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 Galway - Retour à la case départ - Mack

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Mack
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MessageSujet: Galway - Retour à la case départ - Mack   Galway - Retour à la case départ - Mack Icon_minitimeLun 9 Mai 2016 - 23:34

Pseudo de l'auteur : Mack

Nombre de chapitres : 8 sur (on verra l'inspiration)


Rating de l'histoire : NC18
Genre de l'histoire : Romance touristique

Résumé de l'histoire : Petit texte sur un retour à la maison.

Remarques diverses : Texte retrouvé dans mes archives


Dernière édition par Mack le Mar 6 Déc 2016 - 10:25, édité 3 fois
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MessageSujet: Re: Galway - Retour à la case départ - Mack   Galway - Retour à la case départ - Mack Icon_minitimeLun 9 Mai 2016 - 23:35

Retour à la case départ

Je referme la porte du taxi et inspire à plein poumon l'air de mon pays : l'Irlande. Je reviens enfin chez moi à Galway. Je ramasse mon sac que le chauffeur a posé sur le trottoir. La bride sur l'épaule, je regarde la voiture disparaître au coin de la rue. Et je souris à l'ironie de la vie. Il y a de cela trois ans maintenant, j'ai quitté Galway en bus, direction Dublin puis là bas le ferry pour l'Angleterre. Aujourd'hui c'est en avion que je suis revenue, l'aéroport de Galway, le taxi pour le centre ville et me voilà de nouveau devant la maison de mes parents. Certaines choses changent mais pas toutes. Je fouille dans mes poches et en extrait mon trousseau de clés, les seules que je n'ai jamais rendues. Je pousse la porte et trouve l’intérieur comme si j'étais partie la veille. La fenêtre du salon est ouverte et toute la pièce sent le produit au pin que ma mère pour nettoyer. Sur la table basse, un petit mot rédigé de son écriture fait de pleins et de déliés : "Deá cas ag baile !"("Bon retour chez toi"). Je m'assois dans le vieux fauteuil, pose la tête sur le dossier et ferme les yeux. J'entends les sons de cette fin d'après-midi bien avancé qui montent de la rue. Je reste un moment à les écouter. Et c'est comme un appel. Je récupère mon blouson, mes clés et je dévale les escaliers. Je suis dans la rue et tout me revient en mémoire, toutes ces choses qui font que j'aime cette ville.
Je remonte Shop Street avec ses maisons de pierres et ses boutiques multicolores. Je retrouve l'enseigne du Kenny's Shop Book. Je me souviens des étagères qui montaient jusqu'au plafond, des livres de toutes les époques et moi assise dans un coin. Quand il pleuvait comme ça arrive souvent ici, je passais mes journées là. J'ai tenu tellement de livres entre mes mains que je ne suis pas sûre de me rappeler tout ceux que j'ai lus ou fait semblant de lire. Sir O'Connely tenait-il encore la boutique ? Il était peut-être un peu trop vieux maintenant pour grimper aux échelles. C'est lui qui m'a donné l'amour de la lecture. C'est lui aussi qui m'a emmené à mon premier Poetry & Literature Festival qui se déroule tous les ans au mois d'avril dans toute la ville. Il m'a appris à aimer la poésie romantique.
Je regarde encore une fois l'enseigne et me promet de repasser demain pour le revoir. Avant de partir je lui ai promis de lui raconter mes aventures dès mon retour.
Je continue de déambuler dans les rues et je croise en route Lynch's Castel au croisement de Abbeygate Street et William Street. C'est un imposant manoir du quinzième siècle qui bâti par la famille Lynch fut confisqué par Cromwell au dix-septième siècle. Aujourd'hui, il abrite l'Allied Irish Bank. Je ne peux m'empêcher de répondre aux grimaces des gargouilles qui protègent les lieux du mauvais esprit. Reste de jeux d'enfants. Une légende raconte que si vous faites le pitre devant le bâtiment au moment où les cloches de l'église sonnent vous devenez une des leurs et prenez votre place sur la façade. Personne ne se risque donc à le faire à heure pile. Je prends la direction du quartier de Eyre Square.
La place principale du quartier de Eyre est dédiée au président J. F. Kennedy, d'origine irlandaise qui fut accueilli triomphalement en 1963. Je remonte William Street pour arriver au Kennedy's Park. Je passe la grille d'entrée et me balade dans les travées. Je m'assois sur un banc face à la statue de l'écrivain gaélique Patrick O'Connor et je prends la même pose que lui. Un peu plus loin c'est celle de William Mellow qui surveille les flâneurs. Rebelle irlandais né ici, il a été lui et ses compagnons de lutte au centre de mes lectures à partir de mes quinze ans. Je me remets debout et en passant devant lui je lui fais un clin d'œil. J'aurais peut-être été comme lui si j'avais vécu à cette époque trouble ou l'Angleterre voulait prendre le contrôle de toute l'Irlande. Je passe sur les remparts, sous la porte Brown, vestige d'une maison médiéval, contourne une des tours et prend Eyre Street.
