Jayne Williams posa la dernière copie sur la pile, face en bas, et poussa un soupir de soulagement. Mon Dieu, elle détestait Écriture 121. En tant que professeure assistante nouvellement promue de l’Université d’Oregon, elle était en bas de l’échelle et deux de ses collègues lui avaient joyeusement transféré leurs responsabilités professorales quant à Écriture 121. C’était un cours que tous les nouveaux étudiants étaient obligés de suivre, quel que soit leur cursus, ce qui signifiait qu’il était bondé d’élèves n’aimant pas écrire, n’en ayant aucun désir, et qui n’étaient là que parce qu’ils n’avaient pas le choix. Ce n’était pas fait pour rendre l’expérience d’enseignement très gratifiante. Bien sûr, il y avait quelques lumières dans cet amphithéâtre, des étudiants avec du talent et l’envie d’apprendre, mais parfois elle pensait qu’elle pourrait juste enregistrer sa leçon et la projeter sur l’écran disposé à l’avant de la salle. Les étudiants qui se pointaient à son cours avec une tasse à café et le journal de l’Université ne verraient jamais la différence.
Heureusement pour sa santé mentale et sa satisfaction professionnelle, elle avait aussi la série des cours d’Écriture Créative 451, 452 et 453
L’écriture créative était son domaine d’expertise, ce pourquoi elle avait décroché ce poste. L’Université avait perdu un professeur d’écriture créative l’année précédente, parti pour une école sur la côte est, et avait désespérément besoin d’un remplaçant. Alors, même si elle était nouvelle et se tapait les classes merdiques, on lui avait au moins garanti celle-ci, la classe qu’elle attendait avec impatience tous les lundis, mercredis et vendredis. La classe qui la rendait certaine qu’un jour elle prendrait un best-seller sur une étagère de bibliothèque et dirait fièrement : « Je lui ai enseigné. »
Parce qu’il y avait dans cette classe une étudiante vraiment douée. Non pas que les autres ne l’étaient pas, bien sûr. Pour la plupart, à une ou deux exceptions douloureusement flagrantes près, ses étudiants en écriture créative formaient un groupe extraordinairement talentueux et motivé. Ils s’étaient engagés pour ce cours en toute connaissance de cause, et souvent avec une attente enthousiaste, sachant que cela les mettrait à l’épreuve, les forcerait à réévaluer leurs propres talents supposés, et ferait d’eux de meilleurs écrivains. Ils étaient sa fierté et sa joie, et elle les aimait tous.
Mais Sarah était différente. Sarah Northridge était ce que l’Université appelait une ENT, ou Étudiante Non Traditionnelle. C’était l’acronyme officiel pour désigner tout étudiant de plus de vingt-cinq ans n’étant pas passé directement (ou presque) du lycée à l’université.
Dans l’essai autobiographique que Jayne avait donné à écrire au début de l’année scolaire, Sarah avait dit s’être mariée tout de suite après le lycée et avoir embarqué dans la vie qu’elle avait pensé vouloir : un mari, une maison à elle, des enfants, des animaux de compagnie, une petite palissade blanche. Elle avait admit qu’elle aurait pu attendre quelques années pour se marier si elle en avait eu le choix, mais sa grossesse avait rendu la question urgente. En lisant l’essai de Sarah, Jayne avait souri en arrivant au résumé en quatre mots dudit mariage : “Grosse erreur. Merveilleux fils.” Elle avait immédiatement ôté son stylo vert de sa bouche (elle n’utilisait jamais de rouge) et avait écrit dans la marge : Peu d’écrivains sauraient condenser dix années en quatre mots tout en les décrivant parfaitement. Très joliment tourné !
Le mariage de Sarah était terminé depuis longtemps et son fils était maintenant au lycée, ce qui lui donnait la liberté de retourner à la fac pour finir les études qu’elle avait dû abandonner il y a si longtemps. Son expérience de vie conférait à ses écrits une profondeur que les autres étudiants ne pouvaient simplement pas atteindre, bien qu’ils puissent y parvenir avec le temps. Et Jayne appréciait tellement ses écrits qu’elle avait pris l’habitude de mettre la copie de Sarah tout en bas de la pile, la gardant pour la bonne bouche. Elle notait toutes les autres, puis se levait, se versait un verre de vin, et se rasseyait pour savourer sa récompense.
À présent, elle s’installait pour noter le devoir d’aujourd’hui. Celui-ci était amusant : son premier "essai pschitt", comme elle l’appelait. Normalement, ses cours d’écriture créative impliquaient des discussions sur les styles d’écriture, des lectures de courts passages suivies de dissections de ceux-ci, et bien sûr des lectures et discussions au sujet des projets à long terme sur lesquels chaque étudiant travaillait. Mais ce genre d’enseignement avait ses limites. Certains étudiants réussissaient très bien en planifiant à l’avance et selon des critères prévisibles. Mais d’autres brillaient par leur créativité spontanée, alors une fois qu’elle avait induit la classe à penser qu’ils savaient à quoi s’attendre, elle leur fit sauter "l’essai pschitt" au nez. Elle était entrée dans la salle, leur avait annoncé qu’ils n’allaient pas étudier le sujet prévu ce jour-là (c’était un leurre de toute façon), mais plutôt qu’ils allaient passer une heure, et seulement une heure, à écrire un essai sur le sujet suivant...
