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| Mouvement perpetuel | |
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Mack Modo
Nombre de messages : 607 Age : 44 A écrit : Rencontre sportive ; Home sweet Home ; A l'ouest de chez moi tome 1; Mouvement perpétuel; Soleil de minuit, Aurore boréale tome 1, 2 & 3 ; Galway Date d'inscription : 23/03/2008
| Sujet: Mouvement perpetuel Lun 15 Aoû 2016 - 21:48 | |
| Pseudo de l'auteur : Mack Nombre de chapitres : 9 Rating de l'histoire : NC18 (scènes très détaillées) Genre de l'histoire : Romance Résumé de l'histoire : Emy part en Irlande pour assister au mariage d'une amie et ce qu'elle pensait être 10 jours de détente et de décompression se transforme vite en quelque chose de bien plus compliqué. Ce qu'elle avait réussit à évité pendant très longtemps prend un malin plaisir à s'imposer. Remarques diverses : Remise en ligne | |
| | | Mack Modo
Nombre de messages : 607 Age : 44 A écrit : Rencontre sportive ; Home sweet Home ; A l'ouest de chez moi tome 1; Mouvement perpétuel; Soleil de minuit, Aurore boréale tome 1, 2 & 3 ; Galway Date d'inscription : 23/03/2008
| Sujet: Re: Mouvement perpetuel Lun 15 Aoû 2016 - 21:49 | |
| 1-Irlande Le son caractéristique indiquant aux voyageurs de boucler leur ceinture tira Emy de sa lecture. Le vol n’était pas bien long entre Grenoble et Dublin à peine 1h40, elle avait mis presque autant de temps à rejoindre l’aéroport en voiture au départ de Lyon. Par le hublot, elle regarda l’avion passer sous la couche de nuages et le patchwork des prés verts de l’Irlande lui apparut. Elle n’avait pas peur en avion habituée très jeune à voyager. Le jour de son premier décollage, elle avait un an. Le métier de son père nécessitait beaucoup de déplacements, elle n’avait jamais bien su ce qu’il faisait vraiment et elle n’avait jamais cherché à le savoir de peur de ne pas aimer. Elle avait donc bougé au gré des affectations de son père. Le mauvais temps sur la région de Dublin agitait un peu l’appareil. Elle avait pris une dizaine de jours de vacances pour assister au mariage de l’une de ses amies d’école. On était jeudi et la cérémonie avait lieu samedi, ensuite elle avait choisi quelques sites qu’elle aimerait voir ou bien revoir. Le train d’atterrissage de l’avion entra en contact avec le sol, secouant légèrement l’appareil. Elle avait choisi la compagnie Irlandaise RyanAir et même si l’uniforme des hôtesses lui faisait penser aux tenues des vendeurs de Castorama tout son voyage avait été sans accro. Le voyant s’éteignit libérant les passagers de leur ceinture et de leur siège. Elle récupéra son sac à dos dans le compartiment au-dessus de sa tête, y rangea son livre et enfila son pull. Ce fut une pluie battante et 13°C de moins qui l’accueillirent sur le tarmac. Elle rentra la tête dans les épaules et parcourut la distance qui la séparait du terminal. Elle suivit le flot des arrivants, présentant son passeport au contrôle, récupérant son sac de voyage sur le tapis et prit la direction des différents comptoirs de location de voiture pour prendre possession de celle qu’elle avait réservée. Après dix minutes, elle se retrouva au volant d’une new beatles quittant l’aéroport par la M1. Le volant à droite, le levier de vitesses à gauche et bien sûr rouler à gauche, c’était écrit partout sur le tableau de bord dans beaucoup de langues. La conduite à gauche, ce n’était pas une première pour elle. L’Angleterre lui avait déjà offert son baptême. Les travaux sur la M50 ralentissaient le trafic. Elle avait reçu l’invitation six mois plutôt. Elle avait longtemps hésité avant d’accepter. Son travail très prenant, un nouveau projet qui devait débuter à cette période mais aussi le fait d’être demoiselle d’honneur dans une cérémonie à l’église dans toute la tradition l’avaient d’abord fait reculer. Mais elles s’étaient connues à la petite école, recroisées en primaire et quittées au collège pour se retrouver à l’âge adulte. Elle ne pouvait pas manquer ce jour important pour son amie pour des raisons futiles au final. Emy avait enfin quitté Dublin et sa banlieue, elle roulait sur la N7 en direction de Cork. Environs 360 kilomètres et 4 heures plus tard, elle se garait sur le parking d’une bâtisse impressionnante en pierre grise. Elle sortit son portable et composa. Elle avait oublié la sonnerie plus éraillée ici qu’en France. Ce fût une voix exaspérée qui lui répondit. « Allo ? » — Salut Julie, c’est Emy. — Oh Emy ! Tu es arrivée à Dublin ? — Je suis même à Cork à l’adresse où on doit se retrouver. — Déjà ? Julie avait toujours eu un problème avec l’heure. Au collège, elle avait épuisé les billets de retard de son carnet dès le premier trimestre. — Oui, ça fait plus de quatre heures que j’ai atterri. — Ah oui c’est vrai. Toi, tu arrivais le matin. Tu es en voiture ? — Heu oui sinon j’aurais eu des problèmes pour venir. — Tu as raison. Ce mariage me met complètement à l’ouest. Je te rejoins et je t’explique. — Tu m’expliques quoi ? Emy n’eût pas sa réponse, Julie avait déjà raccroché. Elle ne s’en formalisa pas, ça ressemblait assez à Julie. Elle s’appuya sur l’aile avant de sa voiture et attendit. Elle en profita pour envoyer un message à sa mère pour lui dire qu’elle était bien arrivée et qu’il n’y avait pas eu de catastrophe en route. Dans le ciel qui s’était dégagé au milieu de son trajet les nuages gris foncés refaisaient leur apparition. Julie arriva à pied en même temps que les premières gouttes. Elles se mirent à l’abri dans la voiture. Julie ne lui laissa pas le temps d’en placer une et lui mit dans les mains trois petites feuilles de papier. « Qu’est ce que c’est ? demanda Emy ayant peur d’avoir compris.» — Ta liste des tâches, répondit naturellement Julie. — Ma liste ? — Oui. — Ok. Elle prit la première et se mit à déchiffrer l’écriture semi hiéroglyphe de son amie. « Alors je dois allez chercher ta famille à l’aéroport ? » — Oui. — Très bien mais : Quand ? A quelle heure ? Et ils sont combien ? Ça commençait bien. Emy se retint de se masser le front, elle sentait le mal de tête venir. — Aujourd’hui, 21 heures, 6. — Ok mais comme tu le vois je ne peux pas mettre six personnes dans cette voiture. — Mathew va avec toi. Il te montrera le chemin. — Bien. Deuxième ligne : qui est Al ? — Alexian mais tout le monde l’appelle Al. — Et c’est ? A ce rythme-là le jour du mariage allait être là et elle en serait toujours à essayer de comprendre sa liste des tâches. — Une amie, elle est française, lui répondit Julie. — Et je dois aller la chercher à la gare routière de Cork, c’est ça ? Julie acquiesça d’un hochement de tête. — Elle arrive quand ? Et ne me dis pas ce soir à 21 heures sinon je vais avoir un problème. — Non, demain mais je ne sais pas à quelle heure je t’ai noté son numéro en dessous, tu n’as qu’à l’appeler. Emy se retint de lever les yeux au ciel devant l’organisation toute particulière dont faisait preuve Julie. Elle changea de papier et elle crût lire une liste de courses. « Pendant que tu seras dans Cork, il y a un Super Value, si tu peux trouver tout ça et la dernière feuille c’est pour la déco, compléta la future mariée. » — La déco ? Je trouve ça où ? — Les ballons dans Church street et le reste chez Mark and Spencer. Un doute traversa l’esprit d’Emy. — Rassure moi quelqu’un s’est occupé de la nourriture ? — Oui c’est William qui cuisine. La future demoiselle d’honneur eu une pensée pour ce pauvre William qui devait se retrouver dans le même sac qu’elle. — Là, je vais t’emmener jusqu’à ton B&B et après on reviendra à la salle, tu pourras aider à mettre les tables. — Les autres arrivent quand ? demanda Emy espérant un soutien de la part du reste du groupe de leurs amis. — Demain en milieu d’après-midi. — Je peux te poser une question ? — Ne te gêne pas s’il y a des choses que tu ne comprends pas. — Pourquoi tu m’as demandée d’arriver aussi tôt alors ? — Parce que tu es ma demoiselle d’honneur, répondit simplement Julie. — C’est Marie ta première demoiselle, précisa Emy. — Oui mais toi tu sais gérer les crises mieux que personne. — Super. Emy avait murmuré la dernière réplique en mettant le contact. Les raisons de décliner lui semblaient moins futiles d’un coup. Emy se passa une main sur les yeux, elle n’osait pas croire l’heure indiquée sur sa montre 1h30 ce qui faisait 2h30 en France et il lui restait encore un tiers des couverts à rouler dans les serviettes en papier. Les tergiversations sur la disposition des tables le tout en anglais l’avaient épuisée. Elle ne rêvait que d’une chose se coucher et grimaça en pensant que son petit déjeuner était programmé à 8h30 pour être à 9h15 au camp de base implanté chez la mère du marié. Le voyage à l’aéroport avait ressemblé à une course poursuite pour ne pas perdre Matthew dans le trafic. L’avion avait 30 minutes de retard et Emy en avait profité pour souffler un peu. Tout le monde avait ensuite été déposé dans son B&B respectif. La dernière paire de couverts emballée, elle eût enfin le droit de rejoindre son lit. En éteignant la lampe de chevet, elle s’aperçut qu’elle n’avait pas appelé cette Alexian. *** * Maudit soit ce foutu portable ! * Emy sortit du lit et se dirigea vers la salle de bain. Une bonne douche finirait de la réveiller. Aujourd’hui jeans, t-shirt, pull pas de risque inconsidéré. A 9h15 pile, Emy garait sa voiture devant la maison, elle eut juste le temps de sortir que Julie arriva en courant son portable à la main. « Tu peux aller chercher mes parents à leur B&B ? » — Mais il est au bout de la rue principale. Il y en a pour 10 minutes à pied et il ne pleut pas. — Ma mère trouve que ça fait trop long et puis ça monte. — Ça monte ? — Pour elle oui. — Ok j’y vais. — Merci. *** Sur la route, elle croisa l’oncle et la tante et le couple d’amis que la ‘montée’ n’avait pas effrayés. Le chemin était tellement court qu’elle arriva en même temps que les ‘courageux’. Ce qui n’empêcha pas la mère de la mariée de râler sur le fait que sa voiture était trop petite. Emy se retint de lui dire ce qu’elle pensait et s’écarta du groupe pour téléphoner. Une sonnerie, puis deux, puis trois et enfin. « Allo ! » — Bonjour, je suis Emy, on ne se connait pas, je suis une amie de Julie et je dois venir vous chercher à Cork. — Ah c’est gentil ça. — Seul souci c’est que je ne connais pas votre heure d’arrivée. — 12h30. — Bien. Comment fait-on pour se reconnaitre ? — Si tu n’as pas changé depuis les 27 ans de Caroline je dois pouvoir te reconnaître, au pire j’ai ton numéro de portable maintenant. — Très juste. A tout à l’heure. — A toute. Emy raccrocha en se disant qu’elle au moins avait l’air bien réveillée. Elle alla trouver Julie pour savoir si elle pouvait aller dans le centre de Cork maintenant ou si elle devait faire autre chose avant. Après avoir emprunté une carte du centre elle prit la route. De son coté Al souriait. *Merci Julie ! *Emy en personne venait la chercher. Elle l’avait tout de suite remarquée sur les photos et les films que Julie lui avait montrés après ses deux derniers voyages en France. Elle ne la connaissait qu’à travers les histoires de son amie. Elle avait été attirée par ses yeux bleus, par ses fossettes qui se creusaient sur ses joues quand elle souriait, par le coté indiscipliné de ses cheveux comme si quelqu’un venait d’y passer sa main pour les ébouriffer. Elle avait aimé aussi le côté réservé qui transparaissait sur certaines photos prises à la dérobé. Julie l’avait jugée parfois distante, Al avait appelé ça de la réserve. A chacun sa manière de voir. Elle avait pressé Julie de questions pour en apprendre le maximum. Mais elle s’était rapidement rendue compte que Julie ne connaissait que les grandes lignes de la vie d’Emy. Dans trois heures, elle allait la voir en chair et en os. *** Emy referma le coffre de la voiture et refit une dernière fois le point sur la liste des courses. Elle avait tout, même le ballon gonflé à l’hélium qu’elle avait attaché à la ceinture de sécurité du siège arrière. Il ne lui restait plus qu’à trouver le chemin de la gare routière et elle avait vingt minutes pour le faire. Elle paya le parking, sortit, tourna à droite passa sur le pont, tourna de nouveau à droite, remonta le quai, attendit au feu, prit le pont suivant et arriva sur le quai opposé juste devant la gare routière, elle trouva une place devant. Il était 12h30 pile. Plus elle se rapprochait de Cork plus Al sentait son cœur s’accélérer alors que dire quand le bus se gara et qu’elle descendit. Elles étaient dans la même ville et bientôt face à face. Elle prit son sac que le chauffeur venait de poser sur le trottoir. Elle avança et la vit, appuyée sur l’aile avant de sa voiture, les bras croisé, elle ne souriait pas mais ne faisait pas la gueule non plus, elle avait l’air sérieuse, attentive au gens autour d’elle. Al s’approcha en souriant. « Tu dois être Emy. » — J’en conclus que vous devez être Alexian. — God ! La dernière personne à avoir utilisé mon prénom complet c’était ma mère et je devais avoir 11 ans. Appelle-moi Al et tutoie-moi. — Je vais essayer. Al fut étonnée du geste d’Emy, elle lui prit son sac pour le ranger sur le siège arrière. « Merci. » — Pourquoi ? — Pour le sac, pour être venue me chercher, pour être à l’heure. — De rien. Et attends que l’on soit rentré avant de me remercier. Pas sûr que je retrouve le chemin. Elles prirent place toutes les deux dans la voiture. Emy regarda une dernière fois Al avant de démarrer. Al ne pouvait s’empêcher de regarder Emy. Elle dût se concentrer sur le paysage pour ne pas continuer et se faire remarquer. Il ne leur fallut pas longtemps pour rentrer et encore moins pour que Julie arrive à leur rencontre en courant. Cette dernière serra Al dans ses bras. « Tu as fait bon voyage ? » — Oui nickel à part quelques travaux sur la route mais bon quand tu te fais conduire c’est moins fatiguant. Emy les écoutait d’une oreille distraite. Elle ne pouvait s’empêcher à son tour de regarder celle qu’elle était allée chercher à la gare. Elle devait mesurer 1m65, brune, les yeux verts, les traits de son visage montrait qu’elle devait beaucoup sourire. Elle avait l’air énergique, un peu pile électrique. Il y avait quelque chose qui… Non, Elle arrêta son esprit là. Hors de question qu’il se passe quelque chose ici. Elle ne craquerait pas pour cette exilée française. Les longues distances, elle avait déjà donné et ne voulait plus replonger là-dedans. Elle voulait une vie simple. Enfin simple selon son mode de simplicité. Et puis rien ne lui disait qu’Al était Lesbienne mais la petite voix de son intuition lui soufflait que oui peut être et que… STOP. Non. Emy attrapa un petit sac en plastique qu’elle avait posé sur le tableau de bord et le donna à Julie. « Tiens c’est ce que tu m’as demandé. Le reste, je l’emmène à la salle. Il y a quelqu’un sur place ? » — Oui, Ryan, Patrick et Ti. — Je ne sais pas qui ils sont mais je vais me débrouiller. Je vous laisse à plus tard. — Oui à plus. Emy partit, Julie se tourna vers Al. « Alors ? » — Alors quoi ? — Ne joue pas à ça. — A quoi ? — Tu sais très bien. — Qu’est ce que tu veux que je te raconte. Le trajet jusqu’ici dure au plus un quart d’heure. Je pense qu’il faudra un peu plus de temps pour la faire craquer. — Elle te plaît toujours autant en vrai qu’en photos ? — Encore plus. Elle dégage un truc. Je sais pas quoi mais je n’ai envie que d’une chose, me blottir dans ses bras. Tu ne sais toujours pas si elle a quelqu’un dans sa vie ? — Je lui ai demandé si elle venait accompagnée, elle a tout de suite répondu non. — C’est encourageant. Bon qu’est qu’on fait maintenant ? — On va aller à la salle pour récupérer Emy qu’elle t’emmène à ton B&B. — J’ai le même qu’elle ? — Non tu es dans celui de Caro et les autres. Désolée il n’y avait qu’une chambre dans le sien. — Dommage. *** Emy était debout sur un fût de bière en train d’essayer de faire tenir la grappe de ballon dans le coin du mur. Elle qui espérait que son voyage en Irlande lui permettrait de se reposer, commençait à se dire que c’était mal parti. Elle enleva sa main et croisa mentalement les doigts pour que ça tienne. « C’est super ce que vous avez fait. » Emy se retourna pour voir Julie et Alexian qui l’observaient. « Tu es très douée Emy. C’est beaucoup plus gai et festif maintenant. » — Merci Alex. — Alex ? Intéressant. — Pardon tu n’aimes peut être pas. — J’ai rien contre, j’ai jamais compris pourquoi les gens m’avait surnommée Al plutôt qu’Alex. Mais si ça t’empêche de m’appeler Alexian continue. Alex appuya ses dires d’un grand sourire. Emy ne sourit pas vraiment mais quelque chose changea imperceptiblement dans son regard. Elle la vit détourner les yeux quand Julie enchaîna. « Tu as fini ici ? Tu peux accompagner à nouveau Matthew à l’aéroport pour aller chercher Marie, Caro et les autres ? » — Pas de problème. Elle avait sauté de son perchoir atterrissant sans bruit et en souplesse sur le sol. « Je prends mes clés, mes papiers et je vais retrouver Matty. » — Je peux venir avec toi ? — Si tu veux Alex. Ils sont bien cinq c’est ça Julie? — Oui. — Tu me suis ? — Où tu voudras. Mais cette dernière réplique Emy ne l’avait pas entendue. Le mariage était pour demain et Marie avait proposé d’aller dans un pub pour que Julie passe sa dernière soirée de femme non mariée avec ses amies. En fait d’amies, il y avait tous les ‘français’ ce qui incluait sa famille et les deux amis de la fac de Julie. Ils étaient quinze et prenait toute la petite salle du fond. Emy était assise sur la banquette dans le coin, elle écoutait les conversations ne parlant que quand on lui posait une question. Alex était assise un peu plus loin. Elle se leva pour aller chercher une nouvelle tournée mais Julie l’arrêta prétextant payer la sienne. La future mariée la repoussa légèrement ce qui la déséquilibra et elle tomba assise sur les genoux d’Emy. « Je suis désolée. » — Y’a pas de mal. Tu es plutôt poids plume, ça va. — Merci, je prends ça comme un compliment. — Tu peux. Alors qu’elle s’apprêtait à se remettre debout, elle capta le sourire et le regard moqueur de Julie près du comptoir. Elle lui répondit d’une mimique voulant dire ‘bien joué mais qu’en même’. Elle rejoignit Julie qui attendait leur commande. « Alors c’était comment ? » — Très agréable. Elle a les mains super douces. — Si tu le dis. Je sais par contre qu’elle masse très bien. — Comment tu sais ça toi ? — C’est Caro qui me l’a dit. — Et comment Caro le sait ? — T’inquiète pas il ne s’est rien passé entre elles. Le lendemain d’une soirée en boîte trop tonique pour Caro, elle avait les cervicales et le dos en compote et Caro étant une petite nature, Emy lui a fait un massage. — Intéressant… Emy luttait pour garder les yeux ouverts, il était plus de 2 heures du matin et bien que le pub soit fermé, la soirée était devenue privée et le barman était maintenant à leur table. D’habitude, elle tenait sans dormir beaucoup mais depuis une semaine elle avait du mal à tenir la distance. Elle ne rêvait que d’un truc : retrouver son lit. « Ça va ? » — Pardon ? Emy releva la tête pour croiser le regard d’Alexian. — Ça va ? Tu avais l’air ailleurs. — Ça va Alex merci. J’ai juste un peu mal à la tête. — Tu veux quelque chose ? — Non c’est bon merci. Ça ira mieux demain. — On ne peut pas accuser la bière, tu n’en bois pas. — Je vais peut être commencer. — Toi saoûle, j’ai du mal à me l’imaginer. Ça ne colle pas vraiment à ton style. — Mon style ? — Trop tard pour en discuter… Une prochaine fois… Emy regarda Alex repartir comme elle était arrivée. Cette fille la déstabilisait et elle n’aimait pas beaucoup cela. Son père lui avait appris à toujours maîtriser les choses mais depuis le matin certaines choses lui échappaient. Elle posa sa tête dans ses mains. « Emy ? » — Oui Julie ? Elle lui avait répondu sans relever la tête. « Tu peux ramener mes parents, je crois qu’ils sont un peu pintés. » — Un peu ? T’es gentille là. — Ça ne te dérange pas ? — Non. J’y vais. — On se voit demain. — Plutôt tout à l’heure. Alex la regarda partir soutenant la mère de la mariée. Elle avait vraiment beaucoup de patience. Pour ça part elle aurait déjà envoyé promener Julie et toute sa famille depuis longtemps. Mais elle n’était pas Emy et c’était sûrement pour ça que Julie ne lui demandait rien d’autre que d’être l’amie ‘futile’ qui ne gérait rien de grave. Leur relation était bien différente basée sur les sorties au pub, les virées shopping, les soirées parlottes. Elles se connaissaient depuis l’arrivée de Julie en Irlande voici six ans. Elle y était depuis ses 18 ans. Elle allait fêter bientôt ses dix ans de présence au pays du trèfle. Dix ans qu’elle avait quitté la France sur un coup de tête. Elle avait pratiquement toujours pris les décisions importantes de cette manière. A bien ou à mal. Mais elle se doutait qu’Emy était loin de fonctionner de cette manière. *** | |
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| Sujet: Re: Mouvement perpetuel Dim 21 Aoû 2016 - 19:35 | |
| 2- Dublin Emy avait l’impression que la musique tapait dans sa tête. Il fallait qu’elle trouve une aspirine sinon elle ne tiendrait pas jusqu’à la fin. La cérémonie avait été traditionnelle et longue. Pour elle qui ne croyait en aucun Dieu, ni aux valeurs de la religion, le discours et les sermons échangés lui avaient paru très mielleux mais elle avait appris à ne pas juger. Elle était bien placée pour savoir ce que provoquait le jugement des gens. Elle se retourna et faillit se heurter à Alex. « Pardon. » — Y’a pas de mal. Tiens bois ça. — Qu’est ce que c’est ? — Une aspirine. — Oh ! Merci. — J’ai remarqué que tu n’arrêtais pas de te masser le front, comme hier au pub. J’en ai conclu que tu avais à nouveau mal à la tête. — Bien conclu. — Tu as souvent mal ? — Non. J’ai juste un peu trop travaillé avant de venir ici et le fait de décompresser provoque ça. — Décompresser ? Julie te fait courir partout et tu appelles ça décompresser ? Tu es surprenante. — C’est différent de ce que je fais d’habitude. — Tu fais quoi d’habitude ? — Je développe des programmes informatiques. — Des jeux ? — La plupart du temps. — J’adore les Sim’s. — Moi aussi. — Tu veux sortir prendre l’air ? — Pas de refus. Elles sortirent sur l’arrière de la bâtisse et firent quelques pas dans le jardin. La nuit n’était pas encore tombée malgré l’heure avancée. Alex n’aimait pas les silences si bien qu’elle engagea à nouveau la conversation. « Je te préfère en Jeans et en chemise. Tu étais bien en robe mais comme ça… Je ne sais pas… C’est plus toi. » — Je suis mieux dans cette tenue. Il y eu un autre silence avant qu’Alex entende : « Ta petite robe te va très bien. » — Merci. Mais pas très adaptée aux soirées de juin en Irlande. — Pourquoi ? Elle la vit frissonner. « Tu as froid ? » — Un peu mais c’est rien, je… — Attends. Et là, Alex fut surprise de voir Emy enlever sa chemise blanche et la poser sur les épaules. Elle était maintenant en jeans et t-shirt noir. « Merci. Mais tu ne vas pas avoir froid ? » — Non. Ne t’inquiète pas. Ça va mieux de ton coté ? — Parfait. Le tissu était encore plein de la chaleur du corps d’Emy et si elle avait été seule Alex aurait plongé le nez dans le col pour respirer le parfum de la brune. Elles étaient rentrées en entendant les clameurs qui annonçaient le gâteau de mariage. Quelques instants plus tard, Julie se glissa aux cotés d’Alex. « Alors ça se passe bien ? » — Ça va. — Ça va ! C’est tout ? Tu crois que je n’ai pas remarqué que tu portes sa chemise, qui soit dit en passant va très bien avec ta robe noir et que vous vous êtes pas quittées depuis un bon moment. Où est-elle d’ailleurs ? — Partie chercher à boire. — Hum… — Ne t’enflamme pas, rien n’est fait. Elle n’est pas facile à attraper. — Je t’avais prévenue. — Je sais. — La revoilà, je me sauve. Bonne soirée… Quatre heures du matin, Emy sortait de la salle soutenant Caro complètement saoûle. Derrière suivaient Marie et Chloé qui rigolaient pour une chose qu'elles seules pouvaient comprendre. Alex fermait la marche. Emy ignorait où se trouvait les autres et s’en moquait un peu. Elle ouvrit les portes de sa voiture et ‘chargea’ son paquet sur le siège arrière. Marie et Chloé s’installèrent et Alex prit place sur le siège passager. Emy ramena tout le monde au B&B. Une fois les trois filles éméchées rentrées, elle resta seule avec Alex devant la maison. Elle était assise sur l’aile avant de la voiture. « Ça a l’air d’être une habitude. » — Quoi donc ? — T’asseoir la. — Oh ! Oui. — Tu me fais une place ? Elle se décala un petit peu sur la carrosserie. « Pas de problème. » — Merci. Alex s’appuya sur la cuisse d’Emy pour s’installer. Tout son coté droit était collé au côté gauche d’Emy. Elles étaient la sans rien dire l’une en t-shirt et jeans, l’autre en petite robe d’été noir et chemise blanche. Toutes les deux dans la fraîcheur du matin. « Tu fais quoi tout à l’heure ? » — Je pars pour le Rock of Cashel en fin de matinée. J’aimerais le visiter. J’ai réservé dans une auberge de jeunesse pour la nuit. Et toi ? — Moi je prends le bus pour Dublin à 11h00. Je bosse lundi. J’ai pu déplacer mes rendez vous du reste de la semaine mais pas tous ceux de lundi. — Tu fais quoi comme métier ? — Kiné. Tu reviens à Dublin quand ? — Lundi soir, normalement. Je dois retrouver la bande de joyeux lurons chez Julie. — Ok. — Tu frissonnes, tu devrais rentrer te mettre au chaud avant d’attraper la crève. — Tu as raison et puis je suis claquée. Bonne nuit Emy. — Bonne nuit Alex. Alex lui fit une bise sur la joue avant de sauter de son perchoir et de rentrer dans la maison, se retournant sur le seuil pour faire un dernier signe à la fille qui allait sûrement peupler ses rêves. *** Assise devant son petit déjeuner, Emy écoutait d’une oreille distraite les infos à la télévision. Son esprit essayait de se souvenir du rêve de sa courte nuit. Mais elle avait beau essayer quand elle semblait enfin tenir une image celle-ci disparaissait, se dissolvait avant qu’elle est pu la saisir. Elle paya son B&B, salua la maîtresse de maison et mit son sac dans le coffre avant de prendre la route. Alex eût du mal à cacher sa surprise et son plaisir de voir Emy garée devant son B&B. « Qu’est ce que tu fais la ? » — Je me suis dis que je pouvais te déposer à la gare en partant. — C’est gentil ça. — C’est normal. — Merci. Elles voyagèrent en silence. Alex se faisait des nœuds au cerveau pour trouver un sujet de discussion mais elle était en panne sèche. Cette fille la rendait nerveuse et elle, d’habitude si à l’aise avec n’importe qui, perdait partiellement ses moyens face à Emy. Devant la gare routière, elles sortirent toutes les deux de la voiture, Emy sortit le sac de sa passagère du coffre et quand elle se retourna, elle se trouva face à Alex. Cette dernière se rendit compte qu’Emy était plus grande qu’elle. Elle devait relever la tête pour la regarder dans les yeux. Elles se fixèrent un moment puis Alex retrouvant ses impulsions, déposa un baiser sur la joue d’Emy et lui sourit avant de partir vers son bus. Elle se retourna et lui lança. « A lundi soir ! » — Lundi soir ? — Tu dors chez moi. Julie ne te l’a pas dit ? Et sur ces derniers mots, elle disparut entre deux bus. * Julie je vais te tuer ! * Il avait fallu un peu plus d’une seconde à Emy pour assimiler les mots d’Alex. Elle avait voulu répondre mais Alex avait disparu. Et depuis, elle n’avait qu’une envie étrangler Julie. Elle allait devoir dormir chez Alex. Elle avait bien compris qu’Alex était gay et vu le comportement de Julie il n’était pas bien difficile de deviner qu’Alex avait des vues sur elle. Et elle n’était pas insensible au charme de l’Irlandaise. « Et merde ! » *** Elle se gara sur le parking de son auberge de jeunesse, régla le côté administrative et marcha jusqu’au Roch of Cashel. * Hors de question que ça recommence. * Suite aux nombreux déménagements dus au travail de son père, Emy avait très vite appris à quitter ses amis et au final à ne plus vraiment s’en faire. Elle avait fait en sorte de ne rien construire avec personne. Mais elle s’était faite rattraper à vingt ans par une jolie blonde du côté de Saint Petersbourg. Elle était la fille d’un diplomate Russe et d’une écrivaine Anglaise. Emy avait accompagné son père suite au remariage de sa mère. Elles s’étaient rencontrées sur les bords de la Volga. Emy faisait du vélo sur les quais, un enfant voulant rattraper son ballon avait déboulé devant sa roue, pour l’éviter elle avait fait un écart qui l’avait mis face à Yelena et un autre qui l’avait fait passé par-dessus un buisson. Après deux trois roulades, elle avait ouvert les yeux sur la jeune femme et son sourire. Une fracture du poignet et quelques semaines plus tard, elles étaient devenues très proches. Yelena faisait exprès de mettre des mots russes dans ses phrases en anglais pour la dérouter et lui apprendre sa langue. La jeune Russe avait joué la carte de la fragilité pour la séduire et Emy était tombée dans le panneau. Leur histoire avait duré 8 mois et puis Yelena était partie pour Moscou, Emy ne l’avait pas suivie. Aujourd’hui encore, elle ne savait pas pourquoi elle était restée à Saint Petersbourg. Pendant deux mois elle avait fait des allers-retours entre les deux villes. Et puis, elle avait du rentrer en France. Elles s’étaient écrit pendant longtemps. Elles s’étaient vues à Berlin. Emy avait même fait plusieurs voyages en Russie. Jusqu’au jour où elles s’étaient retrouvées à Genève en Suisse. Là, Yelena lui avait annoncé la fin de leur histoire. Elle avait rencontré quelqu’un d’autre. Après une période qu’elle souhaitait oublier, Emy s’était plongée à fond dans son travail et s’était un peu plus fermée aux autres. Elle n’avait pas vécu une vie de bonne sœur jusqu’à maintenant mais n’était plus tombée amoureuse. Plusieurs filles avaient partagé ses nuits de sortie et son lit mais aucune n’avait su toucher son cœur. Jusqu’à aujourd’hui… * Pfff… Pense à autre chose. * *** Alex était dans son appart, elle était rentrée depuis trois heures. Elle avait déjà eu Julie au téléphone pour lui raconter la fin de soirée d’hier et ce qui s’était passé ce matin. Elle était maintenant devant son ordinateur pour transférer les photos et le film du mariage. En les regardant défiler, elle se rendit compte qu’elle en avait pris beaucoup d’Emy. Elle s’arrêta sur une où elles étaient toutes les deux en train de parler face à face, ce devait être Julie qui l’avait prise. Une autre prise à la dérobée montrait Emy comme Alex la voyait. Elle donnait l’impression d’être là sans être là. Son regard semblait voir plus loin, autre chose. Elle aurait aimé savoir à quoi elle pensait à cet instant. Elle brancha le caméscope numérique et lança le transfert. Elle sourit en entendant à nouveau le discours d’Emy au cours du repas. « Julie quand on s’est connu, jamais je n’aurais imaginé que l’on se retrouverait ici en Irlande pour célébrer ton mariage. Pas que je doutais que tu trouves ta moitié un jour mais tu étais si attachée à ton pays… En maternelle, je me souviens d’une petite fille avec des couettes, qui passait son temps à jouer avec le téléphone. En primaire, tu prenais un malin plaisir à jouer à des ‘jeux de fille’, en plein milieu du terrain de foot. Plus tard, je me souviens de tes grands discours féministes, de ton passage macrobiotique, de tes interrogations sur ton avenir… Au final, pour ne pas te perdre, tu as eu le courage de partir pour te trouver. Et au passage trouver ton homme. Tu as fait preuve d’énormément de courage pour venir ici. Je ne te cacherais pas mon étonnement quand j’ai reçu ton invitation. Et mon envie de t’étrangler quand j’ai lu que tu me voulais comme demoiselle d’honneur et que je devais porter une robe. Mais on ne se marie qu’une fois. Normalement ! Alors pour cette journée spéciale tous les sacrifices sont de rigueur. Pour finir je ne dirais qu’une chose : soyez les plus heureux du monde. Aux mariés !… » Elle avait fait son discours en français et en anglais et avait à la fois ému et fait rire toute l’assemblée. Alex était à cet instant encore touchée par ses mots. Même si c’était un discours préparé, elle avait le sentiment d’avoir découvert une nouvelle facette de la jeune femme. Elle laissa tourner et alla dans la cuisine. *** Assise sur le muret dans l’enceinte de l’édifice imposant de pierres grises, Emy avait sorti son carnet de croquis et dessinait. Elle avait toujours aimé le dessin et comme la lecture cela lui permettait de se vider la tête. Sur le papier l’on pouvait voir la croix celtique qui se trouvait dans le cimetière, ainsi que la tour ronde vestige le plus ancien. Alors que son crayon glissait sur la feuille, elle se rendit compte que le visage d’Alex apparaissait. * Mais ce n’est pas vrai.* Elle serra si fort son crayon à papier qu’elle le cassa en deux. Elle releva la tête et laissa son regard filer vert l’horizon. Il fallait qu’elle pense à autre chose hors de question de recommencer. Elle ne voulait pas revivre ça. Elle resta assise sur le muret jusqu’à la tombée de la nuit et la fermeture du site. Elle avait laissé son imagination vagabonder et sous les traits noirs du crayon étaient apparus des personnages du monde de la faërie : des gnomes, des lutins, des elfes, des fées, des trolles. Tout un monde, son monde, qu’elle gardait secret car personne ne pouvait comprendre qu’une jeune femme aussi sérieuse et pragmatique qu’elle pouvait aimer inventer de telles choses et croire en de telles sornettes. Mais elle aimait ce monde invisible, ce monde de légendes. Chez elle, elle en avait de pleines étagères allant du livre de contes, aux légendes, en passant par les dictionnaires. Il y avait des figurines aussi, des dessins d’auteurs célèbres et plein d’autres supports. De retour à l’auberge de jeunesse, elle se fit à manger puis sortit son ordinateur portable et commença à travailler. Quand elle rabaissa l’écran la nuit avait englouti tout ce qui l’entourait. A travers la porte fenêtre face à elle, elle ne voyait plus rien de la cour et encore moins des ruines de l’abbaye de l’autre coté de la route. Elle n’avait pas vu les heures passer. Quand elle se coucha, pas un bruit ne se faisait entendre comme si le monde s’était tu. *** Sur la route du retour, Emy avait fait une halte à New grange, site touristique situé au nord ouest de Dublin. Elle avait fait un tour dans le musée puis suivi la visite guidée dans le tumulus. Elle était fascinée par le pouvoir de la lumière et le génie des gens du temps passé qui sans les outils actuels étaient arrivés à construire de grandes et belles choses. Pour se rendre chez Julie, il fallait viser Crock Park le plus grand stade de Dublin, elle habitait presque dans le parking. Quand Emy sonna, elle entendit des rires et une cavalcade. Julie lui ouvrit. « Te voilà enfin, on commençait à s’inquiéter ! » — Désolée, j’ai un peu traîné en route. — Entre, on était entrain de choisir où on allait commander à manger. — Je te suis. Dans le salon, elle retrouva toute la bande… Plus Alex. Tous assis autour d’une table basse où des verres cohabitaient avec des trucs à apéritif « Vas-y, il reste une place près de Al. » — Merci. Emy traversa la pièce et plia son mètre soixante quinze pour s’installer sur le coussin que lui avait attribué Julie. « Salut Emy » — Salut Alex. — Tu t’es bien baladée ? Tu as pu voir ce que tu voulais ? — Oui. — Tu as vu quoi ? — Rock of Cashel, New Grange et je suis revenue par la côte en passant par Howth. — La côte est belle. — Oui j’irai surement m’y balader à pied. — Quand ? Alex n’eut pas sa réponse car Julie les interrompit. « Emy, tu veux manger quoi ? » — Ce que tu veux tant que ce n’est pas du poisson. — Tu n’aimes pas le poisson ? — C’est lui qui ne m’aime pas. Je suis allergique. — C’est une bonne excuse pour ne pas en manger. Un autre court silence puis : « Bon alors chinois pour tout le monde ? C’est bon ? Adjugé, vendu ! » Entre nems, riz cantonais, viandes variées, Alex ne pouvait s’empêcher d’admirer la dextérité avec laquelle Emy maniait ses baguettes. « Où as-tu appris à manger avec des baguettes ? — Au pays des baguettes. — Parce qu’il y a un pays des baguettes ? — L’Asie… — Tu es allée en Asie ? — Oui. — Où ? — Dans plusieurs pays. — Quand ? — Il y a quelques années avec mon père. La discussion n’alla pas plus loin car Julie venait de lancer un appel au mouvement direction le pub où ils devaient continuer la soirée. Emy était entrain d’enfiler sa chemise qu’elle avait ôtée pendant le repas quand Julie arriva derrière elle. « Au fait, tu vas aller chez Al tout de suite avec ta voiture ça t’évitera de revenir ici tout à l’heure pour la récupérer. » Emy n’eut même pas le temps de penser à répondre que Julie filait vers la porte en lui lançant : « On se retrouve au pub. Al sait où c’est. — J’en doute pas…murmura sarcastiquement Emy. Elle sortit donc et attendit Alex près de sa voiture. Une fois la jeune femme installée dans l’habitacle, elle lui demanda : « Tu me guides ? — Pas de problème, tu n’auras qu’à prendre à droite sur la North Circle. — Ok. C’est loin ? — Moins de cinq minutes en voiture. — Ok. — Au feu à gauche. Puis tout droit jusqu’à ce que tu ne puisses plus. — Je vais croiser O’Connel Street, non ? — Oui. Tu as l’air de bien te repérer. Elles étaient arrivées au bout de la route. « A gauche puis la première à droite et l’entrée du parking privée sera sur ta droite ma place est la numéro 8. Tu pourras te garer dessus. » — Et ta voiture ? — Je n’en ai pas. — Ah ? — J’habite dans le centre et je vais au boulot en bus. Quand j’ai besoin d’une voiture j’emprunte celle de Julie ou alors si c’est pour partir loin j’en loue une. — C’est une solution. — Et toi tu as une voiture à Lyon ? — Oui. Pour l’instant, elle est sur le parking de l’aéroport de Grenoble. — Tu as quoi comme voiture ? — La même que celle-là… Mais avec le volant de l’autre coté. Emy la regarda avec une petite lumière moqueuse dans les yeux et son demi-sourire et Alex eut l’impression de découvrir l’espace d’un instant une nouvelle facette d’elle. Arrivée dans l’appartement, Alex lui indiqua là où elle pouvait poser son sac. Emy se retrouva dans la chambre. Elle en fit le tour du regard. Il y a avait une grande fenêtre face à la porte, une armoire à droite et au milieu de la pièce contre le mur un lit deux place. Elle posa son sac dans un coin. Il lui restait de la vie avec son père, une rigueur toute militaire. Rien ne devait traîner, tout devait être rangé. La décoration de la pièce était assez personnelle et elle doutait de se trouver dans la chambre d’ami. Elle en était là de ses réflexion quand Alex revint. « Ca ne te gêne pas que l’on partage le même lit ? Je n’ai qu’une chambre et le canapé n’est vraiment pas confortable. » — Si tu veux je peux dormir dans le canapé ça ne me gêne pas. — Oh non je ne te ferai pas ce coup-là. Tu risques de ne pas te relever demain et ton mètre quatre vingt ne rentrera pas dedans. — Un soixante quinze ça suffit. — Si tu le dis. Enfin si ça te dérange que l’on dorme ensemble je prendrai le canapé. — Non c’est bon. Tant que tu ne prends pas toute la place. — Je vais essayer. — Trop aimable. Alex aimait quand elle faisait ça, désamorcer des situations un peu tendues par des répliques humoristiques. Il est vrai qu’elle avait un peu appréhendé sa réaction face à la nouvelle de partager son lit. Mais comme d’habitude, elle avait l’air de s’accommoder de tout. « Je te fais le tour du propriétaire et ensuite on ira rejoindre les autres avant qu’ils pensent que je te séquestre ? » — Je te suis. — Bien. Alors là tu as le salon, au fond, la cuisine. Elle n’est pas bien grande mais vu que j’y passe peu de temps ce n’est pas très grave. Et ici tu as la salle de bain. La serrure est cassée et vu que d’habitude je suis toute seule ça ne me gêne pas. On aura qu’a se prévenir quand on utilisera la salle de bain. — Ok. — Bien, tu as tout vu. On y va ? — Passe devant. Dix minutes plus tard, elles avaient retrouvé les autres. Alex était allée au bar leur commander deux pintes. En revenant, elle prit place à coté d’Emy. « Tiens ton coca. » — Merci. — Ça t’arrive de boire autre chose ? — Oui. Du jus de fruit, de la limonade et d’autres sodas. — Jamais d’alcool ? — Non. — Jamais, jamais ? — Tout dépend si tu classes le cidre dans les alcools. — Heu non, c’est comme du champomy. — Alors non je ne bois jamais d’alcool. — Impressionnant. Pourquoi ? — Choix personnel. Sur cette réponse, Alex compris au ton d’Emy qu’il y avait quelque chose là-dessous. Mais elle n’insista pas. Elle se doutait que si elle n’avait pas envie de parler de certaines choses, elle n’arriverait pas à lui décrocher un mot. Julie se leva et vint vers elles. « Alors Emy, comment tu trouves l’appart d’Alex ? » — Sympa. — Tu verras, tu vas y faire de beaux rêves. Emy regarda Julie d’une manière très bizarre. « Julie, je peux te parler en privé ? » — Maintenant ? — Oui maintenant, s’il te plaît. Elle était polie mais son regard ne laissait pas la place de dire non. Julie suivit Emy et Alex se demanda ce qui allait se passer. Emy entraîna Julie jusque sur le trottoir. « A quoi tu joues ? » — Comment ça ? — Arrête Julie, je te vois venir avec tes gros sabots. Qu’est ce que tu cherches à faire ? — A ce que tu profites de la vie. — Je n’ai pas besoin de toi pour profiter de ma vie. — Ah oui ? Ta dernière petite amie remonte à quand ? — La veille de mon départ pour venir ici. — Non je ne te demande pas la dernière personne avec qui tu as couché. Je te demande la dernière personne pour qui tu as eu des sentiments. Emy ne répondit pas mais son regard vira un peu plus au foncé. « Ne me lance pas se regard, ça ne changera rien au fait que Al est là, qu’elle t’apprécie et qu’elle ne te laisse pas insensible. Et ne dit pas le contraire. » — Julie, on ne vit pas dans le même pays. Comment tu peux espérer que ça tienne le choc. Ce que tu me proposes n’a rien de différent de ce que je vis d’habitude et j’ai pour règle de ne pas mélanger mes amies et mes relations. — Et ben il va falloir que tu changes tes règles car là tu vas perdre. — Va te faire voir Julie. — Je sais mais tu sais que j’ai raison. — Non. — Tu sais que tu es butée parfois. Laisse toi aller pour une fois. — Ne compte pas là-dessus. Emy tourna le dos à Julie et rentra. Elle alla reprendre sa place au près d’Alex. « Il y a un problème ? » — Non pas du tout. — Tu es sure ? — Oui. Profitons de la soirée. Julie qui s’était elle aussi rassise sur sa chaise, leva sa pinte vers Emy qui fit de même avec un sourire qu’Alex trouva très polaire. Vers une heure du matin, tous était sur le trottoir de Temple Bar. Certains et surtout certaines avaient les yeux un peu trop brillants. Alex et Emy qui ne partaient pas du tout dans la même direction que les autres, les quittèrent ici pour rentrer se mettre au lit. Emy ne souhaitait qu’une chose poser la tête sur un oreiller et dormir. Alex était impatiente de partager son lit avec son ‘invitée’. Après un détour par la salle de bain, Emy arriva dans la chambre vêtue d’un short long et d’un t-shirt sans manche. Alex ne put s’empêcher de regarder ses bras. Elle était musclée. Pas un monstre comme les sœurs Williams en tennis, mais juste ce qu’il fallait, juste dessiné sous sa peau. *Si elle a les abdos qui vont avec… hummmm.