Comme tous les matins, je me préparais pour me rendre à mon travail. Mais aujourd’hui, un contretemps me fit rater le bus que je prenais habituellement; petite contrariété qui n’en était pas une, car j’arrivais toujours en avance sur le lieux de mon travail, afin de m’installer tranquillement avant de commencer ma journée de 8h. Aujourd’hui je serai pour une fois à l’heure. J’en profitai donc pour peaufiner ma tenue toujours impeccable: normal quand on travaille face à une clientèle exigeante.
Enfin prête, je me rendis à l’arrêt de bus, un peu perturbée par le changement d’habitude:
Ce matin j’allais rencontrer de nouveaux habitués des transports en commun, pratiquant quotidiennement le sempiternel cycle: métro/boulot/dodo.
Le bus était déjà pas mal rempli, au point où je ne trouvai même plus une place assise.
De là où je m’installai, je pouvais voir tous les passagers qui, pour certains, semblaient finir une nuit somme toute trop courte. Un homme, d’une cinquantaine d’année, avait même encore les cheveux ébouriffés et sa cravate était mise de travers.
Soudain mon regard se posa sur une jeune femme assise non loin de moi. A peine plus jeune que moi, elle avait l'allure d'une éternelle étudiante et un fin piercing ornait son arcade sourcilière gauche. Quelque chose dans sa façon d'être lui donnait un charme certain. Elle lisait attentivement un magasine posé sur ses genoux, se souciant peu de ce qui se passait autour d’elle. Quand, tout à coup, elle leva son regard, pour le poser sur moi, sentant sûrement que je l’observais avec un peu trop d’insistance. Je pus à loisir contempler son visage entouré d’une abondante chevelure brune, harmonieusement ondulante. Ses traits étaient fins. Ses yeux, d’un noir intense, envoyaient une invitation à s’y plonger et sa bouche charnue, dessinait un joli sourire qui m’était semble-t-il adressé. Je rougis.
Un sentiment de malaise m’envahit: je me sentais à la fois ridicule de l’avoir observé ainsi, et en même temps troublée par son propre regard et l’impact qu’il avait sur moi. J’étais comme sous le charme de cette mystérieuse femme dont la beauté, sortilège imparable, m’envoûtait. Que m’arrivait-il?
Mes pensées furent interrompues par un geste qu’elle fit pour appeler le prochain arrêt. Lentement elle se leva pour s’installer devant la porte de sortie.
Arrivée à destination, elle descendit du bus sans omettre de m'envoyer une séduisante œillade. Je voulu y répondre par un sourire, qui me semblait plus une grimace, mais elle avait déjà disparu.
Le reste du trajet me paru comme un songe, troublée que j’étais par cette rencontre.
Arrivée, à mon bureau, je n’y pensai cependant plus, accaparée par les aléas d’un travail plus que prenant.
La journée se passa avec son train-train habituel et rassurant.
Ce ne fut qu’au moment de me coucher que je repensai à la jeune femme du bus comme je n’avais jamais pensé à personne d’autre, en dehors de Lucas, mon futur mari. Je m'endormis avec la pensée que demain, je l’espérais, je la verrais dans le bus.
Le lendemain je me préparai comme tous les matins, à ceci près que je choisis délibérément de prendre le bus suivant. Pourquoi? Je ne le savais pas...ou plutôt si: pour la revoir. C'était absurde. Cette femme avait un effet sur moi que je ne maîtrisais pas.
Le bus arriva enfin. J'y montai. Mais elle n'y était pas. Je la cherchais désespérément, bêtement. Sans succès.
Et ce fut ainsi tous les autres jours et les deux semaines qui suivirent.
Malgré ma déception, que je cachais tant bien que mal à mon entourage, je persévérais.
Jusqu'au jour où ma patience fut récompensée. Un matin où je ne m'y attendais plus, elle étais là.
Elle me tournais le dos, appuyée contre une vitre. Dans ma poitrine, mon cœur fit un bond à la simple vue de sa silhouette.
Plutôt que d'aller simplement l'aborder, je restais sur place, tétanisée par mon trouble et mes émotions.