Quay Street et Eyre Street sont connues pour ses pubs mais ils sont plutôt fréquentés par des touristes. Donc je ne m'attarde pas vraiment, il y a beaucoup de monde et ça ne parle pas Gaélique, ni même anglais. Les magasins de souvenirs sont encore ouverts et je souris devant les symboles de notre culture. Je laisse courir mes doigts sur le lacet qui, noué autour de mon cou retient mon triskel. Celui qu'une personne importante m'a offert en me disant qu'il représentait mes croyances et mes sentiments : la Terre, l'Eau, le Feu, l'Air… la Vie, le Désir, la Passion, l'Amour. L'amour… Son amour… Non ne pas y penser maintenant. Je quitte le quartier par le nord.
Je suis Saint Francis Street et je débouche sur la place face au Court House. Le tribunal du comté est très impressionnant de part son design et son architecture. Si j'ai bien écouté pendant la sortie scolaire de primaire, il date de 1818. Il a subi plusieurs restaurations qui ne l'ont pas dénaturé. A la même époque que les sorties scolaires dans la ville, le défi était à celui qui sauterait de la plus haute marche qui menait à la grande porte. Je revois la tête de ma mère quand je suis rentrée, mon pantalon déchiré au genou, le bras plié collé contre mon ventre. Ça m'a valu un tour à l'hôpital et une fracture du poignet mais j'étais fière d'avoir relevé le défi.
Tout à côté, se trouve Town Hall : l'Hôtel de ville. Auparavant, ce bâtiment faisait office de tribunal du tribunal, l'équivalent de la cour d'appel en fait. Ce n'est que depuis 1901 qu'il remplit ses nouvelles fonctions. C'est ici que j'ai obtenu mon passeport et que je suis venue chercher mon permis de conduire
Un peu plus loin sur la rive de la rivière Corrib, je passe sur le Salmon Weir Bridge. Construit au début du dix-neuvième siècle pour relier Court House à la cathédrale. Aujourd'hui, il est surtout emprunté pour rejoindre la route principale qui mène au Connemara. Au mois de juin et de juillet, les habitants se retrouvent ici pour voir de nombreux saumons remonter de la mer vers les lacs. Je m'accoude au parapet et regarde l'eau en dessous. Je me souviens de la première fois que j'ai vu ce spectacle magnifique. Les lois magiques de la nature qui ont failli me valoir un petit plongeon non désiré dans la rivière où les courants sont assez forts ici. Mon père m'avait retenue par la ceinture de mon pantalon comme si il avait prévu que je serais trop curieuse.
De l'autre rive se dresse la Roman Catholic Cathedral que l'on appelle aussi Notre Dame de l'Assomption construite en 1965 dans un style très prétentieux comme le disent les habitants de cette île. Mélange de différents styles très divers, elle suscite critique ou admiration mais quelque soit l'avis des gens à l'heure de la messe tout le monde se presse pour prendre sa place dans ses travées. Je pousse la porte toujours ouverte comme le veut la tradition ici. Je suis seule et je marche jusque sous la voûte centrale. Je repense aux nombreux concerts que j'ai pu écouter en ces lieux au cours du Early Music Festival au mois de mai. De la musique partout dans les pubs, les rues, les églises, sur des bateaux... De la bière, de la danse, de l'amitié, recette de la fête à l'Irlandaise.
Je ressors de la Cathédrale, un peu plus loin j'aperçois les lumières du Campus. J’aurai du y faire mes études mais j’ai décidé de la suivre ailleurs. Je refais le chemin dans l'autre sens, je reprends "le pont aux saumons" et prends la direction du sud.
Je croise Bowling Green où se trouve Nora Barnacle's House, maison de la femme du célèbre écrivain James Joyce. Deux pâtés de maison plus loin, Saint Nicolas Church, plus vieille église de Galway dont les fondations de base datent de 1320. Pour gagner de l'argent pendant mes études, j'ai travaillé comme guide touristique. Pour cette église deux histoires doivent être absolument racontées : la prière de Christophe Colomb en ces lieux en 1477 et la pendaison d'un des fils de la famille Lynch par son propre père Juge de la ville car il avait tué son ami par jalousie.
J'enjambe la Corrib par O'Brien Bridge et je traverse l'île. La Dominick Street et ses pubs peuplés d'irlandais. Ici Guinness et Gaélique sont de rigueur. La musique celte venant des fenêtres ouvertes se déverse dans la rue. Il n'est pas rare de voir des gens danser à même le pavé. C'est bien plus spectaculaire pendant le Arts Festival à la fin juillet quand le théâtre et le folklore descendent dans la rue. J'ai vite arrêté de compter le nombre de pintes que j'ai bu dans ce quartier, ni le nombre de fois où l'on s'est retrouvé face à face à une même table. Je ne m'attarde pas trop, je n'ai pas très envie de croiser quelqu'un que je connais pour le moment.