* « Tu as encore besoin de la salle de bain ? demanda Alex. » — Non c’est bon merci. — Alors je vais y aller à mon tour. Tu as besoin de quelque chose ? — Juste de savoir de quel coté tu dors, à gauche ou à droite ? — Du coté de la porte. — Ok. Alex regarda Emy faire le tour du lit pour aller du côté de la fenêtre et s’asseoir sur le matelas. Elle se força à détourner les yeux et à aller se brosser les dents. Quand elle revint dans la chambre, Emy était déjà sous la couette, couchée sur le côté, tournée vers l’extérieur du lit. Alex prit sa place en se calant moins au milieu du lit qu’elle le faisait habituellement. « Bonne nuit Emy » — Bonne nuit. Alex se releva à moitié pour atteindre l’interrupteur et éteindre la lumière. Dans le noir elle se tourna vers le dos d’Emy et se concentra sur le rythme de sa respiration. *** Le matin les surprit enlacées. Dans son sommeil Alex avait migré vers le côté du lit d’Emy et cette dernière avait fait un quart de tour pour se retrouver sur le dos. Si bien qu’à présent Alex avait la tête posée sur l’épaule d’Emy, un bras en travers de son ventre et sa jambe gauche pliée permettait à son genou de reposer sur la cuisse droite d’Emy. De son côté Emy avait un bras autour des épaule d’Alex et sa main droite sur sa hanche. Emy se réveilla la première, étonnée de sentir un poids sur elle. Il lui fallut quelques secondes pour remettre les choses en ordre et se souvenir qu’elle était dans le lit d’Alex et que celle-ci était couchée sur elle. Elle ne bougea pas pour autant. En partie parce qu’elle ne savait pas quoi faire. Elle avait envie de la repousser car elle sentait que cette histoire allait être compliquée mais en même temps elle aimait le contact du corps d’Alex. Elle se retint de soupirer de peur de la réveiller. Elle avait encore besoin de temps pour réfléchir. Alex de son côté, avait sentit le changement de rythme de la respiration d’Emy, ce qui l’avait tirée des dernières limbes de son sommeil. Elle appréhendait la réaction de la jeune femme. Elle n’osait pas bouger. Elle gardait les yeux fermés et faisait semblant de dormir. Elle sourit intérieurement en se disant que le subconscient faisait bien ce qu’il voulait vu où elle était actuellement. Et qu’il était plutôt effronté car il était allé jusqu’à lui faire poser sa main sous le t-shirt d’Emy en contact direct avec la peau de son ventre. Elle était tellement bien là. Elles restèrent encore un moment dans cette position. Jusqu’à ce qu’Emy lasse de réfléchir sans trouver de solution et étant à deux doigts de réveiller Alex pour l’embrasser, commença à bouger. Faisant mine de découvrir l’état de la situation, elle secoua légèrement Alex. « Alex réveille toi. » Alex joua son rôle aussi. Et c’est feignant la voix ensommeillée qu’elle répondit : « Hein ? Quoi ? Qu’est ce qu’il se passe ? » — Tu es couchée sur moi — Hein ? — Ton subconscient a du me prendre pour quelqu’un d’autre. Ton ours en peluche préféré ou quelque chose du genre. — Ça doit être ça. Excuse-moi. — Y’a pas de mal. Alex et Emy savaient qu’elles étaient d’une mauvaise foi notable. Alex roula pour rejoindre son côté du lit et pour rompre le silence demanda. « Quelle heure il est ? » — Neuf heures. — Oh mais c’est trop tôt. Je suis en vacances. — On a rendez vous à dix heures trente avec les autres pour aller à la plage. Tu te souviens Julie a organisé ça hier au pub. — Mouais mais j’ai d’abord besoin d’un café et d’une douche ou d’une douche et d’un café je ne sais pas trop dans quel ordre. — Va prendre ta douche, je vais faire le petit déjeuner. J’irai me laver après. — Ok. Le café est dans la boîte en fer avec écrit dessus ‘café’ — C’est assez logique. — C’est vrai. Alex regarda Emy se lever et en profita pour admirer ses jambes tout comme ses bras la veille elle les trouva musclées comme il fallait. Elle ne voyait que ses mollets et un peu au dessus de ses genoux mais elle devinait les attaches de ses muscles et ce qu’elle voyait lui plaisait. Son métier de kiné l’avait amenée à voir toute sorte de corps et de musculatures et elle reconnaissait avoir une préférence pour les corps féminins toniques et musclés avec raison. Elle avait senti sous sa main posée sur le ventre d’Emy ses abdominaux et d’un avis tout à fait professionnel elle pouvait dire qu’elle avait une bonne ceinture abdominale. Et la peau très douce… Et qu’elle n’aurait rien contre le fait de lui faire un massage… *Chaque chose en son temps Al. D’abord direction la douche.* Quand elle sortit de la salle de bain, Alex fut accueillie par une bonne odeur de toasts grillés et de café. Sur la table était installé : deux tasses dont une remplie de café, deux verres, différents pots de confiture, du beurre, des tranches de pain de mie, légèrement brunies, empilées sur une assiette, une bouteille de jus d’orange et la pinte de lait qu’elle avait achetée en prévision en ne sachant pas ce que prenait Emy le matin. « Je vois que tu as su te servir de la cafetière italienne. Pas besoin que je te demande où tu as appris. » — En Italie. — Je m’en doutais un peu. Et le grille pain ? demanda-t-elle en souriant. — On va dire partout en Europe, lui répondit Emy sur le même ton. — En tous les cas merci. — Tu as peut être l’habitude d’un Irish Breakfast le matin ? — Non le French Breakfast me va très bien. On verra les œufs et le reste un autre matin. — Ok. Emy s’installa en face de la tasse vide. « Tu ne bois pas de café ? » — Non, je bois du lait froid. — C’est une boisson pour enfant ça. — Alors je n’ai pas dû grandir à ce niveau car j’aime beaucoup. Et toi café noir ? — Oh oui, très noir et serré. — J’espère qu’il sera à ton goût. Et il l’était à son goût, juste comme elle l’aimait. Assise face à face en silence, dans la cuisine chacune plongée dans ses réflexions. Le téléphone fit presque sursauter Alex. Elle se leva pour prendre le sans fil du salon. « Allo ? » — Al c’est Julie. Vous en êtes où ? — Bonjour Julie. — Oui bonjour. Alors ? — On en est à finir le petit déjeuner. Et Emy s’apprête à aller sous la douche. — Avec toi ? — Non. — Tu peux lui dire de prendre sa voiture. — Je lui dirai. Autre chose ? — N’oubliez pas vos affaires pour vous baigner. — Ok. A tout. Elle raccrocha. Et leva les yeux au ciel. *** Peu après onze heures et quart, le petit groupe, composé de Julie, Caro, Marie, Chloé, Seb, Tom, Stan, Alex et Emy, avait investi la plage. Chacun ôtait ses vêtements pour aller se baigner. Alex était impatiente de voir Emy en maillot de bain, elle pourrait enfin en découvrir un peu plus sur son anatomie. Mais elle dut vite déchanter en voyant que sous son pantalon et son polo Emy portait un short et un t-shirt néoprène de surfeur. Emy fut la première à l’eau. Ce qui ne surprit pas Alex. Julie fut la dernière. Ce qui ne surprit pas non plus Alex. Ils chahutèrent dans l’eau, ce qui déboucha sur un spectacle très étonnant et instructif pour Alex. Alors que Julie envoyait des paquets d’eau sur Emy, celle-ci se baissa légèrement en avançant et attrapa Julie au niveau de la taille. Elle se redressa, ce qui fit décoller Julie du sol et l’envoya plus loin atterrir dans l’eau dans une grande gerbe. Cette action donna le signal du départ. Tom attaqua face à Emy et comme au judo, il posa ses mains sur son t-shirt. Alex ne vit pas ce qu’Emy fit avec sa jambe mais Tom bascula en arrière sous la poussée de la jeune femme et finit à l’eau à son tour. Seb arriva par derrière et ceintura Emy, un bras autour de ses épaules l’autre autour de son ventre. Emy se cambra en arrière en tournant légèrement du côté du bras de Seb qui lui bloquait les épaules et se pencha d’un coup en avant, faisant passer Seb par-dessus elle. Un ‘plaf’ retentissant accompagna sa chute. Vint le tour de Chloé et Marie qui s'y mirent à deux pour essayer de la faire tomber. L’une avait sauté sur son dos et l’autre s’accrochait à sa jambe. Il ne fallut pas longtemps pour que Marie boive la tasse et que Chloé tombe à l’eau. Caro se laissa tomber dans l’eau sans combattre rendant les armes avant de perdre sa dignité. Il ne restait plus que Stan. Un mètre quatre vingt quinze à quelque chose près, bien musclé, sûrement sportif mais Alex n’avait pas encore deviné quel sport. Il se tenait un peu plus proche de la plage dans dix centimètre d’eau. « Tu es prête à connaître ton maître ? » — Je t’attends Stan. Stan se mit à courir droit sur Emy. Alex comprit qu’il allait compenser son manque d’agilité par sa puissance. Par contre, elle ne comprit pas pourquoi Emy ne bougeait pas. Emy attendit le dernier moment pour abaisser ses appuis et se tourner de trois quarts. L’impact eut lieu entre l’épaule d’Emy et le bassin de Stan. En poussant sur ses jambes et grâce à la vitesse de son assaillant, elle le fit passer au-dessus d’elle et tous le virent disparaître dans l’eau. Quand il refit surface, tous rigolaient et Julie lança : « Je crois qu’elle est toujours son propre maître. » — Vous pouvez m’expliquer ? demanda Alex. — C’est simple notre objectif est de mettre Emy à terre. On essaie à chaque fois qu’on en a l’occasion. — Et pourquoi c’est si dur ? — Tu as vu comme elle se défend. Répondit Seb. — Son père est dans les commandos de choc de l’armée. Renchérit Stan. — Stan je t’ai déjà dit que mon père n’était pas dans les commandos. — Ouais c’est ce que tu dis mais tu l’as vu quand la dernière fois ? — Il y a un mois. — Et vous avez fait quoi ? — Plein de choses. — Et vous entraîner était une de ses choses ? — Oui comme d’habitude. — Vous entraîner à quoi ? Demanda Alex. — A ça, au combat, au corps à corps, répondit Tom. A l’expression ‘corps à corps’ une autre image que ce qu’elle venait de voir vint à l’esprit d’Alex. Elle jeta à nouveau un regard sur Emy et s’aperçut que son short était remonté sur une de ses cuisses dévoilant sa peau et la fin d’une cicatrice. Suivant son regard Emy remit en place le tissu pour la cacher. Certaines pièces du puzzle se mirent en place dans la tête d’Alex. Elle avait déjà eu des patients qui ne supportaient pas la vue de leurs cicatrices et les cachaient continuellement. Etait-ce le cas d’Emy ? Ceci pourrait expliquer le short et le t-shirt aussi bien pour se baigner que pour dormir. Ce qui voulait aussi dire qu’elle en avait sûrement une ailleurs sur le haut du corps. Et si elle avait raison, comment s’était-elle blessée ? *** Le retour en voiture avait été calme. Caro et Chloé avaient somnolé à l’arrière et à l’avant Alex avait regardé défiler le paysage. Ils avaient passé une bonne journée entre baignade, pique-nique et beach-volley. *** Alex était assise dans la cuisine et buvait lentement un grand verre de jus d’orange bien frais. Elle entendait l’eau de la douche couler. Emy lui avait demandé si elle pouvait y aller en premier car le sel commençait à lui brûler la peau. Alex laissait son imagination divaguer vers la salle de bain et l’eau qui coulait sur un corps qu’elle voulait toucher. Quand elle sortit de ses pensées il n’y avait plus de bruit venant de la pièce d’à côté. Emy devait être sortie. Elle se leva de son tabouret et à son tour prit la direction de la salle de bain. La porte était entrouverte ce qui confirma qu’Emy avait quitté les lieux. Mais quand elle poussa la porte elle s’arrêta net. Emy était toujours là, dos à elle. Elle aurait dû reculer, refermer la porte mais elle ne pouvait pas. Ses yeux étaient fixés sur la peau d’Emy. Sur ces marques en travers de son dos. Emy qui venait de finir de se sécher les cheveux remarqua Alex dans la glace. Elle lui fit un petit sourire se disant que vu qu’elle avait déjà enfilé son jeans et sa brassière, sa pudeur ne risquait rien mais en voyant l’expression d’Alex, elle percuta qu’elle n’était qu’en brassière et que les cicatrices horribles qu’elle avait dans le dos lui étaient parfaitement visibles. Elle se retourna d’un bloc. Il n’y avait plus aucun sourire sur ses lèvres. Elle allait quitter la salle de bain quand Alex l’arrêta. Elle posa la main sur son bras. « Attends, s’il te plaît. » Elles se regardèrent pendant un moment. Entre couloir et salle de bain, le temps s’était suspendu. « Les cicatrices dans ton dos sont… — Tu n’aurais pas dû les voir. — Au contraire, tu devrais me laisser les regarder car elles sont inflammées. — Tu es médecin ? — Je suis kiné je te rappelle. Et tu ne peux pas rester comme ça. Va t’allonger sur le lit. Je prends vite fait une douche pour me rincer et j’arrive pour te soigner. — Je ne… — Tu n’as pas à discuter, c’est un ordre médical. Emy lui lança un regard noir et Alex se dit qu’elle n’avait pas l’habitude qu’on lui dicte sa conduite. Elle dégagea son bras et prit le chemin de la chambre. Alex se lava en cinq cinq et enfila un pantalon de toile bleu et un t-shirt. Elle alla récupérer son sac de travail dans le salon. Quand elle rentra dans sa chambre, elle trouva Emy assise sur le lit face à la porte. « Bien, enlève ta brassière et allonge toi sur le ventre. » — Qu’est ce que tu veux faire ? — Je vais te passer un baume froid apaisant et ensuite je masserai autour de tes cicatrices pour essayer de réduire l’inflammation. Emy s’exécuta, elle tourna le dos à Alex et ôta sa brassière et s’allongea sur le lit. Elle replia ses bras et posa son front sur ses mains. « Tu as mal ? » — J’ai l’habitude. — Ça t’arrive souvent ? — Assez. — Qu’est ce que tu fais d’habitude ? — Rien j’attends que ça passe. C’est assez cyclique et si c’est vraiment gênant, je prends une douche froide. — C’est ce que tu as fait aujourd’hui n’est ce pas ? Ta peau est froide. Elle ne répondit pas. Alex s’assit au bord du lit et mit du baume sur sa main. Elle frotta ses mains l’une contre l’autre et entreprit de l’appliquer sur toute la longueur de la cicatrice d’Emy. La cicatrice commençait sur son omoplate gauche et descendait en diagonale jusqu’à sa hanche droite. Une large bande de deux centimètres rouge violacé. En dessous, plus courte, presque parallèle une autre ligne un peu moins large mais de la même couleur. Et encore en dessous une sorte d’étoile qui faisait un relief. Alex ignorait ce qui avait pu la blesser de la sorte mais ça avait dû faire extrêmement mal. La peau loin des cicatrices était froide, les cicatrices étaient bouillantes. Elle s’appliqua à bien faire pénétrer le médicament pour apaiser Emy. Elle n’avait vu aucune trace de douleur sur son visage ou dans son regard. Soit elle devait avoir un seuil de tolérance à la douleur très élevé. Soit comme elle le disait, elle s’était habituée. Une fois le baume complètement absorbé, elle changea de produit pour lui faire un bon massage. Elle laissa ses mains courir sur sa peau. Malgré les cicatrices, elle aimait la texture de sa peau. Ce qui était paradoxale, c’est que les traces rouges qui barraient son dos étaient douces. « Détends toi, je ne vais pas te faire mal, au contraire. » En disant cela Alex monta sur le lit et enjamba le corps d’Emy pour venir s’asseoir sur ses fesses. « Comme ça je pourrai mieux travailler. Ton dos est un bloc. » Après un long moment de travail sur l’ensemble de ses muscles, Alex commençait à sentir Emy se détendre. Alors qu’elle appuyait le long de son muscle dorsal droit et remontait le long de ses côtes flottantes et un peu plus haut… Emy se contracta et se retourna d’un coup, surprenant Alex qui se retrouva allongée sur elle. « J’ai passé beaucoup de temps chez les kinés et ton dernier geste, n’a jamais fait parti des méthodes de massage utilisées. » Alex rougit un peu, prise en faute un peu professionnelle. « Tu n’as pas aimé ? » — Alex, je… — Chut. Je ne te demande rien. Je veux juste qu’on laisse faire les choses et qu’on partage de bons moments. — Je ne mélange pas. — Qu’est-ce que tu ne mélanges pas ? — Les amies avec les coups d’un soir. — Je ne suis pas un coup d’un soir car on est mardi et tu ne repars que lundi donc on est amené à se revoir vu que tu dors là en plus. Et surtout, je ne suis pas ton amie, je suis l’amie de Julie. — Ça fonctionne aussi pour les amies de mes amies. — On a déjà mis de côté le coup d’un soir. — Qu’est ce que tu veux Alex ? — Toi. Et sur ses mots Alex ne pouvant plus résister, embrassa Emy d’abord doucement puis avec plus de passion. Elle voyait bien qu’Emy acceptait le baiser mais n’y participait pas vraiment. Jusqu’à ce qu’elle sente sa langue venir caresser ses lèvres. Elle les entrouvrit en même temps que les mains d’Emy passaient sous son t-shirt. Elle avait les mains chaudes et Alex ne put retenir un frisson et un gémissement. « Ça va ? » — Bien sûr que ça va. Continue. Emy continua de faire remonter ses mains le long du dos d’Alex, se préparant à croiser l’attache de son soutien-gorge mais elle ne trouva rien sur son chemin jusqu’à sa nuque. « Tu n’aurais pas oublié de remettre quelque chose après ta douche ? » — Je ne vois pas de quoi tu veux parler. Alex s’était mise en appui sur ses bras pour regarder Emy dans les yeux. « Je parle de ce qui doit se trouver sur ça. » En disant cela Emy avait passé ses mains entre leur deux corps et venait de les poser sur les seins d’Alex. Un nouveau gémissement échappa à la jeune femme. « Ah ça ! Heu… oui. Mais bon, il fallait te soigner alors… J’ai fait au plus vite. » Emy captura à nouveau sa bouche et ses lèvres sans ôter ses mains. Du pouce elle en caressa les pointes. Alex lui mordilla la lèvre avant de se redresser et de s’asseoir sur elle, à hauteur de son bassin, pour enlever son t-shirt et l’abandonner quelque part par terre. Les mains d’Emy se posèrent sur ses hanches pour ensuite venir sur son ventre. Elle taquina son nombril de l’index, ce qui fit rire Alex, très sensible à cet endroit. Alors qu’à son tour Alex laissait ses doigts vagabonder sur ‘la face avant’ d’Emy, elle découvrit son ventre plat et ses muscles abdominaux à la fois durs et souples. Elle les avait imaginés sur la plage, les avait entraperçus dans la salle de bain et maintenant elle ne pouvait plus douter qu’Emy avait les abdos qui allaient avec le reste des muscles de son corps. Cette dernière lui en fit la preuve en se relevant sans les mains pour venir contre elle. Elles étaient à présent peau contre peau. Les mains bien à plat dans son dos, Alex attirait Emy encore plus près alors qu’elle sentait les lèvres de la jeune femme et surtout sa langue, se promener dans son cou, à la base de sa gorge, le long de sa clavicule. Ajouté à la caresse du bout de ses doigts sur la peau de son dos, Alex n’était pas loin de basculer. Elle voulait plus. Elle s’écarta et partit à la recherche de la boucle de sa ceinture. Elle essaya de l’ouvrir mais la boucle était différente. Lâchant sa bouche. « Comment tu l’ouvres ? » — Tire simplement dessus. Alex s’exécuta et la boucle libera la ceinture d’Emy. Elle continua en tirant sur les deux pans du jeans pour faire sauter tous les boutons. « Tu veux bien l’enlever ? » — Si tu enlèves le tien. — Pas de problème. Alex s’assit à côté d’Emy et ôta son pantalon pendant que cette dernière se débarrassait de son jeans. Alex revint s’allonger sur elle, l’embrassant et laissant sa main descendre doucement de son épaule à sa cuisse. Elle se souvint de la cicatrice quand ses doigts rencontrèrent une texture différente. Elle allait la caresser complètement quand Emy l’arrêta. « Pas celle là, elle fait encore mal. » Alex lui fit plier la jambe pour voir l’étendue de la cicatrice. Elle était identique aux autres et aussi inflammée. Elle partait du haut de sa cuisse et descendait jusqu’au dessus de son genou. Une légère dépression montrait que le muscle avait été touché profondément. « Il faut la soigner. » Emy attrapa la main d’Alex avant qu’elle ne touche à nouveau sa peau à cet endroit et la retourna sur le dos se positionnant au-dessus d’elle. « Tout à l’heure. Plus tard. » | |
| | | Mack Modo
Nombre de messages : 607 Age : 44 A écrit : Rencontre sportive ; Home sweet Home ; A l'ouest de chez moi tome 1; Mouvement perpétuel; Soleil de minuit, Aurore boréale tome 1, 2 & 3 ; Galway Date d'inscription : 23/03/2008
| Sujet: Re: Mouvement perpetuel Dim 21 Aoû 2016 - 19:36 | |
| *** Quand Emy ouvrit les yeux, il faisait nuit noir dans la chambre. Il lui fallut quelques instants pour reprendre pied dans la réalité et sentir le corps d’Alex contre elle. Elle se dégagea doucement et glissa hors du lit. A tâtons, elle trouva ses sous-vêtements, le short et le t-shirt qui lui servaient de pyjama. Elle les enfila avant de sortir de la chambre et de prendre la direction de la salle de bain. Elle se passa de l’eau sur le visage et croisa son regard dans la glace. *Bien joué Emy. Tu étais venue là pour un mariage et décompresser, pas pour te trouver une copine… Non ce n’est pas ma copine. Elle n’est qu’un coup de plusieurs soirs qui prendra fin quand je rentrerai en France.* Une nouvelle vague d’eau froide sur la peau avant de s’essuyer et de prendre la direction de la cuisine. Elle ouvrit le frigo en sortit des œufs, du lait et du fromage. Elle avait faim. Alex se réveilla avec l’impression qu’il lui manquait quelque chose. Et pour cause, Emy n’était plus dans le lit. Elle alluma la lampe de chevet et se frotta les yeux. *Wow ! C’était wow. Une chose est sure, elle n’est pas kiné mais elle sait se servir de ses mains.* Son ventre se mit à gargouiller. Elle se leva, enfila le bas de son pyjama et emprunta la chemise d’Emy. Elle fit un détour par la salle de bain avant d’aller dans la cuisine. Elle y retrouva Emy devant les fourneaux. Elle s’approcha doucement et posant les mains sur ses hanches et se mettant sur la pointe des pieds, regarda par-dessus son épaule. « Qu’est ce que tu fais de bon ? » Emy tourna légèrement la tête et ne put s’empêcher de respirer le parfum naturel de la peau d’Alex. « Une omelette. Tu en veux ? » — Oh oui, je meurs de faim. — Tu aimes le fromage ? — Oui. — Alors installe-toi, ça arrive dans une minute. Alex s’était littéralement jetée sur sa part d’omelette. Elle avait bien vu le regard un peu moqueur d’Emy mais face à la nourriture elle était intraitable. Son estomac d’abord, le reste on verra ensuite. Elle venait de repousser son assiette quand elle avisa qu’Emy n’en était qu’à la moitié de la sienne. Et vu que la préparation culinaire était très bonne, elle en volerait bien un bout. Elle entreprit d’approcher doucement sa fourchette quand elle entendit : « Si tu en veux encore, demande. » Emy venait de relever les yeux de son assiette et l’observait. « Tu m’en donnerais ? » Pour toute réponse, elle poussa son assiette au milieu de la table. « Sers-toi. » — T’es sure ? — Oui, vu que je te le propose. Alex ne se le fit pas dire deux fois et recommença à manger. « Tu es douée en cuisine. » — C’est qu’une omelette Alex. — Oui peut être mais c’est une super omelette. Alex lorgnait sur le dernier bout d’œuf dans l’assiette. « Allez finis la super omelette Alex. » — Merci. Emy la regarda faire disparaître la dernière bouchée. « Je vais finir par croire que tu sais tout faire. » — Qu’est qui te permet de croire ça ? — Tu sais : décorer une salle de mariage, te diriger dans une ville étrangère, conduire à gauche, nager, te battre, faire la cuisine et chose non négligeable, tu fais super bien l’amour… Alex avait dit cela en contournant la table. La voyant arriver, Emy avait reculé sa chaise. Alex s’assit à califourchon sur les genoux d’Emy. Elle posa ses lèvres sur les siennes en un doux baiser. « Et pour être franche, j’ai très envie que l’on retourne dans la chambre pour remettre ça. » — Tu es aussi insatiable avec ‘ça’ qu’avec la nourriture ? — Ça dépend avec qui. — Je vois. Emy embrassa Alex. Elle laissa glisser ses mains le long de ses cuisses pour venir les poser sous ses fesses. « Alors deuxième round. » Emy se leva emmenant Alex dans ses bras. « Te fais pas mal. » — Ne t’inquiète pas pour moi. Alex resserra ses jambes autour du bassin d’Emy. Et c’est sans lâcher ses lèvres qu’elles arrivèrent dans la chambre. Emy allongea Alex sur le lit et commença à déboutonner la chemise qu’elle portait. « Tu n’aurais pas oublié de me rendre quelque chose à la fin du mariage ? » — Tu n’aurais pas oublié de me demander de te rendre quelque chose à la fin du mariage ? — Ça va être de ma faute maintenant si tu me piques mes affaires. — Il est vrai que je te trouve très sexy quand tu la portes mais je me sens très bien dedans et vu que tu dois avoir plein d’autres chemises, je garde celle-là. — Ah oui ? — Oui. — Pas pour le moment alors… Emy lui ôta la chemise et la lança sur la chaise. *** « Umm ! C’est quoi ce bruit ? » Alex dans la même position que le matin précédent enfouit sa tête dans le cou d’Emy. « C’est mon portable. » — Et c’est quoi cette musique de dingue ? — La musique attribuée au numéro de Julie. — Mais quelle heure il est ? Emy tourna la tête à droite pour essayer de voir le radio réveil. « Il est 9h00. » — Je vais la tuer. — Attends de savoir ce qu’elle veut. Emy tendit le bras et attrapa son portable et décrocha juste avant que l’appel ne bascule sur la boite vocale. « Bonjour Julie. » — Salut Emy. — Que puis-je faire pour toi ? — On a décidé avec les autres d’aller à Galway pour trois jours. — Je te passe Alex. Emy lui tendit le téléphone. « Julie veut te parler. » Perplexe Alex se saisit du téléphone. « Julie ? » — Al. Comment vas-tu ? — Très bien, dit-elle en regardant Emy sortir du lit. — On va passer trois jours à Galway. On vous attend pour partir. — C’était prévu ? — On a eu l’idée hier soir. Et puis on a besoin de la voiture d’Emy donc rendez-vous dans une heure à l’appart. — Attends, il… Elle a raccroché. Emy t’es où ? — Dans la salle de bain. Je m’apprête à prendre une douche pourquoi ? — Ne traîne pas trop sous la douche, on est attendu dans une heure pour partir à Galway. — Ok. — Pourquoi tu n’es pas étonnée ? Alex entendit l’eau se mettre à couler puis la voix d’Emy « Car c’est du Julie en puissance. Et quand elle est avec le reste de la bande, ça ne s’arrange pas. » Emy laissa couler l’eau chaude sur sa peau. Les images de la nuit lui revinrent en mémoire et elle dut s’avouer qu’elle n’avait pas ressenti ça depuis longtemps. Cette nuit avait été différente des autres classées dans ‘les coups d’un soir’. Mais elle refusait de donner un sens à ce qu’elle avait éprouvé. Elle en était là de ses réflexions quand elle sentit deux mains se poser sur ses hanches. « Désolée, je n’ai pas pu résister à venir te rejoindre. Ça te dérange ? » — Non pas du tout mais ce n’est pas gagné que l’on soit à l’heure… — Tant pis pour eux, ils avaient qu’à prévenir plutôt. Emy attira Alex sous le jet de la douche et commença à l’embrasser… *** Quand le téléphone d’Emy sonna à nouveau, les filles étaient sur le parking et avait vingt minutes de retard. « Oui Julie ? » — Vous êtes où ? On vous attend. — On arrive, on est sur la route. — Ok. A toute ! Emy raccrocha et se tourna vers Alex. « Nous sommes attendues. » Alex fixait Emy. « Quelque chose ne va pas Alex ? » — Heu… Je ne m’en étais pas aperçue tout à l’heure, et je ne sais pas comment tu vas le prendre. — Prendre quoi ? — Tu as une jolie trace à la base de ton cou. Alex appréhendait un peu la réaction de la jeune femme mais quand elle vit Emy sourire, elle se trouva rassurer. « Il y a la trace de tes dents ou pas ? » — Non, je n’ai pas l’impression. — Bon ça ira alors. — Ça ne te dérange pas ? — Ce sont des choses qui arrivent. C’est pas grave ne t’inquiète pas. — Je suis désolée, je ne me souviens même pas quand je t’ai fait ça. — Tu devais être concentré sur autre chose… — Surement. Tu ne va pas essayer de le cacher ? — Plus tu caches plus ça se voit… — C’est une théorie. La nuit était tombée sur Galway et la petite bande de Frenchy occupait deux tables dans un pub. Julie et Alex se trouvaient au comptoir pour commander. « Bon ma patience a atteint sa limite. Toute la journée j’ai voulu te questionner. Alors ? » — Alors quoi ? — Ah non, ne joue pas à ça avec moi. — Qu’est ce que tu veux savoir ? — Ce qui s’est passé cette nuit. — Qu’est ce qui te fait croire qu’il s’est passé quelque chose cette nuit ? — Je ne sais pas. Je dirais tes yeux brillants ce matin. — Ça c’est parce que tu m’as réveillée trop tôt — Et la jolie trace qu’Emy a dans le cou. — … — Alors nuit torride ? — Nuit très intéressante. — Raconte. — Je ne peux pas. — Tu me racontes d’habitude. — Oui mais d’habitude, tu ne connais pas la fille qui partage mon lit. Là c’est différent, Emy est ton amie. Mais ce que je peux te dire, c’est qu’elle fait l’amour aussi bien qu’elle cuisine. — Elle t’a fait la cuisine ? — Une omelette au milieu de la nuit. — Je virerais ma cuti pour une de ses omelettes. — Je dois m’inquiéter ? — Non, je suis mariée maintenant. — Comme si ça pouvait empêcher quelque chose. Elle t’a parlé de son accident ? — Quel accident ? — Non laisse tomber. Le barman déposa leur commande sur le bar et encaissa. Elles attrapèrent tous les verres et retournèrent à la table. Alex déposa sa pinte de Coca Cola devant Emy et s’appuya sur sa cuisse pour s’asseoir. « Merci. » — De rien. Alex approcha ensuite ses lèvres de l’oreille d’Emy pour lui murmurer : « J’ai envie d’être seule avec toi. » — Pourquoi ? — A ton avis ? — Aucun avis. Alex refit face à Emy. « Tu te moques ou tu es sérieuse et vraiment tu ne vois pas de quoi je parle ? » — Je me moque car je vois très bien de quoi tu parles. — Un instant j’ai eu un doute. Tu dois être très forte au Poker. — Pas qu’au poker… — On va en rester là sinon je ne suis pas sure de me maîtriser. *** Trois jours à Galway, trois jours dans l'Ouest de l'Irlande, entre visites et traversée du Connemara, Julie prenait un malin plaisir à charrier Emy et Alex. Le deuxième soir, à Cliffden, alors que tous avaient décidé de se reposer un peu dans leur chambre avant de sortir faire la fête, Alex proposa à Emy d'aller faire un tour sur la Skyroad. Cette route était connue pour son point de vue magnifique sur l'océan et les alentours. Les deux filles avaient roulé une demi-heure dans le silence. Alex avait posé sa main droite sur la cuisse d'Emy et aimait sentir les mouvements des muscles quand celle-ci appuyait sur l'embrayage. « Tu peux t’arrêter là-bas ? » — Pas de problème. Alex lui avait indiqué une petite plateforme sur la gauche qui ouvrait sur l’océan et les îles très proches. Elles ne sortirent pas tout de suite de la voiture. Emy regardait au loin, les nuages arrivaient de la mer. « Il va pleuvoir d’en pas longtemps. » — Peut être même plus tôt que tu ne le penses. — C’est vrai que le temps change vite ici. — Oui. Surtout que le vent s’est levé. Emy sentit les doigts d’Alex bouger sur sa cuisse en une douce caresse. Elle posa sa main sur la sienne. Puis se pencha en avant pour reculer son siège. Elle se cala plus confortablement et regarda le spectacle de pluie qui tombait au large. Une bourrasque plus forte secoua la voiture. Suivie par les premières goûtes d’eau venant s’écraser sur le pare-brise. Les gros nuages gris foncés étaient maintenant juste au-dessus de leur tête et l’eau ruisselait sur la carrosserie et les vitres. « Quand le mal vient de la mer, il est bien plus mauvais que celui qui naît de la terre. » Alex tourna son regard vers Emy après l’avoir entendu murmurer cette phrase. « Qui a dit ça ? » — Quelqu’un. Emy n’en ajouta pas plus et Alex se retint de poser plus de questions. Le bruit de la pluie sur la carrosserie couvrait presque la musique. Emy sentait la main d’Alex lui caresser la cuisse. Elle regardait droit devant elle et essayait de faire abstraction de ce que ce geste déclenchait chez elle. Elle ne vit pas Alex bouger sur son siège et fût presque surprise de la retrouver face à elle, assise sur ses genoux une jambe de chaque côté. Sans lui laisser le temps d’avoir même l’idée de protester, Alex prit possession de la bouche d’Emy. A tâtons, Alex trouva la poignée du mécanisme du siège et l’inclina un peu plus. Il y avait entre elles juste assez de place pour que leurs mains passent et se caressent. Alex ne résista pas longtemps avant de passer ses mains sous la chemise d'Emy. Sa peau était chaude et douce comme les fois précédentes. L'eau qui ruisselait sur les vitres leur faisait un écran protecteur. Elles étaient coupées du monde extérieur. Un éclair zébra le ciel et le tonnerre craqua juste au-dessus de leur tête moins de trois secondes plus tard. Les deux jeunes femmes ne s'en rendirent même pas compte. Le sang qui battait à leurs tempes excluait tous les autres bruits alentour. Alex avait repoussé Emy contre le dossier et complètement déboutonné sa chemise. Elle caressait à présent son ventre et ses flancs remontant le long de ses côtes flottantes quand quelque chose vibra contre l’intérieur de sa cuisse. « Qu’est ce que c’est ? » — Mon portable. — Tu es obligée de répondre ? — Laisse-moi juste voir qui c’est. Alex bougea légèrement pour permettre à Emy d’attraper son téléphone dans sa poche. « Je dois répondre. » Alex ne bougea pas pour autant. Et écouta Emy parler. « Dobrii Den » Alex fronça les sourcils, en quoi parlait Emy ? En russe ? Elle écouta la suite mais ne comprit pas mieux. Elle s’aperçut aussi que la pluie avait cessé comme elle était venue, elle était repartie ne laissant de son passage que des flaques sur le sol. Est-ce qu’Emy sortirait de sa vie comme elle y était rentrée ? Elle ne le souhaitait pas du tout