A mon grand regret elle ne bougea pas de tout le voyage. Mais le simple fait qu'elle soit là, me fit plaisir.
Seulement, quelle ne fut pas ma surprise, quand, alors qu'elle se retourna pour appeler le prochain arrêt, je constatai, que ce n'était malheureusement pas elle. Comment avais-je pu me tromper?
Surprise, tristesse, colère, déception, toutes ces émotions se mélangèrent dans mon cœur et ne me quittèrent pas de la journée. J'étais complètement à côté de la plaque, et mes collègues finirent pas s'en rendre compte, me taquinant d'un: "Oh toi! Tu es amoureuse!". Je les gratifiais d'un sourire complice, qui finit par tromper son monde.
Mais allais-je y arriver avec Lucas? Qu'est-ce qui ne tournait pas rond chez moi? Malgré moi, j'étais minée par une frustration grandissante, que je tentais tant bien que mal de maîtriser. Il fallait trouver un remède à cela.
Je le trouvai le soir même: je reprendrai mes bonnes vieilles habitudes de transport dès demain matin, pour le bien être de tout le monde.
Mais dès mon réveil, le lendemain, cette bonne résolution avait disparu. C'était plus fort que moi. Malgré ma déception de la veille, je gardais le secret espoir de revoir cette mystérieuse et envoutante jeune femme.
Heureusement il ne me fallu attendre que trois jours. Ce fut un soulagement de la voir à nouveau, assise à la même place que la première fois. Je ne pouvais détacher mes yeux d'elle. Mais le simple fait qu'elle puisse me surprendre en train de l'observer me rendait soudain timide. Je me mis donc à regarder autour de moi, tout en jetant un œil de temps en temps vers elle. Et quelle ne fut pas ma surprise de constater, qu'elle même m'observait. Et quand nos yeux se croisèrent, elle eu un délicieux sourire qui éclaira son visage. Que me voulait-elle? C'était un question absurde, car elle avait le droit de faire ce qu'elle voulait. En fait, ce qui me dérangeait, c'était mes propres pensées à son encontre et qu'elle puisse d'une manière ou d'une autre les encourager.
Les deux jours qui suivirent furent comme le précédent à ceci près que, vendredi, au lieux de descendre à la sortie la plus proche d'elle, elle traversa tout le bus. Elle passa devant moi, sans omettre de me regarder de la tête aux pieds, avec un sourire en coin. Le parfum qu'elle exhalait, volute de mousseline qui semblait capturer tous ceux qui s'y laissaient prendre, était comme un radeau salvateur au milieu d'une mer d'odeurs nauséabondes. Je fermai les yeux pour mieux m'en imprégner et le graver à jamais dans ma mémoire. Quand je les réouvris, elle avait déjà quitté le bus, qui redémarrait vers sa destination finale.
Le week-end-end qui suivit, fut pour moi un véritable calvaire, chargé d'habitudes et de routines, qui me paraissaient maintenant flagrantes, au vu de l'aventure intérieure que je vivais.
Sentant mon agacement et ma distance, Lucas se mit en tête de résoudre ce « petit » problème avant de partir travailler: à notre réveil, samedi matin, il se montra très entreprenant. C'était peut-être, effectivement, la solution qui me permettrait de sortir la jolie inconnue de ma tête.
Mais contrairement à mes attentes, ce fut un véritable désastre. J'en sortais triste et coupable d'avoir simulé un plaisir non partagé. Comment cela se pouvait-il? Cette panne soudaine de désir vis-à-vis d'un homme, qui jusque là, m'avait pleinement satisfaite. Du moins je le pensais...
Après le départ de Lucas, je me retrouvai seule, dans notre lit « conjugal » barbouillé de nos rapides ébats. Lasse, je me décidai à ne pas bouger. Je me laissai aller à des rêveries qui allaient toutes dans la même direction: la jeune femme du bus. Je n'étais pourtant pas lesbienne, pour penser ainsi à une femme? Je n'y avais jamais songé et ne le concevais même pas. Non pas que je sois homophobe, mais le fait que deux femmes ou deux hommes puissent se toucher intimement, me dégoutait. Cependant elle éveillait en moi des émotions insoupçonnées. Je me forçai à penser à autre chose, mon esprit divaguant, passant d'un souvenir à l'autre: les vacances sur la côte d'azur avec mes parents, les copines de collège dont je n'avais plus eu de nouvelles depuis longtemps, les souvenirs honteux de pratiques onaniques, lorsqu'à l'adolescence je partais à la découverte de mon corps encore vierge... Cette pensée fit venir en moi un besoin de plaisir qui n'avait pas été assouvi quelques minutes plus tôt. J'entrepris de me faire couler un bon bain chaud, afin de me détendre au maximum.