De l'autre coté d'Eglinton Canal, se trouve le quartier de Claddagh, autrefois c'était le lieu d'habitation des pauvres touchés par la grande famine de 1846 à 1848. Dans les années 30, tous les petits cottages de pêcheurs ont été rasés pour faire place à une zone résidentielle. Ici est née au dix-septième siècle la bague la plus célèbre de l'Irlande, qui porte le nom de son village d'origine : la Claddagh. Représentant deux mains qui tiennent un cœur coiffé d'une couronne, elle symbolise : la loyauté, l'amitié, l'amour. Je regarde ma main gauche, elle est toujours là à mon annulaire. J'ai voulu l'enlever à plusieurs reprises. J'ai même failli la jeter dans la Volga mais l'histoire dit qu'une fois qu'on l'a porté, on ne peut plus la quitter. C'est peut-être elle qui m'a fait revenir ici, auprès de la personne qui me l'a offerte. Je tourne le dos à cet ancien village plein de valeur.
Je marche dans Father Griffin Road et emprunte presque s'en m'en rendre compte Wolfe Tone Bridge. Je tourne à droite en direction du Galway City Museum lieu de mémoire de la ville où tous les enfants de la cité sont au moins venus une fois. Juste à côté se trouve The Spanish Arch, vestige de l'ancienne porte de la ville. Ancien port de débarquement des marchandises venues d'Espagne la majeure partie du temps, à la fin du mois de septembre elle devient le théâtre d'une manifestation très spéciale : le Oyster Festival. On célèbre l'huître spécialité de la ville. Chaque année mon Grand-Père participait au concours d'ouvreur d'huîtres. Je le regardais fascinée par son habileté. Je passais toute la durée du festival à ses côtés à manger les crustacés et à boire de la limonade, trop jeune encore pour boire de la bière comme la tradition le voudrait. Bien que je me souvienne parfaitement de ma première cuite à dix ans pour avoir bu cul sec la pinte de mon Grand-Père pendant qu'il ne regardait pas. Je me souviens surtout d'avoir vomi dans l'estuaire.
Je vais m'asseoir un peu plus loin et regarde les lumières du quai se refléter dans l'eau. Je suis venue bien souvent ici avec une autre personne. C'était son endroit préféré. Souvent ont venait ici juste pour être ensemble au calme tout relatif de la ville. Une voix raisonne dans ma tête : "Je suis bien avec toi ici je ne veux pas être ailleurs pour tout l'or du monde." Alors que je laisse mon esprit dériver une autre voix se fait entendre : "La porte d'un autre monde." C'était la définition que mon Grand-Père avait pour cette ville et il n'avait pas tort. A la sortie ouest de la capitale du comté les choses changent. Le Connemara terre hors du temps et de l'espace des hommes. Une fois "la frontière" passée, vous êtes transportés. Dans ce paysage tout de gris habillé, du ciel aux lacs, en passant par les montagnes, deux couleurs se détachent : le vert des étendues herbeuses et le blanc des moutons symboles de l'esprit de liberté qui caractérise ce territoire sans barrière. Mon Grand Père m'avait maintes fois raconté les légendes du peuple d'ici, mêlant des fées, des lutins, surtout des leprechauns, des sorcières, des chevaliers… sans oublier les éléments : la terre, l'air, le feu, l'eau. Je l'avais écouté attentivement captivée par sa voix. J'avais fouillé des hectares de tourbe pour rencontrer un de ces "habitants" mais je n'avais trouvé que ce que mon Grand-Père appelait des traces.
Une autre phrase me revient : "Arrête de chercher, laisse les te trouver". Il est parti rejoindre son monde féerique il y a dix ans déjà. Je n'ai plus revu le Connemara comme je le voyais étant petite. Je me souviens de toutes les histoires qu'il m'avait contées. J'en ai écrit certaines sur les pages d'un cahier, qui ne me quitte pas, pour être sûre qu'elles ne m'échappent pas et disparaissent de ma mémoire.
Peut-être qu'un jour je retournerais dans cet autre monde accompagnée à mon tour d'une enfant qui voudra croire. Je lui raconterai, assise sur un rocher, les légendes du peuple du Connemara.
Inconsciemment mes pas m'ont mené à mon point d'arrivée qui quelques années plus tôt avait été mon point de départ. J'étais partie pour me découvrir. J'ai beaucoup voyagé, rencontré bon nombre de personnes, admiré tellement de lieux magnifiques que je me croyais chez moi partout. Mais ce n'était que mon corps et mon esprit qui bougeaient et appréciaient car mon âme et surtout mon cœur n'ont jamais quitté Galway et l'Irlande. Ils appartiennent tous les deux à cette terre et à celle que je suis venue retrouver.