car elle était amoureuse d’elle. Elle avait été attirée dès qu’elle l’avait vue sur les photos et les vidéos et avait complètement craqué en la voyant en chair et en os, assise sur l’aile avant de sa voiture l’attendant à la gare routière. Elle ne pouvait expliquer ce qui la poussait si fort vers elle. Elle était comme un papillon face à une ampoule. Elle savait qu’elle allait se brûler mais elle ne pouvait s’en empêcher. Alex ne réalisa pas tout de suite qu’Emy avait fini sa conversation, comme elle ne s’était pas rendu compte que pendant toute sa réflexion, elle lui avait caressée le ventre du bout des doigts. « Tu sais que c’est très dur de se concentrer quand tu me fais ça ? » Alex sortit de ses pensées et regarda ses mains toujours sur les abdominaux d’Emy. « Désolée ! » — Ne le sois pas, c’est plutôt agréable. — Ah oui ? — Comme si tu ne t’en doutais pas. Sans changer de place, Alex lui demanda : « C’était qui ? » — Une amie qui habite Saint Petersbourg. — Donc tu parles russe. — Oui. — Tu parles combien de langues ? — Cela dépend de ce que tu entends par parler. Il y a une différence entre ne pas mourir de faim et ne pas se perdre dans un pays étranger et avoir une conversation assez poussée. — Combien de conversations peux-tu avoir ? — Cinq ou six. — Cinq ou six ?! Et dans combien de pays tu peux manger et te promener ? — Huit ou neuf. — En comptant les cinq ou six d’avant ? — Non. — Comment peux-tu connaître autant de langue ? — J’ai beaucoup bougé avec mon père. — C’est vrai qu’il est militaire. — On peur dire les choses comme ça. Une voiture qui passa un peu rapidement sur la route fit vibrer la new Beatles. Alex se rendit compte que le rideau de pluie qui coulait sur les vitres et qui les masquait au monde extérieur avait disparu. Leur position, le fait qu’Emy ait sa chemise complètement déboutonnée et qu’Alex ait toujours les mains posées sur son ventre pourraient à coup sûr choquer la morale croyante d’une partie de la population irlandaise. Elle entreprit donc de rhabiller Emy. « Je pense qu’il serait plus sage d’en rester là pour le moment. Je n’ai pas une âme exhibitionniste. Bien que j’en ai très envie mais je préfère le faire dans un lit à l’abri des regards. » — Pas de problème. Je préfère aussi les endroits plus intimes. Et puis de toute façon Julie ne va pas tarder à appeler. — Qu’est-ce qui te fait dire ça ? — Une intuition. Après un dernier baiser, beaucoup plus chaste que les précédents, Alex reprit sa place sur son siège. Alors qu’elle bouclait sa ceinture de sécurité et qu’Emy était sur le point de mettre le contact, le portable de cette dernière se mit à jouer la sonnerie attribuée à Julie. « Qu’est-ce que je disais. » La discussion ne fut pas longue et les seules mots qu’Emy put placer furent : Skyroad, voiture, oui et non. Alex entendait sans vraiment comprendre Julie qui criait pour se faire entendre par-dessus une musique très gaélique. « Alors ? » — Ils nous attendent au pub en face de l’hôtel où il y a de la musique et je ne sais pas quoi d’autre. Je n’ai pas compris ce que racontait Julie. C’est incroyable comme elle peut parler vite au téléphone. — Il n’y a que quand elle téléphone avec son portable qu’elle parle vite sinon sur son fixe, elle a un débit tout à fait normal. — Le téléphone portable est si cher que ça en Irlande ? — Non pas vraiment. Elle a du garder l’habitude des cabines à pièces… — C’est une théorie. Emy mit le contact et prit la direction de Cliffden par la skyroad. *** Un crachin typiquement irlandais les avait accompagnées tout le long de la route pour rentrer à Dublin. Après avoir déposé une partie de la bande chez Julie, les deux jeunes femmes se trouvaient maintenant sur le parking devant l’immeuble d’Alex. Les petites gouttes s’était transformées en trombes d’eau. Le temps de rejoindre la porte du bâtiment et de taper le code d’entrée, elles étaient trempées. Dans l’ascenseur, elles sourirent de leur état. Arrivées dans l’appartement, Alex regardait Emy ôter ses chaussures assise sur le tabouret posé à l’entrée. Elle avait les cheveux tout ébouriffés. Alex ne put résister à passer sa main dedans. Ils étaient mouillés mais doux. Ils sentaient la pomme. A ce contact Emy releva les yeux. Le temps s’arrêta un instant. Dans la position où elle était Alex plongeait littéralement dans le regard d’Emy. Deux lacs bleus foncés qui l’attiraient irrésistiblement. Elle s’approcha encore et vint s’assoir à califourchon sur ses genoux. Face à elle, elle posa ses mains sur sa nuque. « Tu veux faire quoi ce soir ? On pourrait aller au restau ? » — Conduire sous la pluie m’a un peu fatiguée. Je préférerais une soirée tranquille. Si ça ne te gêne pas. — Non pas du tout. — Si tu veux, je peux descendre au SPAR du coin pour nous chercher de quoi nous faire à manger. — God ! Si tu me prends par les sentiments culinaires, je ne vais pas dire non. — Ok. Je remets mes chaussures et j’y vais. Emy attendit un moment. « Pour que je puisse mettre la suite du programme en application, il faut que tu te lèves. » — Ah oui, pardon. Alex se leva non sans avoir déposé un baiser sur les lèvres d’Emy. Cette dernière refit ses lacets en disant. « Et tu devrais te changer tu vas attraper la crève, tu es mouillée. » — Tu ne peux pas savoir à quel point, lui répondit-elle avec un sourire coquin. — Je vais faire comme si je n’avais rien entendu, jeune fille aux mauvaises pensées. — Soit dit en passant, tu es aussi mouillée. — Au premier degré oui mais je vais ressortir et me mouiller encore plus, toujours au premier degré, donc je me changerai en revenant. — Où là je pourrais te mouiller au deuxième degré. — Si tu y tiens… Tu veux quelque chose de spécial ce soir au repas ? — Oui toi. — A part moi ? — Ce que tu voudras, surprends moi. — Pas de problème. Emy attrapa son sac à dos qui était resté au sol dans l’entrée et commença à ouvrir la porte mais elle s’arrêta dans son geste et revint en arrière pour dire : « Et sois sage en mon absence sinon je vais finir par croire que tu es insatiable. » Elle lui fit un clin d’œil et sortit pour de bon. Dans la petite cuisine d’Alex, Emy s’était mise au travail. Un torchon coincé dans sa ceinture protégeait son jeans. Elle avait déjà découpé les champignons, les oignons, les tomates et les filets de poulets. Elle en était à présent à finir de transformer les pommes de terre en cube. Alex l’observait appuyée contre le chambranle de la porte. Elle la regardait évoluer dans sa cuisine comme si elle l’avait toujours fait. Elle ne tournait pas en rond, ses déplacements étaient rentabilisés au maximum et ses gestes étaient précis. Elle était en train de mettre les pommes de terre dans la poêle. « Où est ce que tu as appris ? » — Quoi donc ? demanda Emy sans lever la tête, surveillant la dernière patate tomber. — A faire l’amour à une femme ? — Pardon ? Elle s’était redressée d’un coup. — Non je plaisante. Je parle de la cuisine. Où as-tu appris ? Bien que je suis assez curieuse de savoir qui t’a enseignée ce que tu sais faire dans un lit. — Mon père… En ce qui concerne la cuisine. Ne va pas t’imaginer autre chose. — J’ai eu peur l’espace d’une seconde. Ton père fait la cuisine donc ? — Oui. Il aime beaucoup ça mais il ne faut pas le répéter. C’est une information classée secret défense. — Et tu me l’as dit comme ça ? — Je ne pense pas que tu croises mon père un jour, donc, cette information ne t’est pas bien utile. Alex essaya de ne pas donner tout son sens à la phrase que venait de prononcer Emy. Car si on traduisait cela voulait dire qu’elle ne ferait jamais assez partie de sa vie pour rencontrer son père. Et Alex voulait vraiment faire partie de la vie d’Emy. Elle se doutait dès le départ que ça ne serait pas simple mais la douche était un peu froide à cet instant. « Alex ? » — Tu me parlais ? — Pas vraiment mais tu avais l’air complètement ailleurs. — Excuse-moi. — Y’a pas de mal. Tu veux un verre de cidre ? — Oui. Emy servit deux verres et tendit le sien à Alex. Cette dernière s’approcha pour le prendre et continua son chemin pour se blottir dans les bras de son « invitée ». « Qu’est ce qui se passe ? » — J’ai juste envie d’un câlin. — Pas de problème mais ce sera un câlin sage car je dois surveiller mes casseroles. — D’accord pour un câlin sage. Pour le moment… Alex était allongée – mais vautrée serait plus exact – sur le canapé. Elle avait trop mangé mais c’était si bon qu’il avait été impossible de ne pas se resservir. Si Julie était capable de virer sa cuti pour une omelette que ferait-elle pour un repas pareil ? A cet instant Emy sortit de la cuisine avec un mug dans chaque main. Elle lui tendit celui qui fumait. « Votre tisane mademoiselle. » — Merci. Et toi tu bois quoi ? — Du lait. — J’aurais pu deviner. Emy s’assit sur le parquet, appuyer contre le canapé, de telle manière qu’Alex pu tout d’abord lui passer la main dans les cheveux et ensuite entourer ses épaules de son bras. Elles regardaient le journal du soir en gaélique sous-titré en anglais. Dehors les mouettes se faisaient entendre, rappelant que la mer n’était pas bien loin. La rue était calme, pas de bip bip du camion poubelle, pas de coup de klaxon, pas de cri, juste les mouettes et la voix du commentateur télé. Un moment de calme… *** Emy se réveilla en sursaut, la chambre était plongée dans le noir. Elle sentait son cœur battre rapidement. Il lui fallut quelques minutes pour tout faire revenir à la normal. Elle resta un moment les yeux grands ouverts. Elle sentait encore les traces latentes de cette peur panique qui ressortait de son cauchemar. Elle tourna la tête pour voir Alex couchée à coté d’elle. Elle tendit la main pour la toucher mais arrêta son geste en route. Elle se tourna sur l’extérieur du lit et ferma les yeux. Moins d’une minute plus tard, Alex venait se blottir contre son dos. Perdue dans les limbes de son sommeil, Alex avait perçu les mouvements d’Emy. Inconsciemment, elle la chercha dans le lit et vint contre elle. Ce qui la tira des bras de Morphée fut la peau glacée de la jeune femme. Elle remonta la couette sur leur deux corps et la serra un peu plus dans ses bras. *** La journée du samedi passa très vite, le réveil déjà tardif avait traîné encore un petit peu suite au petit déjeuner. Ensuite il y avait eu le départ des « Frenchies » qu’Emy accompagna à l’aéroport avec Julie. Avant de rentrer à l’appartement, Emy se balada sur O’Connell Street puis dans Henry Street où elle acheta deux trois choses à ramener en France. Quand elle arriva à l’appartement l’après-midi se terminait, Alex l’attendait assise dans le canapé son ordinateur portable sur les genoux. « Salut toi ! J’ai cru que tu t’étais perdue. » — Salut. Je me suis promenée. — Demain, tu veux que l’on aille à la plage ? — Oui, si tu veux. Alors qu’Emy s’approchait du canapé pour venir s’asseoir sur l’accoudoir, Alex ferma l’écran de son ordinateur portable et le posa au sol. Il était hors de question qu’Emy voit se qu’elle était en train de chercher sur internet. Elle le posa sur le parquet et attira la jeune femme plus près d’elle. *** Cachée derrière ses lunettes de soleil, Emy laissait le vent lui mettre les cheveux encore plus en bataille. Elles étaient toutes les deux sur la plage, Alex était assise entre ses jambes appuyée contre sa poitrine. Elles avaient longuement marché le long de la mer d’Irlande profitant de cette belle journée. Sa dernière journée en Irlande, demain, elle reprenait l’avion pour rentrer chez elle. Et à cet instant, elle était très partagée. De son coté, Alex profitait du contact du corps d’Emy car elle savait que c’était leur dernière journée ensemble et elle avait bien compris aussi, qu’elle n’était vraiment pas sure de revoir Emy après son départ. Elle l’aimait. Bien qu’elle sache pertinemment que cette relation allait être très difficile, elle ne pouvait s’empêcher d’avoir des sentiments si fort pour Emy. Ce soir-là dans le salon, la tension était palpable. Alex regardait Emy ranger son ordinateur portable dans son sac et ramasser ses diverses affaires posées ça et là. Elle s’était habituée - très vite - à la présence de la jeune femme dans son environnement, mélange de discrétion et d’invasion contrôlée. Elle s’était aussi habituée à d’autres choses moins avouables. Elles n’avaient pas parlé de demain, pas abordé le sujet de leur avenir et Alex avait beau essayé de trouver un moyen d’entamer la conversation sur le sujet : rien ne venait. Une fois couchée, Alex vint se blottir dans les bras d’Emy. Elle commença à l’embrasser dans le cou, remontant jusqu’à sa mâchoire pour finir sur ses lèvres. Si ça devait être leur dernière nuit, Alex voulait s’en souvenir longtemps. Et voulait aussi qu’Emy s’en souvienne, qu’elle en soit marquée. Elle prit l’initiative, lui ôtant son pyjama, caressant le moindre centimètre carré de son corps, osant de nouveaux gestes, goûtant tout ce qu’elle pouvait, souriant quand elle perçut les coups rapides du cœur d’Emy, mutine quand elle se mit à lui mordiller la peau, passionnée quand elle lui fit l’amour… *** Le réveil fut difficile. A cinq heures et demie, Emy se trouvait sous la douche essayant de faire disparaitre de son corps tous les stigmates d’une nuit d’amour. Ses yeux la brûlaient, cause d’un manque de sommeil évident. Et elle avait aussi un début de mal de tête qui passerait – elle l’espérait – avec une aspirine. Une demie-heure plus tard, elle était prête à partir son sac attendait dans l’entrée. Alex était allongée dans le lit, la lampe de chevet éclairait son visage. Emy se tenait dans l’encadrement de la porte. Elle hésitait sur la conduite à tenir. Elle aurait aimé pouvoir partir sans se retourner mais quelque chose la retenait ici dans cette chambre. Elle s’approcha enfin et vint s’asseoir au bord du lit. « Il est l’heure que je parte. Je dois rendre la voiture de location. » — Ok. — Rendors toi, tu as les yeux qui brillent de fatigue. — Tu veux mon adresse mail ? demanda Alex sur une impulsion. — Oui, si tu veux me la donner. Emy regarda Alex sortir du lit et profita une dernière fois de sa nudité avant qu’elle n’enfile une chemise. Elle se rendit compte que c’était la sienne et qu’elle avait oublié de la récupérer. *Peut importe, si elle l’aime…* Elle la vit revenir et lui tendre une feuille de papier. « Je t’ai noté mon adresse mail et l’adresse de l’appart. » — Merci. — Tu peux m’envoyer un message pour me dire que tu es bien arrivée chez toi ? — Oui, je le ferai. — Merci. Alors qu’Emy était encore assise, Alex en profita pour l’embrasser. Le baiser dura une seconde, une minute, plus ? Sûrement. « Je dois y aller. » — Je sais. Fais attention à toi. — Toi aussi. Elle l’accompagna jusqu’à la porte. « Fais bon voyage. » — Merci. File te recoucher. Une fois dans le couloir, son sac à dos sur une épaule et son sac de voyage sur l’autre, Emy dût prendre une grande inspiration avant de descendre les deux étages qui la menèrent au parking. Avant de monter, elle jeta un dernier coup d’œil à l’immeuble, cherchant inconsciemment la fenêtre de la chambre d’Alex. Elle se secoua et rentra dans sa voiture. De son coté Alex essayait de retenir ses larmes. Même si elle s’y était préparée ça faisait qu’en même mal. Elle était tombée amoureuse de cette fille et pour l’instant, elle ne pouvait pas faire grand-chose pour éliminer cette sensation de vide. Elle retourna dans son lit, se glissa sous la couette et vint entourer de ses bras et enfouir son visage dans l’oreiller sur lequel Emy avait dormit pendant cette courte semaine. *** | |
| | | Mack Modo
Nombre de messages : 607 Age : 44 A écrit : Rencontre sportive ; Home sweet Home ; A l'ouest de chez moi tome 1; Mouvement perpétuel; Soleil de minuit, Aurore boréale tome 1, 2 & 3 ; Galway Date d'inscription : 23/03/2008
| Sujet: Re: Mouvement perpetuel Dim 28 Aoû 2016 - 20:03 | |
| 3- Angleterre Juillet et sa chaleur irlandaise accompagnée d’orages s’étaient installés depuis trois semaines sur Dublin. Quatre longues semaines depuis le dernier message d’Emy disant : # Bien arrivée. Passe une bonne journée. A tantôt. Emy.# Depuis, silence radio. Alex avait bien essayé de la contacter d’abord par mail pour une approche plus en douceur mais elle recevait toujours les confirmations d’arrivée dans sa boite mail mais jamais celui qui disait que son message avait été lu et encore moins une réponse d’Emy. Ensuite, elle avait appelé sur son portable, elle avait eu droit à sa voix mais c’était pour entendre : « Bonjour, je ne suis pas disponible pour le moment, veuillez laisser un message après le bip, merci. Hello, I’m not available at the moment please leave me a message after the tone, thank you. » Elle avait laissé un message, voir même plusieurs. Eux aussi restés sans réponse. Elle avait souri la première fois qu’elle avait entendu son message d’accueil de boîte vocale. Elle aimait son accent quand elle parlait anglais. Déjà quand elle avait fait sa connaissance, elle avait essayé de deviner où elle avait appris cette langue pour avoir cette intonation. Pas en Angleterre, ça c’était sûr. Aujourd’hui en cette fin de semaine, elle se rendait chez Julie car celle-ci tenait à lui raconter son voyage de noces et Alex espérait ainsi pendant un moment arrêter de penser à Emy. Alex avait beau avoir essayé d’éviter le sujet, il vint tout de même sur le tapis après deux heures de discussion. « Tu as des nouvelles d’Emy ? — Non aucune. Je lui ai laissé plusieurs messages mais pas de réponse. Elle n’est peut-être pas chez elle. — Il y’a un moyen très simple de savoir où elle est. — Comment ? Alex regarda Julie attraper son téléphone portable. Peu de temps après elle parlait à quelqu’un. Elle mit le haut-parleur et posa son téléphone sur la table. « Salut Stan. » — Salut Julie. Quoi de neuf ? — Je reviens de mon voyage de noces. — C’était bien ? — Génial. Mais ce n’est pas vraiment pour ça que je t’appelle. Je voudrais savoir si tu savais où était Emy ? — Elle est en Ex-Yougoslavie. Où exactement je ne sais pas. Elle est partie pour des prises de vues de paysage pour un projet. — Tu sais quand elle rentre ? — Au plus tard, jeudi, on est attendu à Londres samedi. — Tu sais si elle est joignable ? — Oui, sur son portable, je l’ai eue ce matin. Il y a un problème ? — Oui et non. — Explique. — Al a laissé plusieurs messages à Emy qui n’a pas répondu. — Je vois. — Tu n’aurais pas quelques infos à ce sujet ? — Tu veux savoir si Emy est perturbée depuis son retour ? — En quelque sorte. — A peine arrivée au bureau, elle est repartie. Je crois qu’elle est allée voir son père, vu qu’elle n’a pas dit où elle allait. — C’était prévu ? — Non. Elle devait aller à Berlin, elle a repoussé d’une semaine. A son retour de nulle part, elle a passé le dimanche et lundi à Lyon. Le mardi, elle est partie en Allemagne puis elle est allée directement en Ex-Yougoslavie. — Je vois. — Si Emy ne donne pas de ses nouvelles avant jeudi prochain, rappelez-moi, je verrais ce que je peux faire. — Ok, merci Stan. A plus. — A plus. Julie coupa la communication. « Bon. C’est bon signe si mademoiselle se sauve. » — Tu trouves que c’est un bon signe ? — Ben oui. Si elle était restée à Lyon tranquillement c’est qu’elle t’aurait déjà rangée au rang des coups d’un soir. Si elle ne tient pas en place et qu’en plus elle va voir son père c’est que tu lui as fait de l’effet. — Elle est peut-être allée voir son père pour tout autre chose. — Emy ne voit son père que deux fois dans l’année. Pour Noël et elle l’a déjà vu au mois d’avril cette année. — Qu’est ce que je fais alors ? — Attends jusqu’à samedi. Si elle fait toujours la morte on verra avec Stan. — Ils travaillent ensemble ? — Oui. Enfin Stan travaille pour Emy mais elle ne lui a jamais fait sentir que c’était elle qui signait son chèque à la fin du mois. — Ça fait longtemps ? — Presque trois ans. Il galérait à trouver du boulot dans sa branche, il est préparateur physique à la base. Elle lui a proposé de devenir son assistant. Au début, il gérait son planning, les envois de fichiers et de documents puis ensuite, elle lui a appris à utiliser les logiciels de création graphique. Maintenant ils travaillent sur les mêmes projets et j’ai même cru comprendre que Stan avait mené son premier projet en solo. — Il la connaît bien ? — Je ne dirais pas ça mais il doit être celui d’entre nous qui la connaît le mieux. — D’accord. Merci de m’aider. — C’est normal, tu es mon amie. Et c’est un juste retour des choses. *** Le ciel était gris et bas au-dessus de Sarajevo. L’air chargé d’électricité annonçait un orage proche. Emy, l’œil dans l’objectif de son reflex numérique, enchainaît les prises de vue de ce qui l’entourait. Elle avait toujours travaillé de cette manière. Tous les décors qu’elle avait créés avaient une base de vrai : des villes qu’elle avait visitées, des paysages qu’elle avait croisés. Elle voulait garder cette part de réalité dans ce monde virtuel. Elle s’était servi de Berlin, Moscou, Varsovie, Prague et aujourd’hui, elle se trouvait là, au-dessus de cette ville anciennement en guerre. Elle avait commencé son apprentissage de l’histoire de l’Europe de l’Est et des ex-républiques communistes en 1989 avec la chute du mur de Berlin. Son père était venu spécialement à la maison pour suivre avec elle ces évènements. Comme si il le savait par avance, il était toujours là pour les grandes révolutions : la révolution de velours en Tchécoslovaquie, les « Tables rondes » en Pologne, la chute de Ceausescu en Roumanie, la création de la CEI et ensuite la guerre en Ex-Yougoslavie. Pour ce dernier évènement, son père venait souvent la voir pour lui expliquer l’histoire de ce pays et les problèmes qu’il rencontrait. Son père s’était toujours attaché à ce qu’elle ait toutes les informations pour juger par elle-même. Elle avait grandi avec la chute d’un bloc, d’un ogre. En 1945, les accords de Yalta avaient transformé la physionomie de l’Europe. En 1989, suite aux réformes de Mikhaïl Gorbatchev (Glasnost et Perestroïka), le rideau de fer était tombé et l’Europe se reconstruisait d’autres frontières. En 1995, Emy avait 14 ans, ses parents venaient officiellement de divorcer. Dès qu’elle était en vacances, elle allait rejoindre son père et découvrir ces pays autrefois satellites de la Russie. Tout comme pour les pays Scandinaves et Celtes, elle se passionnera pour la culture, l’histoire et les paysages de ses régions. La pluie avait commencé à tomber sur Sarajevo et Emy continuait de prendre des photos. La ville était pratiquement entièrement reconstruite et mis à part quelques ruines en centre ville et des impacts de balles sur les murs de banlieues pauvres, il ne reste plus beaucoup de traces du siège de 1992 à 1995. Sauf peut-être cette atmosphère de tristesse et de grisaille sous ce ciel plombé et cette pluie. Comme si grâce ou à cause du mauvais temps les esprits des morts de cette terre se rappelaient au vivant. Elle était venue chercher ça. Au début, elle voulait aller dans la banlieue de Grozny en Tchétchénie mais son père le lui avait interdit. Il était hors de question qu’elle y aille seule et il ne pouvait pas l’accompagner pour le moment. Les gouttes qui s’écrasaient sur la terre encore chaude avaient grossi. Emy rangea son appareil pour le protéger mais resta là sous la pluie. Laissant l’eau couler sur son visage, tremper sa chemise et son jeans. Elle avait toujours aimé la pluie. Quand elle se tenait sous l’averse, elle avait l’impression de nettoyer ses pensées. Et en ce moment, elle en avait bien besoin. Son père avait été surpris de la voir arriver en Ukraine où il se trouvait. Ils s’étaient déjà vus trois mois plus tôt et ne devait se revoir, sauf catastrophe ou fait important, qu’à Noël. Le premier jour, il n’avait posé aucune question. Le deuxième, il l’avait réveillée à 4 heures du matin, à 5 heures moins le quart il lui lançait un sac à dos et à 5 heures, ils étaient tous les deux en train de marcher. Ils n’avaient pas parlé de la journée. Le soir venu, Emy s’était écroulée sur son lit épuisée, les muscles en feu. Le troisième jour, elle n’avait pas vu son père. Le quatrième, ils étaient partis courir tôt le matin et son père avait à nouveau disparu tout le reste de la journée. Le cinquième, ils s’étaient entraînés au combat, Emy en était ressortie lessivée avec des bleus un peu partout sur le corps. Le lendemain, elle reprenait l’avion et le train pour rentrer à Lyon. Tout au long de la semaine, ils n’avaient presque pas parlé, enfin ils n’avaient pas parlé de choses personnelles. C’était souvent ainsi quand ils se retrouvaient. Le père d’Emy avait très bien compris que quelque chose perturbait sa fille. Il la connaissait par cœur. Il avait attendu qu’elle parle d’elle-même mais elle ne l’avait pas fait. Preuve qu’elle n’avait pas encore atteint la limite et qu’elle maîtrisait encore les choses. Elle ne contrôlait pas tout mais avait au moins gardé le contrôle sur son corps et son esprit. Ce qui lui faisait penser que c’était du coté du cœur que sa fille avait des soucis d’équilibre. La suite c’était enchaîné : travail, réunion, présentation… mal de tête. Pour au final se retrouver là au-dessus de Sarajevo, sous la pluie, à attendre que le vide se fasse. En attendant qu’une jeune femme quitte ses pensées… *** Londres, capitale de l’Angleterre et pour le week-end, nouvelle capitale du jeu de stratégie sur PC, consoles et autre support. Une convention, disons européenne, se tenait jusqu’à lundi dans cette ville où de nombreux joueurs et passionnés avaient déjà investis la place. Emy et Stan étaient là en tant que professionnels. Emy était une des invités d’une conférence, qui avait lieu dans l’après midi, traitant des décors et des mouvements dans les jeux. Pour l’instant l’organisateur leur faisait faire le tour des installations et des différents stands. *** De l’autre côté de la mer d’Irlande, Alex venait d’arriver à l’aéroport de Dublin. Stan avait tout organisé, il ne restait plus qu’à espérer qu’Emy ne se fâcherait pas et ne la renverrait pas directement en Irlande. *** La conférence commençait dans un quart d’heure et Emy essayait de trouver Stan, pas qu’elle est besoin de lui mais elle voulait lui demander si il voulait prendre place sur le podium avec elle pour parler de leur métier. Stan était son ami enfin autant qu’il était possible d’être son ami à elle. Il était discret et efficace. Il s’était beaucoup investi dans sa reconversion professionnel et aujourd’hui, elle lui faisait entièrement confiance sur les sujets qu’elle lui demandait de traiter. Le plus pour lui c’est qu’il était passionné par les jeux de ce genre. Ce qui lui permettait à elle de l’utiliser comme « cobaye » quand ils développaient de nouvelles choses. Elle finit par renoncer à le trouver, si il avait commencé à jouer sur l’un des nombreux stands, elle n’arriverait jamais à l’en décrocher. Elle alla donc prendre sa place sur l’estrade. Stan n’était pas du tout en train de jouer. Il était en route pour l’aéroport de Heathrow. Il allait chercher Alex. Il les avait bien observées en Irlande et il avait remarqué quelque chose de différent chez son amie. Son amie, oui. Ils étaient amis autant qu’on pouvait l’être avec Emy. Ils n’étaient pas intimes mais ils avaient confiance l’un envers l’autre. Elle lui avait tendu la main juste à temps avant qu’il ne perde pied. Pas de boulot, ou alors payé une misère et à coup de lance-pierre, le loyer, les factures à payer et tout cela était loin de s’équilibrer. Il était à un cheveu de l’interdit bancaire quand elle lui avait proposé un job, un vrai. Il avait eu peur de ce mettre dans la peau d’une secrétaire mais Emy l’avait tout de suite considéré comme un assistant. Elle ne lui demandait pas de taper des courriers mais juste de vérifier que tout parte et arrive dans les temps et qu’elle n’oublie rien. Alors qu’il se garait sur le parking, il espéra fortement que quand Emy découvrirait ce qu’il avait fait, elle ne le licencierait pas pour faute grave. *** La conférence se terminait et Emy en était bien contente. Elle n’avait rien contre ces passionnés qui posaient énormément de questions car leur enthousiasme était plaisant et rassurant sur l’avenir de son métier mais ce qu’elle n’aimait pas c’était la foule, le monde et être trop longtemps à l’intérieur sous un éclairage artificiel. A Lyon dans son appartement duplex, qui occupait les deux derniers étages d’un immeuble situé sur le plateau de la Croix Rousse, un quartier calme et plein d’histoire, son bureau était face à la baie vitrée qui offrait une vue remarquable sur la ville et la colline de Fourvière. Le soir, elle pouvait assister au coucher du soleil. Alors que l’animateur remerciait tout le monde, Emy se leva, quitta la scène et disparut dans les coulisses. Stan prit Alex par le coude et la conduisit vers le carré VIP. Cette dernière se laissa entraîner, repensant à ce qu’elle venait de voir. Emy dans son univers. Elle parlait posément avec des mots simples que même elle qui n’y connaissait pas grand-chose dans ce domaine avait compris. A l’entrée, Stan montra son badge et expliqua qu’elle était avec lui. Emy qui discutait avec l’animateur leur tournait le dos. Stan lui tapota sur l’épaule. « Emy, il y a quelqu’un qui veut te dire bonjour. » Elle se retourna et tomba face à Alex. « Alex ! J’ignorais que tu étais fan de ce genre de jeu. » — Je ne suis pas une fan. Je ne suis même pas sure d’avoir joué une fois à un de ces jeux. — Qu’est ce que tu fais là alors ? — Je suis venue te voir. — Comment as-tu su que j’étais là ? — Quelqu’un me l’a dit. Emy se tourna ver Stan qui se passionna tout à coup pour le plafond. « Ok, je vois. Tu es arrivée quand ? — Tout à l’heure. — Tu repars quand ? — Demain en fin d’après midi. — Tu loges où ? — … — Je vois. Stan, tu peux nous laisser s’il te plaît. — Pas de problème. Si tu n’as plus besoin de moi aujourd’hui, j’aimerais aller jouer. — Vas-y, tu as quartier libre. — Merci. Stan dut faire un effort pour ne pas se sauver et marcher tranquillement. Emy avait été trop posée à son goût. Il avait mis les pieds dans sa vie privée et il s’attendait à tout moment à se faire remonter les bretelles. Emy regarda son ami filer et se reporta son attention sur Alex. « Tu veux boire quelque chose ou bien manger ? » — Je veux bien les deux. — Suis-moi. Après être sorties de l’empire du jeu et avoir sautées dans un taxi. Emy et Alex se retrouvèrent juste à coté de Trafalgar Square, devant l’hôtel St James London où Emy était descendue. « Il y a un room service, tu pourras commander ce que tu veux. » — Ok. C’était les premiers mots qu’elles échangeaient depuis qu’elles étaient sorties. Une fois la clé magnétique récupérée, elles montèrent jusqu’au dernier étage. Emy déverrouilla la porte et laissa entrer Alex. Cette dernière fut stupéfaite devant la chambre qui était en fait une suite. Elle était presque aussi grande que son appartement. Emy pénétra dans ce qui faisait office de salon et posa son blouson en cuir léger sur le dossier d’une chaise. « Installe-toi où tu veux. Je t’amène le menu pour que tu fasses ton choix. » — Ça te dérange que je sois là ? — Non. — Alors cache ta joie. — Alex, tu débarques comme ça, sans que rien ne soit planifié. Comment voulais-tu que je réagisse ? — Pour pouvoir planifier quelque chose il faudrait d’abord que tu répondes aux messages que l’on te laisse. — J’étais occupée. — Trop occupée pour répondre à un mail ou juste passer un petit coup de fil ? — Je n’étais pas chez moi. — Je le sais mais tu étais joignable. — Uniquement pour les urgences. Alex se dirigea vers la baie vitrée et contempla un instant les lumières de la ville avant de parler à nouveau. « Je sais qu’on ne s’est rien promis quand tu as quitté Dublin mais j’espérais que tu aurais envie de me revoir. J’ai eu l’impression que quelque chose commençait entre nous mais vu ton accueil glacial, je me suis trompée. Si ça ne te dérange pas que je dorme là cette nuit, je prendrais un avion tôt demain matin pour rentrer chez moi. » Concentrée sur ses paroles et la douleur dans sa poitrine, elle ne vit pas et n’entendit pas Emy arriver dans son dos et entourer ses épaules de son bras. Elle vit leurs reflets dans la vitre. « Je suis désolée si je t’ai blessée. » Elle avait murmuré à son oreille. Son souffle était chaud sur sa peau et Alex ne put retenir un frisson. « Je suis désolée, je suis nulle dès qu’il s’agit de sentiment. » — Pourquoi tu ne m’as pas répondu ? — Je me suis dit que si je t’ignorais, tu disparaîtrais. — Tu veux que je disparaisse ? — Je ne veux pas m’attacher mais te repousser est difficile. Alex se retourna dans les bras d’Emy et lui fit face sans perdre le contact de son corps contre le sien. « Alors ne me repousse pas. » — Ce n’est pas si simple. — Pourquoi. — C’est compliqué. — Cela à un rapport avec les cicatrices que tu as sur le corps ? — En partie oui. — Tu sais, elles ne me gênent pas. Elles ne me font pas peur et ne me dégoûtent pas. — Je sais c’est ce qu’elles représentent qui fait que j’ai essayé de te tenir à distance. — Explique-moi. — Pas ce soir. Je n’ai pas envie de repenser à ça. — Tu as envie de quoi ? — De toi je crois… Alex n’attendit pas plus longtemps pour venir plaquer ses lèvres sur celles d’Emy. Elle y retrouva la douceur découverte au mois de juin. Elle passa ensuite sa langue sur celles-ci. Elles avaient le goût de limonade au citron. Alors qu’elle partait explorer la bouche d’Emy, Alex se sentit légèrement reculer et son dos vint contre la vitre. Le verre était encore chaud du soleil de l’après-midi mais le corps d’Emy plaqué contre elle était encore plus agréable. Elle ne put s’empêcher de passer ses mains sous la chemise bleu nuit qu’elle portait pour retrouver le contact de sa peau. Elle remonta le long de son dos. Elle ne trouva pas de différence de température entre ses cicatrices et le reste de sa peau. La main gauche d’Emy glissa sur sa nuque et un nouveau frisson lui descendit le long de la colonne vertébrale. Son autre main était posée à plat sur la vitre au-dessus de sa tête. Alex repoussa légèrement Emy pour pouvoir déboutonner sa chemise. Sans regarder ce qu’elle faisait, elle dût lutter avec certains boutons récalcitrants avant de pouvoir en écarter les pans. Elle fit courir le bout de ses doigts sur ses abdos et ce fut au tour d’Emy de frémir. Dans un geste très fluide Emy lui passa son léger pull et son t-shirt par dessus la tête et l’attira à nouveau contre elle pour sentir le contact de sa peau. Alex s’accrocha à ses épaules, profitant du fait qu’Emy avait les mains posées sur ses hanches, elle fit glisser sa chemise sur ses bras. Le tissu s’arrêta au niveau de ses coudes. Elle vint ensuite embrasser la base de son cou, puis poursuivit le long de sa clavicule. Alex en avait croisé des filles qui lui avaient plu, avec qui elle avait partagé de chaudes étreintes mais jamais elle n’avait ressenti cette attirance, ce besoin qu’elle avait de toucher sa peau, de sentir son souffle dans ses cheveux. Elle avait besoin de cette force qui émanait d’Emy. Besoin de ce sentiment de sécurité qu’elle avait éprouvé pendant la semaine qu’elles avaient partagée à Dublin. Elle se serra un peu plus contre Emy. Si fort que cette dernière fût obligée de faire un pas en arrière pour encaisser cette nouvelle pression. Remarquant ce geste, Alex se servit de cette dynamique pour la pousser jusqu’au canapé. Elles furent arrêtées par le dossier de celui-ci. Emy s’appuya contre et attira Alex entre ses jambes. Alex reprit possession de la bouche d’Emy, plus gourmande, plus possessive. Elle la voulait tout entière et tout de suite. La réaction d’Emy à son arrivée lui avait fait trop peur. Elle voulait évacuer ce sentiment et à cet instant, elle se disait que faire l’amour avec Emy était la meilleure solution. Elle approfondit encore leur baiser. Toujours plus. Depuis qu’elles avaient atteint le canapé, Emy essayait de garder son équilibre en faisant travailler ses abdominaux et ses muscles dorsaux mais le dernier assaut d’Alex eu raison de ses efforts et de sa concentration si bien qu’elles basculèrent toutes les deux par dessus le dossier du canapé. Emy fit en sorte qu’Alex lui tombe dessus et pas l’inverse mais malgré ça elle eut qu’en même le souffle coupé. Alex dont la chute avait été bien amortie se redressa juste assez pour voir le visage d’Emy et plonger son regard dans le sien. « Ça va ? » — Oui c’est bon ne t’inquiète pas tout va bien. — Je ne t’ai pas fait mal ? — Non. Pour lui prouver Emy voulut lui caresser la joue avec sa main gauche mais elle en fut empêchée par les manches de sa chemise. Elle était coincée dans son vêtement. « Aurais-tu un problème ? » — J’en ai bien l’impression. Tu peux me laisser me redresser trente secondes que je me décoince. — Non. — Pourquoi ? — Car comme ça tu es à ma merci. Et c’est assise à califourchon sur le bassin d’Emy qu’Alex commença à défaire les attaches de la brassière de sa compagne qui, par chance, se trouvait sur le devant. Elle repoussa Emy qui essayait de se libérer contre les coussins. Elle commença à lui caresser la poitrine, le ventre, elle fit le tour de son nombril avant de s’attaquer à sa ceinture. La boucle résista comme la première fois à Dublin. Alex essaya en tirant dessus comme ce jour-là mais rien ne se passa. « Tu m’expliques ? » Dans la limite d’amplitude que lui permettait sa chemise, Emy posa son pouce et son index de par et d’autre de la boucle et appuya. Un petit déclic se fit entendre libérant le cuir. « Facile ! » — Ouais quand on le sait et arrête de sourire comme ça. Pour effacer le sourire espiègle des lèvres d’Emy, Alex en reprit possession pour un long baiser. Le problème de la ceinture étant réglé, Alex eut tout le loisir de défaire les boutons du jeans d’Emy et de plonger sa main à l’intérieur. Alex reprenait pied dans la réalité quand elle se rendit conte qu’elles étaient allongées sur le sol au pied du canapé. Sa tête reposait sur l’épaule d’Emy et elle était blottie contre elle. « Comment on s’est retrouvées là ? » — On a dû tomber. Il faut dire que tu n’arrêtais pas de gigoter. — Et comment je me suis retrouvée toute nue ? — Ça a du t’arriver juste après que tu m’aies libérée de ma chemise. — Ah oui, je me rappelle maintenant. Et où sont mes