La vapeur envahissait déjà la pièce quand je me glissais dans l'eau moussante. Le savonnage minutieux que j'entrepris se transforma petit à petit en caresses. Mes mains parcouraient, tout d'abord, le galbe de mes seins fermes, qui n'avaient pas encore connu les affres de la maternité. Puis elles descendirent sur mon ventre pour enfin atteindre la zone sensible qui occupait mon entre-jambe. Je n'avais rien perdu de ma dextérité d'adolescente. Du bout du doigt, je rassasiais mon corps de frissons de plaisir, en stimulant toutes les zones érogènes que je pouvais y rencontrer. J'étais tout à son écoute. Je m'attardai plus particulièrement au niveau du clitoris, autour duquel je dessinai de petits rond avec mon index, tout d'abord doucement puis de plus en plus frénétiquement. La jeune créature du bus apparut devant mes yeux, au moment même où mon corps fut secoué de soubresauts orgasmiques.
Encore secouée de spasmes, je me laissai couler toute entière, sous l'eau devenue tiède. J'étais à la fois satisfaite et honteuse d'avoir atteint le plaisir. Je le vivais comme une tromperie supplémentaire que je faisais à Lucas. Ce sentiment n'allait plus me quitter de la journée, que j'occupai tant bien que mal à la réalisation des tâches ménagères devenues nécessaires, au vu de l'état de l'appartement après une semaine de négligences.
Le dimanche, passé dans ma future belle famille, fut un désastre. J'étais ailleurs. Et mes tentatives désespérées pour m'intéresser aux discussions, ne faisaient qu'accroître mon ennui. Malgré les circonstances, je ne culpabilisais même pas. Je n'attendais qu'une seule chose: que demain arrive enfin. Car j'avais besoin de savoir si ce que je ressentais n'était pas que le fruit de mon imagination de jeune femme flippée à l'idée de se marier, et si ce que je ressentais... elle le ressentait elle aussi.
Lundi
Début d'une longue semaine de travail, me diriez-vous? Pour moi cela signifiait le début d'une série de 5 moments, 5 moments de 3 minutes environ, où je pourrais à loisir observer la jeune inconnue, lui lancer des regards interrogateurs, et même trouver assez de courage pour lui parler, qui sait? Mais serait-elle au rendez-vous?
Moi je l'étais en tous cas. Debout à l'arrêt de bus, je piétinai frénétiquement d'impatience, comme une gamine qui attendrait le signal pour ouvrir ses cadeaux d'anniversaire.
Elle était là, assise , toujours à la même place.
Prenant mon courage à deux mains, je me dirigeai vers elle... où plutôt vers le fond du bus. Elle m'avait vue, j'en étais certaine, car moi aussi je ne la lâchais pas du regard, sauf au moment où je passai à son niveau. Je constatai alors que le siège voisin du sien était occupé par un sac. Soudain , elle l'enleva. Ce fut le seul signal qu'elle envoya pour m'inviter à m'assoir à ses côtés. En réponse à ce geste, mon cœur se mit à battre à tout rompre.