Elle avait attendu, et la classe était devenue silencieuse, sans même un souffle de respiration.
« Hé bien, qu’est-ce que c’est ? » demanda Stephen.
Jayne sourit ; elle aurait parié son déjeuner que ce serait lui qui demanderait.
« Ce que vous voulez, dit-elle. Je ne demande rien, cette fois. Je ne donne aucune directive, quelle qu’elle soit. Vous avez une heure pour écrire sur un sujet de votre choix, dans le style de votre choix, mais votre essai doit être terminé à la fin de cette heure ou vous perdrez une note. Alors attention à ce que vous choisissez. »
Quelques-uns des étudiants sourirent joyeusement et ouvrirent immédiatement leurs cahiers. Le reste resta bouche bée.
« Hé bien, qu’est-ce que vous attendez ? demanda-t-elle, levant son poignet et tapotant sa montre. L’heure tourne. Au travail ! »
Elle entendit quelques grognements parmi les bruits de pages tournées et de repositionnement sur les chaises. Quelques étudiants regardaient au plafond, d’autres par la fenêtre tandis qu’ils décidaient de ce qu’ils allaient écrire. Assez rapidement, cependant, presque toutes les têtes dans la classe étaient penchées sur les cahiers, et les bruits de crayons et stylos grattant le papier étaient comme de la musique aux oreilles de Jayne. Mais une étudiante la fixait encore du regard. Sarah avait très visiblement été stupéfaite par l’exercice demandé.
Jayne fit un pas vers elle, au moment où Sarah détourna son regard et plongea dans son sac pour y prendre son cahier. Elle l’ouvrit et commença à écrire, et ne leva pas les yeux une seule fois durant l’heure qui suivit. Elle ne regarda pas non plus Jayne dans les yeux quand elle lui rendit sa copie à la fin du cours.
Les étudiants d’Écriture Créative 452 la rendaient fière, décida Jayne ce soir-là alors qu’elle parcourait les essais. Ce type d’exercice forçait généralement ses étudiants à employer un style différent qui souvent était loin d’être aussi bon que ce qu’ils produisaient en ayant plus de temps. Ce n’était pas grave, ils pourraient y travailler pendant le reste de l’année. Mais la créativité... oh, ces pages en dégoulinaient pratiquement. Mon dieu, elle avait d’incroyables esprits dans sa classe !
Après la corvée de corriger les copies d’Écriture 121, celles-là lui procuraient une pure joie. Elle passa plusieurs heures bienheureuses immergée dans les esprits de ses étudiants, et quand elle atteignit la dernière copie, elle en fut presque navrée. Presque.
Mais c’était l’essai de Sarah. Alors elle prit une pause pour remplir son verre de vin, puis se réinstalla joyeusement et commença à lire.
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“Ce que vous voulez”, qu’elle dit. Bon sang. Comment suis-je censée décider ? Je veux écrire sur tant de sujets, mais aucun ne peut être traité en une heure. Pour certains, il y a simplement trop de choses à dire. Pour d’autres, il y en a trop qui ne peuvent être dites.
Mais il y a quelque chose qui me ronge la cervelle, et ce depuis un certain temps, maintenant, et pour une raison qui m’échappe et que je ne tiens pas vraiment à considérer, c’est ce sur quoi je vais écrire.
J’étais assise sur un banc avec un de mes amis il y a quelques semaines, observant le monde suivre son cours tout en sirotant nos cafés et en parlant de la fac. Il est comme moi, un étudiant d’une trentaine d’années qui se sent un peu à part parmi tous ces jeunes. La plupart des étudiants ne sont guère plus âgés que mon fils ! Donc cela nous a tout naturellement rapprochés, et nous avons grand plaisir à nous dénommer les vieux schnocks.
Bill a désigné d’un signe de tête une femme qui semblait avoir une petite vingtaine et a dit : « Waou, mate ses nibards ! »
Il a dit cela juste pour me faire réagir ; il sait que je déteste ce mot. Mais je ne pouvais pas réagir comme il s’y attendait car j’étais en train de regarder fixement la poitrine de cette femme, moi aussi. Elle avait vraiment une belle paire de seins. Je ne pouvais pas en détacher mes yeux. Bien sûr, cela n’aidait en rien qu’elle les expose aux yeux du monde entier dans le décolleté plongeant du col en V de son T-shirt moulant. Mais... ils étaient si parfaits, et je pouvais si facilement m’imaginer les toucher, en approcher ma bouche, sucer ces fermes mamelons... sauf que c’était juste une gamine. Jésus.
J’ai eu ce genre de pensées depuis des années, mais au cours de la dernière année ou presque, elles ont dépassé mon contrôle. Je n’avais pas voulu y faire face mais je ne pense pas pouvoir l’éviter davantage.