fringues du coup ? — Avec les miennes, éparpillées autour du canapé je pense. Tu as froid ? — Non pas vraiment, ton corps me tient chaud mais le sol n’est pas très confortable. — Tu veux qu’on migre vers un lieu plus accueillant et confortable ? — Le lit ? — Par exemple. — Je suis pour. Emy se leva la première et aida Alex à faire de même. Alors qu’elle l’entraînait vers la chambre, Alex en profita à nouveau pour l’admirer dans sa nudité. Son dos était toujours barré de cette cicatrice - Elle n’allait pas disparaître de toutes les manières – mais aujourd’hui elle était beaucoup moins rouge qu’au mois de juin. Elle était d’un rose tendre. Elle ne distinguait que la plus grande, les autres étaient dans l’ombre. Alors qu’elle rentrait dans la chambre, Emy s’arrêta. « Tu as faim ? Car au départ on étaient venues là pour que tu manges. » — Maintenant que tu en parles c’est vrai que… Son ventre se chargea de terminer sa phrase en gargouillant. — J’entends ça. Installe-toi, je reviens. Alex vit revenir Emy portant une chemise et un short et le menu dans la main gauche. « Tiens fait ton choix. » — Il n’est pas trop tard ? Il est minuit passé. — Pas de problème le service d’étage fonctionne toute la nuit. — Tu veux quoi ? — Je vais prendre une omelette. — J’ai l’impression que ça t’arrive souvent de manger des omelettes au milieu de la nuit. — Oui ça arrive souvent… La commande avait été passée et vingt minutes plus tard leurs plats étaient montés dans leur chambre. Elles mangèrent assises en tailleur sur le lit. Pour l’occasion Alex avait emprunté quelques vêtements à Emy, son sac étant resté dans la voiture de location conduite par Stan. Après le repas et une bonne douche à deux, elles se couchèrent et bien calée dans les bras d’Emy, Alex s’endormit sans plus de cérémonie. De son côté, Emy resta éveillée encore un moment et regarda la jeune femme qui venait de sombrer contre son corps. Elle avait fait la sourde oreille à ses messages. Elle était même allée voir son père. Elle savait pertinemment que si elle la revoyait, elle craquerait. En l’espace d’une semaine, cette fille avait pris trop de place dans sa tête et peut-être bien dans son cœur. Une fois quitté l’Irlande, elle avait cru pouvoir l’oublier et passer à autre chose. A Berlin, elle était même allée traîner dans le quartier gay. Elle avait passé plusieurs soirs dans différents bars lesbiens en se disant que si elle couchait avec une autre fille, elle en oublierait les traces qu’elle sentait encore sur sa peau laissées par Alex. Mais ça n’avait pas marché. Pas parce qu’elle n’en avait pas eu l’occasion mais parce qu’au moment de proposer à l’autre de venir à son hôtel, les mots avaient refusé de sortir de sa bouche et elle était à chaque fois rentrée seule, pour dormir seule en essayant de repousser au maximum le souvenir d’Alex. Elle ne voulait pas retomber amoureuse. Elle ne voulait prendre ce risque. La dernière fois, elle avait failli en mourir. Elle ne voulait pas reprendre un tel risque. Aimer ça faisait mal, trop mal. Comme si de cause à effet, de repenser à tout ça, les cicatrices de son dos et de sa cuisse se mirent à lui faire à nouveau mal. Elle changea de position et la fraîcheur relative des draps lui fit du bien. Elle se força à respirer calmement et finit par s’endormir. Alex se réveilla juste avant l’aube. Emy dormait à ses côtés sa respiration lente et posée en attestait. Elle se souvenait s’être endormie blottie dans ses bras. Alex releva légèrement la tête pour voir le visage d’Emy. Il était détendu. Les traces de préoccupation ou de concentration avaient disparu laissant la place à la sérénité. Quand elle lui avait demandé ce qu’elle voulait, Emy lui avait répondu qu’elle la voulait elle. Cela l’avait fait sourire mais en même temps, elle avait eu mal. Elle était contente qu’Emy ait envie de faire l’amour avec elle car elle aussi en avait très envie mais d’un autre côté cela voulait dire qu’il n’y avait que ça entre elles. Emy était attirée par elle sur un point de vue uniquement physique. Alors que pour elle, il était tout autre. Elle aimait Emy complètement, entièrement. Même les zones d’ombre, les non-dit, les choses passées sous silence volontairement, la douleur qu’elle voyait au fond de ses yeux, tout cela l’attirait encore plus. Comme le papillon attiré par la flamme, Alex ne pouvait résister à Emy même si elle devait s’y brûler les ailes, elle ne s’en écarterait pas. Et si leur relation ne devait se nourrir que du désir alors elle se contenterait de ça. Elle savait qu’elle se mentait, qu’il lui faudrait plus que ça pour être complètement heureuse. Mais elle préférait exister à moitié que ne pas exister du tout. Alex se serra un peu plus contre Emy refoulant les larmes qui lui montaient aux yeux. Elle sentit les bras de son amante l’entourer et la serrer un peu plus contre elle. Alex eut le sentiment que par ce geste inconscient, elle voulait la protéger comme si elle avait senti sa détresse. *** Le réveil avait été agréable pour Alex. Une bonne odeur de café frais lui avait chatouillé les narines vers 10 heures du matin. Elle avait mis de côté ses idées noires et s’était concentrée sur la journée qui l’attendait aux côtés d’Emy. Elles passèrent devant Buckingham Palace, puis continuèrent dans Saint James Park. Elles flânèrent autour du lac de Hyde park s’amusant à lire les inscriptions poétiques ou romantiques inscrites sur les bancs. Elles prirent ensuite la direction de Big-Ben et du Westminster avant de traverser la Tamise et de faire un tour dans le London Eye. Une balade sur les quais les emmena face à Tower Bridge et à la tour de Londres. Elles étaient toutes les deux assises sur le muret qui surplombait la petite plage de sable. « Ça va être l’heure que j’aille à l’aéroport. » — Je sais. On va aller récupérer ton sac à l’hôtel et je t’accompagnerai. — Tu n’es pas obligée, je peux prendre le métro. — Ça ne me dérange pas. Emy se leva et tendit sa main à Alex qui s’en saisit avide de ces moments où elle pouvait la toucher. Elles prirent un taxi. Emy fit juste un aller-retour pour prendre le sac d’Alex dans sa chambre. Stan l’avait déposée le matin peu avant 8 heures. Il avait timidement frappé à la porte, comme la veille Emy portait un short et une chemise quand elle vint lui ouvrir. « Tiens, je me suis dit qu’elle pourrait en avoir besoin. Elle est bien là ? » — Oui. Ne t’inquiète pas. — C’est cool. J’avais peur que… Il se dandinait en passant d’un pied sur l’autre. Le bout de ses oreilles devenait rouge. — C’est bon Stan. Tu as bien fait, je ne t’en veux pas mais n’en fais une habitude. — Promis. — Tu as joué jusqu’à quelle heure ? — La dernière fois que j’ai regardé ma montre il était 2 heures. — Et il s’est écoulé combien d’heures entre ta montre et ta chambre ? — Heu… Je ne sais pas trop, quelques une je suppose. — Je dirais au moins cinq. Va te reposer, tu as la même tête que lorsque tu t’étais lancé le défi de finir Tomb Rider IV en une nuit. — Tu as raison. Au pire, tu me réveilles pour aller prendre l’avion ? — Ne t’inquiète pas, je ne vais pas t’abandonner là. Et merci pour le sac. — De rien. A plus tard. Arrivées à l’aéroport, Emy attendit qu’Alex ait enregistré son bagage avant d’aller s’asseoir à la table d’un bar. Après un court silence, Alex prit la parole. « Tu repars quand ? » — Ce soir. Mon avion décolle à 21h. — Tu rentres sur Lyon ? — Oui. Le travail que j’ai à faire ne nécessite pas que je parte en vadrouille. — Ok. Il y eut un nouveau silence. « Tu vas à nouveau ignorer mes messages ? » — Non. — Tu me promets de répondre aux mails et au téléphone ? — Autant que mon planning me le permettra. — Ok. Alex regarda sa montre. « Il est temps que je passe le contrôle. » — C’est juste. Elles se levèrent et Emy accompagna Alex jusqu’aux portes vitrées qui délimitaient la zone de contrôle. « Tu m’envoies un message pour me dire si tu es bien rentrée ? » — Oui mais tu dois faire de même quand tu arriveras à Lyon. — Il sera tard. — Ce n’est pas grave. — Je le ferais Alex ne savait pas quoi faire. Elle avait une envie irrésistible d’embrasser Emy mais elle ignorait si celle-ci était assez open pour accepter d’embrasser une fille en plein milieu d’un aéroport. La réponse à sa question intérieure arriva peu de temps après. Emy l’attira dans ses bras et l’embrassa. C’était un baiser tendre et doux loin de la passion de cette nuit mais tout aussi agréable. Elle la relâcha au bout de quoi vingt secondes, une minute, un quart d’heure, une heure peut-être… « Vas prendre ton avion. Sinon il va partir sans toi. » Alex en avait perdu la parole et elle eût du mal à lâcher la main d’Emy. Mais elle finit par reculer et passer les portes coulissantes. Emy la regarda disparaître et dût se secouer un peu pour faire demi-tour et retourner à son hôtel. Elle reviendrait plus tard ici pour prendre son vol pour Lyon. *** | |
| | | Mack Modo
Nombre de messages : 607 Age : 44 A écrit : Rencontre sportive ; Home sweet Home ; A l'ouest de chez moi tome 1; Mouvement perpétuel; Soleil de minuit, Aurore boréale tome 1, 2 & 3 ; Galway Date d'inscription : 23/03/2008
| Sujet: Re: Mouvement perpetuel Lun 5 Sep 2016 - 22:01 | |
| 4- Ecosse Le mois d’août avait filé à toute vitesse pour Alex qui avait accepté d’assurer les rendez-vous de deux de ses collègues partis en vacances. Les journées étaient chargées et épuisantes mais quand elle rentrait le soir, il y avait toujours un mail d’Emy dans sa boîte. Elle apprenait à découvrir Emy au travers de ses écrits. Elle fit connaissance avec son humour, son esprit critique sur la politique et l’histoire, sa passion pour le sport, ses lectures très hétéroclites, sa culture générale très étendue et son talent pour le dessin. Car avec les mails il y avait souvent des dessins faits au crayon qu’Emy lui scannait. Elle lui dessinait les choses qui l’entourait, les monuments de sa ville, son appartement, ainsi que des choses plus imaginaires. Alex les avait mis en écran de veille et ne se lassait pas de les regarder. Elle avait compris dès le début que le dessin était la manière de communiquer d’Emy. C’est dans ses dessins qu’elle faisait passer ses sentiments. Alex aimait tout particulièrement celui qu’elle avait fait de son appartement à Lyon car par ces traits, elle lui offrait une part de son intimité. De son côté Emy mettait la touche finale à plusieurs projets et commençait à poser les bases des nouveaux qui commenceraient fin octobre. Le début du mois de septembre à venir allait être mouvementé. Elle devait assister à plusieurs conférences, en tant que spectatrice cette fois, rencontrer deux nouveaux clients et pour ça, elle devait aller en Russie. Et elle n’avait aucune envie d’y aller. Elle n’y était pas retournée depuis 2002. En attendant et pour ne pas penser à ce prochain voyage tous les midis pendant la pause qu’elle s’imposait, elle se mettait à dessiner sur de simple feuille avec un banal crayon à papier ce qui lui passait par la tête. Son père avait découvert très tôt qu’elle avait une excellente mémoire photographique, ce qui lui permettait de reproduire un monument sans l’avoir face à elle. A la mi-août, elle s’était surprise à voir apparaître son appartement sous les traits du crayon. Elle était allée jusqu’au bout et comme elle s’était promise d’envoyer les dessins qu’elle ferait sans se censurer elle l’avait donc mis en pièce jointe. *** Septembre avait pointé le bout de son nez et le crachin irlandais avec. Alex commençait à préparer ses vacances et regardait sur internet les propositions de voyages dernière minute. Elle était libre les deux dernières semaines de septembre. Elle avait secrètement espéré qu’Emy lui proposerait quelque chose mais il n’y avait rien dans ses mails. A cet instant, une petite fenêtre s’ouvrit en bas à droite de son écran. LetAlf : Salut ! Cadhan : Salut ! Comment vas-tu ce soir ? LetAlf : Très bien et toi ? Cadhan : ça va la journée a été longue. LetAlf : Beaucoup de patients ? Cadhan : Oui. A croire qu’ils se sont tous donnés le mot pour se blesser. C’est la première fois que je te vois connecter ici. LetAlf : Oui c’est rare que je me connecte mais vu que tu m’as dit que tu y étais je suis venue. Cadhan : Merci. LetAlf : C’est normal. En fait j’avais une question à te poser. Cadhan : Je t’écoute. LetAlf : Est-ce que tu pourrais te libérer fin septembre ? Cadhan : Pourquoi ? LetAlf : On va dire que je suis en vacances et je me disais qu’on pourrait peut être passer quelques jours ensemble. Je pourrais venir à Dublin si tu veux. Cadhan : En fait je suis moi aussi en vacances les 15 derniers jours de septembre donc on peut se voir plus que quelques jours… Blueyes : Tu es déjà allée en Ecosse ? Caghan : Juste à Edimbourg pendant un week end. Pourquoi ? LetAlf : Pour un projet, je dois mener une campagne de prises de vue de l’Ecosse. Et je pensais faire d’une pierre deux coups, en profiter pour visiter en même temps. Ça t’intéresserait de parcourir l’Ecosse ? Caghan : Dans quelles régions tu souhaites aller ? LetAlf : Dans les Highlands. Caghan : Les visites d’Edimbourg et Glasgow sont possibles ? LetAlf : Oui bien sûr. Tu n’as pas eu le temps de tout voir à Edimbourg quand tu y es allée ? Caghan : C’était il y a plus de 5 ans et mon week-end était trop court. :-( LetAlf : Je vois. Dois-je en conclure que tu es tentée par le projet ? Caghan : Très tentée même. Tu as déjà une idée de ton voyage ? LetAlf : Tu veux dire de notre voyage ;o) Je pensais atterrir à Edimbourg et commencer par là, j’ai besoin de photos du château et des petites ruelles, ensuite je pensais aller à Glasgow puis louer une voiture et partir en direction du nord, parcourir les Highlands, aller voir les îles du nord et l’île de Skye et reprendre l’avion à Inverness. Caghan : C’est un programme très intéressant. Ok je pars avec toi. LetAlf : C’est bien. Alex avait le sourire jusqu’aux oreilles. Emy lui avait proposé de partir en voyage ensemble. Elle avait du mal à y croire mais c’était bien écrit en toutes lettres sur l’écran de son ordinateur. De son côté, Emy se demandait ce qui avait bien pu lui passer par la tête de proposer à Alex de l’accompagner en Ecosse. Elle avait fait ça sur une impulsion. Et elle ne faisait pas les choses sur une impulsion. Plus depuis ce jour-là. Mais elle n’arrivait pas à regretter sa proposition. Elle avait envie d’être avec Alex même si elle refusait de se l’avouer la plupart du temps. Caghan : Comment fait-on pour les réservations ? LetAlf : Je m’en occupe. Caghan : Ok. LetAlf : Je vais devoir te laisser, je dois appeler un ami à New York. Il doit être levé à présent. Caghan : Ok. Passe une bonne soirée. LetAlf : Merci. Toi aussi. A tantôt Caghan : @+ Pour arrêter de penser à ce qu’elle venait de faire, Emy attrapa le casque microphone relié à son téléphone et appuya sur la mémoire 8. Elle dût attendre un petit moment avant que la connexion se fasse. A la troisième sonnerie quelqu’un lui répondit de l’autre côté de l’Atlantique. Alex était à deux doigts de prendre son portable pour appeler Julie et lui raconter ce qu’il venait de se passer. Mais elle se retint car sans qu’elles en aient discuté, elle se doutait qu’Emy n’aimait pas que l’on parle de sa vie privée. Elle avait vu le regard qu’elle avait lancé à Stan quand elle avait compris que c’était lui qui avait divulgué son emploi du temps. Alors pour l’instant, elle ne ferait rien qui pourrait agacer Emy et mettre fin à leur relation naissante. *** Vendredi soir. Veille de départ. Alex avait expédié son dernier patient, lui donnant les recommandations et les exercices qu’il devait faire pendant son absence ainsi que le nom et le numéro de son remplaçant. Elle était maintenant dans sa chambre, son sac de voyage ouvert sur son lit. Elle hésitait sur les vêtements à prendre. Elle ignorait comment Emy passait ses vacances, si c’était sportif ou plutôt tranquille. Elle penchait plus pour l’option « sportif » aux vues de sa manière de s’habiller et du comportement qu’elle avait eu au cours de son voyage en Irlande. Alex avait donc posé jeans, t-shirts et pulls au fond du sac mais elle voulait séduire Emy aussi. Elle attrapa donc pull moulant à col roulé, chemisier, jupe longue, nuisette et finit avec une sélection de ses sous-vêtements préférés. Elle n’oublia pas les chaussures qui allaient avec chaque option « découverte » et « séduction ». Elle était excitée et impatiente mais elle avait peur aussi. Car au fond d’elle, elle sentait que c’était quitte ou double. A l’issue de ce voyage, elle saurait si elle avait une chance que sa relation avec Emy se développe vers quelque chose de plus sérieux et durable. Stan avait déposé Emy devant chez elle. Ils avaient fait une partie de basket au parc de Gerland. Ils avaient tous les deux besoin de faire autre chose pour terminer la semaine. Emy était revenue tendue de son voyage en Russie et Stan avait travaillé comme un fou pour terminer dans les temps son premier vrai projet en solo. Emy était allée directement sous la douche. Elle était fatiguée mais elle aimait cette fatigue musculaire, celle qui vous fait vous sentir bien. Cinq ans plus tôt, elle avait cru que jamais elle ne pourrait refaire ça, qu’elle ne pourrait même plus bouger. Alors que l’eau coulait sur son corps et sur ses cicatrices, elle se dit que malgré tout, dans cette catastrophe, elle avait eu beaucoup de chance. Une fois séchée et habillée, elle commença à préparer ses affaires. Elle avait l’habitude de bouger et faire son sac ne lui prit pas beaucoup de temps. Il lui en fallut plus pour ranger son matériel multimédia. *** Aéroport d’Edimbourg. Alex attendait au meeting point. L’avion d’Emy atterrissait trente minutes après le sien. Elle était impatiente de la revoir mais aussi de savoir où elle avait réservé car pour l’ensemble du voyage, elle ne s’était occupée de rien. Le lendemain de leur conversation où elles avaient fixé les dates de leur voyage, elle avait reçu son billet électronique par mail. Julie lui avait appris qu’Emy n’avait aucun problème d’argent mais qu’elle ne le jetait pas non plus par la fenêtre. Pour exemple, Emy aurait pu prendre le TGV pour Paris et prendre l’avion là mais elle avait choisit d’aller à Genève en train normal et de voyager avec une compagnie low cost. Elle avait du se lever beaucoup plus tôt. Alex pensait que se lever n’était pas un problème pour Emy. Elle en avait eu la preuve lors de son voyage à Dublin. Emy repéra très vite Alex assise et qui lui tournait le dos. Elle s’approcha, se pencha et tout proche de son oreille dit doucement : « Vous attendez quelqu’un mademoiselle. » Alex sursauta et se retourna d’un bloc. « Tu m’as fait une de ces peurs ! » — Désolée. Je ferais plus de bruit la prochaine fois. Alex hésita un instant et posa un rapide baiser sur ses lèvres. « Bonjour. » — Bonjour. Comment vas-tu ? — Très bien. — On bouge ? — Je te suis, vu que je ne sais pas où on va. — On va prendre un taxi. Alors qu’elle marchait devant elle, Alex en profita pour étudier Emy. Elle avait un de ces nouveaux sacs de voyage qui roule ou se transforme en sac à dos. Elle avait aussi un sac à dos bleu et noir dans le dos. Sa tenue était très décontractée et Alex ne rêvait que d’une chose : la déshabiller. Le taxi les déposa devant un hôtel situé dans Oldtown, tout proche du château d’Edimbourg. Alex s’attendait à une chambre d’hôtel semblable à celle de Londres mais il s’agissait en fait d’un petit appartement au dernier étage de l’immeuble. Alex alla jeter un coup d’œil par la fenêtre du salon, elles avaient une magnifique vue sur la vieille ville et les jardins. Emy s’approcha dans le dos d’Alex et l’entoura de ses bras. « Il n’y a pas de service d’étage ici mais je peux te faire la cuisine quand tu auras faim. » — Si tu me prends par les sentiments… Elle se retourna dans ses bras et vint immédiatement plaquer ses lèvres sur les siennes. Emy ne resta pas insensible à l’attaque et répondit avec ferveur au baiser. Elle ne tarda pas à poser ses deux mains sur les reins d’Alex pour l’attirer plus près. Cette dernière recula et vint poser son front contre celui d’Emy pour reprendre son souffle avant de dire : « Tu crois qu’un jour j’arriverais à te voir sans avoir envie de toi ? » — J’espère bien que non, lui répondit Emy un sourire espiègle sur les lèvres. — Ce n’est pas ce que je voulais dire. C’est juste que quand on se retrouve j’ai qu’une obsession : te sauter dessus. — Et c’est mal ? — Je ne sais pas. Je ne te connais pas assez pour savoir si tu aimes ça. — A ton avis ? — J’ai pu me rendre compte à Londres qu’il ne te fallait pas beaucoup de temps pour être « opérationnelle ». — Scout toujours prêt ! — Tu as fait les scouts ? — C’est important là tout de suite. — Non pas vraiment. — Bien parce que… Emy reprit possession des lèvres d’Alex et l’entraîna sur le canapé. Il ne fallut pas longtemps pour que le pull léger d’Emy disparaîsse, vite suivit par sa chemise. Alex se retrouva dépouillée de tous ses hauts en un seul geste. Jeans et baggy finirent emmêlés sur le parquet rejoints par leurs sous-vêtements respectifs. Elles reposaient à présent enlacées sur le canapé. Alex avait calé sa tête sur l’épaule d’Emy et se laissait bercer par sa respiration. Elle sentait le bout des doigts d’Emy lui caresser le dos alors qu’elle faisait des petits cercles autour de son nombril. Elle se sentait étrange, à la fois vide et pleine. La jouissance l’avait laissée sans force mais le plaisir l’avait rempli d’une douce euphorie. Comme toutes les petites filles, elle avait été élevée dans le mythe de Cendrillon. Elle avait cru au prince charmant – enfin jusqu’à ce qu’elle se rende compte qu’elle préférait les princesses aux princes – et au fait que si c’était le bon, les relations sexuelles étaient magiques. Elle avait jeté Cendrillon aux orties depuis longtemps mais à cet instant, lovée dans ce canapé, dans un appartement de la vielle ville d’Edimbourg, Alex se dit que la partie magique de l’histoire était sûrement vraie. De son côté Emy essayait de faire le point sur ce qui venait de se passer. Elles n’avaient même pas résisté plus de quinze minutes avant de se jeter l’une sur l’autre. Elle avait de cette étreinte un sentiment de paradoxe. Il y avait eu l’urgence des retrouvailles mais dans le tumulte des sens qui refusent de prendre le temps il y avait eu cette part de douceur que l’esprit impose. « Une main de fer dans un gant de velours » aurait pu être la légende de leur acte. Il y avait eu aussi le passage où Alex lui avait caressé le dos, d’abord légèrement, du bout des doigts comme si elle avait eu peur de lui faire mal, puis ensuite du plat de la main, n’hésitant pas à passer sur ses cicatrices. La majorité – voir même l’ensemble – des filles avec qui elle avait couché, évitait cette zone de son corps, tout comme sa cuisse. « Emy, à quoi tu penses ? » — Je pensais à ton comportement. — Mon comportement ? — Oui. — J’ai droit à plus d’explications car je ne comprends pas. — Je veux parler de ta façon d’agir quand on fait l’amour. — Ce n’est pas plus clair. — Ta manière de me caresser le dos pour être précise. — Tu n’aimes pas ? — Si au contraire. Tu dois être la première à le faire depuis… — Depuis que tu as de magnifiques cicatrices dans le dos ? — Oui. Un silence s’installa. Alex laissa le temps à Emy de poursuivre si elle le souhaitait. Mais elle n’en fit rien alors Alex reprit la conversation. « Elles ne me gênent pas. Et je ne veux pas que tu me prennes pour une dingue mais j’aime la texture de tes cicatrices. A cet endroit, ta peau est encore plus douce. Et si tu sens que j’hésite au début, ce n’est pas par peur ou dégoût, c’est juste que je ne veux pas te faire mal. J’ai pu me rendre compte que quand ça ne va pas, elles sont plus chaudes que le reste de ton corps, c’est ce que je teste au début. » — Tu aimes la texture de mes cicatrices ? — Oui. — … — Tu ne les touches pas n’est-ce pas ? — Je ne peux vraiment toucher que celle de ma cuisse les autres je ne fais que les voir dans la glace. Ou dans le regard des autres… — Tu veux m’en parler ? — Non, je ne préfère pas. — Pas de problème. Comme tu veux. Tu sais quoi ? — Non. — J’ai faim. — Tu as toujours faim après ? — Heu… Laisse-moi réfléchir. Oui. Et encore plus avec toi. — Bien. Mais il va falloir aller faire deux ou trois courses si tu veux manger. — Alors en route. Alex ne bougea pas pour autant. « Alex, tu sais qu’il faut que tu bouges pour que je puisse me lever et mettre à exécution ton ordre et satisfaire tes envies. » — Tu sais que même couchée tu peux satisfaire certaines de mes envies. — Je n’en doute pas une seconde. Et je comprends que tu sois amie avec Julie vous avez le même esprit perverti. Alex vola un baiser à Emy avant de se lever et d’enfiler sa chemise. « Alex, tu t’es trompée, c’est ma chemise. » — Je sais. — Ok. — Je file sous la douche. Tu me rejoins ? — Tu as faim ? — Oui. — Alors non. J’irai après. — Ok. Sois sage. Emy regarda Alex disparaître dans la salle de bain. Elle se rhabilla mais ne resta qu’en brassière en haut car sa chemise était maintenant avec Alex. Elle sortie son ordinateur portable et son matériel de photo et commença à le préparer. *** Alex s’écroula littéralement sur le matelas du lit à baldaquin, en poussant un profond soupir. Elles avaient traversé l’Ecosse d’Est en Ouest puis d’Ouest en Est. Elles avaient commencé par visiter le château et la ville d’Edimbourg, ensuite pris la direction de Glasgow, remonté sur Stirling, dormi au-dessus d’un pub à Doune, fait une petite balade dans le Queen Elizabeth Park avant de rentrer vraiment dans les Highlands et ses montagnes aux pans chiffonnés. Elles s’en étaient mises plein les yeux à Spean Bridge et son monument au souvenir des soldats mais c’était la vue à 360° qui coupait le souffle. Emy avait fait un arrêt pour lui permettre de voir le viaduc et la ligne de chemin de fer que l’on voit dans Harry Potter, la sachant fan. Ensuite, elles avaient pris le ferry pour rejoindre l’île de Skye. C’est à partir de ce moment qu’Alex avait découvert la vraie nature sportive d’Emy. Cette dernière l’avait fait crapahuter sur les chemins montagneux de l’île pendant des heures. Il faut dire que ses efforts étaient récompensés par des paysages magnifiques, des pointes rocheuses sortant de terre, des falaises se jetant dans la mer. Elles avaient aussi vu des vaches aux longues cornes et à la mèche rebelle. Et bien sûr des moutons mal rangés, éparpillés dans les prés et sur la route. Elles avaient remonté les rives du Lock Ness et l’espace d’un instant Alex s’était demandé si Emy allait lui proposer de faire de la plongée, histoire d’aller chercher Nessy. Elles étaient à présent à l’est d’Inverness, où elles devaient passer la nuit dans un château-fort. Leur chambre était dans le donjon. Alex avait vaguement regardé le décor mais ne souhaitait qu’une chose à cet instant faire la sieste. Elle était lessivée. C’était leur dernière nuit en Ecosse avant de reprendre l’avion à Inverness pour Dublin et finir leurs vacances. Une petite voix au fond d’elle lui disait que ce n’était pas des vacances mais elle la fit vite taire. Au cours de leur périple, Alex avait pu découvrir Emy. Elle l’avait vue dans tellement de situations différentes qu’elle cernait de mieux en mieux sa personnalité. Elle l’avait vue travailler - car Emy était là aussi pour ça – concentrée sur les réglages de ses différents appareils de prise de vue. Elle l’avait vue en train de dessiner à la fin d’un de leur repas de midi, sous son crayon était apparu le château en ruines qu’elles avaient en face d’elles. Alex avait gardé ce dessin. Elle l’avait aussi vue rire dans un pub quand un Ecossais, légèrement saoûl, avait tenté de lui expliquer les règles du cricket. Sport où malgré ses efforts, Emy ne comprenait rien – chose rare pour le souligner. Par contre, elle ne l’avait jamais vue dormir, sombrant toujours avant elle et ouvrant toujours les yeux après elle. Emy rentra dans la chambre avec leur deux sacs qu’elle était allée récupérer dans la voiture. Elle posa le tout sur le sol et se tourna en direction du lit. Elle y trouva Alex écroulée, endormie. Elle n’avait même pas pris la peine d’enlever ses chaussures. Emy avait déjà remarqué qu’Alex faisait des efforts pour ne pas s’endormir dans la voiture. Elle lui ôta ses chaussures et l’installa plus confortablement. Elle eut droit en retour à un soupir de bien-être mais à aucun moment Alex ne se réveilla. Elle s’assit au pied du grand lit, en s’appuyant contre le haut montant en bois et la regarda. Elle lui en avait fait voir et faire des choses ces derniers jours. Elle avait bien vu qu’elle lui en demandait beaucoup, qu’elle la forçait à puiser dans ses réserves mais elle avait besoin de savoir. Besoin de savoir si Alex pouvait trouver sa place dans sa vie. Et sa vie c’était ça, bouger, souvent, voir plein de choses, être dehors. Et elle devait reconnaître que la jeune femme s’en sortait plutôt bien, même si elle tombait comme une masse une fois la tête posée sur l’oreiller. Elle attrapa dans son sac à dos posé sur le sol son bloc de croquis et commença à la dessiner. Elle laissa son crayon courir sur la page, faisant apparaître les traits délicats du visage d’Alex, le velouté de sa joue, les douces aspérités de son oreille, son nez légèrement en trompette qui la faisait ressembler à un lutin, ses pommettes qui se teintaient de rouge quand la conversation devenait trop osée, ses lèvres pleines et si douces, la courbe tendre de sa mâchoire, son cou et sa veine à sa base qui bat fort quand elles font l’amour, sa peau plus claire que la sienne et son corps tonique. Elle esquissa le décor autour d’elle puis posa son bloc et son crayon. Pour ne pas la déranger, elle prit son lecteur MP3 et s’allongea à côté d’elle pour écouter sa musique en silence. Guidée par son instinct, Alex vint presque immédiatement se blottir contre Emy. La tête sur son épaule, un bras en travers de sa poitrine, sa main gauche venant se refermer sur le tissu de son pull. Emy avait remarqué qu’Alex faisait souvent ça quand elle dormait, s’accrocher à elle comme si elle avait peur qu’elle disparaisse dans son sommeil. Elles restèrent un moment comme ça, le temps d’un album complet. Il était maintenant l’heure de manger. Emy s’appliqua à réveiller doucement Alex. « Alex, ouvre les yeux. » — Hurm ! — Il est temps d’aller manger. — Tu es sure ? — Oui. Sinon plus tard, ce sera un fish and chips au village. — Oh non, on a dit qu’on mangeait au restaurant du château. — Je sais mais pour ça, il faut que tu ouvres les yeux. A défaut d’ouvrir les yeux Alex se blottit encore plus dans les bras d’Emy et vint cacher son visage dans le creux de son épaule. « Je veux rester dans tes bras ? » — Tu n’as pas faim ? — Non. Pour la contredire son ventre se mit à gargouiller. « Ton estomac pense différemment. » — Oui mais je suis bien comme ça. — Rien ne t’empêche de recommencer après le repas. — Tu as raison. Viens. Alex s’était levée mais avant qu’Emy ait pu en faire autant, Alex se rallongea et vint l’embrasser, d’abord tendrement puis avec plus de passion et d’envie. Emy profita de la reprise d’air d’Alex pour reculer un peu. « Du calme jeune fille. Si tu commences comme ça, on ne va jamais aller manger. » Alex sourit mais revint à la charge. Et sans qu’elle ne comprenne rien, elle se retrouva sous Emy dans l’incapacité de bouger. Ses deux mains coincées sous son propre corps, Emy bloquant ses coudes. Elle essayait bien de se tortiller pour se libérer mais la seule chose qui bougeait c’était sa tête. « J’ai dit "on se calme". Non mais t’es pas croyable, il y a cinq minutes, tu dormais comme une masse et maintenant tu es inarrêtable. Veux-tu bien redevenir une petite fille sage, l’espace d’une heure ? » — Si tu me lâches, je promets d’être sage. — Pas de blague ? — Promis. Emy relâcha Alex et l’aida à se mettre debout. « Bien, allons manger. » — Je peux te poser une question ? — Vas-y. — Comment tu as fait ? — Comment j’ai fait quoi ? — Pour me retourner comme une crêpe et m’immobiliser de la sorte ? — Tu n’espères tout de même pas que je vais te révéler tous mes secrets. Je pourrais en avoir besoin plus tard. Elles sortirent enfin de la chambre et empruntèrent l’escalier en colimaçon aux hautes marches. Le restaurant était situé dans une grande salle au plafond voûté, les tables étaient en bois épais et les chaises avaient un haut dossier. Les armoiries du château se trouvaient au-dessus d’une imposante cheminée. En entrée, elles choisirent de la soupe qui leur fut servi dans des bols en bois. Alex choisit du filet de porc et Emy un pavé de bœuf les deux accompagnés de pommes de terre sautées. En dessert, elles partagèrent un fondant au chocolat, servi avec de la crème anglaise, de la chantilly et une boule de glace vanille. Alex accompagna son repas d’un verre de vin et Emy sous le sourire indulgent et affectueux de leur serveuse - cinquantenaire au moins portant le tartan au couleur du clan de la région – un verre de lait froid. Elles firent une balade dans le parc du château, le jour étant encore loin de se coucher et la température étant douce, elles s’assirent dans l’herbe tendre. Alex vint se placer entre les jambes d’Emy et s’appuyer contre sa poitrine. Emy l’entoura de ses bras. « Tu es bien ? » — Je me sens gaie. — Gay ou gaie ? — Les deux. Je suis gaie à cause du vin et gay à cause de toi. — A cause de moi ? — Plutôt grâce à toi. — Tu étais gay avant de me rencontrer il me semble. — Oui. — Tu le sais depuis combien de temps ? — Depuis dix ans, depuis que je suis arrivée en Irlande. — L’Irlande a été un facteur déclenchant ? — Je voterai plutôt pour la fac. — La promiscuité des résidences étudiantes ? — Surtout une magnifique brune explosive. — Raconte-moi. — On était dans la même classe d’anatomie et on habitait dans le même bâtiment de briques rouges. On a commencé à aller dans les pubs après les cours, puis on est allé en soirée. C’était très platonique. On était amies. Je la trouvais très mignonne, elle était attirante avec ses long cheveux noirs, ses yeux foncés et sa peau mate. Elle avait des origines espagnoles. Un samedi soir, elle m’a emmenée dans un bar un peu différent de d’habitude. Il n’y avait que des filles. Je pensais me sentir mal à l’aise mais pas du tout, je me sentais bien, dans mon élément. On a dansé une bonne partie de la nuit. Elle prenait tous les prétextes pour pouvoir me toucher. Et je me suis aperçue que j’en faisais autant. Peu de temps avant la fermeture, elle m’a poussée contre le mur et m’a embrassée. Je ne l’ai pas repoussée. Je n’ai pas non plus dit non quand elle m’a ramenée dans sa chambre et qu’elle m’a fait l’amour. Le lendemain, tout me semblait à sa place. J’étais dans les bras d’une fille et j’étais bien. Je ne suis pas allée chercher plus loin. — Il n’y a eu qu’une nuit avec ta brune explosive ? — Non, nous sommes restées ensemble toute notre première année. — Et ensuite ? — Ensuite, j’ai eu quatre relations majeures dont la plus longue a duré deux ans et demi. Et d’autre plus éphémères qui ne sont pas allées plus loin que trois mois. Et toi depuis combien de temps tu le sais ? — Depuis toujours je pense. Aussi loin que je me souvienne, je me suis toujours identifiée aux héros des films que je regardais ou des livres que je lisais. Mon premier baiser avec une fille remonte à mes 14 ans. — Ta plus longue relation ? — Un an. — Ta plus courte ? — Une nuit. Mais je ne sais pas si on peut appeler ça une relation ou alors uniquement sexuelle la relation. — Tu veux bien me parler de ta relation d’un an. — Elle est russe, elle s’appelle Yelena. Nous nous sommes rencontrées à Saint Petersbourg où j’habitais avec mon père. J’avais 20 ans. La première fois qu’on s’est croisé ça m’a valu une fracture du poignet. J’aurais peut-être du me poser des questions à ce moment-là vu que notre relation a fini comme elle avait commencé. La chose positive c’est que ça m’a permis d’apprendre le russe. — Et depuis tes 21 ans, plus rien de sérieux ? — Oh non ! Surtout pas. Rien qui ne dépasse la semaine. — Tu comptes me larguer demain ? Alex avait essayé de mettre de l’humour dans sa voix mais il y avait tout de même eu une fracture sur le dernier mot. « Non, je n’en ai pas l’intention. » — Tu m’en vois ravie. On peut rentrer j’ai un peu froid. — Bien sûr. Alex n’arrivait pas à dormir. Elle avait pourtant sommeil. Elles avaient fait l’amour, Emy avec sa patience habituelle et Alex avec urgence comme si cela pouvait être la dernière fois. Elle avait beau se forcer à fermer les yeux, son cerveau refusait de s’arrêter de cogiter. Depuis six ans les histoires d’Emy n’avaient pas dépassé une semaine, ce qui voulait dire que ses jours étaient comptés. Bientôt, elle la larguerait pour aller voir ailleurs. Qu’est ce qui s’était passé avec cette russe pour qu’après sa rupture elle ne se soit plus engagée ? Peut-être l’aimait-elle encore. Et à cette pensée, Alex eut mal. Une douleur fugace juste au niveau de la poitrine qui l’empêchait de respirer normalement. Elle sentait une crise d’angoisse arriver. Elle en faisait beaucoup avant mais cela lui était complètement passé depuis son arrivée en Irlande. Il fallait qu’elle sorte de ce lit. Elle ne voulait pas réveiller Emy et surtout, elle ne voulait pas qu’elle la voit dans cet état. Il fallait qu’elle bouge avant que l’angoisse ne la tétanise sur place. Alex se concentra sur la seule action de sortir du lit mais avant qu’elle ait pu faire le moindre mouvement, elle sentit une main venir se poser sur sa poitrine. « Qu’est ce qui t’arrive ? Ça ne va pas ? » Elle ne put rien répondre à Emy. Sa gorge était comme comprimée. Elle prit conscience que son amie allumait la lumière et elle vit son visage apparaître au-dessus d’elle. « Alex ça va ? » — … — Réponds-moi, Alex. — … Emy fit vite un inventaire de la situation. Alex avait les pupilles dilatées, le souffle très court, limite sifflant, elle la voyait essayer d’avaler sa salive sans y parvenir. Elle connaissait ces symptômes. Elle enjamba le corps d’Alex et alla dans la salle de bain. Elle fit couler l’eau de la douche, fort. Elle revint dans la chambre et prit Alex dans ses bras pour la porter jusque sous la douche. L’eau froide fit