Je me retrouvai donc assise à quelques centimètres d'elle, droite comme un « i », en véritable petite fille sage. Ainsi installée, je ne pouvais voir d'elle que ses mains fines, posées délicatement sur ses cuisses. Mon cerveau, à demi léthargique, me rappelait au bon souvenir de son parfum et de toutes les émotions qui m'avaient alors envahi, la première fois que je l'avais senti. Mais le plaisir fut de courte durée. Le prochain arrêt allait être le sien. Déjà elle se dandinait sur son siège, m'indiquant qu'il fallait que je me lève pour la laisser passer. J'actionnais le signal à sa place. Ce fut au moment où elle passa devant moi que je faillis perdre tous mes moyens. D'un geste familier,en quittant sa place, elle posa sa main sur mon épaule pour s'y appuyer, afin de ne pas perdre l'équilibre quand le bus freina. Et sans même lever les yeux vers moi, elle s'éloigna, laissant négligemment la main glisser sur moi. Pantelante, j'avais peine à contrôler le tremblement de mes jambes et je dûs m'accrocher à l'accoudoir pour pouvoir me rassoir. Quel était son pouvoir, pour générer ainsi en moi de telles émotions? En avait-elle conscience? Pour ma part, je ne cherchais plus à comprendre, pour l'instant du moins. Partie dans mes songes, je ratai mon arrêt de bus. Et ce fut de bonne grâce, à l'air libre, que je recouvrai petit à petit mes esprits sur le chemin du bureau.
Une journée insipide s'en suivit. Et ce fut le cœur gros d'une tristesse indéfinissable que j'accueillis Lucas à son retour de travail, répétant les même gestes qu'à l'habitude pour ne pas éveiller les soupçons sur mes états d'âme. Soudain, tout cela me pesait. C'était pourtant si naturel avant... Je n'avais pas d'autres réponses que « dépression passagère » aux divers questions que me posait Lucas. Agacée par tant de troubles, ce soir là, je me couchai sans pouvoir trouver le sommeil avant une heure du matin.
Mardi
Comme la veille, elle m'attendait, me réservant une place à ses côtés. Mais contrairement aux fois précédentes, nous ne nous échangeâmes aucun regard. Il me semblait que, pour elle, cela s'apparentait à un jeu de séduction dont je ne maîtrisais aucunes des règles. « Séduction », était-ce vraiment le mot? A cette question, j'eus vite une réponse. Me sachant pressée par le temps, j'osai un geste en posant ma main sur la mince surface de fauteuil qui restait libre entre nous. Elle ne tarda pas à répondre à cette initiative en la recouvrant de sa propre main. Elle n'était que douceur. Et, pour confirmer ses intentions, elle entremêla ses doigts aux miens, dans une caresse que j'osais espérer sans fin. Une vague de chaleur envahit tout mon corps. Mais déjà le temps qui « nous » était imparti s'achevait. Délicatement, elle retira sa main et dans un geste d'une sensualité incroyable elle se leva pour rejoindre la porte de sortie, prenant soins, contrairement à quiconque en pareil situation, de ne pas éviter le frôlement de nos deux corps à son passage. Puis elle disparut du bus. L'unique pensée qui me restait à l'esprit après tout cela était que j'en voulais plus. Pas de culpabilité, ni de questionnement. Non. Juste le sentiment qu'une frustration persistante éveillait en moi: je ne pouvais pas en rester là. Je devais aller au bout de toutes ses sensations, provoquées par un petit bout de femme inconnue, et qui faisaient frissonner mon corps tout entier. Juste un contact, un besoin d'être en sa présence et une envie de lui plaire. Tout cela sans qu'aucun mot ne soit échangé.
Ce soir là, même l'agacement de Lucas à propos de mon « absence » totale n'y faisait rien. L'envoûtement faisait doucement son effet.
Mercredi
Gros coup dur au moral: elle n'était pas là. J'avais beau la chercher dans tout les recoins du bus que j'arpentais de long en large, elle n'y était pas. Elle ne pouvait pas me faire ça! J'en aurais presque pleuré de colère et de frustration. Elle n'avait pas le droit de me laisser comme ça, dans l'attente de ce « plus ». J'en venais même à tout remettre en question. Me trompais-je sur ce que je vivais intérieurement, sur ses intentions. Il fallait pallier à tout cela. J'allais contacter Nana, Nadège, ma meilleure amie, pour nous programmer une petite soirée entre filles. Même en semaine, elle serait partante. Depuis le temps qu'elle me harcelait. Un coup de fil et ce fut convenu: un restaurant et peut-être même une petite boîte de nuit après, comme avant. Elle ne me posa aucune question sur mon envie impérieuse de nous retrouver.