Je suis pratiquement sûre d’être une lesbienne. Je ne peux pas être totalement sûre, pour la raison évidente que je n’ai jamais couché avec une femme. Une preuve empirique, dirait mon fils (il adore ses cours de sciences). Mais ai-je besoin de cette preuve ? Quand je peux regarder une femme et penser à quel point j’ai envie de la toucher ? Je ne regarde pas les hommes ainsi. Ce sont des amis, des frères adoptifs ou des fils, mais pas des personnes que j’ai envie de toucher d’une façon sexuelle. Plus maintenant.
Il y a une femme dans mon cours d’Écriture Créative qui me fascine vraiment. Elle est si belle. Et quand je dis cela, je ne l’entends pas dans le sens classique, bien que je pense qu’elle soit belle comme ça, aussi. Mais quand elle sourit, il y a une lumière dans ses yeux qui fait resplendir tout son visage. La courbe de sa mâchoire me coupe le souffle. Dans nos discussions en classe, elle est brillante, attentive et drôle, et je rêve de l’avoir en face de moi à dîner et d’avoir une conversation bien plus personnelle avec elle.
Je rêve d’autres choses. Je l’observe pendant le cours et je souhaite que nous soyons ailleurs, juste nous deux, dans une pièce avec une cheminée et un tapis confortable et une bouteille de très bon vin. Je la déshabillerais lentement, si lentement, parce qu’elle est spéciale et mérite les plus minutieuses attentions. Une fois la dernière pièce de tissu ôtée, je passerais une éternité à simplement la caresser, sentir sa peau sous mes doigts. Elle semble si douce, si lisse. Comment est-elle au creux de sa taille, le long de sa gorge, au-dessous de ses seins ? Quelle sensation cela ferait-il de prendre un de ses seins dans le creux de ma main et sentir son léger poids ?
Inévitablement, c’est là que je me dirigerais. Les seins d’une femme sont si jolis, et je suis sûre que les siens seraient rien moins que parfaits. Qu’elle me les offre, que j’aie le droit de les toucher, Oh dieu, quel cadeau ce serait. Je les caresserais si doucement, si tendrement... et je la ferais attendre longtemps avant d’en approcher ma bouche. Je voudrais que le premier contact de mes lèvres la fasse soupirer alors que sa main viendrait se poser sur l’arrière de ma tête, me maintenant contre elle. Je la téterais très gentiment pour commencer, puis j’augmenterais graduellement la pression. Mes propres mamelons apprécient un toucher doux, mais ils aiment aussi un maniement plus rude, et je découvrirai si les siens sont pareils. S’ils le sont – oh, comme j’aimerai cela.
Finalement, je devrai suspendre cette délicieuse tâche, et allonger mon corps sur le sien pour pouvoir la sentir, peau contre peau. Je regarderai son visage, si beau à présent, rayonnant d’excitation, et je ne pourrai pas m’en empêcher. Je l’embrasserai, fort, lui communiquant toute la passion qu’elle m’inspire. Nos langues danseront ensemble, et j’entendrai un gémissement et me demanderai s’il provient d’elle ou de moi. Et puis, parce que je ne pourrai m’en abstenir plus longtemps, j’amènerai mes lèvres sur cette mâchoire incroyablement sexy et l’embrasserai, partout, particulièrement le dessous. Elle renversera sa tête en arrière, exposant sa gorge à mon toucher, et j’en embrasserai chaque centimètre. Qu’est-ce que cela ferait de sentir son pouls sous mes lèvres ?
Elle est probablement plus expérimentée que je ne le suis. En fait, pratiquement tout le monde l’est. Mais quand je nous imagine ensemble, je ne la vois pas prenant les choses en main. Elle sait à quel point c’est important pour moi, cette première exploration. Elle comprend que je suis moitié terrifiée, moitié impatiente et moitié folle d’excitation. Je sais que ça fait trois moitiés, mais c’est ce que je ressens, comme s’il y avait en moi plus d’émotion que mon corps ne peut en contenir.
Je pense qu’il faudra que je retourne vers ces seins glorieux et parfaits. Ils sont simplement trop beaux pour qu’on les laisse tranquilles très longtemps, et je ne crois pas leur avoir prêté une attention égale tout à l’heure. Dieu sait que ces seins méritent le meilleur de ce que je peux leur donner.
Mais autant que je les aime, et aussi fantastiques qu’ils soient, il y a d’autres parties de son corps que j’aurai besoin d’explorer. Alors je quitterai ses seins sur un baiser et avec la promesse mentale d’y revenir, et puis parcourrai le reste de son corps avec ma bouche. Je sais qu’elle attend que j’aille vers un endroit précis, et j’y viendrai, mais c’est ma première fois et je ne vais pas me presser. Je veux la connaître totalement. Quand j’étais mariée j’avais parfois l’impression que mon mari ne me voyait que comme une paire de seins et un vagin, et je ne lui ferai jamais, jamais ressentir cela. Alors je la vénérerai toute entière, et avant que j’en aie terminé je saurai où sont situés tous ses points sensibles. Ces endroits spéciaux qui semblent ne jamais être mentionnés dans la littérature érotique, car il n’y a rien de fondamentalement sexy dans, disons, l’arrière d’un genou. Mais sa peau à cet endroit est sensible, et si en la touchant là avec ma langue cela la fait haleter ou gémir, alors cet endroit est juste devenu absolument sexy.