pousser un hoquet de surprise à Alex ce qui lui permit de faire réentrer de l’air dans ses poumons. Emy se tenait debout sous le jet avec elle, la tenant serrée dans ses bras, lui murmurant des mots d’encouragement pour qu’elle reprenne le contrôle. Quand elle sentit le corps d’Alex se détendre contre le sien et son souffle devenir plus régulier, elle se laissa glisser contre le mur carrelé, l’entraînant avec elle pour finir assises dans la cabine de douche largement assez grande pour les accueillir toutes les deux dans cette position. L’eau froide coulait toujours mais elles ne la sentaient plus vraiment. Emy se contentait de tenir Alex dans ses bras qui avait la joue sur le haut de sa poitrine, les bras serrés autour de son ventre. De son côté Alex avait l’impression de s’accrocher à une bouée de sauvetage. Alors qu’elle reprenait son souffle et que les vagues d’angoisse refluaient, elle se rendait compte de ce qui l’entourait, du corps d’Emy sous elle, du fait qu’elles soient toutes les deux dans la douche en pyjama. Elle avait assisté à la réaction d’Emy comme spectatrice. Elle ressentait les choses sans être en mesure de réagir à ses gestes. Comment avait-elle su qu’il fallait faire ça ? Que l’eau froide la calmerait. Elle releva son visage vers Emy. A la question muette dans ses yeux Emy lui répondit : « Ma demie sœur fait des crises d’angoisse aussi. L’eau froide l’aide beaucoup. Un mal pour un autre. » — Merci. — De rien. Alex se serra un peu plus contre Emy. A présent elle avait froid. Emy, la sentant frissonner, se releva et l’aida à faire de même. Sans un mot, elles sortirent de la douche. Emy commença à ôter ses vêtements à Alex avant de l’enrouler dans une grande serviette chaude. Elle lui frotta tout le corps pour la réchauffer. Elle s’entoura à son tour dans une serviette et accompagna Alex dans la chambre. Elle fouilla dans son sac et lui tendit une chemise bleue à manche longue. Elle sortit des sous vêtement du propre sac d’Alex et la laissa s’habiller alors qu’elle retournait dans la salle de bain, pour se sécher, changer elle aussi de vêtements et étendre leur pyjama. Quand elle revint dans la pièce, Alex était assise au bord du lit. « Ça va ? » — Oui. — Tu veux en parler ? — Non. — Ok. Il n’y avait aucun reproche dans sa voix, comme si elle respectait l’humeur d’Alex. Emy reprit sa place dans le lit et éteignit la lumière. Après un court instant, Alex se rallongea. Elle hésitait, elle avait besoin de la chaleur des bras d’Emy mais elle avait un peu honte de ce qui venait de se passer. Emy n’avait fait aucun commentaire. Elle sentit le corps de cette dernière bouger à côté d’elle, puis une main se poser sur sa joue. « Viens. » Alex comprit qu’Emy était à moitié assise et elle vint dans ses bras la tête sur son épaule. La main gauche d’Emy qui lui caressait le dos dans le noir, la rassurait. Elle se laissa bercer un moment laissant le calme revenir en elle. Elle prit une grande inspiration et : « J’ai peur. » — De quoi ? — De toi. — Pourquoi ? — Je ne sais pas l’expliquer. — Essaie. — Je sens que tu peux disparaître à tout instant. — Je suis là. — Pour combien de temps ? Quand on est ensemble, c’est génial mais à chaque fois que je te dis au revoir, j’ignore si je vais te revoir. Si Stan n’avait pas monté son plan à Londres, je ne t’aurais pas revue. J’ai envie de te dire certaines choses mais j’ai peur de te faire fuir. — Tu peux me dire ce que tu veux. — Pour te donner des raisons de sauter dans le premier avion pour la France demain. Non, je préfère me taire. — Je ne m’enfuirai pas Alex. Et si ce que tu gardes à l’intérieur de toi déclenche de telles crises, c’est que cela doit être important. — … — Je ne peux pas te forcer à parler mais pose toi la question suivante : est ce qu’il vaut mieux prendre le risque de me parler ou laisser les choses en l’état et te rendre malade ? Si tu n’es pas heureuse à quoi ça sert de rester dans cet état ? — Je suis heureuse quand je m’empêche de penser à demain. — C’est une vie épuisante que tu t’imposes. — Pour l’instant c’est plutôt ton rythme qui est épuisant. — Je parlais du coté émotionnel. — … — Dis-moi. — Je voudrais pouvoir te dire que j’aimerais du long terme avec toi alors que je sais que ta vie est remplie d’histoires d’un soir. Je voudrais pouvoir te dire que j’ai craqué sur toi dès que je t’ai vue sur les photos de Julie. Je voudrais pouvoir te dire que te voir en vrai m’a confirmé mes sentiments. Je voudrais pouvoir parler de toi comme ma petite amie et pas comme la fille avec qui je couche. Je voudrais pouvoir te dire que je t’aime. — Je vois. — Tu vas me plaquer n’est-ce pas ? Un silence s’installa. Alex sentit que les jeux étaient faits. Elle allait la perdre. Elle ferma très fort les yeux pour retenir les larmes qui n’allaient pas tarder de couler. La voix d’Emy la sauva de la noyade intérieure. « J’aimerais que tu viennes à Lyon début décembre. » — Pardon ? Alex ouvrit grand les yeux. « Il y a la fête des lumières et c’est un moment que j’aime beaucoup. J’aimerais qu’on le passe ensemble. » — Tu... Tu planifies un truc pour décembre en septembre avec moi ?! — Oui. Comme ça, tu arrêteras de te faire des nœuds. — Et entre ? — Je m’arrangerais pour être à Dublin le week end. Je ne peux pas te garantir que j’y arriverais à chaque fois mais je vais faire de mon mieux. — Pourquoi ? — Parce que j’ai envie d’être avec toi. Je ne peux pas te faire de promesses sur du long terme. Je vis sans attache depuis un petit moment déjà et je ne sais pas si je suis capable d’aimer encore à ce point mais ce que je sais c’est que je suis bien avec toi. Et j’ai envie d’essayer. — D’accord. Alex se blottit un peu plus dans les bras d’Emy. Elle qui pensait avoir été vaincue se retrouvait à avoir gagné du terrain. Elle n’avait pas gagné la guerre mais elle avait fait une percée. Maintenant, il fallait défendre le terrain gagné et si possible le coloniser. Elle se demanda d’où lui venait cette métaphore très militaire avant de s’endormir. Emy regarda Alex s’endormir et se dit que cette fois-ci, elle ne s’en sortirait par indemne. *** | |
| | | Mack Modo
Nombre de messages : 607 Age : 44 A écrit : Rencontre sportive ; Home sweet Home ; A l'ouest de chez moi tome 1; Mouvement perpétuel; Soleil de minuit, Aurore boréale tome 1, 2 & 3 ; Galway Date d'inscription : 23/03/2008
| Sujet: Re: Mouvement perpetuel Mar 13 Sep 2016 - 21:46 | |
| 5- Lyon Octobre et Novembre s’étaient écoulés à un rythme de fou pour Emy. Elle s’était appliquée à être tous les vendredis soirs à Dublin et de n’en repartir que le lundi matin. Même si au début, elle appréhendait cet engagement qu’elle avait pris pour rassurer Alex, elle devait reconnaître qu’elle aimait ça. Elle aimait retrouver Alex, partager des moments de la vie courante avec elle, comme les repas préparés à deux dans sa petite cuisine, les promenades le long de la Liffey au jour couchant ainsi que les calmes réveils. Mais ce qu’elle appréciait par dessus tout, et cela l’étonnait beaucoup, c’était la présence de l’autre, savoir qu’en se tournant, elle la verrait et que tout irait bien, sans compter les effleurements et tous ces petits gestes tendres et doux. Mais ce week-end, elle devait renoncer à aller à Dublin. Elle était épuisée. Le rythme qu’elle s’imposait pour faire son travail dans les temps avait eu raison de son endurance. Les cicatrices de son dos lui faisaient mal, preuves supplémentaires qu’elle devait se reposer. Elle prit donc son téléphone portable pour appeler Alex. Celle-ci décrocha juste avant le répondeur. « Allo ! » — Salut Alex. — Salut Emy. Comment tu vas depuis hier ? — Ça va et toi ? — Bien. Contente que la semaine se termine. — Je t’appelais pour te dire que je ne pourrais pas venir ce week-end. — Ce n’est pas grave. Tu es venue tous les week-ends jusque là. Et puis la semaine prochaine, je suis chez toi. — Bien. Je suis désolée de te prévenir si tard. J’espère que tu n’avais rien prévu pour nous. — Non, ne t’inquiète pas. J’attends que tu sois dans l’avion pour planifier. — Je ne serais pas joignable avant lundi matin. — Ok. On s’appelle lundi soir ? — Pas de problème. — Je vais profiter de ces deux jours pour faire la larve et aller embêter Julie. — Bon week-end alors. — A toi aussi. Bye ! — Bye ! Emy raccrocha et éteignit son portable par la même occasion. Elle débrancha le modem ce qui coupa la ligne téléphonique fixe. Elle alla prendre une douche au début chaude pour détendre ses muscles puis froide pour soulager la brûlure de ses cicatrices. Elle enfila un short et un t-shirt, avala un cachet contre la douleur et se mit sous la couette. Moins de dix minutes plus tard, elle avait sombré dans les bras de Morphée. Pendant ce temps-là, Alex s’écroula dans son canapé. Elle adorait les week-ends avec Emy mais cette fille devait avoir un générateur à renouvellement d’énergie dans le corps car elle n’était jamais fatiguée. Un week-end de « repos » avant d’aller la rejoindre à Lyon pour la fête des lumières n’allait pas faire de mal. Emy était venue tous les week-ends depuis leur retour d’Ecosse. Quand elle lui avait proposé de venir, Alex avait pensé qu’elle ne la verrait que deux ou trois fois mais elle l’avait encore étonnée en étant là tout le temps. Elles avaient partagé tellement de choses. De leur viré à Belfast, aux sorties dans les bars gay de Dublin sans oublier une calme séance au cinéma, elle avait découvert une Emy attentionnée, espiègle, pragmatique et blagueuse. *** Emy quitta Morphée le lendemain en fin d’après midi, c’était la faim qui l’avait réveillée. Elle s’installa devant la télévision avec une assiette remplie d’une omelette de pâtes. Elle resta là moins de trois heures avant de retourner dans son lit. *** Alex était allée embêter Julie comme elle l’avait prévue. Elles avaient passé l’après midi toutes les deux à bavarder. « Alors comment ça se passe avec notre courant d’air. J’ai l’impression que tu as réussi à la mettre en bouteille. » — Tu sais comme moi que personne ne pourra vraiment arrêter Emy de bouger. Il faut juste être là quand elle se pose. — Aurais-tu changé toi aussi ? Je t’ai connue plus possessive. — Je mûris. — Ouais. T’es surtout super accro et pour la garder tu apprends à faire des concessions. — Faire des concessions c’est mûrir, non ? — Y’en a une qui a bien mûri alors car j’aurais jamais pensé qu’Emy nous la joue romantique. — De quoi tu parles ? — Tu crois que je n’ai pas vu le bouquet de fleurs chez toi la dernière fois que je suis passée. Et quand vous êtes venue à la soirée ici, la main qu’elle avait posée nonchalamment au bas de ton dos. Tout le monde a dit que vous formiez un très joli couple. — C’est vrai ? — Oui. Elle en impose et toi tu adores te blottir contre elle comme si tu voulais qu’elle te protège. — Ça se voit tant que ça ? — Que tu l’aimes ? Oui. — Non que j’aime qu’elle me protège ? — Oh ça aussi oui autant que le fait que tu l’aimes. — Mais arrête de répéter que je l’aime, je le sais. — J’espère qu’elle, elle le sait. — Oui. — Et ? — Et, elle m’a proposée de venir à Lyon. — Wow. Tu es allée plus loin que toutes les filles ont osé l’espérer. — Pourquoi ? — A part Stan, je crois que personne n’est allé chez elle depuis qu’elle habite dans son super appart. Tu feras des photos hein dis ? — Tu es incorrigible. — Non curieuse. Et puis, tu me dois bien ça. C’est grâce à moi que tu l’as rencontrée. — Ok. Je t’apporterai ça. — Merci. *** Une grande partie du dimanche, se passa sans Emy. Elle rouvrit les yeux à la tombée de la nuit. Elle prit une douche pour se réveiller, avala un sandwich et prit la direction de sa salle de sport. Elle se fit transpirer pendant deux heures. Après une nouvelle douche, elle reprit place dans le canapé avec cette fois-ci des plats chinois qu’elle s’était faits livrer. Après plusieurs épisodes de NCIS à deux heures du matin, elle alla au lit. *** Le lundi matin à neuf heures, Stan retrouva Emy en pleine possession de ses facultés physiques et intellectuelles. « Houla ! Toi tu as fait un de tes week-end hibernation. » — Tout juste. — Tu en avais besoin. Tu avais une tête à faire peur. — Merci. — A ton service. Al arrive quand ? — Mercredi. — Donc à partir de mercredi, tu n’es plus dispo sauf pour le « Big ». — Tu as tout compris. *** Alex arriva comme prévu le mercredi en milieu d’après midi. Emy l’attendait à la porte de débarquement. Elles s’embrassèrent rapidement avant de plus prendre leur temps dans la voiture. « Ça c’est un vrai bonjour. » — Tu as fait bon voyage ? — Oui mais je meurs de faim. — Tu peux tenir quarante minutes, c’est le temps qu’il faut pour arriver chez moi ? — Oui, je devrais y arriver. — Un bon cheese burger ça te dit ? Pas un truc de chez Mc Do, un vrai de vrai. — Oui, pourquoi pas. Emy appuya sur un bouton de son volant et se mit à parler. « Alf ! » Une voix se fit entendre après deux sonneries. « Salut Emy, tu crèves la dalle ? » — Oui. Tu pourrais me faire deux cheese maison pour d’en quarante minutes ? — Avec frites maison ? — Of course man ! — Ok ta commande sera prête. — Merci. — Tschüss. — Tschüss. Elles quittèrent le parking sans qu’Emy ait besoin de s’arrêter à la barrière pour payer, tout comme au péage de l’autoroute. « Tu ne t’arrêtes jamais ? » — Pas besoin, le boîtier sur le tableau de bord enregistre mes passages et je reçois la facture à la fin du mois. Ça fait gagner du temps et ça évite un tas de petites facturettes. — Vu comme ça… Après un petit crochet pour récupérer leur repas, Emy gara sa voiture dans son box. Au fond, il y avait une grosse moto noire. « Tu fais de la moto ? » — Plus maintenant. — Pourquoi ? — Par choix personnel. Alex découvrit enfin, en vrai, l’appartement d’Emy. Il était conforme aux dessins avec ses hauts plafonds aux poutres apparentes, son parquet en chêne foncé et ses grandes fenêtres. « J’adore ton appart. » — Tu n’as vu que la pièce à vivre. — Peut-être mais je l’adore. Je peux voir ta chambre ? Non avant je veux voir le coin dont tu m’as parlé. — C’est dans la mezzanine là-bas. Montes. Alex monta doucement l’escalier qui était limite une échelle. Elle arriva dans une pièce où le toit descendait sur un côté. Il y avait un canapé et plein de gros coussins. Quand elle se retourna pour regarder par la fenêtre en arc de cercle, elle eut le souffle coupé par la vue. En dessous de ses pieds, la ville s’étendait. En face presque à même hauteur, il y avait un grand bâtiment blanc avec une statue couleur or au sommet. « C’est la Basilique de Fourvière. Nous irons la voir de plus près. » — C’est magnifique, je comprends que tu aimes cet endroit. — Tu verras tout à l’heure quand la nuit sera complètement tombée et que les lumières s’allumeront. — On va manger et ensuite tu me montres ta chambre. — Tu veux manger ici ? — On peut ? — Bien sûr. — Alors oui. — Je reviens, installe toi. *** « J’aime ta chambre. » Elles étaient toutes les deux allongées nues dans le lit d’Emy blotties sous la couette. Elles venaient de faire l’amour sans urgence comme si elles savaient que pour une fois, elles avaient le temps. « Tu as une passion pour les mezzanines ? » — C’est le charme de l’appartement et la hauteur de plafond le permettait. Et oui, j’aime bien les mezzanines tout en bois. — J’ai l’impression que ton appart est avant tout un mélange de bois et de fer forgé. — C’est le cas. *** Le lendemain en milieu d’après midi, le téléphone portable d’Emy vibra sur son bureau. Après une courte discussion, elle alla rejoindre Alex dans le salon. « Je dois aller à un rendez vous de travail urgent. Je n’en ai pas pour longtemps. Deux heures maximum. Si tu veux, il y a plein de DVD sous la télé. La liste est à coté de la télé. Fais comme chez toi. » Emy posa un rapide baiser sur les lèvres d’Alex, enfila son blouson et pris son sac contenant son ordinateur. Alex faisait l’inventaire des DVD d’Emy. Il y avait de tous les genres, cela allait de l’adaptation de Jane Austin, en passant par les films traitant de l’histoire du XXème siècle, les comédies qui ne demandaient pas une grosse concentration, les drames, les policiers et bien sûr les films lesbiens. Elle orienta son choix dans cette catégorie. Il y en avait beaucoup. Elle se décida pour « Better than chocolate », cela faisait longtemps qu’elle ne l’avait pas vu. En attrapant le boîtier du DVD, elle fit tomber un dossier. Des coupures de presse s’éparpillèrent sur le sol. Elle commença à les ramasser et ne pu s’empêcher de lire les gros titres. « ACCIDENT MORTEL SUR LA D55. » « UN CHAUFFEUR POIDS LOURD S’ENDORT AU VOLANT, UNE FAMILLE TUEE. » « UNE JEUNE MOTARDE ENTRE LA VIE ET LA MORT. » Emy se souvint de la moto dans le garage. Elle eut peur de faire le lien. Emy avait-elle été cette personne entre la vie et la mort ? Est-ce que les cicatrices qui marquaient son corps venaient de là ? Elle regarda la date notée au stylo : 25 mars 2002. C’était il y a presque six ans. Elle lut tous les articles mais il n’y avait aucune information sur l’identité des gens touchés par l’accident. C’est ainsi qu’Emy la trouva, assise sur le parquet les coupures de presse étalée autour d’elle. « Je suis désolée, je ne voulais pas être indiscrète mais c’est tombé quand j’ai pris un DVD. » — Il n’y a pas de mal, ce ne sont que des articles de journaux. — Ils parlent de toi ? Alex dût attendre un moment avant qu’Emy réponde. « Oui. » — Tu es la jeune femme entre la vie et la mort ? — Oui. — Tu veux bien me raconter ? Alex croisa mentalement les doigts. Elle avait besoin qu’Emy lui parle. Elle voulait comprendre d’où venaient les cicatrices et cette réticence à éprouver des sentiments. Car elle en était sure, tout était lié. « Allons-nous asseoir là-haut. » Alex suivit Emy dans la mezzanine et elles s’installèrent dans le canapé face à la vue de Lyon. « C’est arrivée alors que je rentrais de Genève. La journée avait été catastrophique. J’étais en moto, à cette époque, je ne me déplaçais que comme ça. La nuit tombait et il pleuvait. Si j’avais été plus concentrée, j’aurais sûrement vu que le camion qui arrivait en face avait une trajectoire bizarre mais je pensais à autre chose. Quand j’ai compris, il était déjà trop tard. Je venais de doubler une voiture et je commençais à traverser le pont. Le camion en face s’est déporté venant directement sur moi. J’ai essayé de l’éviter en partant sur la gauche, sur la file qu’il venait de quitter et je pensais avoir réussi mais la remorque c’est mise en travers suite au choc de l’avant du camion et de la voiture que j’avais doublée. J’ai tenté une dernière manœuvre pour m’en sortir, sans succès, l’arrière de la remorque a touché l’avant droit de ma moto et je suis passée par dessus le parapet. Dans ma chute, j’ai croisé des arbres et j’ai fini ma course à travers le toit d’une vieille grange. Le casque intégral que je portais a évité que je me casse la tête. Par contre mon jeans et mon blouson n’ont pas pu empêcher la taule et les bouts de ferrailles d’abîmer le reste de mon corps. Quand j’ai traversé le toit, je me suis profondément entaillée la cuisse et le dos. Ce qui a donné les grandes cicatrices droites que j’ai à ces endroits. Celle en forme d’étoile résulte du vieil outil qui m’a transpercé à hauteur du muscle dorsal. Malgré ma chute j’étais encore consciente mais complètement en état de choc. La douleur était insupportable. Elle irradiait dans tout mon corps. Mais la chose étrange c’est que je sentais l’eau qui coulait du trou dans le toit et qui me tombait dessus. La visière de mon casque s’était détachée sous le choc avec la taule. J’avais l’impression que j’allais me noyer. Je ne pouvais pas bouger pour enlever mon casque. Les secours ont mis longtemps à me retrouver. Heureusement, ma moto était restée en haut, sur l’asphalte, ce qui les a poussés à me chercher. J’ai perdu connaissance dans l’hélicoptère. Les médecins m'ont gardée en coma artificiel pendant une semaine à cause de la douleur. Il s’est avéré que dans cette grange, il y avait des produits devenus interdits dans le domaine agricole. Certains sacs étaient éventrés et j’avais fini ma course dessus. Une poudre blanche équivalent à de la chaux s’est posée sur mes blessures, gênant la cicatrisation. A mon réveil, mon père était là, il m’avait faite transférer dans le meilleur hôpital pour ce genre de cas. Je ne me rappelle pas bien des jours voir des semaines suivantes car j’étais pratiquement tout le temps sous morphine. Il m’a fallu un an pour pouvoir bouger à peu près normalement. Ce soir-là, j’ai eu beaucoup de chance. Car dans la voiture que j’ai doublée juste avant, il y avait une famille avec trois enfants. Aucun des occupants de la voiture n’a survécu. » — Qu’est-il arrivé ensuite ? Au chauffeur ? Il y a eu un procès ? — Oui, mais je n’y ai pas assisté. Il a eu lieu trois ans après les faits. Je ne voulais pas revenir en arrière et revivre ça. Emy fit une pause, avalant sa salive. Et puis je ne crois pas que j’aurais été capable de me maîtriser assez pour ne pas frapper le chauffeur qui après examen il s’est avéré qu’il conduisait en état d’ébriété. Alex vint se blottir dans les bras d’Emy. Cherchant dans ce geste un moyen de la calmer, car elle avait bien vu ses poings se serrer au fur et à mesure qu’elle parlait. Elle était encore en colère contre tout ce qu’il s’était passé ce soir-là, cinq personnes avaient trouvé la mort, elle toujours vivante porterait jusqu’à la fin les traces de la stupidité et de l’inconscience d’un homme. « C’est depuis ce jour que tu as renoncé à faire de la moto ? » — Oui. — Parce que tu as peur ? — Non. — Pourquoi alors ? Alex ne voulait pas la brusquer mais elle avait besoin de savoir. Il fallait qu’Emy parle pour chasser quelques ombres. « Car ça me rappelle trop de mauvais souvenirs. » — Quand tu dis ça, tu ne parles pas uniquement de l’accident, n’est ce pas ? — Non. — Tu as dit que la journée avait été catastrophique avant l’accident. Qu’est ce qui s’est passé avant ? — Avant… Yelena venait de rompre avec moi. — Tu l’aimais ? — Oui je l’aimais. — Tu l’aimes encore ? Alex retint sa respiration en attendant la réponse. — Comme si l’on pouvait aimer quelque chose qui fait mal ? — Certains le font. — Pas moi. — Tu es sure ? — Qu’est ce que tu cherches à me faire dire Alex ? Que j’aime toujours Yelena ? — Non je n’espère surtout pas que tu me dises que tu l’aimes encore car je ne sais pas si je pourrais faire avec. Ce que j’essaie de te faire dire c’est pourquoi tu refuses que les gens t’approchent. — Je laisse les gens m’approcher. — Tu les laisses sur le palier. Ils ne voient que la façade de ta personnalité. Tous tes amis sont tenus à distance même Julie ignore tout de ton accident. Et pourtant elle est ce qui pourrait s’apparenter le plus à une « meilleure amie ». Il n’y a peut-être que Stan qui a le droit de rentrer dans ton monde. — Il y a toi aussi. — J’en doute. — Tu es la première personne à venir dans mon appartement. — Et est-ce que je suis rentrée ailleurs ? — Tu sais très bien où tu es rentrée. Comprenant le double sens de la réponse, Alex ne put s’empêcher de rougir. — Ce n’est pas de ça dont je voulais parler. — Je sais. Tu es rentrée dans ma vie. Ça ne suffit pas pour l’instant ? Alex réfléchit quelques secondes. — Si. Avec Emy, il fallait y aller par étape et ne surtout pas les griller sinon le « GAME OVER » pouvait rapidement s’afficher. Elle avait déjà fait un grand pas aujourd’hui en découvrant cette partie de sa vie. — Comment tu as vécu ensuite ? Je suppose que la rééducation a été longue. — Il m’a fallu du temps pour récupérer musculairement surtout au niveau des dorsaux. Le fait de me tenir droite était très difficile. J’avais l’impression d’une brûlure constante. — C’est un peu ce qui t’arrive encore certains jours quand tes cicatrices réagissent. — Oui, le sel, le sable, le soleil, le chlore et certains tissus sont des agressions extérieures qui produisent ce que tu as vu chez toi. — Est-ce que le stress et la fatigue provoque la même chose ? — Heu oui mais comment le sais-tu? — Je te rappelle que je suis kiné. Des cicatrices qui grattent, qui brûlent, qui dérangent j’en ai déjà traitées. Pas aussi importante que les tiennes mais je connais les facteurs déclenchants. Alex laissa le silence se poser un instant avant de poursuivre. La tête toujours calée contre son épaule. — Laisse moi m’occuper de toi à ce niveau-là. Comme toi tu inventes des paysages et des personnages sous ton crayon, laisse-moi faire disparaître tes douleurs. — Je ne suis pas sure que tu puisses toutes les faire disparaître. Bien que tu sois très douée avec tes mains. — Je n’ai pas que mes mains comme armes. — Et quelles sont-elles ? — Tu le verras le moment venu. Fière d’avoir gagné cette bataille contre le mur qu’Emy avait construit face à ses souvenirs et ses sentiments, Alex se détendit et commença à poser ses lèvres sur la carotide d’Emy, là où les battements de son cœur étaient visibles, là où la vie coulait. Cette vie qu’elle avait failli perdre. *** Emy ouvrit les yeux sur Lyon et ses lumières. La nuit était tombée depuis longtemps à présent. Alex était à moitié allongée sur elle. Après leur discussion, elles étaient restées là sans rien dire de plus et c’est sans rien ajouté qu’elles avaient commencé à se caresser, puis se dévêtir, pour finir par faire l’amour. Emy avait à nouveau senti Alex promener ses doigts le long de ses cicatrices avec une telle douceur que l’espace d’un instant, elle avait oublié que parfois, elles pouvaient faire mal. Elle respira à plein poumons, elle aimait le parfum d’Alex. Elle aimait la texture de sa peau, la manière dont son corps réagissait. Ses mains, à elle, étaient magiques aussi bien pour masser que pour caresser. Elle posa un délicat baiser sur les lèvres d’Alex et promena doucement sa main sur son épaule. « Alex. » — Hum ? — J’ai quelque chose à te demander. Alex ouvrit les yeux et s’appuya sur son coude pour regarder Emy dans les yeux. « Oui ? » Emy inspira un grand coup car ce qu’elle allait dire, elle ne l’avait jamais dit à personne. « Est-ce que tu serais disponible entre Noël et le jour de l’An pour rencontrer mon père ? » — Rencontrer ton père ? — Oui. J’aimerais que tu le connaisses. — C’est important pour toi ? — Oui. — Alors ok. Il habite où. — Ailleurs et nulle part. — Pardon ? — Mon père voyage beaucoup. Je ne sais jamais où il va être. — D’accord. Tu me diras quand tu sauras. — Oui. Tu as faim ? — Maintenant que tu en parles oui. Il est quelle heure ? — Plus de minuit. Qu’est ce que tu veux manger ? — Tu peux faire une omelette ? — Pas de problème. Emy se leva et enfila ses sous-vêtements et son jeans et descendit prenant la direction de la cuisine. Alex s’allongea sur le dos sur le futon et tournant la tête à droite, sourit aux lumières de la ville. Elle resta un moment comme ça écoutant les bruits de casseroles venant d’en-dessous. Elle finit par se lever à son tour et seulement habillée de sa culotte et de la chemise d’Emy, elle vint la rejoindre et se positionna dans son dos. Les bras autour de son ventre, sur le pointe des pieds pour surveiller ce qu’elle faisait et surtout pour être contre elle avec tout le loisir d’embrasser sa nuque. *** Lyon le 8 décembre c’est des bougies sur les fenêtres que l’on appelle lampions. Presque l’ensemble des habitants décorent ainsi leurs rebords de fenêtres. Dans les rues c’est plein d’animations. Emy emmena Alex dans les traboules des pentes de la Croix Rousse, passages d’une rue à une autre par un chemin couvert traversant un pâté de maisons qui au XIXème siècle permettaient aux Canuts de transporter les rouleaux de soie à l’abri de la pluie. Elles arrivèrent place des Terreaux. Sur les façades des décors étaient projetés racontant une histoire. Sur les quais de Saône, chaque pont avait sa couleur. Mais ce qui impressionna le plus Alex se fût la Colline de Fourvière, surnommée la colline qui prie, dû au nombre important d’églises présentes dans cet arrondissement. Un ballet de couleurs rebondissant de la Cathédrale Saint Jean sur les quais, en passant par le lycée Saint Juste au milieu à gauche pour finir tout en haut sur les murs blancs de la basilique de Fourvière. Emy avait réservé dans un petit restaurant du Vieux Lyon. Alors qu’elles étaient attablées et prenaient l’apéritif, Alex laissa libre court à sa curiosité. « Pourquoi la fête des lumières ? » — Un Lyonnais dira les « illuminations ». — Tu connais son origine. — Tu veux que je te raconte l’histoire ? — Oui, j’aimerais beaucoup. — Il faut remonter à 1848, et à la restauration de la vieille église en haut de la colline. A cette époque, on se pose la question de refaire le vieux clocher. En 1852 la restauration du clocher est terminée et l’on va placer sur celui-ci une magnifique statue de Marie en bronze dorée. Bien entendu la date choisie est celle du 8 septembre 1852, celle de la Nativité de Marie. Malheureusement le ciel n’est pas d’accord, quelques jours avant, les nuages grondent, la ville se retrouve sous des torrents d’eau et la Saône déborde, inondant l’atelier de l’artisan qui réalise la statue. Une nouvelle date est donc choisie : le 8 décembre. Elle aussi fête de la Vierge, c’est la fête de Notre Dame des Advents qui deviendra deux ans plus tard, la fête de l’Immaculée Conception. Mais ce jour-là, des orages terribles éclatent et de nouveau la Saône menace. Les notables de la ville décident de repousser une seconde fois la cérémonie. Mais miracle, en fin de journée les nuages poussés certainement par un doigt divin – plus logiquement par le vent remontant par le couloir rhodanien - vont mouiller d’autres terres et le ciel se fait clément. Les Lyonnais installent alors à la nuit tombée sur leurs fenêtres, lumignons, bougies, bougeoirs qui vont illuminer la ville d’une douce lumière. L’histoire dit que les bougies ont brûlé jusqu’au petit matin. — Pourquoi ont-ils fait ça ? Poser des bougies sur leurs fenêtres ? — Car la lumière symbolise la vie. Et que l’on allait prier dans cette église pour demander l’intercession de la Vierge, pour une maladie, le retour d'un soldat, un enfant... Alors la flamme de la bougie c’était le recul de la nuit. La lumière au milieu des ténèbres. On dit que Lyon n’a pas eu de nuit cette nuit-là et que le diable est resté caché. Ce qui était un geste de Foi s’est dilué dans le patrimoine laïque lyonnais et le fait de mettre quelques bougies à la fenêtre le 8 décembre est plus une tradition familiale symbole de joie et de fête aujourd’hui. — Tu as l’air d’adorer cette fête. — Oui, j’aime les lumières. — C’est pour ça aussi que tu aimes tant la vue de ta mezzanine. — Oui. — Je suis sure que tu as choisi l’appartement juste pour cette pièce. — Oui mais aussi pour sa cuisine et ses hauts plafonds. — Il te fallait de grands murs pour accrocher tes multiples dessins, esquisses et autres ? — Inconsciemment peut être. — J’aime quand tu dessines. Tu as l’air complètement dans ton monde. Et même parfois, tu dessines sans t’en rendre compte. — Je sais mon père me le dit souvent. Il pense même que je serais capable de le faire en dormant. — Peut-être, il va falloir que je te surveille. — Il n’y a aucun risque que je quitte le lit quand tu es dedans. — Je prends ça pour un compliment. — S’en est un. Alex ne put s’empêcher de sourire à cette jeune femme qui la surprenait constamment. Tantôt fermée comme huître, tantôt ouverte et parlant avec simplicité. *** | |
| | | Mack Modo
Nombre de messages : 607 Age : 44 A écrit : Rencontre sportive ; Home sweet Home ; A l'ouest de chez moi tome 1; Mouvement perpétuel; Soleil de minuit, Aurore boréale tome 1, 2 & 3 ; Galway Date d'inscription : 23/03/2008
| Sujet: Re: Mouvement perpetuel Dim 25 Sep 2016 - 22:21 | |
| 6- Salsbourg Alex était rentrée depuis une semaine à Dublin. Elle avait repris ses rendez-vous, massé bon nombre de gens, fait travailler des articulations malmenées, renforcé la tonicité musculaire des vieilles dames mais tous ses gestes ne pouvaient lui faire oublier le corps d’Emy. En ce vendredi soir, elle était assise dans le canapé de Julie en attendant d’aller rejoindre d’autres amis dans un pub. « Alors cette petite semaine à Lyon ? Emy t’a fait découvrir Lyon en long en large et en travers ? » — Presque. C’était génial. Nous nous sommes pas mal promenées dans les rues, les parcs, sur les quais aussi. Et les illuminations c’était magnifique. Mais épuisant. Je suis rentrée lessivée. — Vous vous êtes juste baladées ? — Emy n’a pas tort quand elle dit que nous avons toutes les deux l’esprit perverti. Je te dis lessivée et toi tout de suite tu penses à nuit torride. — Que veux-tu, je connais Emy et je te connais toi et vous laisser toutes les deux seules trop longtemps pourrait accélérer le réchauffement de la planète. — C’est vrai qu’elle fait l’amour div… Et non, je ne vais pas parler de ça avec toi. Et comment tu sais autant de choses sur cette partie là d’Emy ? — D’autres que toi parlent. Il m’est arrivé de rencontrer certaines filles. — Tu veux dire des filles qui avaient couché avec Emy. — Pas seulement, il y avait aussi des filles qui avaient entendu parler d’Emy par leurs amies et qui voulaient savoir si ce qu’on leur avait dit était vrai et si je pouvais leur arranger un coup. — Tu l’as fait ? — Jamais. Emy est bien assez grande pour faire son marché toute seule. Mais je sais par Marie qu’Emy est très sage depuis cet été et que quand elle la rejoint pour boire un coup au Bagat’elles, elle ne fait même plus attention aux regards des autres filles et elle se serait même débarrassée d’un numéro de téléphone dès la sortie du bar. — Marie et Emy ont déjà couché ensemble ? — Non. Emy ne mélange pas. A part avec toi. — Je n’étais pas son amie. — Mais Marie était mon amie. — Je vois. Elle veut que je la rejoigne entre Noël et le jour de l’An pour rencontrer son père. — Son père ? Tu vas rencontrer son père ? — Heu ! Oui c’est ce qui est prévu. Mais je ne sais pas où la rencontre va se passer. Il y a beaucoup de mystères autour de son père. Non ? — Aucun de nous n’a jamais vu son père. Pas même Stan — Il est vraiment dans les commandos ? — Non, on ne sait même pas s’il est vraiment dans l’armée. — Pourquoi elle n’en parle pas ? — La théorie la plus aboutie est qu’elle ignore elle-même ce que fait vraiment son père. — Elle ne lui a pas demandé ? — Non. — Pourquoi ? — Elle n’a peut être pas envie d’être déçue. — Comment ça ? — T’es en mode questions toi aujourd’hui. Son père change souvent de pays, il a l’air de savoir les choses avant les médias alors elle a peut être peur de découvrir que son père n’est pas vraiment aussi bien qu’elle le pense. — Elle a l’air très proche de lui, même si j’ai cru comprendre qu’ils ne se voyaient pas souvent. — Son père doit sûrement être la personne en qui elle a le plus confiance. J’ai connu Emy à la maternelle. Pendant toutes nos années de primaire, nous la voyons une année sur deux. Je l’ai retrouvée au lycée, elle était revenue s’installer à Lyon avec sa mère. Ses parents étaient en instance de divorce. Emy n’avait aucune envie de vivre avec sa mère, elle voulait continuer à voyager avec son père comme elle l’avait fait jusqu’à présent. L’année de ses 16 ans elle n’était pas là. Je n’ai jamais trop su où elle était partie. Mais l’année suivante celle du bac a été un supplice pour elle. Elle avait du mal à tenir en place, elle s’ennuyait en cours car elle savait déjà tout ce que l’on nous enseignait et pourtant elle avait déjà un an d’avance sur la normale. Elle était beaucoup plus mature que nous. Et elle doit encore l’être. A la fac, elle suivait deux cursus en même temps, informatique et multimédia. C’était une vraie GEEK. Après sa licence, elle est partie pour la Russie. Elle a à nouveau rejoint son père. Je crois qu’elle a travaillé un temps avec un des maîtres de l’animation du jeu vidéo. On l’a revue à Lyon au bout de dix mois pour re-disparaître cinq mois plus tard. La fois suivante, deux ans s’étaient écoulés, elle avait monté sa propre boîte et gagnait déjà très bien sa vie. Après tu connais la suite. — Le résumé de ton discours c’est qu’elle ne tient pas en place. — Oui même qu’à une époque, nous l’avions surnommée « Mouvement perpétuel. » — Je pense que c’est une bonne définition pour la décrire. Tu as déjà vu ses dessins ? — Certains. Quand j’ai rencontré Matt il était déjà fan de jeux vidéos mais quand il a découvert que je connaissais la personne qui avait fait le décor d’un de ses jeux préférés on aurait dit que je lui présentais une star planétaire. Il lui a même fait signer une de ses boîtes de jeu. Je peux te dire qu’à cet instant je me suis demandé si me marier avec lui était une si bonne idée que ça. — Mais tu ne regrettes rien. — Oh non. Car quand il ne joue pas, il est parfait. Et puis je suis contente qu’il s’entende bien avec Emy et qu’ils puissent échanger sur leur passion parce que moi j’y comprends rien à leur blabla. En plus il est aux anges car elle s’en sert de cobaye comme Stan pour les nouveaux designs de jeu. Après ça, je peux en faire ce que je veux et lui faire faire ce que je veux. — Je vois, tu te sers de ton amie pour faire marcher ton mari à la baguette. — Exactement. — Entre toi qui virerais de bord pour une de ses omelettes et ton mari qui adore ses créations virtuelles, j’imagine d’ici le fabuleux ménage à trois que vous pourriez faire. — C’est une idée, ça. Je vais en parler à Matt. — N’y penses même pas. Tu sais que je ne suis pas prêteuse et encore moins avec Emy. Alors laisse tes idées loin de ma petite amie. — Whou ! Jalouse et possessive en une seule fois, je ne t’ai pas vue comme ça depuis longtemps. Je me demande même si je t’ai vue comme ça un jour. — Je ne suis pas jalouse ni encore moins possessive. Je défends juste ce que j’ai. J’ai bien assez ramé pour la laisser à une hétéro en mal d’expérience culinaire. — Prête-la moi juste pour le souper et je te la rends après. — Sûre et pendant ce temps je me fais la collection des Jane Austin. — Pourquoi pas après Orgueil et Préjugés tu pourrais continuer sur Raisons et Sentiments. — Et toi, tu pourrais commencer par Emma. Le côté entremetteuse t’ira à ravir. — J’adore ce rôle. En attendant, il va falloir que l’on y aille sinon les autres vont être complètement pintés avant que l’on arrive.