Je prévenais Lucas qui ne s'étonna pas du changement de programme de la soirée, au vu de mon état actuel. « C'est une bonne idée! Ça ne peut que te faire du bien! ». Le pauvre! Si il savait à quel point.
La journée se passa à l'allure d'un escargot. Je ne tenais pas en place et m'occupais l'esprit comme je pus.
Le soir venu, je retrouvai Nadège à notre repère habituel: un petit restaurant de popote à la bonne franquette, comme elle aimait le dire. Cela faisait des semaines que l'on ne s'était pas vu mais notre discussion repris au quart de tour, comme si on s'était quitté la veille. Toujours célibataire, elle me raconta, avec forces détails, les différents « plan cul » qu'elle s'était faite grâce à un site de rencontre sur internet. « Y a de quoi devenir lesbienne, je te jure! Les mecs! Tu as bien de la chance d'avoir trouvé le bon! ». Elle ne me posa aucune question me concernant et cela m'arrangeait. Je me régalais rien qu'à l'écoute de ses différentes aventures, de ses « coups foireux » comme elle les appelait. Cela m'occupa assez l'esprit pour que j'en oublie mes propres préoccupations, du moins pour un temps. Le repas se termina dans un fou rire général qui ne manqua pas d'interpeler les clients des tables voisines qui, de temps à autre, nous jetaient des regards outrés. La soirée avait bien commencé et on allait pas en rester là. Comme au bon vieux temps de la fac, sans se poser de questions, nous nous dirigeâmes vers « La » boîte de nuit du coin. Soirée gratuite pour les filles avant minuit! Même nos rires reprenaient leurs accents de midinettes de l'époque où on ne se posait pas de questions. L'avenir nous appartenait! Je me plaisais à croire que rien n'avait changé. Au moins le temps de la soirée. Sans qu'on se le dise, Nadège semblait dans le même état d'esprit. Super! Ça promettait!
Il y avait déjà pas mal de monde pour un soir en semaine. Installée au bord de la piste, nous commençâmes par consommer tous les cocktails que nous proposait le serveur. Des boissons de toutes les couleurs défilaient sous notre nez. Au bout d'une demi heure nous avions assez bu pour trouver le courage de danser sur la piste et au bout d'une heure nous avions assez de courage pour nous étaler parterre sans avoir à en rougir. Arrivé à ce niveau d'ivresse, nous avions deux jeux de prédilection: l'un était se vautrer dans nos fauteuils pour se moquer des « danseurs d'exception » et l'autre était de danser enlacées, avec force de pelotages en tous genres, pour provoquer les nombreux célibataires qui ne manquaient pas l'occasion de venir se frotter à nous. Tous les même. Nous étions hilare à chaque fois, à « pisser dans la culotte ».
« Tu as vu la nana?
• Quoi? Lui fis-je, en lui jetant un œil glauque chargé d'alcool.
• Bah, là-bas! La nana! Elle arrête pas de te mater!
• Tu rigoles ou quoi? J'ai pas une tête à être lesbienne!
• Tu sais de nos jours il est très difficile de dire « qui est quoi », me répondit-elle.
• Tu me verrais avec une femme toi? »
Cette question m'était venu comme ça, sans que je ne m'en rende compte et laissa Nadège pensive, un point d'interrogation éthylique sur le visage. Elle me faisait tellement rire quand elle essayait d'être sérieuse avec un coup dans le nez.
« Bah, pourquoi? Tu te poses la question? Tu sais, le coup de foudre n'a pas de sexe! » fut sa seule réponse. Puis elle éclata de rire devant ma mine déconfite. Elle avait, sans le vouloir, pointé du doigt ce que je tentais désespérément d'oublier. Ce fut une raison supplémentaire pour boire un verre de plus, un verre de trop. Le reste de la soirée se passa sans que j'en eus aucun souvenir. Je n'émergeai que le lendemain matin, devant la glace, essayant maladroitement de masquer les excès de la nuit sous une couche de maquillage. Ça faisait illusion, ouf! Nadège me raconta, plus tard, qu'elle ne m'avait jamais vu dans cet état là, mais que cela faisait bien plaisir à voir, que ça l'avait bien fait rire, surtout lorsque, plantée devant la porte, je tentais désespérément de faire rentrer un tampon hygiénique dans la serrure.
