordeaux-Lac : le gigantesque centre commercial. Paradis de la société de consommation. Enfer des cartes bleues et des comptes en banque.
Elle prend un chariot et rentre dans le magasin pour y faire les courses en premier. Il n’est que 8h50 : les boutiques de la galerie marchande ne sont pas encore ouvertes. Elle achète quelques jouets pour les enfants : puzzles, dinettes et autres divertissements pour bambins. Elle réfléchit au repas du soir, ce qui la préoccupe bien plus.

-Une bonne salade… Tout le monde aime la salade non ? Pas trop lourd, juste ce qu’il faut… Parfait pour cette période… Allez c’est parti ! –

Elle s’arrête à chaque rayon : salade, avocats, fromage de chèvre, émincés de poulet, tomates… Elle n’oublie rien pour que tout se passe bien. Elle se surprend à sourire dans la grande surface et à la caisse.
Après avoir tout chargé dans la voiture, elle décide de faire un bref tour dans les magasins. Elle vagabonde et repasse dans le café où elle et Yaya avaient parlé du polyamour pour la première fois. Autour d’un café, entre les sanglots et les multiples réflexions au Colombus Café en face de la Fnac. Léna a l’impression que tout s’est passé il y a une éternité alors qu’en réalité, cela ne fait qu’une quinzaine de jours. Et pourtant, il s’en est passé des choses durant ce laps de temps. Quinze petits jours apparaissant comme deux années, deux vies.
Elle attrape son téléphone et commence à écrire un message à Emma :

« J’espère que tu fais bonne route et que tu te reposes dans la voiture. Mission cadeaux terminée pour moi. Maintenant, c’est petite détente dans les magasins avant de rentrer et de m’atteler à tout ce que j’aime : faire les paquets tsss !!! Tu me manques mon ange… Vivement lundi. Je t’aime, ne l’oublie pas <3 »

Elle appuie sur le bouton « Envoyer » et ouvre sa conversation avec Morgane :

« J’espère que ça a été avec Aurélie hier soir. Pour ce soir, j’ai pris de quoi faire une bonne salade avec du poulet. J’espère que ça te va ! See you ce soir !! »

Léna range son téléphone et continue à errer sans but précis. Juste passer le temps car elle sait une chose : elle a hâte d’être le soir même. Et l’impatience a la fâcheuse tendance de ralentir le temps qui passe…

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Morgane est déjà réveillée lorsque son téléphone sonne : un message de Léna concernant le repas de ce soir. Elle y répondra un peu plus tard, elle parle tranquillement avec sa mère, dans la cuisine :

« Comment ça s’est passé avec Aurélie hier soir ? lui demande t’elle entre deux bouchées.
- Ca a été difficile quand même… Je lui ai dit pour Emma et Léna donc forcément… Difficile à entendre et de lui faire comprendre que ce n’est pas pour ça que je l’ai quittée aussi. Enfin, surtout qu’elle l’entende déjà car après comprendre c’est pas forcément facile vue la situation.
- Pourquoi tu n’as pas attendu pour lui dire pour vous trois ?
- Je ne pouvais pas lui cacher. On se voit tout le temps au volley… C’est pas évident comme situation.
- Oui, mais vous n’allez pas le montrer au grand jour si ? Enfin pas pour l’instant je pense, donc pourquoi lui dire maintenant alors qu’elle est encore mal de votre rupture ? Tu n’as pas peur pour la suite ? Pourquoi tu t’es lancée là-dedans ? Sexe ?
- Maman !!
- Bah quoi ?! Je demande ! On n’a jamais été à faire des manières ou à avoir des sujets tabou !!
- C’est vrai, tu as raison !
- Alors tu réponds à ma question mon bébé ?
- Tu perds pas le nord toi ! J’ai pas peur pour la suite, je suis curieuse. Mais c’est bizarre. Ca fait bizarre. Je ne crois pas savoir réellement pourquoi j’ai dit que ça m’allant et qu’on se lance toutes les trois. Emma forcément… Mais je ne connais pas Léna. Et je n’ai pas envie qu’elle fasse ça juste pour Emma. Emma cela fait quelques mois que l’on se découvre, mais pas comme ça, enfin pas totalement. Mais, elle me plaît oui, sous bien des coutures… Je me laisse un peu porter pour l’instant. Faut que je prenne le temps de réaliser, de me poser aussi. Les vacances vont me faire du bien. Pas de cours, pas d’entreprise non plus ! Juste tranquille ! »

Morgane sourit à sa mère qui se lève et la prend dans ses bras. Morgane resserre son étreinte et ferme les yeux juste pour profiter du moment. Même si l’hiver était tout juste entamé, la baie vitrée était entrouverte. Dans un appartement situé au sixième étage d’un immeuble, il y fait toujours chaud, même en plein hiver, surtout avec le chauffage collectif. Elle attrape son téléphone et entreprend de répondre au message de Léna :

« Oui ça s’est bien passé. Je te raconterai ce soir. Parfait pour la salade, tu veux que je ramène quelque chose à boire ? un dessert ? »

Sa réponse ne tarde pas à arriver : « As you want ! »

Elle répond : « Ca marche, je verrai sur le coup alors ! Bonne journée et à ce soir ! »
Morgane pose son téléphone et retourne dans sa chambre, sur son lit. Elle attend simplement quelques temps. Histoire d’observer et profiter du ciel bleu, visible depuis sa fenêtre. Histoire d’essayer de calmer ses pensées, ses réflexions, ses questions. Elle sait qu’elle écrira à Emma mais ne sait pas quand, ne sait pas quoi. Elle souhaite juste avoir des nouvelles et lui parler, aussi.