***
Alex était rentrée en France pour passer Noël en famille. Elle n’aimait pas trop rentrer. Si elle avait choisi de faire ses études en Irlande c’était un peu pour fuir sa famille. Elle n’avait rien contre eux mais ils pouvaient parfois être si obtus et avoir des idées tellement arrêtées qu’il lui était parfois difficile de garder son calme au cours de leurs discussions. Les repas de familles étaient trop bruyants et les questions étaient toujours les mêmes. « Quand revenait-elle en France définitivement ? » « Est-ce qu’elle s’en sortait avec ses patients ? » « Avait-elle trouvé quelqu’un en Irlande ? » « Sortait-elle toujours avec des femmes ? » Ils n’étaient pas homophobes dans le sens premier du terme mais ils pensaient encore que son attirance pour les filles n’était qu’une passade et qu’elle allait bientôt se rendre compte que les hommes, c’étaient bien mieux. Et devoir constamment se justifier l’épuisait. Mais cette année, elle avait autre chose en tête. Dès le 26 décembre, elle prenait l’avion direction Munich où Emy venait la chercher pour rejoindre son père à Salzburg. Après quelques recherches, elle avait découvert que c’était la ville de Mozart et qu’elle était très romantique, considérée comme la petite sœur de Vienne. Alex était partagée entre l’excitation et l’appréhension. L’excitation de découvrir une nouvelle ville avec Emy et l’appréhension de rencontrer son père. Elle se rendait bien compte de l’importance de cette rencontre. Si elle ne plaisait pas à son père cela sonnait le glas de leur relation.
***
Alex avait les mains moites et sa valise menaçait de lui échapper. Emy l’avait prévenue le matin même que son père viendrait avec elle la chercher. De l’autre côté des portes automatiques, qui se rapprochaient bien trop rapidement au goût d’Alex, se tenait donc une étape importante. Inspirant un grand coup, elle franchit la dernière barrière et avança. Il ne lui fallut pas longtemps pour repérer Emy et à côté d’elle un grand homme brun. Ils avaient la même posture attentiste mais prêts à bouger à n’importe quel moment. Ce qui frappa Alex en s’approchant se fût leurs regards. Ils avaient le même. Les mêmes yeux bleus, les mêmes cils, le même éclat. Emy s’approcha d’elle et déposa un baiser sur ses lèvres. Elle se tourna ensuite vers son père. « Papa, je te présente Alex. Alex je te présente mon père Hans. » — Enchantée Monsieur. — De même Alex mais appelle moi Hans. Si ça te convient je vais te tutoyer. — Pas de problème. — Tu as fait bon voyage ? — Oui merci. C’était la première fois que je voyageais avec Lufthansa. — Nous devons attendre une autre personne qui atterrit dans une heure et puis nous avons ensuite deux heures de route avant d’arriver à Salzburg. Tu as faim ? Emy m’a dit que tu avais souvent faim après tes vols et nous pensions manger un morceau en attendant. — Pour être franche je meurs de faim. — Parfait.
Hans lui sourit et Alex reconnut le sourire d’Emy. Il les conduisit dans une brasserie où malgré le monde, une table leur était réservée. Alex laissa Hans lui choisir une bière Allemande pas trop forte, Emy alla demander au serveur un menu en anglais pour elle, ils choisirent plusieurs plats différents pour pouvoir goûter à tout. L’arrivée d’un vol en provenance de Stockholm fut annoncée. « Tu peux aller attendre Katja à sa porte de débarquement Emy ? » — Pas de problème. Je te confie Alex. — Je veillerai bien sur elle pendant ta courte absence. — Je reviens vite avec Katja. — En passant, commande au bar une bouteille d’eau minérale gazeuse pour elle. — Ok.
Alex et Hans regardèrent Emy zigzaguer entre les tables et disparaître dans le terminal. « Qui est Katja ? » — Elle est pour moi ce qu’Emy est pour toi. — C’est votre copine ? — Je ne sais pas si à mon âge, on peut encore employer le mot copine. — Votre compagne ? — C’est peut être plus approprié. — Emy ne m’a pas parlé d’elle. — Nous avons pour habitude de ne pas parler des relations des autres avant que l’autre l’ait fait. — C’est une bonne chose en soit. — Cela te dérange. — Quoi ? — Que Katja soit avec nous ? — Oh non pas du tout. Elle arrive d’où ? — De Suède. Elle a, elle aussi, passé Noël avec sa famille. — Elle est Suédoise ? — Non Finlandaise mais ses parents habitent en Suède. — Ok je suis. Vous êtes ensemble depuis longtemps ? — Cinq ans. — C’est bien. — Et toi ? J’ai cru comprendre que c’était récent avec ma fille. — Oui depuis juin. Mais votre fille est compliquée à attraper. — Je n’en doute pas, un de mes amis l’avait surnommée « l’anguille ». — Ça lui correspond assez. — Tu sais que tu es la première qu’elle me présente ? — J’ai cru comprendre. Vous n’avez jamais rencontré Yelena ? — A deux reprises mais c’était avant. — Avant son accident de moto ? — Oui. Et pour être franc à mon tour, je ne l’ai jamais appréciée.
Alex allait répondre mais elle vit revenir Emy suivie d’une femme magnifique. Les présentations furent à nouveau faîtes. Puis tout le monde s’installa pour manger. ***
Alex somnolait sur l’épaule d’Emy, elle avait dû se lever de bonne heure pour être à l’heure à l’aéroport et n’avait pu se rendormir dans l’avion. Elles étaient toutes les deux, à présent, installées à l’arrière de la voiture de sport de Hans. L’espace réduit permettait à leurs deux corps de se toucher. Contact qui rassurait Alex. La voiture filait sur l’autoroute allemande. Ils ne tarderaient pas à changer de pays et à passer en Autriche. Pendant le repas, ils avaient parlé adoptant l’anglais comme langue d’échange. Katja parlait le français, elle l’avait prouvée mais comme pour mettre tout le monde à égalité, l’anglais s’était imposé. Katja avait raconté les fêtes de Noël dans sa famille avec son neveu qui avait surveillé la cheminée dans sa chambre pour surprendre le Père Noël mais il avait oublié qu’il y en avait une autre dans le salon et dans les autres chambres.
Alex sentit une douce caresse sur sa joue puis une voix lui murmurer. « Ouvre les yeux. Nous sommes arrivées. »
Alex ouvrit les yeux et se les frotta pour améliorer sa vision. La voiture était garée dans une cour intérieure où seules les roues avaient laissé une trace dans la neige. « Bienvenue à Salzbourg, Alex. » Un portier habillé dans la pure tradition vint à leur rencontre. Il prit les bagages d’Alex et Katja dans le coffre et les rentra dans l’immeuble. Alex resta un instant dehors à regarder la façade. Il y avait trois étages, avec de grandes fenêtres, les pierres blanches des murs extérieurs étaient taillées et décorées. L’ascenseur les monta au dernier étage dans un appartement au moins quatre fois plus grand que celui d’Alex. Emy emmena la valise d’Alex, que le majordome avait déposée dans l’entrée, dans leur chambre. Un grand lit occupait le centre de la pièce, une porte en face donnait dans leur salle de bain. De la fenêtre, elle pouvait voir le Salzburg Dom et la Residenzplatz. Et en levant la tête vers le haut, elle apercevait la forteresse en haut de la falaise. « C’est magnifique mais nous sommes chez qui ? » — Chez mon père. — Il habite ici ? — Pour l’instant oui. — Oh. C’est immense ! Et je n’ose pas imaginer le prix du loyer. — N’essaies pas d’imaginer ça pourrait te faire mal au cœur.
Trois coups furent frappés sur la porte ouverte. Hans se tenait dans l’encadrement et prenait toute la place. « Une petite promenade sur la rive gauche du Danube cela vous tente pour se dégourdir les jambes ? A moins que vous préfèreriez faire une petite sieste ? » — Non, une balade sera très bien, répondit Alex. — Ils annoncent de la neige pour le début de soirée. — Alors ne traînons pas.
***
Emy et Alex étaient écroulées dans le canapé du salon devant la cheminée. Tous les quatre avaient fait une longue balade sur les quais enneigés. Ce furent les premiers flocons et la tombée de la nuit qui les avaient poussés à rentrer. Katja se prélassait dans un bon bain chaud et Hans était au téléphone dans son bureau. Emy était à un bout du canapé et Alex était allongée sur le reste, la tête posée sur la cuisse de sa petite amie. Cette dernière lui passait la main dans les cheveux et Alex n’était pas très loin de ronronner de plaisir. « J’ai passé une très bonne journée, s’exclama Alex. » — Moi aussi. — J’aime bien la neige mais il n’en tombe pas souvent à Dublin. — Tu aimes skier ? — Oui beaucoup mais ça fait longtemps. — Nous pourrions nous planifier des vacances à la montagne si tu veux. — Vraiment ? — Oui. Nous pourrions faire du ski alpin, nordique et des balades en raquettes. — Oui. J’aimerais beaucoup. On aura qu’à se trouver une location. — Vous n’aurez qu’à aller au chalet, intervint Hans qui venait de pénétrer dans le salon. — Le chalet ? interrogea Alex. — Mon père a un chalet dans une station Suisse très sympa. — Ah oui ? Et vous nous le prêteriez ? — Sans problème. Emy a le double des clés. Elle a juste à me prévenir qu’elle y va. — Merci Hans, c’est très gentil de votre part. — Pas de quoi. Tu viens m’aider en cuisine Kiddo ? — J’arrive papa. — Vous avez besoin d’aide ? — Non Alex, continue de profiter du feu. Katja ne va pas tarder de te rejoindre. — Ok.
Emy se leva et embrassa Alex avant de suivre son père. Moins de cinq minutes plus tard, Katja avait rejoint Alex. Rapidement des bruits de casseroles et une bonne odeur leur parvint.
« J’adore quand ils se mettent en cuisine. » — Ça arrive souvent ? demanda Alex. — Dès qu’ils sont ensemble. C’est une manière de communiquer entre eux. — C’est de lui que viennent ses talents de cuisinière ? — Il lui a appris les bases, ensuite ils ont évolué ensemble. L’année dernière j’ai eu le droit à un concours. Ils avaient tous les deux préparé un repas complet et je devais les noter. — Et quel a été le verdict ? — Egalité. J’ai été incapable de les départager. — Vous connaissez leur histoire ? — Pas vraiment. Ils sont aussi discrets l’un que l’autre. J’ignore ce qui les a autant rapprochés mais ce que j’ai vite compris, c’est qu’il est impossible d’avoir l’un sans l’autre. Il faut charmer les deux. — J’avais cru comprendre. Je vais aller me chercher un verre d’eau dans la cuisine. Je vous ramène quelque chose à boire ? — Ce n’est pas de refus. Dans le frigo, il y a une bouteille d’eau minérale gazeuse, j’en veux bien un verre. — Ok. — Et Alex, il n’y a pas mon nom sur la bouteille. Tu peux te servir aussi. — Merci.
Alex se leva et partit en direction de la cuisine. Dans le couloir à quelques mètres de la porte, elle s’arrêta. Emy et son père étaient en train de discuter ou plutôt Hans était en train d’interroger sa fille.
« Pourquoi tu n’es pas allée à ton rendez-vous avec le Professeur Arlosen ? » — Je n’étais pas disponible à ce moment-là. — C’était il y a six mois. Tu n’as pas eu le temps depuis ? — Je le rappellerai. — Emy, c’est important que tu ailles à tes visites de contrôle annuelles. — Je sais. — Qu’est ce qui se passe ? Il y a des nouveaux symptômes ? Tu dois m’en parler si c’est le cas. — J’ai mal un peu plus souvent qu’à l’accoutumé. — Tu as peur qu’il t’annonce que tu doives repasser sur le billard ? — Inconsciemment je pense que oui. — La course en avant n’est pas une bonne chose Emy et tu le sais. Et te cacher la tête dans le sable ne changera rien au problème. — Je sais. — Alors agis comme tu sais le faire. — Promis.
Alex enregistra la nouvelle. Emy avait des problèmes avec les suites de son accident. Elle était blessée qu’elle ne lui en ait pas parlé mais elle n’en avait pas non plus parlé à son père. Elle venait de le faire et Alex espérait qu’elle serait la suivante. C’est donc avec naturel qu’elle rentra dans la cuisine. « Ça sent très bon. » — Ce sera prêt dans un quart d’heure, dis Hans. — Bien. Je suis venue chercher à boire. — Les verres sont dans le placard vitré là-bas. — Merci.
Après avoir rempli les verres et avant de se diriger vers le salon, Alex vint se poster dans le dos d’Emy qui surveillait la cuisson d’aliments dans une poêle. Elle se mit sur la pointe des pieds et posa un baiser sur sa nuque. Et sans un mot quitta la pièce. Hans avait suivi la scène et ne put retenir un sourire attendri. « C’est mignon ça. C’est une tradition ? » — Je ne sais pas, elle le fait toujours quand je cuisine. — Et tu n’aimes pas ? — Si, beaucoup même. — Et cela te pose un problème ? — Non mais… — Elle prend sa place. — Oui. — Je vois. Nous allons mettre la table ? — Je te laisse faire je dois surveiller la sauce pour ne pas qu’elle accroche. — Bien.
***
Le repas avait été délicieux et agréable. Ils s’étaient ensuite installés dans le salon, chacun un mug dans les mains. Alex et Katja avaient soufflé longtemps sur leur infusion, Hans avait savouré son café et Emy avait été la première à finir sa tasse de lait froid. Les deux jeunes femmes étaient à présent allongées dans leur lit face à la fenêtre, elles regardaient les flocons virevolter dans la nuit éclairés par les lampadaires de la rue. « Ton père est vraiment sympa. » — Oui. — Vous vous ressemblez beaucoup physiquement. Vous avez les mêmes expressions du visage, le même regard. Et puis il y a vos fossettes. Elles apparaissent au même moment au même endroit. — Je n’ai jamais fait attention. — Cela t’aurait été difficile pour cela il faudrait que tu puisses te voir au même moment. Et puis vous avez ce même tique de serrer les poings puis d’ouvrir grand les mains tout de suite après. — Ah oui ? — Oui. — Et tu as déjà vu tout ça en une après midi ? — Oui. Que veux-tu, j’aime bien étudier les gens. Et toi et ton père êtes des sujets très intéressants. — Je vois. Il va falloir que l’on soit irréprochables alors. — Non, continuez d’être vous. C’est cette partie de toi que je veux découvrir. — Je ne sais pas si j’en ai envie. — Tu ne m’aurais pas emmenée ici si tu n’en avais pas envie. Je me trompe ? — Non. — Et puis vous êtes de vrais cordons bleus tous les deux, ce qui ne gâche rien. — Je suis son élève. — Tu es tout simplement sa fille, je pense.
***
Alex ne se souvenait pas s’être endormie. Mais elle avait dormi comme un bébé. Si bien qu’elle n’avait pas entendu Emy se lever. Elle entendait de vagues bruits dans l’appartement. Bien que le lit soit très douillet et qu’elle y était au chaud, elle prit son courage à deux mains et se leva. Elle jeta un coup d’œil par la fenêtre pour voir les toits, les trottoirs et les rues recouvertes de neige. Seules quelques empreintes de pas venaient laisser une trace sur le manteau blanc. Elle retrouva Katja dans la cuisine devant une tasse de café. « Bonjour Alex. » — Bonjour. — Bien dormi ? — Oui. Et vous. — Je dors toujours bien ici. C’est très calme. — Oui. Vous avez vu Emy par hasard ? — Vue l’heure, ils ont dû revenir de leur footing. Ils doivent être dans la salle d’entraînement. — Footing ? Dans la neige ? — Oui. Ce n’est pas ça qui va les arrêter. — Et où est la salle d’entrainement ? — Tu bois du café le matin ? — Oh oui. — Alors sers toi une tasse et suis moi. Tu vas assister à un spectacle.
Alex s’exécuta sans traîner, intriguée par la dernière phrase de Katja. Elle la suivit et au fond de l’appartement elle fit coulisser une porte qui s’ouvrit sur une pièce où le sol ressemblait à un tatami et les murs étaient protégés par des tapis. Au centre Emy et son père se battaient. Les images de la plage à Dublin revinrent en mémoire à Alex. Comme ce jour là, l’un essayait de faire tomber l’autre. Leurs mouvements étaient fluides, rapides, aériens. Hans attaquait. Emy paraît. Emy contre-attaquait. Hans esquivait. Comme une chorégraphie, un ballet, Katja avait raison de dire que c’était un spectacle. Si les coups étaient précis, ils n’en étaient pas moins puissants. Alex pouvait presque sentir l’air trembler sur les esquives et entendre le bruit mat sur les parades. Elle voyait la sueur couler sur leur visage et leur air concentré, se contentant de cligner des yeux pour chasser les gouttelettes qui menaçaient de venir leur piquer les yeux. Le short qu’Emy portait cachait la cicatrice sur sa cuisse mais son t-shirt très échancré dans le haut du dos laissait voir le départ de sa plus grande cicatrice. Comme elle l’avait devinée, Emy ne cachait pas les stigmates de son accident à son père. Elle sentit une main se poser sur son épaule. « Nous allons les laisser finir tranquille. » — Cela les dérange quand ils sont observés ? — Ils ne se sont même pas rendus compte que nous étions là. — Je vois.
Elles étaient revenues dans la cuisine. Alex regarda Katja sortir une boîte de céréales, des œufs, des toasts, du beurre, du jambon cru et de la confiture. « Tu aimes les œufs pochés Alex ? » — Oui beaucoup. Mais je n’ai jamais réussi à en faire. Mais si vous voulez, je peux m’occuper des toasts, ça c’est dans mes cordes. — Je te laisse jouer avec le grille-pain. Hans les aime juste roussis. — Comme Emy. Ce qui ne m’étonne pas.
Pendant quelques minutes, il n’y eut que le bruit d’ustensiles de cuisine. Après avoir appuyé sur bouton du toaster Alex posa la question qui lui brûlait les lèvres. « Katja. Je peux vous poser une question plutôt personnelle ? » — Je t’écoute. Si elle est trop personnelle, je me permettrais de ne pas répondre. — Hans m’a dit que vous étiez ensemble depuis cinq ans. J’ai fait un rapide calcul et cela place votre rencontre au moment de l’accident d’Emy. Non ? — C’est exact. — Vous le connaissiez avant ? — Je l’avais croisé deux ou trois fois avant cela. Je travaillais avec le professeur Arlosen. C’est lui qui s’est occupé des blessures d’Emy. — Quel était votre fonction ? — Je me suis occupée de la rééducation d’Emy. — Vous êtes kiné ? — Oui comme toi. — Encore un point commun entre eux. — Peut-être ou peut-être pas. — Vous avez le droit de me dire où elle a fait sa rééducation ? — En Suède, à Stockholm. — Ok. Merci de répondre à mes questions. — Pas de problème Alex. Je suis passée par là avec les deux asticots. Mais sache que je ne te donnerai pas toutes les réponses. C’est Emy qui devra te raconter certaines choses. — Je comprends et c’est tout à votre honneur.
Les œufs venaient juste d’être posés sur les toasts quand Hans et Emy firent leur apparition dans la cuisine. « Ça sent drôlement bon par ici. Qu’en penses-tu Emy aurions-nous deux cordons bleus en cuisine ? » — En aurais-tu douté papa. Katja et Alex sont des championnes du petit-déjeuner.
Emy s’approcha d’Alex et l’embrassa. Pas sagement sur la joue mais normalement sur la bouche poussant même le vice à passer sa langue sur les lèvres de sa petite amie. Alex était toujours surprise de l’attitude d’Emy. Si discrète d’habitude, ici elle était beaucoup plus ouverte, tactile, n’hésitant pas à l’embrasser, à la toucher, comme si leur couple était naturel. Et Alex aimait encore plus cette Emy-là. Une fois qu’Emy l'eût relâchée, Alex croisa le regard du père de sa petite amie. Elle y lut tant de tendresse et d’acceptation qu’elle ne put s’empêcher de répondre d’un sourire.
*** Les jours s'étaient écoulés sur le même rythme. Alex avait pu découvrir une autre Emy. Il y avait une telle connivence entre son père et elle. Ils donnaient l'impression de se comprendre sans se parler. Ils pouvaient se dire tout d'un simple regard, d'un geste, d'une expression. Alex était fascinée. Elle aurait aimé être aussi proche que ça d'un membre de sa famille. Alex fût même initiée aux techniques de combat. Katja lui expliqua plus tard que c'était une preuve de confiance et d'acceptation de leur part. Bien sûr, elle n'avait pas fait le poids et s'était retrouvée très rapidement immobilisée par Emy. Elle dût reconnaître que ces "combats" avaient quelque chose de sensuel. Surtout quand Alex se retrouvait sous Emy. Quand elle pouvait sentir son corps contre le sien. Alex comprit aussi que quand elle prenait le dessus sur Emy quand elles faisaient l'amour après une fausse lutte c'était que sa petite amie le voulait bien.
Le jour de l'an avait ressemblé au bal de Sisi pour Alex. Tous les quatre avaient été invités par l'ambassade Suisse à Salzbourg. Dans une véritable salle de bal version valse de Vienne. Les hauts plafonds décorés, les lustres, le parquet lustré, les baies vitrées en forme d'arches tout pour un décor de conte de fées. Le repas avait été très fin. Le homard déjà décortiqué avait été fondant et délicieux. Le pain légèrement brioché était une caresse sur le palais. Sur l'assiette d'assortiments de desserts, Alex avait joué de tous ses charmes pour récupérer le fondant au chocolat dans l'assiette d'Emy. Sur le plan vestimentaire, Alex avait fait la tournée des boutiques avec Katja et c'est dans une robe fourreau bleue nuit qu'elle s'était présentée face à Emy. Cette dernière portait un smoking féminin à la Bette Porter dans L Word. Et elle avait un charme fou. Alex avait dû se retenir de la déshabiller tout de suite. Aux douze coups de minuit, elles s’étaient embrassées et souhaitées une bonne et heureuse année 2008. Alex espérait que cette nouvelle année ne verrait pas la fuite d’Emy. Emy, de son côté, se disait que 2008 serait peut-être l’année du passée révolu.