Et quand j’aurai trouvé ces endroits magiques, et que sa respiration s’accélérera parce qu’elle sera si fortement excitée, alors je me dirigerai vers l’endroit où elle voulait que j’aille depuis le début. Même là, cependant, je la ferai attendre. Encore une fois, à cause de mon expérience personnelle, je ne vais pas juste plonger dedans. Elle mérite tellement plus que cela. Elle mérite de sentir mes lèvres et ma langue explorer chaque pli, chaque fente, chaque endroit secret au centre de son être. Quel goût cela aura-t-il ? Le même que mes propres sécrétions, ou bien aura-t-elle une saveur différente ? Dieu, j’ose à peine imaginer ce que cela sera de vraiment avoir ce droit d’exploration, de savoir qu’elle m’offre cette part très vulnérable d’elle-même. Je pense que l’impact émotionnel pourrait être intense. Et je pense, quand je glisserai pour la première fois mon doigt en elle et sentirai cette chaleur, cette incroyable intimité qu’elle m’offrira... je pense que j’aurai beaucoup de mal à retenir mes larmes. Parce que ce sera un tel émerveillement.
Je sais qu’après tout le temps que j’aurai passé à vénérer son corps, mon doigt la pénétrera facilement. Mais je ne la connais pas encore, je ne sais pas ce qu’elle veut. Alors je demanderai.
« En veux-tu davantage ? »
Je pense qu’elle opinera de la tête, mais je ne veux pas de langage corporel. Je veux entendre sa voix.
« Dis-moi.
― Oui », dira-t-elle, et le ton de sa voix me donnera des frissons. Dieu, cette voix. Je l’entends en classe trois jours par semaine, mais l’entendre ainsi… oh, Christ. Sait-elle l’effet qu’elle a sur moi ? Sait-elle que j’ai passé le plus clair du premier trimestre et tout le second jusqu’à présent à simplement fondre sous l’effet de sa voix ? Attendant cette classe parce que c’est ma chance de l’entendre à nouveau ? Je savais que j’aimerais l’ Écriture Créative. Je ne pensais seulement pas que cela en serait la raison.
Je retirerai mon doigt, en ajouterai un autre et les introduirai ensemble. Il y a un peu plus de résistance, mais je pense qu’elle peut en supporter trois. Je pomperai avec mes doigts en elle, me régalant de la sensation de ses muscles m’enveloppant doucement, et finalement je m’arrêterai, l’embrasserai intensément, et la regarderai dans l’expectative.
Et à présent elle sait ce que j’attends.
« Oui, murmurera-t-elle. Encore »
Je sourirai. Dieu, je veux la remplir. Je me retirerai à nouveau, presserai trois doigts à son entrée, et puis je l’embrasserai profondément tout en les poussant dedans. Oh putain, c’est ça que je voulais. Elle m’enserre, elle est si chaude, et je suis vraiment à l’intérieur de son corps, et c’est un sacré miracle. Je ne sais pas si je serai capable de garder le contrôle. Je la veux tellement, et elle se donne à moi, et ce moment est tout au monde. Je l’embrasserai encore et encore, et je lui dirai ce que cela signifie pour moi, et je pousserai fort en elle tandis que je regarderai son corps bouger sous moi.
Peut-elle avoir un orgasme vaginal ? A-t-elle besoin que je touche ou lèche ou suce son clitoris pour jouir ? Je vais le découvrir. Je suis bonne pour apprendre ; elle le sait. Je la laisserai m’enseigner. Et de toutes les années passées à poursuivre mon éducation, ce sera ma plus grande leçon. Parce qu’alors, j’apprendrai finalement qui je suis. Et si j’ai beaucoup, beaucoup de chance, elle me laissera partager cela avec elle.
C’est bientôt l’heure. Jésus Christ, j’ai tout simplement révélé mon homosexualité en cours d’Écriture Créative. Hé bien, je pense que cette circonstance est aussi bonne qu’une autre. J’espère que le Professeur Williams ne s’en formalisera pas. Elle est ma professeure préférée, et je ne veux pas que cela change son comportement envers moi. Je ne crois pas que ce sera le cas ; elle semble bien trop large d’esprit pour cela.
J’ai l’impression qu’un grand poids vient d’être soulevé de ma poitrine. Finalement, mon secret est dévoilé. Quelqu’un sait.
Mais je ne sais pas où aller à partir de ce point. J’ai été au Centre Gay Pride, et ce n’est pas mon style. Et puis, c’est tous des gamins là-dedans. Où une femme de 34 ans peut-elle aller pour apprendre ce que c’est qu’être lesbienne. Les bars ne sont pas non plus mon style, et je ne joue pas au softball. Où puis-je aller ?
Je suppose que je finirai par le découvrir, comme tout le reste. Et entre-temps, quelqu’un d’autre sait.
Et cela fait toute la différence.
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Jayne reposa l’essai et regarda fixement par la fenêtre de son salon. Elle était abasourdie.