Jeudi
J'avais la tête dans le c... et des kangourous faisaient la course sous mon crâne. Mais lorsque je la vis, assise là, à sa place, tout l'alcool qui circulait encore dans mes veines disparut comme par magie. Je me dirigeai droit vers elle. Sans détours, elle posa sur moi un regard d'une intensité insoutenable. Elle paraissait soudain très sérieuse. J'osai me plonger sans retenu dans ce regard. Là où j'y voyais avant une intimidante assurance, je lisais maintenant beaucoup de questions qui paraissait m'être destinées. Elle semblait troublée. J'en eus pour preuve la main tremblante qu'elle posa sur ma cuisse comme une nécessité de contacte supplémentaire pour me transmettre ce qu'elle vivait intérieurement. Pour seule réponse, à cette soudaine émotion, je lui pris cette main entre les miennes. Cela eu l'effet que j'escomptais. Elle me sourit avec une telle douceur qui me désarma. Et alors que je pensais que ce délicat moment allait prendre fin, elle ne bougea pas. Cela allait être à moi de mettre un terme à notre échange en descendant du bus. Ce fut avec une sensation de déchirure au fond de ma poitrine que je dus me séparer d'elle, comme un abandon... Avant de descendre, je lui souris à mon tour, feignant une assurance que je n'avais pas.
Elle ne quitta pas mes pensées de toute la journée. Dès que mon cerveau se mettait en veille, il était envahi par son image et l'écho des sensations vécues le matin même faisait friser le moindre de mes neurones. J'en pleurais et riais à la fois. Je n'étais que frisson. En rentrant le soir, je n'avais qu'une hâte: m'épuiser dans un sensualité sans limite. Mais l'explosion tant attendue n'arriva pas. Comme à chaque fois qu'il avait une réunion avec les grands pontes de sa boîte, Lucas rentrait contrarié. Je le savais et, égoïstement je n'y prêtais même pas attention tant j'étais dans un autre monde. Il ne me restait plus que la douche froide qui n'eut, malheureusement qu'une action très limité Ce fut encore moite de désir que, le soir venu, je me glissai sous les draps.
Vendredi
Je n'attendais qu'une seule chose de cette journée: être encore une fois surprise par ce que provoquait, chez moi, ma délicieuse inconnue et je priais juste que ce ne serait pas une mauvaise surprise que provoquerait son absence. Je crois que je ne le supporterais pas.
Au fait,! Ça y est, c'était décidé, j'allais lui parler! Je voulais savoir ce qu'elle avait en tête, ce qu'elle ressentait, et où tout cela allait « nous » mener.
Assises l'une à côté de l'autre, comme à notre habitude maintenant, je n'osai soudain plus prononcer une seule parole, prise de panique. Et si, finalement, ce n'était qu'un jeu de séduction pour elle? Si elle me plantait là, comme ça?
Tout cela tourna dans ma tête jusqu'à ce qu'elle soit sur le point de partir. J'étais rouge écarlate, je le savais. Je me tournai vers elle. Et, alors que plantant le regard dans le sien, j'allais émettre un son, elle me posa un doigt sur la bouche. Elle se leva. Tout se passa ensuite très vite: sans me laisser le temps de réfléchir, elle pris ma main et m'entraina à sa suite hors du bus.
Ça y est! Nous y étions. Sûre d'elle, elle prit tout juste le temps de savoir si j'étais consentante. Mais là je n'avais plus peur; plus peur de la suivre dans les ruelles qui menaient à son appartement. Je ne me faisais pas d'illusions sur ce qui allait se passer par la suite: nous allions nous laisser aller à l'expression instinctive de notre attirance réciproque. A peine nous avions franchi la porte qu'elle se tourna vers moi. Elle exhalait douceur et délicatesse. Ses yeux parlaient pour elle. J'y percevais un désir implacable et contenu qui ne demandait qu'à s'exprimer. La lenteur qu'elle mettait dans le moindre de ses gestes n'avait pour but que de faire durer le plaisir. J'allais devoir réfréner mes ardeurs et me laisser guider.