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| | | Mack Modo
Nombre de messages : 607 Age : 44 A écrit : Rencontre sportive ; Home sweet Home ; A l'ouest de chez moi tome 1; Mouvement perpétuel; Soleil de minuit, Aurore boréale tome 1, 2 & 3 ; Galway Date d'inscription : 23/03/2008
| Sujet: Re: Mouvement perpetuel Dim 23 Oct 2016 - 23:36 | |
| 7- Stockholm Alex était dans l’avion qui la ramenait à Dublin. Elle regardait par le hublot s’éloigner le sol autrichien. Hans les avaient conduites le matin à Vienne car Emy devait elle aussi prendre l’avion dans la capitale. Leurs vols respectifs n’étant qu’en fin d’après-midi, ils avaient eu le temps de se promener dans la ville d’Europe centrale. Alors que Hans et Katja faisaient une pause dans un café viennois. Emy et Alex étaient allées flâner sur les rives du Danube. La veille, alors qu’Emy était au téléphone avec Stan dans le bureau de son père, Alex avait eu une conversation avec Hans. « Tu as passé un bon séjour Alex ? » — C’était génial. Merci. — Ne me remercie pas, j’ai été très content de faire ta connaissance. Je commençais à douter. — A douter de quoi ? — De la capacité de ma fille à aimer encore. — Vous croyez qu’elle m’aime ? — Tu es là, non ? — Oui. — Emy sait se battre. Je l’ai vue mettre au sol des adversaires bien plus costauds qu’elle. Mais dès qu’il s’agit d’émotions, de sentiments, elle se ferme comme une huitre. Il a fallu du temps à Katja pour l’apprivoiser. Pour pouvoir l’approcher et lui parler sans qu’elle soit sur ses gardes. — Pourquoi est-elle comme ça ? — Car elle a peur de souffrir. Sa dernière histoire d’amour lui a laissé des traces indélébiles sur le corps. Elle associe sa rupture avec son accident de moto. Et le deuxième a bien failli la tuer. Elle a peur de l’amour car elle ne pense pas survivre à une deuxième rupture de la sorte. — Toutes les ruptures ne finissent pas aussi tragiquement. Heureusement. — Je le sais bien mais Emy ne le sait pas. Yelena est sa première et dernière vraie histoire d’amour. Enfin jusqu’à toi. Je retrouve ma fille d’avant l’accident avec toi. Elle est à nouveau ouverte. Elle te laisse la toucher sans avoir de mouvement de recul. — Je ne pensais pas que c’était à ce point-là. — Emy est une grande dissimulatrice. Pendant sa rééducation, Katja avait beaucoup de problèmes pour lui faire avouer qu’elle avait mal. Ce n’est qu’en la voyant blanche comme la craie qu’elle comprenait qu’elle souffrait. — Pourquoi faisait-elle ça ? — Car la condition pour sortir de l’hôpital, était de ne plus avoir mal. Et Emy voulait sortir. Elle voulait s’enfuir. Elle voulait aller se cacher pour souffrir dans son coin, sans spectateur. — Elle cache ses cicatrices aux yeux du monde. — Oui. — J’ai eu des patients qui faisaient cela aussi. Je connais le problème. — Emy te les cache ? — Non. Peut-être parce que leur vue ne me gêne pas. Comme Katja c’est peut-être une question d’habitude. Et puis sans paraître dingue, sa peau est tellement douce sur ses cicatrices que j’aime y promener mes mains. Je pense que c’est une bonne thérapie pour Emy. Que cette partie d’elle soit en contact avec quelqu’un d’autre. — C’est la kiné qui parle là ou la petite amie ? — Les deux. Ils s’étaient regardés un instant. Deux personnes parlant d’une femme qu’ils aimaient. Pas de la même manière mais d’une façon complète et entière. *** La terre était maintenant loin pour Alex. Au cours de cette semaine elle avait aussi appris le prénom complet de sa petite amie : Emylie Kayla. Le premier avait été choisi par sa mère. Le second par son père. La seule personne à encore appeler Emy, Emylie était sa mère et Emy en avait horreur. Alex trouvait que le diminutif Emy lui allait mieux. Emylie faisait trop petite fille modèle en jupe plissée et collant blanc. Emy avait une part de mystère et un côté aventureux loin des goûters pour enfants et de la dinette. Son deuxième prénom était d’origine suédoise. Ce qui amena la question suivante : Est-ce que le père d’Emy était suédois. Alex n’avait pas osé poser la question. Peut-être par peur de faire un impaire vu le flou qui entourait les activités de Hans. Alex s’endormit la tête pleine de bons souvenirs en ayant en point de mire la venue dans trois semaines d’Emy à Dublin. *** La première moitié de l’année avait filé à toute vitesse. Il faut dire qu’entre leurs semaines de travail respectives et les week-ends qu’elles passaient ensemble, Emy et Alex n’avaient pas le temps de voir tourner les aiguilles. Emy s’était surprise à sauter dans un avion pour rejoindre Alex le temps d’une soirée et d’une nuit. D’envoyer de plus en plus de textos. De voir Stan se retenir de moins en moins pour le lui faire remarquer. Pour le punir elle l’avait envoyé à un salon à Amsterdam. A son retour, elle comprit qu’il s’était amusé comme un petit fou. De son côté Alex refusait des patients, son agenda étant plein à craquer. Elle adorait la tête que faisait Julie quand Emy les rejoignait en pleine semaine au pub. Elle ne pouvait pas échapper aux questions de Julie le lendemain. Elle était fatiguée mais c’était une bonne fatigue provoquée par le bonheur. Pour souffler un peu, Emy avait proposé qu’elle la rejoigne à Stockholm pour un salon du jeu. Elles pourraient flâner dans la ville à leur envie. La seule ombre au tableau était qu’Emy n’avait toujours pas parlé de son rendez-vous chez le médecin à Alex et cela la blessait plus qu’elle ne voulait se l’avouer. Il y avait encore une barrière entre elles. Et pour Alex cette barrière ressemblait plus au mur de Berlin qu’à un passage à niveau. *** Veille de départ en Suède. Stan était tout excité. Emy avait remarqué qu’il était heureux à chaque fois qu’il quittait Lyon et l’était beaucoup moins quand il était de retour dans la capitale des Gaules. Elle rangea cette information dans un coin de sa tête. Alors qu’elle fermait son sac, son téléphone portable signala l’arrivée d’un mail. Elle l’ouvrit et tomba assise sur la table basse. Le texte était le suivant : « Bonjour Emylie, J’ai besoin de te voir. De te parler. C’est important. Je sais que tu seras à Stockholm demain. Je te donne rendez-vous dans trois jours au bar en face du château à 10h. Viens s’il te plaît. Yelena. » *** Stockholm et ses quatorze îles, capitale de la Suède, accueillait une convention du jeux vidéos pour une semaine. Stan et Emy étaient invités pour présenter leur travail. Et le bruit s’était repandu sur les forums qu’à cette occasion les décors d’un nouveau jeu seraient dévoilés. A cause de leur emploi du temps très chargé, elles n’avaient pu arriver que le jour de l’ouverture de la convention. Emy ne devant intervenir que dans deux jours, cette dernière avait laissé Stan s’immerger dans l’ambiance du salon. Il évoluait dans ce milieu comme un poisson dans l’eau, beaucoup plus à l’aise qu’elle dans ce genre de situation. Elle en profita donc pour faire découvrir la ville à Alex. De la relève de la garde en musique, au palais royal en passant par le musée à ciel ouvert, découvrant les petites rues et les nombreux ponts, Alex tombait amoureuse de Stockholm. Le soleil étant au rendez-vous, elles firent même du pédalo et purent découvrir le côté pile des bâtiments. Alex, excitée comme une enfant, passait plus de temps à prendre des photos qu’à pédaler. Quand Emy lui en fit la remarque, elle lui répondit : « C’est pour ton bien. Je trouve que tes quadriceps se sont un peu ramollis dernièrement. » Et elle ne put s’empêcher d’immortaliser l’air offusqué de sa petite amie. Elles visitèrent ensuite le musée Vasa consacré au bateau du même nom. Grand navire de guerre Suédois du XVIIème siècle construit pour le roi Gustave II Adolphe de Suède, de la dynastie de Vasa, entre 1626 et 1628. Ce grand vaisseau devait rejoindre la flotte de la Baltique dans la guerre de Trente Ans. Mais le Vasa n’est pas connu pour ses faits de guerre mais pour avoir sombré après une navigation d'à peine un mille marin lors de son voyage inaugural, le 10 août 1628. Les 40 000 dalers, une dépense énorme pour le petit État suédois[ de l’époque, venait de finir au fond de la rade de Stockholm mettant fin aux ambitions d’extension du pays. Tout au long de la visite ce qui fit rire Alex se fut que toutes les pancartes d’information le présentait comme un super bateau laissant présumer une super carrière avec de grandes batailles remportées et pas une coque de noix qui avait coulé au premier coup de vent dans les voiles. Le deuxième soir, elles dînèrent sur une terrasse qui surplombait l’eau. Une famille de canards passa juste en dessous d’elles. Alors qu’Alex le faisait remarquer à Emy, elle se rendit compte qu’Emy n’était pas avec elle. Physiquement, elle était bien assise sur sa chaise en face d’elle mais son esprit était ailleurs. « A quoi tu penses ? » — Pardon ? — Tu avais l’air d’être partie très loin. — Excuse-moi. — J’ai le droit de savoir où tu étais ? — Nulle part. Je réfléchissais à demain. Je suis toujours un peu tendue la veille de prendre la parole devant tant de gens. Emy s’en voulait de mentir à Alex mais elle ne pouvait pas lui avouer que l’espace d’un instant Yelena avait envahi toutes ses pensées. Elle devait la voir demain. Elle avait répondu à son mail en précisant qu’elle ne serait pas disponible à l’heure indiquée car elle serait en conférence. Elle proposait 19h à la place. Elle lui avait aussi demandé des précisions. Yelena avait accepté l’horaire mais n’en avait pas dit plus. — Tu n’aimes pas ça ? — Non. Tu sais je préfère dialoguer avec un PC qu’avec des gens c’est bien connu. — J’oublie parfois ton coté GEEK. — Preuve que je dois arriver à me soigner à tes côtés. — Peut-être mais tu replonges instantanément dès que tu es avec Stan. Je vous ai écoutés parler vous êtes impressionnants. Je ne dois pas comprendre un mot sur deux dans vos dialogues. — Désolée. Nous ne faisons pas attention. — Ce n’est pas grave tant que tu ne me parles pas de matrice d’accostage quand nous sommes en tête à tête. — Matrice d’accrochage pas d’accostage. — Accostage accrochage, c’est pareil. Tu fixes. Et puis accostage cela va mieux avec tous les bateaux qui nous entourent. — Je te l’accorde mais ça ne permet pas de fixer des points. — M’en fous. Je t’ai accrochée toi. — C’est un fait. — Je peux assister à ta conférence demain ? — Tu veux voir une bande de GEEK poser des questions de GEEK pendant deux heures ? — Oui. Vu que la reine des GEEK sera ma petite amie. — Tu veux aussi assister à la séance de dédicaces ? — Parce que tu signes des autographes ? Quand Julie m’a dit que Matt était tout content quand tu avais signé une de ses boîtes de jeu, j’ai cru qu’elle rigolait ou que toi tu l’avais fait pour rigoler. — Non tu verras demain, il y a de vrais fans. Des groupies en folies pourraient même se jeter sur Stan. — Je suis sure qu’il en redemanderait. — Peut-être. — Vous faîtes une drôle d’équipe tous les deux. — Comment ça ? — En vous voyant, on ne vous imagine pas créateurs de décors de jeux vidéos. — Et qu’est ce que tu imagines ? — Pour Stan, ce n’est pas très dur, il a « Sportif » écrit sur le front. Il est grand, costaud, ça se voit qu’il entretient sa forme. — Il a fait l’UFRAPS à Lyon. — C’est quoi ? — La fac de sport. — Julie m’a dit qu’il voulait être préparateur physique. — C’est ça mais il s’est réorienté. — Pourquoi ? — Je l’ignore. Et moi tu me vois dans quelle branche ? — Agent Secret. — Agent Secret ? Version 007 ? — Oui. Avec tous les gadgets et tout et tout. — Les filles aussi ? — Non pas les filles. Tu serais comme ton père, fidèle à une femme. — Tu crois que mon père est Agent Secret ? — Il l’est ? — Secret Défense. — Je sais, ton père est un agent secret et Katja est son agent de liaison et son poste de kiné est une couverture. — Tu lis trop de romans d’espionnage. — Ça serait romantique. — Tu es vraiment fleur bleue. — Oui et alors ? — Alors rien. Tu es comme ça. *** Alex s’était assise au dernier rang de la salle de conférence. Celle-ci se tenait dans un auditorium. Pendant deux heures, elle avait regardé Emy et Stan répondre aux questions parfois très précises des participants. Il était question de format, de matrice, de pixel, de langage, de traitement des données et de plein d’autres mots inconnus d’Alex. Le moment fort de la conférence avait été la démonstration en live avec les explications du traitement d’une photo pour en faire une partie d’un décor. Le cliché représentait O’Connel Street à Dublin. Sous les yeux d’une salle de GEEK conquis, Emy reconstruit la rue en 3D. Son travail achevé, elle proposa à tous ceux qui possédaient une clé USB de télécharger le fichier obtenu. Sa proposition eut un grand succès. Mais ce qui amusa le plus Alex ce fut la séance de dédicace l’après-midi. Chacun était venu avec une boîte de jeu. Et elle put se rendre compte que sa petite amie avait participé à bons nombres de projets très différents les uns des autres. Celui qu’elle préférait était celui qu’elle avait fait sur les légendes celtes. Un jeu d’aventure où il fallait retrouver des ingrédients pour des potions, des morceaux de parchemin et bien d’autres choses encore. Le principe du jeu n’intéressait pas vraiment Alex mais les décors donnaient envie de partir en Irlande, en Bretagne et en Ecosse. Emy s’était inspirée de toutes les régions celtes. Et Alex pouvait reconnaître bons nombres d’endroits. *** Emy avait quitté la convention vers 18h30. Elle avait fait le chemin jusqu’au palais à pied. Elle avait besoin de s’aérer l’esprit avant sa rencontre avec Yelena. Il lui avait fallu beaucoup de concentration toute la journée pour se détacher de sa rencontre du soir. Sa nuit avait été agitée. Elle n’avait pas eu l’impression de vraiment dormir. Les cicatrices dans son dos lui faisaient mal. Signe qu’elle était stressée. Plein de questions tournaient dans sa tête. Le choix du café en était une. C’est dans ce bar qu’elle retrouvait Katja quand elle était de passage à Stockholm. Elle entra dans le café en retirant ses lunettes de soleil. Elle l’aimait pour le mélange de briques et de bois sombre. L’éclairage assuré par des lanternes adoucissait le décor et le rendait chaleureux. Elle repéra rapidement Yelena. Elle était assise à une table dans le coin droit. La fenêtre à multiples carreaux donnait sur la rue et elle l’avait sûrement vue arriver. Sur la table était posé un livre. En s’approchant Emy put lire le titre : Anna Karénine de Tolstoï. Le même livre qu’à Genève. « Tu ne l’as toujours pas fini en cinq ans ? » — Bonjour Emylie. — Bonjour Yelena. — Je ne suis pas arrivée à le continuer après notre rupture. Je me suis dit que j’y arriverais peut-être après t’avoir revue. — Pourquoi ce rendez-vous ? — Tu ne veux pas t’asseoir ? Emy tira une chaise et s’assit. Elle posa ses lunettes de soleil sur la table et fit signe à la serveuse. Elle commanda un chocolat chaud avec de la crème. — Tu bois toujours la même chose. Si ce n’est pas du lait c’est du chocolat. — Tu m’as donné rendez-vous pour vérifier si mes habitudes alimentaires avaient changé ? — Non. Je t’ai donné rendez-vous car j’avais besoin de te parler. — Je t’écoute. — Tu me manques. Je ne suis pas arrivée à t’oublier. A l’époque, je pensais que je vivrais mieux sans toi car je ne supportais plus la distance. — Pourquoi tu ne m’as pas dit ça à l’époque. Nous aurions pu chercher une solution. — Tu serais venue habiter avec moi ? — Peut-être. Nous aurions au moins pu essayer. — Je suis désolée. J’étais un peu perdue à cette époque. Ce que je ressentais pour toi était trop fort et ça me faisait peur. — Et aujourd’hui tu vas me dire que tu m’aimes toujours. — Oui. — Et tu n’as plus peur ? — Non. J’ai grandi. Emy regardait Yelena. Rien sur son visage n’avait changé. Il n’y avait pas plus de rides d’expression. Aucune trace laissée par la vie. Aucune cicatrice. Toujours ce regard clair, angélique, à qui l’on donnerait le Bon Dieu sans confession. Ce sourire qui attire le regard et qui ne donne qu’une envie : goûter ses lèvres. Elle avait toujours les mains fines aux ongles courts, bien fait. Des images s’imposèrent dans son esprit. Elle se revoyait toutes les deux nues. Ses mêmes ongles griffant légèrement la peau de son dos. — A quoi tu penses ? La même question. Emy ré-atterrit dans le bar loin des moments qu’elle avait partagés avec Yelena. Et l’image d’Alex s’imposa. — A ma petite amie. — Alexan c’est ça ? — Comment connais-tu son prénom ? — J’ai fait quelques recherches sur toi. — Qu’as-tu découvert ? — Que tu as eu un grave accident de moto. Que tu vis à Lyon dans un super duplex. Que tu as monté ta propre boîte de création informatique. Que tu as une petite amie depuis un an. Qu’elle vit à Dublin en Irlande. Qu’elle est kiné. — Comment ? — J’ai mes sources. — Qu’est ce que tu attends de moi ? — Tu n’en a pas une petite idée ? Emy resta silencieuse. — Emylie. — J’aimerais que tu arrêtes de m’appeler comme ça. — Tu aimais bien avant pourtant. — J’ai du grandir moi aussi comme tu dis. Il est vrai que tu m’as beaucoup aidée pour ça. — Tu m’en veux toujours de t’avoir plaquée ? — Je crois que je t’en voudrais jusqu’à la fin. Le jour où tu m’as larguée, j’ai bien failli mourir dans le sens propre du terme. Et tu reviens cinq ans plus tard, comme une fleur. Et tu veux quoi ? Qu’on recommence comme si de rien était comme si tu n’avais fait qu’une pause dans la lecture de ton bouquin ? — Oui. — J’ai quelqu’un dans ma vie à présent. — Elle n’est pas pour toi. — Qu’est ce qui te permet de dire ça ? Emy parlait en serrant les dents pour ne pas crier. — Elle est trop gentille pour toi. Elle ne te pousse pas comme je le faisais. Avec elle, tu vas t’ennuyer. — J’ai peut-être envie d’être avec quelqu’un de gentil pour changer. Et je n’ai peut-être pas envie que ma vie soit un perpétuel défi. — Tu aimais ça nos défis. — Tu as employé le bon temps Yelena, le passé. Je ne suis plus la fille que tu as connue. — Au contraire, je pense qu’elle est toujours là. Tu l’as juste un peu enterrée. — Cette fille n’existe plus. — Je suis sure que si. — Yelena arrête. Emy sentait qu’elle perdait son calme et elle n’aimait pas ça. Elle ne comprenait pas où Yelena voulait en venir mais elle ne rentrerait pas dans son jeu. — Tu sers les dents. Les muscles de ta mâchoire gonflent. Preuve que la fille passionnée est encore là. — Je sers les dents pour ne pas faire d’esclandre dans un bar où j’aimerais pouvoir revenir. — Avec cette Finlandaise. — Laisse Katja en dehors de ça. — Il y a beaucoup de femmes dans ta vie à présent. Il y en avait beaucoup moins avant. Je crois que je suis jalouse. — Tu n’as pas le droit d’être jalouse. — Ah oui pourquoi ? — Car tu n’es pas ma petite amie. — J’ai été la première. — Non désolée de te décevoir. — La première que tu as aimée. — … — Et tu m’aimes toujours. — … — Tu ne dis plus rien ? Pourquoi ? Car ce que je dis est la vérité et tu ne peux le contredire sans mentir ? — Ce que j’éprouve pour Alex est très différent de ce que j’ai éprouvé pour toi. — C’est normal. Nous c’était la passion avec un grand P et l’amour avec un grand A. Avec elle ça doit être canapé et plateaux télé. Emy laissa passer un instant. Yelena en profita pour poser sa main sur la sienne. Emy regarda leurs mains enlacées et releva la tête pour plonger son regard dans celui de Yelena. — Ce que j’éprouve pour Alex est bien plus fort que ce que j’ai cru ressentir pour toi. Avec elle, je n’ai pas besoin d’être sur mes gardes constamment. Je sais que je peux compter sur elle à n’importe quel moment. Elle ne me poussera pas dans la Neva au mois d’octobre pour rigoler. Au contraire, elle fera tout ce qu’il faut pour que je ne tombe pas à l’eau. — Pour toi je changerai. Je deviendrai plus sage. — On ne fait pas d’un âne un cheval de course. — C’est moi l’âne ? — Tu aimes tenir les rênes, tout diriger, tout contrôler. Je ne suis pas une marionnette. — Je ne veux pas te diriger. Je veux juste refaire partie de ta vie. Depuis cinq ans, je suis tes activités. Je suis allée à plusieurs des conventions où tu étais invitée. Je t’ai regardée dans l’ombre. Plusieurs fois, j’ai voulu t’approcher mais à chaque fois j’ai hésité et ensuite c’était trop tard. Yelena remonta la manche de son pull laissant apparaître une gourmette. — Tu vois, je porte toujours la tienne. Les moments que nous partagions me manquent. Je n’ai pas oublié ce que je ressentais quand tu posais tes mains sur mon corps. Je n’ai pas oublié le goût de tes lèvres, ni la texture de ta peau, ni ton habileté à utiliser ta langue et encore moins quand nous faisions l’amour. La colère d’Emy s’était atténuée. Yelena la touchait presque avec ses mots. — Pourquoi tu ramènes tout ça à la surface. — Parce que se sont les meilleurs moments de ma vie. — Notre rupture a laissé des traces indélébiles sur mon corps que je sens chaque jour. Et chaque jour je me rappelle le mal que tu m’as fait. — Je peux te faire oublier. Je sais que toutes les deux on est plus fortes ensemble. Je prendrais soin de toi. — Comment vois-tu les choses ? — Nous pourrions nous installer ensemble dans un appartement ici à Stockholm ou ailleurs peut être hors de l’Europe pour repartir à zéro. Tu travaillerais sur tes jeux vidéos pendant que je continuerais mes traductions. Nous apprendrions à nous connaître à nouveau. Emy regardait toujours Yelena qui avait les larmes au bord des yeux. Elle semblait sincère. — C’est un beau discours mais tu ne peux pas me demander de choisir comme ça. J’ai besoin de temps. — Je comprends. Je suis à Stockholm jusqu’à la fin de la semaine. Tu as mon adresse mail alors quand tu as une réponse transmets la moi. — Ok. — Ne me laisse pas attendre trop longtemps. — Oui. — Donne nous une deuxième chance. — Je vais y réfléchir. Yelena se leva. — Tu m’accompagnes jusqu’à la station de taxi. — Oui, je vais payer nos consommations et je te rejoins dehors. Deux minutes plus tard, elles marchaient toutes les deux en direction des quais. Yelena ne souhaitait qu’une chose : prendre la main d’Emy dans la sienne pour se promener avec elle comme avant. Elles tournèrent dans une ruelle. Emy avait l’esprit trop encombré par les questions de Yelena pour faire attention aux deux hommes qui venaient en face d’elle. Elle ne sortit de ses pensées qu’en sentant Yelena saisir son bras. Les deux hommes avaient dévié de leur trajectoire avançant de front. Emy fit un écart sur la gauche pour reprendre de la distance face à un des hommes. Quand elle le vit, lui aussi, se décaler sur la droite pour réduire l’écart, elle comprit instinctivement qu’il allait se passer quelque chose. L’homme le plus proche d’elle avança son bras pour l’empoigner, jouant sur l’effet de surprise, Emy écarta le poignet de son agresseur avant de lui envoyer le bas de la paume de sa main dans le nez et de le repousser d’un coup de pied facial. Son acolyte voyant son partenaire au sol lâcha Yelena qui se débattait. Alors qu’il s’approchait à son tour, un coup de pied retourné vint le cueillir sur le côté droit du visage. Emy s’était remise en position de combat. Le premier revint à la charge le nez en sang. Quelques coups furent à nouveau échangés entre eux avant qu’Emy ne réalise une clé de bras en esquivant un coup de poing et en passant sous le bras de son adversaire. Dans l’élan elle l’envoya s’écrouler contre deux poubelles d’un coup de pied aux fesses. Le bruit attira du monde à l’entrée de la ruelle. Emy était à présent entre les deux. L’un au sol appuyé contre les poubelles, l’autre se relevait l’arcade ouverte. Emy comprit parfaitement l’injonction de celui assis. Même si elle était en russe, les mots étaient clairs. Celui à l’arcade ouverte tenait un couteau dans sa main. Emy n’eut pas le temps d’éviter la lame qui vint s’enfoncer profondément au dessus de son nombril. La brûlure était intense. Emy avait le souffle coupé. Elle entendait des voix autour d’elle mais n’arrivait pas à se concentrer assez pour comprendre ce qui se disait. Elle était ailleurs, elle était repartie cinq ans en arrière. La même douleur. Le même sentiment d’impuissance. Elle ne savait plus si elle sentait les pavés sous son corps ou bien les sacs d’engrais. Sous sa main était-ce la rugosité du sol ou de la terre battue. Au loin une sirène. Trop loin. A chaque battement de cœur, elle sentait le sang s’écouler de sa blessure. Il fallait qu’elle ralentisse les choses. Gagner du temps. Se calmer. Mais plus elle essayait plus elle avait le sentiment que tout s’accélérait. Elle eut peur. Bien plus que cinq ans plus tôt car elle ne pouvait pas avoir de la chance deux fois. Il est rare de gagner deux fois au loto. Sur cette idée, elle se noya dans le brouillard qui entourait son cerveau. Elle avait froid. Elle avait l’impression de claquer des dents. On l’arracha du sol et la douleur fût plus vive la ramenant un instant à la réalité. Un brancard, des hommes, des mots. « Elle perd beaucoup de sang. » « Pouls filant. » « Pupilles paresseuses. » « Mademoiselle vous m’entendez ? » « Comment elle s’appelle ? » « Emylie mais appelez-la Emy. » « Emy si vous m’entendez serrez ma main. » Emy sentit une chaleur sur sa main. Un contact doux sans aspérité. Elle referma ses doigts sur cette chaleur. « C’est bien. Ouvrez les yeux. » Emy entendait mais tout dans sa tête marchait au ralenti. Elle ne sut combien de temps s’écoula avant qu’elle n’ouvre les yeux sur un visage flou. « C’est bien. Restez avec nous. Nous vous emmenons à l’Hôpital KAROLINSKA. » Comme si dans le brouillard qui noyait son cerveau le nom de l’hôpital avait fait apparaître une éclaircie Emy murmura un prénom. « Katja. » | |
| | | Mack Modo
Nombre de messages : 607 Age : 44 A écrit : Rencontre sportive ; Home sweet Home ; A l'ouest de chez moi tome 1; Mouvement perpétuel; Soleil de minuit, Aurore boréale tome 1, 2 & 3 ; Galway Date d'inscription : 23/03/2008
| Sujet: Re: Mouvement perpetuel Dim 23 Oct 2016 - 23:36 | |
| La personne des secours qui s’occupait d’elle se tourna vers Yelena qui était assise dans l’ambulance. « Qui est Katja ? » — Katja Nyberg. Elle travaille dans cet hôpital. — Ok. S’adressant à présent à son collègue. Demande à l’hôpital de la prévenir. — Je m’en occupe. Emy avait de plus en plus froid. Elle sentait son corps s’engourdir et avait de plus en plus de mal à serrer la main qui tenait la sienne. Le visage au-dessus d’elle devint plus flou. Elle ferma les yeux. Quand elle les rouvrit, Alex la regardait. Elle lui souriait. Elle sentit la caresse de sa main sur sa joue. Elle n’avait plus froid. Elle était détendue. Elle n’entendait plus les mots dans l’ambulance. « Emy ! Ouvrez les yeux ! » « Combien de temps avant l’arrivée ? » « Trois minutes. » « Plus de réaction physique, yeux clos, mains inertes. » Katja avait laissé ses dossiers en plan dès qu’une infirmière des urgences l’avait avertie que l’on amenait Emy, blessée à l’abdomen. Elle avait attendu sur le parking l’arrivée de l’ambulance. A la descente du brancard, elle vit Emy allongée, le visage pâle. La compresse qui servait au médecin urgentiste à compresser la plaie était imbibée de sang. Un rapide coup d’œil à l’intérieur de l’ambulance lui apprit que ce n’était pas la première qu’il utilisait. « J’ai perdu le contact visuel avec elle il y a quatre minutes. » Katja posa ses mains sur les épaules d’Emy. Une secousse fit disparaître Alex. Emy ouvrit difficilement les yeux sur Katja qui imprimait une pression sur ses épaules. « Emy. Tu m’entends ? » — Alex. — Je vais la prévenir. Tu dois t’accrocher. Ne ferme pas les yeux. Reste concentrer. — Alex. L’équipe médicale s’activa. — Katja, on va l’emmener au bloc. On fera les examens sur place. — Tiens moi au courant dès que tu connais l’étendue des lésions. — Pas de problème. Katja prit le portable d’Emy dans sa poche avant de la laisser aux bons soins de ses collègues. Alex était en train de jouer avec Stan à un jeu de course de stock car. Par deux fois, elle l’avait envoyé dans le décor et en était très fière. Par cinq fois, il avait gagné la course et était encore plus fière. Quand son portable sonna, elle se dit que c’était Emy qui les prévenait que son rendez-vous professionnel était enfin terminé et qu’elles pourraient se retrouver. Sauf que la voix qu’elle entendit n’était pas celle de sa petite amie mais celle de Katja. Les mots eurent du mal à s’imprimer dans son esprit quand elle comprit enfin elle en lâcha le téléphone. « Qu’est ce qui se passe ? demanda Stan. » — Emy est à l’hôpital. — Quoi ? — Elle est blessée. Elle a été poignardée. Il faut aller à l’hôpital KAROLINSKA. Stan prit les choses en main. Il attrapa leurs affaires et entraîna Alex vers la sortie. Il la fit monter dans un taxi et donna le nom de l’hôpital au chauffeur. Il prit la main d’Alex dans la sienne et la serra fort comme si il voulait lui donner de la force. Il voulait surtout qu’elle arrête de trembler. Pendant ce temps à l’hôpital, Katja venait de raccrocher avec Hans. Il quittait immédiatement le sommet européen de Copenhague pour les rejoindre. Elle prit enfin le temps de s’approcher de la jeune femme qui avait accompagné Emy. Elle avait du sang sur les mains qu’elle avait tenté d’essuyer sur son pull. Elle était pâle et semblait dépassée. « Ça va ? » — Je ne sais pas trop. Elle va s’en sortir ? — Je l’espère. Comment tu t’appelles ? — Yelena. Katja connaissait ce prénom. Hans lui en avait parlé. La blondeur de ses cheveux et le bleu de ses yeux ne laissaient aucun doute sur l’identité de la personne. Elle laissa de côté les questions sur pourquoi elle était là et se concentra sur les faits. — Que s’est-il passé ? — Emy m’accompagnait à une station de taxi quand nous avons été attaquées par deux individus. Emy s’est interposée. Elle avait le dessus jusqu’à ce qu’un des deux ne sorte un couteau. Elle n’a pas eu le temps. Et… Et… Et ensuite elle était sur le sol. Le sang coulait de son ventre. J’ai essayé d’arrêter l’hémorragie mais ça ne voulait pas s’arrêter. Ça coulait. — Calme-toi. Respire à fond. C’est terminé. Les médecins vont s’occuper d’elle. Alors qu’elle essayait de réconforter la jeune femme, elle vit Alex arriver accompagnée d’un homme. « Alex ! » — Katja. Comment elle va ? — Elle est au bloc. — Qu’est ce qui s’est passé ? Elle avait rendez-vous et… Alex s’arrêta au milieu de sa phrase. Elle venait de voir la fille blonde tâchée de sang assise à côté de Katja. Cette dernière reprit la parole. — Je ne peux pas t’en dire plus qu’au téléphone. Il faut attendre. Stan poussa légèrement Alex vers les fauteuils. La jeune femme y tomba plus qu’elle ne s’y assit. Alex ne pouvait s’empêcher de regarder la jeune femme blonde. Elle avait le sentiment de la connaître. Une heure et quart plus tard, ce fût au tour de Hans d’arriver. Il avait fait jouer ses relations pour faire décoller un jet privé en urgence. Katja lui apprit qu’il n’y avait rien de nouveau depuis son dernier coup de fil. Hans allait s’approcher d’Alex pour prendre de ses nouvelles quand Yelena rentra dans son champ de vision. Elle avait un café à la main. « Toi, tu me suis. » La jeune femme russe ne protesta pas et le suivit sous l’œil étonnée de Stan et Alex. Hans attendit d’être dehors pour commencer la discussion. « Qu’est ce qui s’est passé ? Et n’essaie pas de m’inventer une histoire. » — Nous avons été agressées dans une ruelle de la vieille ville. — Par qui ? — Deux hommes. — Tu les connaissais ? — Non. — Yelena ne me ment pas. — … — C’était les frères Ponov, n’est ce pas ? — Comment vous ..? — Tu crois que tu es la seule à t’intéresser à la vie des autres. Je sais que tu as fait des recherches sur Emy et son entourage. Sur Katja. Sur Stan. Sur Alex. Je sais que ton père a des problèmes avec la mafia russe. Je sais que tu changes de ville très souvent, que tu voyages sous une fausse identité. N’est ce pas Svetlana. — Comment vous savez tout ça ? — C’est mon métier de savoir. Mais ce qui m’échappe, c’est pourquoi tu as repris contact avec ma fille. — Pour qu’elle me protège. — Génial, tu t’en es encore servi de bouclier. — Non, je ne voulais… Avec elle je pensais… Je… Je voulais retrouver ma vie d’avant. — Le passé ne se rejoue pas Yelena. — L’Histoire a déjà prouvé le contraire. — La trame était peut-être la même mais le scénario différent. — Vous me détestez. — Détester est un peu fort mais je ne t’aime pas car je n’aime pas les gens comme toi : dissimulateur et manipulateur. — Vous allez m’empêcher de voir Emylie ? — Non, c’est à elle de choisir si elle veut que tu sortes de sa vie. En attendant, tu vas rester bien sagement à l’hôpital à attendre avec tout le monde. — Oui Monsieur. Ils retournèrent tous les deux à l’intérieur. Hans alla voir Alex et Stan. — Tu dois être Stan ? — Oui. Et vous son père ? — Oui. — Enchanté de vous connaître Monsieur. J’aurais préféré que cela se passe dans d’autres circonstances. — C’est une battante. Alex, tu tiens le choc ? — Ça va. C’est juste que je déteste attendre. Les chirurgiens sont bons ici ? — Oui ne t’inquiète pas pour ça. Elle est entre de bonnes mains. — Qui est cette fille ? — Yelena. — J’avais cette impression. Pourquoi est-elle là ? — Je ne te mentirais pas Alex. Elle avait rendez-vous avec Emy. Alex regarda Yelena. Pourquoi fallait-il qu’elle réapparaisse maintenant ? Et pourquoi Emy ne lui en avait pas parlé ? Elle était partagée entre plusieurs sentiments : l’inquiétude pour l’état de santé d’Emy, la colère qu’elle lui ait menti, la crainte qu’elle la laisse pour Yelena et la haine pour Yelena qui avait encore conduit sa petite amie à l’hôpital. Elle se bagarrait avec toutes ces pensées. Stan était toujours près d’elle. Lui aussi s’inquiétait pour son amie. Depuis quelques temps, elle était la seule, avec le job qu’ils partageaient, à l’empêcher de se noyer. Il n’était pas bien et ne trouvait pas la cause de son mal-être. Perdre Emy serait un cauchemar. Ils durent attendre une autre heure avant qu’un collègue de Katja ne vienne les informer. « Son artère aortique a été touchée. Heureusement la contraction mécanique de sa ceinture abdominale a permis une compression interne de la blessure ce qui a évité qu’elle perde trop de sang trop rapidement et que son cœur se mette à pomper à vide. Nous lui avons transfusé deux poches de sang. Nous avons pu recoudre l’artère et réparer les lésions abdominales mais il va falloir attendre pour savoir si certains de ses organes n’ont pas manqué d’apport sanguin. » — Son cerveau court un risque ? demanda Katja. — Le fait qu’elle ait rouvert les yeux à son arrivée aux urgences et qu’elle ait prononcé quelques mots me poussent à croire qu’il n’y aura pas de lésions à ce niveau. — On peut la voir ? demanda Alex. — Elle est en salle de réveil. Maintenue dans un coma artificiel pour mieux gérer la douleur et pour l’empêcher de bouger. Elle devrait rester dans cet état quatre jours le temps que son artère cicatrise car tout mouvement pourrait rouvrir sa blessure et provoquer une hémorragie interne. Ensuite, elle sera sous morphine. Vous pourrez la voir à partir de demain à l’heure des visites. — Bien. Merci Docteur, termina Hans. — Katja, tu pourras passer à mon bureau demain vers 10h une fois que j’aurai fini les visites post op ? — Oui. Pas de problème. Le médecin les laissa entre eux. — Nous devrions tous aller dormir, déclara Hans. Nous avons tous eu beaucoup d’émotions ce soir. Stan, Alex, j’ai pris une chambre dans le même hôtel que vous. Je vais déposer Yelena au sien et je vous rejoins ensuite. Katja ? — Je vais aller voir les infirmières qui s’occupent d’Emy, je te retrouve à l’hôtel. Stan n’arrivait pas à dormir. Il était allongé sur le lit et regardait une partie de snooker à la télé sans le son. Alex s’agitait dans son sommeil. Elle n’avait pas voulu rester seule dans sa chambre d’hôtel. Il lui avait proposé de venir dans la sienne loin des affaires et du parfum d’Emy. Ils s’étaient allongés en écoutant les informations de la nuit. Il était quatre heures du matin passé quand il avait senti Alex se blottir contre lui et s’endormir. Elle serrait dans sa main droite sa chemise. Il était prisonnier. Prisonnier du chagrin et de la détresse de la jeune femme. Veiller sur Alex l’empêchait de paniquer. Emy allait vivre, il fallait se convaincre de ça. Il n’avait qu’à penser à cette idée. Alors qu’Alex allait devoir gérer cette autre fille. Alex, Stan et Hans se relayaient à l’hôpital pour qu’il y ait toujours quelqu’un avec Emy pendant les heures de visites. Stan qui continuait d’assurer une présence au salon du jeu vidéo lui racontait les dernières présentations et les jeux qu’il avait testés. Alex ne lâchait pas sa main et lui parlait de tout et de rien. Elle meublait le silence trop pesant. Hans restait juste dans la chambre. Assis la plupart du temps dans le fauteuil. Katja venait souvent le rejoindre pour veiller avec lui sur sa fille. Emy dans son monde cotonneux avait conscience des différentes présences : la voix grave de Stan, la trace d’accent Irlandais dans la manière de parler d’Alex et le contact de sa main, la simple présence de son père et les murmures de Katja. Elle ne comprenait pas les mots. Il n’y avait que des sons mais des sons rassurants. Dans ce qu’elle supposait être la nuit car il n’y avait plus de bruit autour d’elle, Emy sentait la peur s’insinuer. Ses rêves étaient peuplés de cauchemars. Elle ne saisissait pas le sens des images dans sa tête mais elle n’aimait pas la sensation qui s’en dégageait. Son esprit attendait l’animation de la journée pour se détendre. Une seule voix la rendait mal à l’aise. Elle venait bien après les autres après un premier moment de calme. Les intonations étaient russes et les mots devaient sûrement l’être aussi. Elle ne voulait pas entendre cette voix. *** Emy était passée d’un coma artificiel à un état comateux provoqué par la morphine. Sa conscience remontait à la surface mais elle n’arrivait toujours pas à avoir des pensées cohérentes. Elle avait encore plus conscience de son environnement. Elle sentait la présence d’Alex. Elle avait aussi senti le baiser qu’elle avait posé sur son front avant de partir. Elle aurait aimé pouvoir lui parler, lui demander de rester, de continuer à l’ancrer dans la réalité… *** Yelena remontait le couloir qui menait à la chambre d’Emy. Depuis le début, elle venait tard lui rendre visite. Elle avait convaincu les infirmières de lui laisser une heure bien qu’elle soit hors du créneau