Elle n’avait jamais rien lu de tel. Dieu, le cœur et l’âme de Sarah étaient exposés là, sur le papier. Souvent les étudiants exprimaient dans leurs écrits des choses qu’ils ne voulaient ou ne pouvaient pas dire de vive voix, mais ça, c’était d’une toute autre dimension. Et qui était cette mystérieuse femme dans la classe ? Il y avait neuf femmes en plus de Sarah ; elle mourrait d’envie de savoir laquelle. Étant donné les mots de Sarah au sujet de la plupart des étudiants qui n’étaient »que des mômes », elle pouvait en éliminer sept d’emblée. Mais les deux autres... toutes deux étaient brillantes et très intéressantes lors des discussions en classe. Laquelle cela pouvait-il être ?
Et puis son cerveau lui botta figurativement le derrière, et elle lâcha presque l’essai dans sa hâte de retrouver le passage significatif. Oui, c’était là : Je suis bonne pour apprendre ; elle le sait. Je la laisserai m’enseigner.
« Oh, Jésus, murmura-t-elle. C’est moi. »
Son corps, déjà grandement excité à la lecture des mots de Sarah, se mit en surchauffe à l’idée d’être la femme de l’essai. Elle ferma ses yeux et reposa sa tête sur le dossier de la chaise, mais cela ne fit qu’empirer les choses, la position lui rappelant ce que Sarah avait écrit au sujet de renverser sa tête et d’exposer sa gorge. Elle imaginait Sarah qui l’embrassait là, doucement puis avec plus d’exigence... et elle pouvait presque sentir la bouche de Sarah descendre vers ses seins et les téter de la manière qu’elle avait décrite.
« Merde alors, dit-elle tout haut en ouvrant les yeux. Je viens de me faire séduire. » Un petit rire lui échappa. « Séduite par des mots ; comme c’est parfait. »
Mais elle ne pourrait jamais passer à l’acte. Sarah était une étudiante et il y avait des règles très claires au sujet de la fraternisation sexuelle entre professeurs et élèves. En réalité, ces règles étaient essentiellement conçues pour protéger les jeunes étudiants innocents des professeurs plus âgés qui étaient en position de pouvoir, et quelquefois pour protéger des professeurs naïfs de certains étudiants pas si innocents qui savaient user de leurs corps pour obtenir ce qu’ils voulaient. Sarah n’était ni jeune ni innocente ; elle avait un fils de 16 ans et n’avait que deux ans de moins que Jayne.
Cela ne changeait rien. Elle était tout de même une étudiante. Du moins jusqu’à ce qu’elle ait son diplôme, en juin, dans quatre mois.
Jayne ne pouvait pas saisir l’offre très flagrante de Sarah. Mais au moins, elle pouvait l’aider. Elle ne la laisserait pas isolée plus longtemps.
Reprenant l’essai, elle ôta le capuchon de son stylo vert et commença à écrire en bas.
Sarah, vos mots me laissent le souffle coupé d’admiration. Cela demande tellement de force de se révéler si vulnérable... et croyez-moi quand je dis que cela ne changera pas ma façon d’être avec vous, si ce n’est que je vous respecterai à présent plus que jamais.
Où pouvez-vous aller maintenant ? Hé bien, il y a un groupe de femmes qui se réunissent une fois par semaine à la Station Électrique, dans le salon-bar. Les sièges sont confortables et il y a de l’excellent jazz le vendredi soir, et ce n’est pas un marché à viande. C’est un endroit où vous pourriez rencontrer des femmes qui vous comprennent.
Elle réfléchit considérablement sur ses prochains mots, mâchant le bout de son stylo. Puis elle hocha la tête et ajouta quelques lignes.
J’y serai vendredi prochain, et je serais plus que ravie de vous présenter à la ronde. Il y a de merveilleuses femmes dans ce groupe, et je pense que vous vous y intégrerez magnifiquement. Vous seriez plus que bienvenue si vous choisissiez de venir. L’autre endroit qui pourrait vous être utile est la Librairie de Mère Kali. Toutes sortes d’événements s’y déroulent, et c’est un autre endroit où rencontrer des gens sans pression aucune.
Je vous souhaite la meilleure chance dans ce processus de découverte. Cela peut être une période si joyeuse, surtout lorsque vous découvrez que vous n’êtes pas seule. Et Sarah... merci de m’avoir fait confiance avec votre secret. Je le garderai en sûreté.
P.S. Techniquement, cet essai était fantastique. Je sais qu’il vous a été difficile de vous ajuster à cette spontanéité, mais vous y avez très, très bien réussi. Le fil de l’intrigue conduit en douceur le lecteur du début à la fin, et j’ai apprécié la façon dont vous avez enclenché toute l’histoire avec vos pensées sur le vif au sujet du devoir. J’ai également aimé le changement de temps en haut de la page deux (voir note) où vous êtes passée du conditionnel au futur. Si élégant ! C’était comme si j’étais avec vous dans votre esprit, vous observant passer de l’incertitude à la confiance absolue. De « je suis quasi sure d’être lesbienne » à « j’ai tout simplement révélé mon homosexualité... »
Super effort, Sarah. Ça vaut bien un A.
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Quand elle rendit les copies ce lundi, Sarah ne voulut pas croiser son regard. Jayne fut tout d’abord un peu blessée, mais elle réalisa que Sarah ne savait pas comment son essai avait été perçu, et devait sans doute se sentir très vulnérable. Alors elle se concentra sur la gestion de la classe, demandant à certains étudiants de lire des paragraphes de leurs essais, et facilitant les discussions. À la fin de la classe, Sarah avait de toute évidence lu ses commentaires et se sentait plus confortable, parce qu’elle lui lança un sourire en se levant pour sortir.