-Mais qu’est ce que ça va donner ce soir ?! –

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Il est quasiment 19h. En cette fin du mois de décembre, la nuit noire tombe très rapidement. Léna attend que le temps passe en essayant tant bien que mal de rester la plus calme possible. Mais, elle est nerveuse, malgré tout. Elle s’est habillée simplement, de façon à être à l’aise, après s’être douchée : un jean slim brut et un t-shirt blanc, légèrement dos nus. Seulement, elle s’était changée. A deux reprises. L’adrénaline la faisait suer et plus elle s’en rendait compte, plus cela la tendait.
En enfilant son troisième t-shirt, elle décroche son téléphone qui commençait à sonner.

« Oui mon ange, commence t’elle. Ca s’est bien passé le trajet ? et cette première journée en famille ?
- Boh tu sais… Le trajet, j’ai surtout dormi. Puis, oui, de retrouver tout le monde c’était sympa. Mais sans plus. On n’est pas très famille en général, enfin on l’est, mais qu’avec mes parents et ma sœur quoi ! Donc bon, retrouver la famille est un bien grand mot !
- Oui c’est sûr. Je comprends ! Vous avez fait quoi en arrivant du coup ?
- On a mangé tous ensemble et on est allés se promener dans Vannes. Il faisait froid, enfin humide plutôt ! Là, on ne va pas tarder à aller manger. Et toi mon ange ? Ta journée ?
- J’ai fait tout ce que j’avais à faire, donc parfait. Il n’y avait pas grand monde à Auchan, c’était top !! J’ai pu tout emballer aussi. Mes paquets sont encore plus laids que l’an dernier, ça me dépite !
- On s’en fiche du paquet… Même si ça nous fait toujours rire ton talent inné pour mettre plus de scotch que de papier cadeau ! et ensuite ?
- J’ai préparé toutes mes affaires pour demain et lundi chez mes parents. J’ai revu des films niais de mon adolescence aussi et là je finissais de me préparer pour aller mettre la table.
- Tu as prévu quoi pour ce soi ? Morgane ne devrait pas tarder non ? »

Léna sentait dans la voix d’Emma une pointe d’inquiétude et de curiosité. En effet, même si elle était entourée de sa famille, Emma avait les deux jeunes femmes en tête.
Est-ce qu’elle redoutait cette soirée ?
Est-ce qu’elle aurait préféré être là ?
Est-ce qu’elle a confiance ?
Est-ce qu’elle était jalouse ? De Léna ? De Morgane ?
Emma ne saurait dire ce qu’elle ressentait vraiment. Toutes les trois avançaient dans un épais brouillard ne permettant pas de voir à plus de trois mètres devant elles.
L’inconnu. Total. L’imprévu.
La nouveauté à chaque instant.
De nouveaux sentiments à gérer, tous un peu plus forts et déstabilisants les uns que les autres.
La peur alors qu’auparavant l’inquiétude et l’anxiété n’avaient pas trouvé leurs places.
L’excitation de la nouveauté, de découvrir une nouvelle personne. Le début d’une relation est souvent envoûtant. Pour Emma, c’est le cas. L’attraction, l’excitation, l’intérêt. Tout est là. Pour Léna, c’est autre chose. L’excitation certes. Mais la découverte avant tout, car les deux jeunes femmes ne se connaissent pas du tout. L’alchimie peut être en attente. Une latence qui peut inquiéter et mettre mal à l’aise Léna.
Emma est une personne timide mais ayant une aura de confiance émanant d’elle. Une prestance. Une assurance certaine, masquée sous un mince filet de timidité. Pour résumer, Emma est remarquable.
Léna est plus discrète et s’affirme moins. Elle préfère rester dans l’ombre. Enfin, elle ne préfère pas, mais c’est sa sécurité et Emma son pilier.

Léna se reconcentre sur le moment. Elle est debout dans la cuisine, le téléphone à l’oreille et regardant par la fenêtre. Elle aperçoit Morgane, en train de sortir de sa voiture.

« Quand on parle du loup… Elle sort de sa voiture. Je vais devoir te laisser mon amour.
- Ne stresse pas comme ça ! Je te connais !
- Forcément que si je stresse ! C’est bizarre comme situation. Mais ça va être sympa. De toutes façons, on verra bien ! On s’appelle demain ? Je t’écris avant d’aller au lit, toi aussi hein ?
- Oui, on s’appelle demain ne t’en fais pas. Je t’aime mon amour ! Passe une bonne soirée !
- Moi aussi, tu le sais …
- Allez ne t’en fais pas ! Il me tarde de te retrouver lundi !
- Lundi soir ! Ca va vite passer avec tous ces repas longuets… »

Un dernier Je t’aime au téléphone. Quelques mots tendres et Léna finit par raccrocher. A peine a t’elle posé le téléphone, senti une dernière fois ses aisselles que la sonnette retentit dans l’appartement. Elle souffle un grand coup et appuie sur l’interrupteur. Une question frappe son esprit :

-On se fait la bise ou on s’embrasse ? –
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