horaire. Elle avait brodé une histoire sur le fait qu’Emy et elle étaient ensemble mais que sa famille n’acceptait pas leur relation. A son avantage les infirmières de nuit n’avait pas vu Alex et ne connaissaient pas la vraie nature de leur relation. Alex était restée plus longtemps qu’à l’accoutumé. A présent qu’Emy n’était plus dans le coma, elle espérait que sa petite amie retrouverait assez de lucidité pour lui parler. Durant l’après-midi, elle avait plusieurs fois senti les doigts d’Emy se refermer sur les siens mais ses yeux et ses lèvres étaient restés clos. Le changement d’infirmières avait eu lieu depuis un moment à présent et il était temps pour elle de partir. Elle ne voulait pas laisser Emy seule mais Stan l’attendait et il était l’heure. Sans bruit Alex referma la porte de la chambre 208. Puis se tourna pour tomber face à Yelena. « Qu’est ce que tu fais encore là ? » — Je suis venue voir Emylie. — Je comprends presque pourquoi elle déteste qu’on l’appelle Emylie. — Je ne comprends pas. — Ne cherche pas à comprendre. Et s’il te plaît éloigne-toi d'elle. — Pourquoi ? — Parce que tu es un vrai danger pour elle. — Je ne lui ai jamais fait de mal. — Directement physiquement sans doute pas. Mais psychologiquement tu l’as marquée à jamais. Par ta faute, elle a renoncé à aimer car elle pensait qu’aimer ça faisait toujours autant souffrir. Tu lui as montré tous les mauvais côtés d’une relation. — Tu ne sais rien de notre relation. Les deux jeunes femmes se tenaient face à face dans le couloir. Elles ne haussaient pas la voix se sachant dans un hôpital mais la tension était palpable. — J’en sais sûrement plus que tu ne le penses. J’ai regardé Emy vivre. J’ai regardé au fond de ses yeux et j’y ai vu tant de douleur. — Qui te dit que j’en suis responsable ? — Entre toi et moi, il n’y a eu personne. Je ne lui ai pas fait de mal alors il ne reste que toi. — Et il ne restera que moi à la fin. Je suis son Grand Amour. — Tu es son Grand Cauchemar plutôt. Comment tu as pu la plaquer de cette manière ? — Nous étions trop jeunes. — Tu étais trop jeune car je pense qu’Emy était déjà prête pour une longue histoire. — Tu supposes beaucoup de choses. — Bien obligée, tu l’as rendue hermétique. Rien ne rentre, rien ne sort. Elle a enfoui ses émotions tellement profondément qu’il est plus facile de trouver du pétrole que de connaître ses sentiments. — Elle n’a jamais eu de mal à me dire qu’elle m’aimait. Ça vient peut-être de toi. Elle ne t’aime peut-être pas en fin de compte. — Comme tu l’as dit toi-même tout à l’heure, tu ne sais rien de notre relation. — Ce que je sais c’est qu’elle ne t’a pas parlé de notre rendez-vous. Il y eut un silence. Alex avait des envies de frapper. Yelena voulait faire plier cette jeune femme qui lui tenait tête. — J’ai touché une corde sensible on dirait. — Elle m’en aurait parlé le temps voulu. — Oui au moment de te plaquer. — Me plaquer pour toi je suppose ? — Bien sûr. — Tu ne doutes de rien. Tu crois que je vais m’effacer comme ça sans me battre. — Ce serait aimable de ta part. — La dernière fois que tu l’as vue, elle a eu un grave accident de moto. Aujourd’hui, tu réapparais dans sa vie et elle manque de mourir poignarder. Tu es un trop grand danger pour sa vie. Je ne te laisserai pas essayer de la tuer une troisième fois. — Tu ne pourras rien faire. C’est à Emylie de choisir. — Tu as raison sur ce point. C’est à Emy de choisir. Elles se défiaient du regard. Aucune des deux ne voulaient détourner les yeux. Une infirmière poussant un chariot de médicaments les obligea à se décaler et leur rappela que les heures de visite étaient terminées et qu’elles devaient sortir du service. Les deux jeunes femmes lui répondirent d’un signe de tête et l’infirmière continua son chemin déjà concentrée sur ses tâches. — Retourne en Irlande et oublie-la. — Vas te perdre en Sibérie et sors de sa vie. Elles se quittèrent sur ces mots. Alex rejoignit Stan qui attendait dans le hall. Yelena rentra dans la chambre d’Emy. Stan vit Alex arriver les mâchoires aussi serrées que ses poings. Il n’eût pas le temps de poser une question qu’elle l’attrapa par sa chemise et l’entraîna à sa suite. « Emmène-moi jouer à un de tes jeux de baston sinon je vais taper sur quelqu’un et ça me gênerait que ce soit sur toi. » Il sortit juste les clés de la voiture et l’emmena massacrer du zombi. Cette nuit-là, ils ne dormirent pas beaucoup. Stan assista au massacre complet d’une armée de zombis, à la fin de la guerre des mondes et l’anéantissement d’une cellule terroriste. Alex était allée au bout de sa colère et des jeux qu’il lui avait proposés. Elle était tombée de fatigue dans ses bras. Elle était vidée aussi bien émotionnellement que physiquement. *** Ce fût les yeux rougis par le manque de sommeil qu’Alex se rendit à l’hôpital le lendemain matin. Elle devait rejoindre Katja qui lui permettait de voir Emy avant d’aller prendre son avion pour rentrer à Dublin. Elle ne voulait pas quitter Stockholm et laisser Emy dans cet état mais sa vie devait reprendre. Elle avait déjà repoussé son retour de deux jours et ses patients l’attendaient. Une fois dans la chambre, Katja la laissa seule. Emy avait passé une nuit compliquée. Elle était toujours poursuivie par des cauchemars. Elle avait rêvé d’une conversation entre Alex et Yelena qui avait amené des images sanglantes. Elle avait cru refaire surface au matin mais la pompe à morphine avait à nouveau envoyé sa dose de drogue dans ses veines, la renvoyant à ses cauchemars. Alex s’assit au bord du lit et prit sa main. « Je suis venue te dire au revoir. Je dois rentrer à Dublin. Ça me fait mal de te laisser ici. J’ignore pourquoi tu m’as menti. Pourquoi tu ne m’as pas parlé de ton rendez-vous avec cette fille. J’espère que tu m’expliqueras dans pas longtemps. » Emy luttait pour rester à la surface. La voix d’Alex l’avait ramenée. Rester concentrée pour ne pas se laisser emporter. « Je te laisse avec Katja et Hans. Stan viendra te dire au revoir tout à l’heure. Il doit lui aussi rentrer. Tu as un ami génial. Il a été super avec moi. Je comprends que tu l’ais laissé entrer dans ton monde. » Emy voulait lui répondre mais si les phrases se formaient bien dans sa tête, elles n’arrivaient pas à ses lèvres. « J’attendrai de tes nouvelles. Ne me laisse pas attendre trop longtemps. » Emy était frustrée. Elle se concentra sur sa main. Serrer au moins ses doigts mais là non plus rien ne répondait. Elle s’agita intérieurement. Alex promena ses doigts sur le front devenu moite de sa petite amie. « Qu’est-ce qui t’arrive ? J’espérais que tu aurais ouvert les yeux avant mon départ mais tu es encore ailleurs. » Emy mit toute son énergie. « Yelena. » Alex eut un mouvement de recul. Emy se crispa. Elle avait réussi à parler mais ce n’était pas le bon prénom qui était sorti. Il fallait qu’elle rectifie mais son cerveau refaisait des siennes. Les larmes aux bords des yeux, Alex déposa un baiser sur les lèvres d’Emy. Il avait le goût d’un adieu. Elle se leva, pressa une dernière fois sa main dans la sienne et quitta la chambre. Emy sentit le froid l’envahir. Dans un dernier effort de révolte, elle appela : « Alex ! Reste ! » Mais il n’y avait que le silence pour l’entendre. Elle s’avoua vaincue et se laissa emporter par la morphine. *** Le voyage jusqu’à l’aéroport se fit dans le silence. Hans voyait bien qu’Alex n’était pas bien. Il était difficile de trouver les mots justes. « Certaines choses lui appartiennent Alex. Tu ne pourras pas tout savoir de sa vie. » — Je ne sais pas si je pourrais partager la vie de quelqu’un qui me ment. — Elle ne te ment pas, elle dissimule. — C’est mieux ? — Non, je te l’accorde. — Je pensais avoir gagné certaines batailles mais je me trompais. — Ne tire pas de conclusions hâtives. Laisse-lui le temps. Laisse-lui une chance de s’expliquer. — Quand elle sera revenue dans notre monde, dites lui de m’appeler. Car même si à cet instant j’ai envie de l’étrangler, je n’ai pas cessé de l’aimer. — Je lui dirais. — Merci. Alors qu’ils allaient se séparer devant sa porte d’embarquement, il lui dit : « Fais lui confiance. » Elle voulait en être capable mais à ses oreilles résonnaient toujours le prénom de sa concurrente murmuré par Emy. Elle avait le sentiment d’avoir perdu. *** | |
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Nombre de messages : 607 Age : 44 A écrit : Rencontre sportive ; Home sweet Home ; A l'ouest de chez moi tome 1; Mouvement perpétuel; Soleil de minuit, Aurore boréale tome 1, 2 & 3 ; Galway Date d'inscription : 23/03/2008
| Sujet: Re: Mouvement perpetuel Dim 20 Nov 2016 - 19:35 | |
| 8- Vannes Bien plus tard, Emy refit surface. Elle avait perdu la notion du temps. Tout était calme. Les yeux à demi ouverts, elle vit une silhouette se découper dans la lumière de la fenêtre. Trop petite pour être son père ou Stan, il ne pouvait s’agir que d’une femme. L’espoir fit battre son cœur plus vite. « Alex ? » — Non. Alex est partie. — Yelena. — Tu ouvres enfin les yeux. Emy les referma. Ce n’était pas la bonne personne. *** Alex mit un coup de pied dans le gros ballon rouge qui servait à la rééducation de ses patients. Il alla taper contre le mur avant de rebondir sur le tapis roulant. Elle était rentrée depuis deux semaines et sa colère n’était toujours pas retombée. *** Emy était à présent complètement lucide. L’échographie de son abdomen avait montré la bonne cicatrisation de son artère et de sa ceinture abdominale. La douleur était présente mais supportable sans médicament. Elle avait commencé sa rééducation avec Katja. Pour l’instant cela se résumait à des manipulations pour limiter les attaches ligamentaires. « On arrête pour aujourd’hui. Tu es blanche comme un cachet d’aspirine. » — Ça va. Tu peux continuer s’il y a besoin. — Emy, On ne va pas rejouer à ce jeu-là. Tu ne guériras pas plus vite en mentant. — Je sais. — Tu as appelé Alex ? — Non. — Pourquoi ? — Je dois régler certaines choses avant de la rappeler. — Des choses comme Yelena ? — Oui. — Tu ferais mieux de le faire au plus vite. Alex ne va pas t’attendre indéfiniment. — Je sais. *** Alex évitait au maximum les invitations de Julie. Jouer les filles heureuses était épuisant. Elle avait mal. Emy n’avait pas donné de signes de vie depuis un mois. Alex avait essayé une fois de la joindre mais était tombée sur sa messagerie. Elle n’avait pas non plus envie de parler de l’agression qu’avait subie Emy car cela amènerait un autre sujet : la fille qui l’accompagnait… Elle se noyait dans le boulot pour arrêter de penser. *** Un autre croulait sous le travail. Stan, en partie seul à la barre, assurait la vie quotidienne de l’entreprise. Heureusement aucun gros projet n’était en cours. Il était en contact par mail avec Emy. Il ne savait même pas si elle était toujours en Suède. Il prenait régulièrement des nouvelles d’Alex. Même si elle lui affirmait aller bien, il se doutait qu’elle lui mentait. Car lui n’allait pas bien, inquiet pour son amie, il imaginait qu’il en était de même pour Alex surtout avec cette blonde dans le décor. Il se promit d’aller faire un tour en Irlande si Emy ne réapparaissait pas. *** Emy était allongée sur un transat et profitait du soleil de début de soirée de cette fin d’été. Elle avait bien travaillé cet après midi avec Katja et avait des courbatures aux abdominaux. Elle s’assit en entendant quelqu’un arriver. Yelena se tenait au bout de la terrasse. « J’ai bien reçu ton mail. Je suis contente que tu m’ais contactée. » - Assied toi. Yelena s’approcha et l’embrassa. Pas sur la joue mais sur les lèvres, sure de son fait. Puis elle prit place sur le transat libre. — Tu voulais m’annoncer quelque chose ? — J’ai des questions à te poser et j’attends des réponses. — Ok. — Pour quelles vraies raisons tu as voulu me revoir ? — Parce que je t’aime. — Mais encore. — Il n’y a rien de plus. — Yelena arrête. Les deux gars qui nous ont attaquées étaient russes. Tu es russe et de ce côté là, je ne crois pas aux coïncidences. — Je te promets que je ne les connais pas. — Arrête ! J’ai discuté avec mon père. Je sais tout des problèmes du tien avec la mafia. De ton faux passeport. Je veux que pour une fois tu ne me mentes pas. Un silence s’installa. Yelena fixait Emy qui ne détournait pas le regard. Il y avait une sourde détermination dans ses yeux. Il était peut-être temps de poser les masques. — J’ai des problèmes. Enfin mon père a des problèmes. La mafia lui en a demandé plus. Il a refusé. Nos ennuis ont commencé. La voiture de mon père a explosé tuant son chauffeur. L’attentat a été mis sur le compte des indépendantistes de l'Ossétie du Sud. C’était il y a six mois. Il m’a obtenu un nouveau passeport et depuis je change de pays dès que je me sens observée. A Prague ma boîte aux lettres a été piégée. C’est à ce moment-là que j’ai décidé de reprendre contact avec toi car il n’y a qu’avec toi que je me sens en sécurité. Je n’avais pas prévu que les frères Ponov s’en prendraient à toi. — Tu n’as plus à te soucier d’eux, ils ont été arrêtés. Ils sont emprisonnés en Suède sans extradition possible vers la Russie. — C’est bien mais ils en enverront d’autres. — C’est pour ça que tu ne peux pas continuer comme ça. — Je sais. — Tu es venue demander mon aide. Je vais donc t’aider. Papa, tu peux venir s’il te plaît ? Hans arriva, un verre d’eau à la main qu’il tendit à Emy. — Tu dois penser à t’hydrater. Bonjour Yelena. La phrase qu’il venait de prononcer résonnait dans le récepteur qu’il tenait à la main. — Tu as tout entendu ? — Oui. — Pourquoi Emy ? Demanda Yelena. — Ce qui t’arrive nous dépasse toi et moi donc j’ai demandé l’aide de mon père. — Après en avoir discuté avec les gens concernés, j’ai une proposition à te faire. — Je vous écoute. — Nous sommes en mesure de te faire disparaître. Tu changeras d’identité, de lieu, de vie. Nous t’offrons un autre passé. — Et mon père ? — Cette offre n’est que pour toi. Ton père est trop impliqué. Je conçois que tu n’as pas à payer les choix de ton père mais lui doit les assumer. — J’ai combien de temps pour prendre une décision ? — Ce soir minuit. Si tu acceptes, à une heure du matin tu seras dans un avion. — Emylie peut venir avec moi ? — C’est à elle de faire son choix. Yelena se tourna vers Emy. — Tu viens avec moi ? Hans resté debout attendait la réponse de sa fille. « Non. Je ne crois pas. » — Tu m’en veux toujours. Si j’ai rompu avec toi c’est que je commençais à trop m’accrocher à toi. J’en étais à vouloir vivre avec toi et ça m’a fait peur. J’avais toujours vu les relations de couple comme la fin de la liberté. Et je voulais encore m’amuser. Je crois que je t’ai rencontrée trop tôt. J’ai suivi ton parcours comme je te l’ai déjà dit. Toutes tes réussites, tes victoires, tes créations. — Quand tu aimes tu te sauves ? — Je suis revenue. — Il t’a fallu plus de quatre ans pour retrouver le chemin. — Profitons de cette nouvelle vie pour repartir de zéro. — J’aime ma vie actuelle. — Qu’est-ce qui te plaît tant dans ta vie ? — L’équilibre que j’y ai trouvé. — Tu pourrais être tout aussi équilibrée ailleurs. — Tout recommencer à nouveau ? — Oui. Toutes les deux, ensemble. Un nouveau départ, une page toute blanche, une grande aventure. — Toi tu fuis les ennuis mais tu me demandes d’abandonner tout ce que j’ai construit. — Oui je sais que c’est déséquilibré comme décision. Mais si on inverse, si je reste ici avec toi, c’est ma vie qui est en jeu. — Dois-je te rappeler qu’être avec toi m’a mise en danger aussi. Je me suis faite planter dans une ville où le taux de criminalité est le plus bas d’Europe. — C’est pour ça qu’il faut que l’on disparaisse. Yelena avait saisi les deux mains d’Emy. Elle ne détournait pas son regard de celui de celle qu’elle espérait pouvoir convaincre. Hans toujours sur la terrasse, en retrait, attendait la suite des événements. A cet instant, il n’aurait pas su dire de quel côté allait pencher la balance. Emy se leva se libérant des mains et du regard de Yelena. — Désolée Yelena mais je ne t’aime pas assez pour sacrifier ma vie. Tu arrives trop tard. Aujourd’hui il y a mon père, Katja et Stan. Je ne suis pas prête à les laisser derrière moi car eux étaient là quand j’en ai eu besoin. Et puis il y a Alex. Je ne sais pas si elle me pardonnera mon comportement, si elle me supportera longtemps mais je ne peux pas lui tourner le dos parce que c’est moi qui ai besoin d’elle. — Non c’est de moi dont tu as besoin. Ça a toujours été ainsi. — C’est fini entre nous Yelena. Je te souhaite bonne chance pour ta nouvelle vie. Je te laisse avec mon père. Tu lui feras part de ta décision mais ne joue pas les martyrs en restant pas amour. Tu as une seconde chance de devenir quelqu’un d’autre. Quelqu’un que j’aurais peut-être aimé aimer. Prends cette chance, pars et profite de ta nouvelle vie. Emy s’approcha de Yelena et posa un baiser sur sa joue. — Adieu Yelena. Emy lui tourna le dos, traversa la terrasse et rentra dans la maison. Yelena voulut la rattraper mais Hans fit juste un pas pour se mettre entre elle et sa fille. Il voyait bien que la jeune femme russe luttait pour ne pas pleurer. A l’intérieur, Emy refermait la porte coulissante. Ses mains tremblaient. Elle venait de tirer un trait sur son passé. Katja l’observait. « Tu vas bien ? » — Oui. Après un instant. — Enfin je crois. — Ça va aller. Tu as pris la bonne décision. — J’espère. *** A une heure du matin un avion quittait le sol suédois. A son bord une jeune femme apprenait sa nouvelle vie. Des larmes coulaient sur ses joues. Plus elle lisait plus son passé s’éloignait et la femme qu’elle aimait avec lui. *** Le lendemain au petit déjeuner, Emy était assise en face de son père. Il remarqua les cernes sous les yeux de sa fille. « Tu as mal dormi cette nuit ? » — J’ai fait des rêves étranges. — La pression qui retombe ? — Sans doute. — Si ça t’intéresse, elle a bien pris l’avion. — Merci de t’en être occupé papa mais je ne veux rien savoir de plus. Ni son nom. Ni le pays où elle est. — Si c’est ce que tu veux. Mais tu ne peux pas continuer de la traiter de cette manière. — Qui ? — Alex. — Je sais. Katja m’a déjà fait la leçon. — J’ai l’impression qu’une piqûre de rappel ne te ferait pas de mal. J’ai toujours respecté tes choix. Je les ai même défendus auprès de ta mère mais là, je ne te comprends pas. Une femme brillante, intelligente, mignonne et qui supporte ton caractère renfermé t’aime et toi, tu te caches. Alors que je sais très bien que tu l’aimes. Tu t’es libérée de Yelena et tu restes là. Je ne t’ai pas élevée de cette manière. Tu es une battante. Une survivante par deux fois. Tu es accrochée à la vie. Je t’ai vue te relever alors que personne n’y croyait. Et aujourd’hui, tu joues les lâches, juste parce que le plus beau sentiment que la vie ait à offrir te rattrape ? Tu vas me faire le plaisir d’enfiler ton armure et de partir en croisade. — En croisade ? — Oui en croisade car si j’étais Alex, je t’en ferais baver avant de te pardonner. Je reconnais que ta mère et moi ne t’avons pas montré le bon côté de la vie en couple mais je peux t’assurer qu’avec Katja je suis très heureux. — Je sais papa et ça se voit. Je crois que j’ai simplement peur. — Peur d’aimer ? — Non peur de ne pas être aimée. — Tu es aussi aveugle que ton père. Katja venait de rentrer dans la cuisine. Elle était encore un peu endormie. — Lui aussi a mis un temps fou à se rendre compte que je l’aimais. Emy plonge. Elle t’aime aussi fort qu’il est possible d’aimer quelqu’un. — Ok j’ai compris. Katja, est-ce que j’ai le droit de prendre l’avion ? — Bien sûr. Cela fait un mois que tu as le droit de prendre l’avion. — Ah. Merci. Emy quitta la table, oubliant de finir son petit-déjeuner. Katja vint s’asseoir sur les genoux de Hans. — C’est une caractéristique génétique de ne rien voir de ce qui vous concerne ? — Sans doute. — C’est aussi une habitude de tomber du lit ? Tu es rentré très tard, Emy s’est couchée très tard et vous êtes debout trop tôt. — A vous de nous apprendre les bienfaits de la grasse matinée. — Pour ça, il faut que tu reviennes te coucher. Hans se leva de sa chaise emportant avec lui Katja qui noua ses bras autour de son cou. — Vos désirs sont des ordres ma douce. *** Emy était sortie sur la terrasse et essayé de joindre Alex. Sur son portable elle était tombée directement sur sa messagerie. Sur son fixe, le répondeur s’était déclenché au bout de quatre sonneries. Au cabinet, les collègues d’Alex l’avait informée qu’elle était en vacances pour la semaine. Ce fut Julie qui lui permit de localiser sa petite amie. « Elle est chez ses parents, à Vannes. Une histoire de mariage je crois. Elle n’avait pas du tout envie d’y aller. » — Tu as l’adresse de ses parents ? — Heu oui. Je te l’envoie par SMS. — Merci. — Emy ? — Oui ? — Qu’est ce qui se passe ? — Rien. Pourquoi ? — Alex est bizarre depuis ton agression et toi tu ne sais pas où elle est. Ça autorise les questions. — Ne t’inquiète pas tout va s’arranger. *** Le jour même, elle avait sauté dans un avion direction Lyon. En début de soirée, elle rentrait dans son appart. Elle ne regarda pas le tas de courrier empilé sur la table basse. En se dirigeant vers sa chambre elle envoya un message à Stan. *** Stan était allongé sur son lit et regardé le plafond. Il sursauta en entendant la musique attribuée aux messages d’Emy. Il lut : ## Que penses-tu d’une délocalisation à Dublin ? Je suis à l’appart. Passe quand tu veux pour en discuter. Emy. ## ## Je suis chez toi dans 45min. Stan. ## ## Viens directement au garage. Emy. ## ## OK. Stan. ## Stan sauta de son lit presque directement dans ses baskets. Emy était de retour. *** Emy était dans son garage. La bâche de la moto était étendue sur le sol et plusieurs pièces démontées reposaient là. Son bleu de travail avait déjà bon nombre de tâches de cambouis. C’est ainsi que Stan la trouva, en train de démonter sa moto. « Tu la désosses pour la revendre en pièces détachées ? » — Non je la remets en état pour lui faire traverser la France. — Avec toi dessus ? — Oui. — Tu as besoin d’un coup de main ? — Ce n’est pas de refus mais tu n’es pas vraiment habillé pour. Stan ôta son pull à capuche. — Je mettrai un jeans et un t-shirt sur ma prochaine note de frais. — Ok. Ils se mirent à travailler ensemble. Ils nettoyaient les pièces avant de les remonter soigneusement. Entre deux coups de brosse à dents, Stan dit juste : « J’espère qu’elle ne te jettera pas car je veux m’installer à Dublin. » La discussion sur ce point n’avait pas été plus longue. *** Emy gara sa moto le long du trottoir. Elle avait roulé toute la journée. Elle s’était juste accordé une pause à l’hôtel pour prendre une douche et essayer de faire disparaître les douleurs dorsales et abdominales que les 800 kilomètres qu’elle avait parcourus lui avaient laissé. Le réceptionniste lui avait indiqué le chemin pour rejoindre la maison des parents d’Alex. A présent qu’elle était là, elle appréhendait un peu la réaction de la jeune femme. Elle enleva son casque et s’approcha de la porte d’entrée. Elle sonna et attendit. Elle entendit du bruit derrière la porte et se retrouva face à une femme qu’elle supposa être la mère d’Alex. « Bonjour. » — Bonjour Madame. Pourrais-je voir Alex ? » — Alex ? — Alexian ? — Elle n’est pas à la maison, elle est partie se promener sur la plage au bout de la route. Mais elle le ne devrait pas tarder de rentrer. Vous voulez l’attendre à l’intérieur ? — Merci mais je vais plutôt aller à sa rencontre. Et si je ne la trouve pas, je reviendrais ici. — Bien. Emy salua la femme et remonta sur sa moto. Elle longea un instant la côte avant de repérer Alex qui revenait vers la route. Elle ralentit jusqu’à être à sa hauteur. Alex regarda la moto et son pilote s’approcher. Le casque intégral cachait son visage. Les rapides coups d’œil qu’elle jeta autour d’elle lui confirmèrent qu’il n’y avait personne d’autre sur la plage. Elle commença à avoir un peu peur. Elle n’oubliait pas qu’Emy avait été poignardée dans une ruelle de Stockholm. La pensée d’Emy lui serra à nouveau le cœur. Emy posa les pieds au sol. « Je vous emmène faire un tour Mademoiselle ? » Cette voix, Alex crut la reconnaître mais n’était-ce pas une déformation de l’esprit ? Elle voulait tellement revoir Emy. Emy souleva sa visière et malgré le casque qui masquait le reste du visage Alex fut sure de reconnaître le regard d’Emy. « Qu’est-ce que tu fais là ? » Emy coupa le contact de sa moto, la mit sur béquille, en descendit et ôta son casque. « Je suis venue pour te parler. » — Tu t’es souvenu que j’existais ? Alex n’avait pour se défendre que sa colère. Elle ne rendrait pas les armes si facilement. Presque trois mois c’était long. — Je n’ai jamais oublié que tu existais. — C’est pour ça que tu n’as pas donné de nouvelles depuis juin ? — J’avais des choses à régler. — Ah oui ? Et quoi ? — Ma rééducation pour commencer. — Et t’envoyer en l’air avec Yelena pour finir. Alex était restée muette jusque là sur Yelena, elle n’en avait parlé à personne pas même à Julie. Et là, face à Emy tout ressortait. — Tu crois que j’ai ressenti quoi quand je me suis trouvée face à face avec ton ex à l’hôpital. Quels ont été mes sentiments en sachant que vous étiez ensemble quand tu t’es faite poignarder ? Elle avait ton sang sur elle. Et le personnel de l’hôpital la traitait comme ta petite amie. Heureusement que Katja était là et que ton père est arrivé peu de temps après sinon je crois que je n’aurais pas supporté la situation bien longtemps encore. Tu m’as menti. Tu m’as caché que tu la revoyais. Et c’est son prénom que tu as prononcé en te réveillant. Alex en était venue à taper des deux poings sur la poitrine d’Emy. Le contact avec le blouson de cuir était dur. - Tu m’as… Tu m’as… Les larmes qui serraient sa gorge et qui commençaient à couler sur ses joues l’empêchèrent de continuer. Emy passa ses bras autour d’Alex et l’attira contre elle. La jeune femme résista un peu au départ mais abandonna la lutte et vint se blottir contre Emy. — Je suis désolée de ne pas t’avoir parlé de ce rendez-vous avec Yelena mais je ne savais pas ce qu’elle voulait. Et je ne savais pas ce que je voulais. — Je suis passée du Paradis à l’Enfer. — Moi aussi. La veille j’étais avec toi, j’étais heureuse, j’étais bien. Et je me suis retrouvée sur le pavé en train de perdre mon sang. J’ai cru revenir cinq ans en arrière. J’ai cru que cette fois, je ne m’en sortirais pas. Je ne pouvais pas avoir deux fois de la chance. La première fois, je me suis sentie tellement seule. J’ai eu tellement peur. Mais la deuxième fois, je n’étais pas seule. — Pourquoi parce que Yelena te tenait la main dans l’ambulance ? Alex avait dit ça les mâchoires serrées. — Non, je ne pourrais même pas te dire si elle était dans l’ambulance. C’est toi qui étais avec moi. Je me concentrais sur ton visage. Je sentais le froid qui voulait prendre possession de moi comme la première fois mais il y avait quelque chose ou plutôt quelqu’un qui gardait mon cœur chaud. Ce quelqu’un, c’était toi. Je ne pensais qu’à toi. Je me disais qu’il était trop stupide de mourir avant de te l’avoir dit. — Me dire quoi ? Alex avait relevé la tête. Le discours d’Emy l’avait touchée. Elle ne s’était concentrée que sur sa propre douleur et sa colère. Elle n’avait pas pensé à celle d’Emy, à sa souffrance, à ses peurs. — Te dire que je t’aime. Alex eut l’impression que ses yeux s’agrandissaient comme des soucoupes. Elle voulait parler mais aucun son ne voulut sortir de sa bouche. — Le seul point positif de cette mésaventure suédoise est qu’elle m’a permis de retrouver ma vie. Je suis presque morte en pensant à Yelena mais j’ai survécu en rêvant de toi. Tu m’as rendu mon équilibre. Avec toi j’ai retrouvé mon Yang, le soleil, la lumière. — La moto ? — Oui. J’ai passé toute la soirée d’hier à la remettre en état pour venir te rejoindre. Elle a dormi trop longtemps au fond du garage comme je me suis cachée trop longtemps derrière ma souffrance. Je veux vivre avec toi. Enfin si tu veux toujours de moi. — Et Yelena ? — Yelena ne viendra plus interférer dans nos vies. Elle est loin et elle ne reviendra pas. Elle n'existe plus. — Comment peux-tu en être aussi sure ? — Car cette fois-ci, c’est moi qui ai rompu. — Tu veux vivre avec moi ? — Oui — Comment tu comptes t’y prendre ? Un peu à Lyon ? Un peu à Dublin ? Je ne sais pas si je veux d’une relation à distance comme ça. Tu comprends, je te veux à plein temps. — Et si tu m’avais à plein temps ? — Comment ? Ta société est à Lyon et mon cabinet est à Dublin. — Nous nous délocaliserons. Google est bien à Dublin. — Et Stan ? — Stan est d’accord. — Tu en as déjà parlé à Stan ? — Bien sûr. Il a du aller poser cinquante cierges à Fourvière, aujourd’hui, pour être sûr que tu dises oui. Alex recula se libérant des bras d’Emy avant de lui mettre un grand coup de poing dans l’épaule. « Aïïïeuuuu. Pourquoi ? » — Tu crois quoi ? Tu te pointes comme ça après trois mois de silence, tu me proposes de venir t’installer à Dublin et que l’on vive ensemble, tu me dis que tu m’aimes et tu penses que je vais dire Amen, te sauter dans les bras et tout oublier ? — J’espère que oui. Il y eut un silence. — Arrête de me regarder comme ça ? — Comment ? — Avec tes yeux de chien battu. Emy pencha légèrement la tête sur le côté. — Ah non n’en rajoute pas et puis comment tu veux que je résiste. J’ai craqué pour toi sur des photos et je suis tombée raide dingue dès que je t’ai vue en chair et en os. Tu as le pouvoir de me faire souffrir. — Yelena avait ce pouvoir sur moi aussi donc je comprends. — Tu m’as fait mal Emy. Ne le refais plus s’il te plaît. — Je vais faire en sorte de ne pas te blesser à nouveau. Mais s’il te plaît ne me brise pas le cœur à ton tour. Tu me détruirais plus facilement que Yelena. — Aucun risque à ce sujet, je t’aime trop pour ça. Alex avança jusqu’à pousser Emy contre sa moto. Elle posa ses deux mains sur les joues d’Emy. Elle se mit sur la pointe des pieds pour venir poser ses lèvres sur les siennes. Emy passa ses bras autour du corps d’Alex posant ses mains sur ses reins. Leurs bassins entrèrent en contact. Soudées l’une à l’autre, elles ne s’arrêtaient plus de s’embrasser. Leurs langues avaient entamé un ballet qui ne semblait pas vouloir finir. Elles s’écartèrent d’un même mouvement pour reprendre leur souffle. Les yeux d’Alex brillaient trop. Les lèvres d’Emy étaient trop rouges. « Ne me refais plus un coup comme ça. Ne disparais plus. » — Et si on disparaissait toutes les deux ? Je t’emmène faire un tour à moto ? — Je ne suis pas équipée. Emy fouilla dans le top-case de la moto et en sortit un casque, un blouson en cuir et une paire de gants. « Je pense qu’il est à ta taille. » Alex l’enfila. Le cuir était souple. Il avait été porté, Alex en était sure. Emy s’approcha et remonta la fermeture éclair jusqu’en haut et ferma les deux pressions du col. — Il te va presque aussi bien qu’à moi. — C’est ton blouson ? — Mon ancien blouson. Un cadeau de mon père. Alex mit le casque. Emy ajusta la bride sous son cou. — Tu n’as pas à crier pour parler. Il y a un système d’émetteur-récepteur dans les casques. — Ok. Alex regarda Emy enfiler son propre casque et s’installer sur sa moto. Elle attendit qu’elle lui fasse signe de monter. Une fois en place, elle posa ses pieds sur les cales pieds et passa ses bras autour d’Emy jusqu’à poser ses mains sur son ventre. — Tu as déjà fait de la moto ? — Non. — Ok. Alors les règles de base sont : tu restes collée à moi, tu suis les mouvements de mon corps, tu mets ta tête du côté intérieur du virage et tu regardes toujours la sortie du virage, jamais par terre et pour finir si ça ne va pas tu le dis tout de suite. — Ok. — On continue de longer la côte ? — Oui, le paysage est joli. — Alors en route. *** La balade avait duré plus d’une heure. Une heure où Alex avait découvert les joies et les avantages de la moto. Elle avait aimé la sensation de puissance transmise par la machine et la sensation de vitesse. Elle avait adoré le contact du corps d’Emy contre le sien. Sur le chemin du retour, elle était passée vite fait chez ses parents prendre sa brosse à dents, quelques affaires et prévenir qu’elle ne dormait pas ici cette nuit. Elles avaient rejoint la chambre d'hôtel d'Emy. A présent, elles étaient toutes les deux allongées dans le lit. Elles avaient fait l’amour avec urgence. La chemise d’Emy en avait même perdu quelques boutons. La couette ne les couvraient que jusqu’aux hanches. Alex avait sa tête sur l’épaule d’Emy. Elle lui caressait le ventre. Elle tournait autour de son nombril et évitait soigneusement sa nouvelle cicatrice. Celle-ci à défaut des autres la dérangeait car elle lui rappelait de très mauvais moments. « Elle est douloureuse ? » — Non. Comme une thérapie pour exorciser ses souvenirs, Alex posa doucement le bout de son index sur le large trait rose foncé. Elle sentit la respiration d’Emy se bloquer. Elle remonta pour en parcourir toute sa surface. Elle vint ensuite l’embrasser. Emy expira. Pour finir Alex y passa sa langue. Emy ne put retenir un gémissement. — Je veux qu’elle devienne plaisir et non plus la marque de la souffrance. La seule réponse d’Emy fut de poser sa main sur sa nuque pour l’encourager à continuer. Bien plus tard dans la soirée, alors qu’elles en étaient au dessert dans un petit restaurant, Emy fouilla dans la poche de son jeans. Elle tendit à Alex une carte de visite. « Pourquoi tu me donnes ça ? » — C’est la carte professionnelle de Katja. Il faudrait que tu prennes contact avec elle pour le transfert de rééducation. — Je croyais qu’elle était terminée. — Pas tout à fait. Si mes abdos vont bien, il y a du travail avec mon dos. Les douleurs que j’ai sont dues à des attaches de membrane. Le Professeur Arlosen dit que j’éviterais une opération si je fais sérieusement un nouveau travail avec un kiné. Katja a le protocole. — Tu veux que je sois ta kiné ? — Oui, si ça ne te pose pas de problème d’éthique. — Pourquoi moi ? — Parce que je te fais confiance. — Tu ne fais plus confiance à Katja ? — Si mais d’une part elle a déjà du me supporter pendant deux rééducations et d’autre part elle est à Stockholm et j’aimerais éviter de prendre l’avion juste pour un rendez-vous chez le kiné. Et pour finir, je préfère tes mains. — J’ose demander pourquoi ? — Car avec les tiennes, j’ai le droit de m’imaginer des choses. Alex rougit sous cette réplique. — Tu n’es pas croyable. J’appellerai Katja. — Merci. — On rentre. Tu m’as donné des idées. — Je demande l’addition. *** | |
| | | Mack Modo
Nombre de messages : 607 Age : 44 A écrit : Rencontre sportive ; Home sweet Home ; A l'ouest de chez moi tome 1; Mouvement perpétuel; Soleil de minuit, Aurore boréale tome 1, 2 & 3 ; Galway Date d'inscription : 23/03/2008
| Sujet: Re: Mouvement perpetuel Dim 27 Nov 2016 - 20:52 | |
| 9-DublinSix mois plus tard… La moitié des cartons avaient été vidés. Ceux de la chambre, de la cuisine et du salon n’étaient plus que des souvenirs empilés près de la sortie. Alex était en train de ranger les dernières casseroles quand Stan arriva en courant dans l’appartement. « Vous n’auriez pas un carton en trop sur lequel il est noté "consoles" ? » — Je ne sais pas, vas voir Emy elle est dans la pièce bureau, elle a peut-être ton carton. — Ok. Elle regarda le jeune homme disparaître dans le couloir. Tout s’était passé très vite. Emy était venue prospecter à Dublin, une semaine après son retour de Suède, pour trouver un appartement et des locaux pour son entreprise. Elle avait profité de la mutation des quais de la Liffey pour racheter une vieille usine et la réaménager. Le vieux bâtiment en briques rouges, héritage de la révolution industrielle, avait été complètement modifié à l'intérieur. Le rez-de-chaussée était pour travailler, le premier étage était découpé en deux : l’appartement de Stan d’un côté et une salle de jeux de l’autre. Au dernier étage, il y avait leur appartement. Il était grand, lumineux, très spacieux. La vue sur la rivière était relaxante. Ils se trouvaient à deux pas d’O’Connel Steet et de Temple Bar. Sur le parking étaient garées trois voitures de style très différent. Il n’était pas difficile de savoir laquelle était à qui. Stan rayonnait depuis le début de cette nouvelle aventure. Depuis maintenant un mois il entretenait une relation « très » suivie avec une amie de Julie. Cette dernière avait été très heureuse que tout le monde vienne à Dublin. Elle avait dû quitter ses amis en venant en Irlande et elle les retrouvait quelques années plus tard. Elle était en plus enceinte et savoir qu’elle avait à présent plein de baby-sitters sous la main était rassurant. La rééducation d’Emy avait porté ses fruits et elle avait échappé à une nouvelle opération. Elles étaient allées passer Noël avec Hans et Katja à Stockholm, Hans s’étant installé presque définitivement dans cette ville. Alex avait trouvé en Katja ce qu’elle avait toujours cherché chez sa mère : une complète acceptation. Elles avaient écumé les marchés de Noël pour trouver leurs cadeaux. Alex vit Stan revenir avec son carton, plus détendu qu’à son arrivée. « Tu as trouvé ce que tu cherchais ? » — J’ai eu peur qu’il est été perdu. — C’est important ce qu’il y a dedans ? — Bien sûr c’est le cœur de ce bâtiment. — C'est-à-dire ? — Les consoles de jeux pour la salle de jeux. — J’aurais du deviner. — Bon je vais brancher tout ça. — Vas-y petit GEEK. Stan partit, Alex alla trouver Emy. Elle s’occupait elle du branchement du matériel informatique personnel. « Tu es comme Stan, tu te sentiras chez toi que quand tu auras branché ton matos. » — Non. Enfin oui peut-être. — Je ne sais pas si c’était une bonne idée d’emménager avec des GEEK. — Dis-toi que tu pourras discuter à loisir avec Julie quand son GEEK de mari sera à l’étage en dessous. — C’est une idée mais j’espère que tu ne seras pas tout le temps à l’étage en dessous toi aussi. — Non, ne t’inquiète pas. C’est avec toi que j’ai décidé de vivre pas avec Stan. — Ravie de l’entendre dire. Alex poussa Emy dans son fauteuil de bureau et vint s’asseoir sur ses genoux. « J’ai envie d’un câlin. » — Il suffit de demander. Emy passa les mains sous le pull d’Alex et commença à lui caresser le dos tout en l’embrassant. Tout contre les lèvres de sa petite amie elle murmura : « Je crois que je vais adorer ma vie en Irlande. » Fin | |
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