« Merci, Professeur Williams, dit-elle. J’apprécie vraiment cela.
― Non, merci à vous, dit Jayne. Vous m’avez impressionné avec cet essai. C’était une joie de le lire. »
Sarah baissa la tête, fit un autre petit sourire, et quitta la classe.
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La clientèle du vendredi soir à la Station Électrique était aussi chahuteuse que d’habitude. Jayne adorait ces femmes ; elles étaient si sacrément drôles et intéressantes, et c’était tout simplement tordant de les observer se rendre un peu pompettes avec l’alcool et commencer à relâcher le stress de leurs semaines de travail. Elles exerçaient toutes une profession, certaines d’entre-elles dans des lieux de travail plus exigeants (et moins tolérants) que les autres. Jayne savait qu’elle avait de la chance ; être lesbienne à l’Université était à peine remarquable ces temps ci. Elle ne déclarait pas systématiquement son homosexualité à tout le monde, mais elle ne la cachait pas non plus. Toutes ses amies n’étaient pas aussi chanceuses.
Le groupe en était à sa troisième tournée quand quelque chose attira l’attention de Jayne. Elle leva les yeux et vit Sarah debout de l’autre côté de la salle, qui regardait autour d’elle. La position de son corps indiquait l’incertitude, et Jayne ressentit instantanément le besoin de la protéger. Elle se leva et se fraya un chemin à travers tables et chaises, souriant quand Sarah tourna la tête et la vit. Le visage de Sarah s’éclaira d’un sourire en retour, et Jayne en fut tellement transportée qu’elle manqua de heurter une chaise. Mon Dieu, que cette femme était belle.
Elle atteignit Sarah sans encombre, malgré la sensation d’avoir les jambes en caoutchouc.
« Hey ! dit-elle d’une voix forte pour être entendue par-dessus le trio de Jazz. Je suis heureuse que vous soyez venue ! »
Sarah baissa les yeux, puis les releva timidement.
« J’ai changé d’avis environ douze fois, dit-elle. Mais ensuite, j’ai décidé que je ne pouvais pas ne pas venir.
― Hé bien, vous avez pris la bonne décision ! » Jayne étendit son bras, indiquant le groupe tapageur de femmes qu’elle appelait ses amies.
« Je vais vous présenter quelques-unes des femmes les plus étranges de la ville d’Eugene. »
Sarah sourit :
« Ça a l’air super. »
Jayne les y conduisit et fit les présentations. Elle avait déjà préparé ses amies pour cette éventualité, et elles y répondirent de manière si accueillante qu’il ne fallut que quelques minutes à Sarah pour être intégrée dans leur groupe et rire avec les autres. Elle s’assit en face de Jayne, un verre devant elle, sa posture bien plus relaxée qu’à son arrivée. Comme Jayne l’avait prédit, Sarah charma le groupe par son humour et son intelligence, et lorsqu’elles se séparèrent après la soirée, Jayne était raisonnablement certaine qu’au moins trois de ses amies avaient le béguin. Effectivement, elle dut répondre à deux appels téléphoniques le lendemain, pleins de questions haletantes au sujet de Sarah. Mais elle se déroba, disant qu’elle ne voulait pas se mêler de la vie privée de Sarah.
« Si tu veux l’inviter à sortir, nom de Dieu invite-la, leur dit-elle. Ne m’y mêle pas. »
Et elles le firent. Durant les quatre mois suivants, Jayne observa les tentatives de fréquentation de Sarah avec un mélange de fierté protectrice et de totale jalousie. Elle voulait tellement être celle dont le bras reposait autour des épaules de Sarah, mais c’était hors de question. Tout ce qu’elle pouvait faire c’était regarder, alors que ses amies rivalisaient pour gagner les sourires et les petits gestes de Sarah. Et la première fois qu’elle arriva sur le parking à temps pour voir Sarah embrasser une de ses amies, ce fut comme si elle avait reçu un coup de poing dans le ventre.
« Tu n’es pas libre d’être avec elle, se rappela-t-elle en ouvrant sa portière de voiture. Ça ne vient pas de toi. »
Cela ne l’aidait pas.
Le pire était que Sarah continuait de l’appeler Professeur Williams. Jayne ne la corrigeait pas, sachant que la distance était nécessaire. Mais elle encaissait tout un tas de conneries de la part de ses amies, et c’était dur d’accepter les blagues et les taquineries quand, en vérité, elle aurait donné n’importe quoi pour entendre Sarah l’appeler par son prénom. Mais elle était la professeure de Sarah, et cela signifiait qu’elle ne pouvait pas être son amie. Pas comme ça. Et Sarah ne donnait aucune indication qu’elle souhaitait qu’il en soit autrement, traitant Jayne avec une courtoisie sans faille et d’une manière gentille et amicale. Après quelques semaines de ce traitement, Jayne commença à mettre en doute sa certitude d’être la femme de l’essai. Sarah ne pourrait certainement pas être si... si polie si elle avait vraiment eu ces pensées envers elle.