Elle s'avança doucement vers moi. Nos corps étaient sur le point de se frôler quand elle planta devant moi. Avec la minutie d'un artiste pour son modèle, elle entrepris de scruter les plus petits détails de mon visage, ses lèvres s'approchant dangereusement des miennes. Je pouvais sentir son souffle tiède dans mon cou. Mon Dieu! Elle allait me faire languir de plaisir!
N'y tenant plus, je tentai de lui voler ce baiser tant espéré. Elle esquiva comme pour mieux garder le contrôle de ce qui se passait. Et enfin, après un temps qui me parut interminable, nos lèvres se touchèrent. Ce fut comme une explosion, mon corps n'étant que frisson. Une douleur me comprimait le bas ventre. Mon sexe était comme sous tension. Tout ce que j'avais vécu de semblable auparavant me paraissait ridicule à côté de cet instant magique. Nos langues s'entremêlant, sa main se mit à caresser mon cou, tandis que l'autre se posait fermement dans le bas de mes reins. Je n'osai bouger, fascinée par ce que le moindre de ses gestes, de ses caresses pouvaient provoquer chez moi. Aussi curieux que cela puisse paraître, je conservai un certain aplomb et osai, à mon tour certaines caresses auxquelles elle ne semblait pas insensible. Je prenais enfin conscience du pouvoir qu'un frôlement, même du bout des doigts pouvait provoquer chez quelqu'un que l'on désirait. C'était d'une sensualité inimaginable. J'étais capable de cela? Moi?
Je me laissai enfin aller à mes instincts. Et la réponse ne se fit pas attendre: un soupir de plaisir. Oh mon Dieu! Mon cœur bondit et je me liquéfiais de plaisir! Tout en m'embrassant, ses mains s'aventurèrent sous ma jupe. Cela devenait frénétiquement torride.
En moins de temps qu'il ne fallut pour le dire nous nous retrouvâmes allongées, nues sur le sol. Sa main caressa tout d'abord mes seins, puis descendit vers mon ventre puis mes cuisses pour remonter vers mon entre-jambe. La moindre parcelle de ma peau était devenue sensible. Mais ce fut le simple contact de son doigt sur mon sexe qui paracheva l'extase: je ne pouvais retenir plus longtemps un explosif orgasme, comme jamais je n'avais ressenti auparavant. Me laissant à peine le temps de me remettre de mes émotions, j'entrepris, à mon tour, de partir à la découverte de ce corps inconnu, me fiant à mon instinct de femme, avec tout de même quelques maladresses. Je la dévorai littéralement de baiser, m'attardant plus particulièrement sur les endroits que je supposai sensibles. A chaque baisers, elle répondait par un soupir qui faisait redoubler ma passion. Mais ce fut lorsque j'embrassai cette petite zone du cou qui se situe juste sous l'oreille, que je la sentis le plus réagir. Son corps ondulait sous le mien. Le simple frottement de nos sexes l'un contre l'autre suffit à lui faire atteindre l'orgasme. La découverte de ma vie: il était tout aussi jouissif de recevoir que de donner du plaisir!
Nous fîmes l'amour dans tout les endroits possibles et imaginables de son appartement, pour finir par nous endormir, épuisées mais heureuses, sur son lit sans prendre la peine de nous glisser sous les draps.
A mon réveil, elle était là, assise à mes côtés, me caressant doucement la joue. Elle était d'une beauté sans pareil, dans toute sa nudité.
C'est alors que j'entendis pour la première fois le son de sa voix légèrement grave, tellement sensuelle: « Je me présente: je m'appelle Julia! Et toi? ». Sans attendre ma réponse, elle enchaina, comme si elle se parlait à elle-même: « Tu sais pour moi il ne s'agit pas d'une simple aventure sans lendemain. Est-ce le cas aussi pour toi? ». Il n'y eu plus un bruit. Le temps s'arrêta. J'attrapai sa main qui c'était alors figée sur ma joue. Mon regard se planta dans le sien. A sa question, je ne pouvais répondre que par un "..."