Alors que les trimestres d’hiver et de printemps s’écoulaient, Jayne vit son attirance pour Sarah progresser à pas de géant. Peut-être était-ce la distance forcée, l’attrait de l’inaccessible. Peut-être était-ce parce que Sarah ne la regardait jamais de cette façon ; ne montrait jamais rien de la vive passion qu’elle avait exposé sans ambages dans son essai. Mais en fait, peut-être était-ce simplement parce que Sarah était une femme si extraordinaire. Brillante, gentille, drôle, forte, et pourtant si vulnérable. Sa vulnérabilité continuait de s’exprimer dans ses écrits, et Jayne avait le sentiment qu’elles entretenaient une autre relation à travers ces pages. Elle adorait lire les œuvres de Sarah, tout en les redoutant pourtant, parce qu’elle était certaine qu’un jour elle lirait les songeries d’une femme ayant finalement embrassé sa sexualité de la plus intime façon. Elle savait avec certitude que cela la déchirerait. Quelque part au cours de ces quatre derniers mois, elle était tombée amoureuse de la femme qui l’appelait Professeur Williams en lui souriant.
Pendant la semaine d’examens finaux du trimestre de printemps, alors que tout le campus se préparait pour la cérémonie de remise des diplômes, Jayne mit de côté le projet trimestriel de Sarah jusqu’à ce qu’elle ne puisse plus l’éviter plus longtemps. C’était un court roman parlant d’une femme prise dans la tourmente politique d’Irlande du Nord, nommée avec tant d’euphémisme « Les Troubles. » Le personnage principal était autobiographique, explorant sa sexualité avec en toile de fond l’intolérance religieuse et la violence de cette époque, et Jayne était franchement terrifiée à l’idée de ce qu’elle pourrait découvrir dans cette version finale. Mais quand elle l’ouvrit et commença à lire, elle découvrit une histoire extrêmement intéressante dans laquelle le personnage principal flirtait avec les limites de l’intimité sans jamais s’y engager. L’histoire se terminait sur un thème de découverte continuelle et d’espoir en l’avenir, et Jayne sentit son propre cœur s’alléger tandis qu’elle lisait les derniers paragraphes.
Elle tourna la dernière page et s’arrêta, fixant la note manuscrite sous les lignes imprimées.
Professeur Williams, puisque les notes finales sont rendues mercredi prochain, j’envisage de célébrer mon diplôme à la Station Électrique, jeudi. Pas de musique, pas de foule bruyante, juste un verre tranquille à neuf heures. J’aimerais cela si vous pouviez vous joindre à moi.
C’était tout. Pas de note personnelle, pas d’autre indication de ce que Sarah pensait. Mais Jayne sentit son cœur tambouriner dans sa poitrine. Qu’est-ce que cela signifiait ? Était-elle invitée en tant qu’amie, ou autre chose ? Ces derniers mois elle avait été si sûre de ne pas être la femme de l’essai, après tout... mais maintenant, elle s’interrogeait.
« Hé bien, se dit-elle, c’est probablement juste une réunion de ses amis. Ne t’excite pas comme ça. »
Mais ce jeudi, tandis qu’elle trouvait une place dans le parking et sortait de sa voiture, elle ne pouvait pas stopper le frisson d’anticipation dans son ventre. Mon dieu, ne serait-ce pas beau si l’invitation avait réellement été personnelle ?
Elle découvrit Sarah immédiatement après être entrée dans le salon. C’était dur de la manquer ; elle était la plus belle femme des lieux. Elle était assise à une table près d’une fenêtre, seule, et superbement habillée d’une robe de cocktail noire avec un décolleté plongeant.
Jayne s’arrêta net, son cœur battant instantanément la chamade. Et puis Sarah tourna la tête, rencontra son regard et lui fit un tel sourire que Jayne pensa que ses genoux allaient se dérober. Elle parvint à parcourir le chemin jusqu’à la table et se laissa tomber sur une chaise, le souffle un peu coupé par l’effort fourni pour marcher droit.
« Sarah, dit-elle, pas sûre de combien elle pouvait en dire, mais totalement incapable de garder son admiration pour elle-même. Vous êtes fantastique. Simplement superbe. Oh, et j’ai appris que vous êtes Licenciée ès Lettres maintenant. Félicitations – je suis si fière de vous.
― Merci, dit Sarah, le regard illuminé. C’est une incroyable sensation. Ça a pris si sacrément longtemps d’obtenir ce diplôme... mais aujourd’hui je suis au sommet du monde. Pas seulement parce que je suis Licenciée, d’ailleurs. »
Elle respira profondément et regarda Jayne droit dans les yeux.
« Parce que je ne suis plus votre étudiante. Et parce que nous sommes jeudi, pas vendredi, et ce soir, c’est seulement nous. »
Jayne perdit momentanément l’usage de la parole, mais sous la brillance du regard de Sarah, elle parvint en quelque sorte à refaire fonctionner sa gorge.
« Etais-je... » Elle s’arrêta, consternée de l’enrouement de sa voix. S’éclaircissant la gorge, elle essaya à nouveau. « Etais-je la femme de l’essai ? »
Sarah opina :
« Oui, c’était vous. Vous voulez dire que vous l’ignoriez ?
― Hé bien... J’ai pensé que c’était moi, au début, mais vous avez été très maligne, Sarah. Vous avez rendu cela suffisamment ambigu pour que je ne puisse pas en être sûre. Et tout ce temps-là vous avez été si sacrément amicale que j’ai fini par me dissuader moi-même de mes convictions. J’ai décidé que vous deviez parler de quelqu’un d’autre.
― Non. Il n’y a jamais eu personne d’autre. Et j’ai eu l’impression de sauter d’une falaise quand j’ai écrit cela. Mais vous me l’avez rendu aisé, et j’en ai été encore plus attirée par vous. Vous avez été si gentille et si généreuse, et en vous observant avec vos amies, j’ai vu une toute autre facette de vous. » Elle souleva un sourcil. « Et maintenant que nous sommes toutes deux libres, j’aimerais faire plus ample connaissance avec vous. Professeur Williams, puis-je vous offrir un verre ? »
Jayne la fixa du regard. De quatre mois de courtoisie polie à ça ? Elle regarda dans les yeux bleus confiants, si différents du regard incertain qu’elle avait vu ce premier jour au salon.
« J’aimerais bien un verre, dit-elle. Et je pense qu’il vaudrait mieux que ce soit un Manhattan. »
Sarah rit :
« On attaque direct à l’alcool fort, hein ?
― Oui. Je pense que je vais en avoir besoin. Je suis encore en train de m’ajuster au fait d’être la femme de l’essai. » Jayne ne plaisantait pas ; elle se sentait abasourdie.
« Hé bien, je vais vous dire. » Sarah se leva et se pencha en avant, approchant ses lèvres tout près de l’oreille de Jayne. « Je vais chercher nos boissons, murmura-t-elle, et vous, pensez simplement à cet essai. Parce que je vous ai attendue. Si vous me voulez, je suis intéressée. Je n’ai pas eu ce miracle encore, mais j’espère l’avoir très bientôt. »
Elle se redressa, lança un autre sourire à Jayne et marcha vers le bar, laissant une professeure extrêmement troublée et très excitée la suivre du regard.
Jayne se réadossa à sa chaise, résistant au besoin de s’éventer le visage. « Sacré bon sang, marmonna-t-elle. Qui aurait dit qu’elle avait ça en elle ? »
Lorsque Sarah revint avec leurs verres, Jayne avait repris le contrôle. Elle savait exactement où elle voulait que la soirée aboutisse, et elle était parfaitement certaine que Sarah et elles étaient sur la même longueur d’onde.
« À la récente Licenciée, dit-elle en levant son verre. Puissent vos nouvelles ailes vous emmener où que vous le souhaitiez. »
Sarah trinqua avec Jayne.
« Merci Professeur. » Elle porta le verre à ses lèvres, mais s’arrêta quand Jayne attrapa doucement son poignet.
« Sarah, dit-elle. Je veux trois choses ce soir. » Sarah pencha sa tête, la regardant, quelque peu confuse. Jayne lui sourit, resserrant très légèrement sa prise sur le fin poignet.
« Premièrement, je veux t’emmener chez moi. Deuxièmement, je veux que nous ayons toutes les deux ce miracle. Et troisièmement, quand viendra le moment où tu ne pourras plus le retenir, quand je te conduirai au-delà de tout contrôle et que tu t’abandonneras à moi, je veux que tu appelles mon nom. Et mon nom n’est pas Professeur Williams. Pas pour toi ; plus maintenant. Appelle-moi Jayne. »
L’expression sur ce beau visage fit presque stopper son cœur.
« Ok, dit doucement Sarah. Je le ferai.
― Dis-le maintenant. » Jayne lâcha son poignet et le caressa légèrement d’un doigt en descendant. « Tu auras besoin de t’entraîner, tu sais. »
Sarah rougit en reposant son verre.
« Jésus, dit-elle. j’en ai les mains qui tremblent. »
Jayne laissa passer la réplique trop flagrante, se concentrant sur les yeux de Sarah tandis qu’elle répéta :
« Dis-le. S’il te plaît. »
Elles se regardèrent fixement pendant que les secondes s’égrenaient. Et puis :
« Jayne », murmura Sarah.
Jayne ferma brièvement ses yeux à ce son.
« Dieu, dit-elle. Ça fait longtemps que j’attends de t’entendre dire cela.
― Jayne, dit Sarah, sa voix plus assurée cette fois, je n’ai aucune compassion pour toi. Tu penses que tu as attendu ? J’en mourais, de ne pas savoir si tu accepterais mon offre.
― Je l’ai accepté il y a quatre mois. Je ne pouvais simplement pas te le dire.
― Dans ce cas, dit Sarah, soulevant son verre, laisse-moi proposer un autre toast. Au meilleur fichu sujet de devoir en classe que j’aie jamais eu. »
Jayne trinqua avec Sarah.
« Et au meilleur essai que j’aie jamais lu. »
Elles se regardèrent et commencèrent à rire, et cela sembla si naturel quand elles parlèrent en même temps.
« À L’essai ! »