Dernière édition par Mack le Mar 6 Déc 2016 - 10:19, édité 2 fois
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MessageSujet: Re: Galway - Retour à la case départ - Mack   Galway - Retour à la case départ - Mack Icon_minitimeLun 13 Juin 2016 - 1:33

Retour à mon cœur
 

Je suis devant sa porte. Je sais qu’elle habite toujours ici. Elle n’aime pas le changement. Dès la fin de ses études, elle est revenue à Galway pour enseigner. Elle aime sa routine et ses habitudes. Mais ne vous y trompez pas, elle a en elle une part de folie. Une fois je l’ai vu sauter toute habillée dans un lac du Connemara pour faire comme dans un film qu’elle seule avait vu. Il en est ressorti qu’elle a dû passer une semaine au lit avec de la fièvre. Chaque acte a ses conséquences.
 
            Je la connais depuis la première année de notre cycle junior (12 ans), elle venait d’arriver de Belfast. Il a fallu du temps pour que les autres élèves l’acceptent. Elle portait l’étiquette d’irlandaise du nord et elle a dû  exploser les scores des tests en classe de gaélique pour prouver qu’elle était bien irlandaise. Comme si ses longs cheveux roux et ses yeux verts ne parlaient pas pour elle. Je ne me souviens plus combien de fois j’ai laissé courir mes doigts dans ses mèches de feu.
Pour en revenir à notre scolarité, j’ai passé un an à l’observer de loin.  Nous n’étions pas dans la même classe et ce n’était pas plus mal. A cette époque, mes yeux commençaient à plus s’intéresser à la gente féminine qu’aux mecs avec qui je jouais au hurling. Et elle avait déjà tout pour user ma rétine.
            L’année suivante a été plus compliquée. Elle s’est retrouvée assise à côté de moi suite à nos choix d’options sensiblement identiques. J’ai fait la connaissance de son parfum. Son shampoing sentait la mandarine. Et de sa jolie écriture, pleine de ronds et de déliés aux antipodes de la mienne plus proche de la rune viking. J’ai dû sursauter à chaque fois que nos coudes se sont touchés et j’ai souffert d’arythmie cardiaque lorsqu’elle me demandait de lui prêter ma gomme ou mon stylo vert. C’est aussi cette année-là, que j’ai commencé à courir. Mon grand-père me demandait après qui je courais comme ça. Je n’avais pas osé lui avoué que ce n’était pas vers mais loin de.
            La dernière année junior a été une lente torture qui a pris fin avec nos examens. Elle n’était plus ma voisine de bureau. Elle était même à l’opposé. J’avais été « rangée » au fond de la classe vers la fenêtre et elle était proche de la porte au premier rang. La course ne suffisant plus, je me suis plongée dans mes études. Si bien que malgré la place du cancre qui m’avait été attribuée, j’ai fini deuxième.  Je vous laisse deviner derrière qui.
            Notre année de transition m’a laissée souffler. Elle a choisi des disciplines artistiques, je me suis précipitée dans le sport et le journalisme. Nous ne nous sommes croisées qu’à l’épicerie, la boucherie, le buraliste, la poste, la bibliothèque et à la piscine. Pour cette dernière, j’ai oublié de respirer, j’ai bien failli me noyer et perdre la vue. Mais à part ça, tout s’est bien passé les autres jours car j’ai entre autre embrassé plusieurs filles. C’est bien l’année de mes seize ans que j’ai définitivement compris que j’étais lesbienne.
            Si les années précédentes avaient été compliquées, la première année de notre cycle sénior a été un calvaire. J’avais secrètement espéré que nous ne soyons pas dans la même classe car je pensais que nos options étaient bien différentes. Grosse erreur de jugement. Elle avait choisi littérature anglaise et gaélique et moi avec mon histoire et mon journalisme je me retrouvais à nouveau dans la même salle qu’elle. Cette fois j’avais vue sur sa nuque car assise juste derrière elle. J’ai passé plus de six mois à regarder les mèches rousses qui s’échappaient de ses chignons caresser la ligne de son cou. Il faut dire que pendant l’été son corps avait continué de lui sculpter des courbes magnifiques, alors que la pratique du Camogie (hurling féminin) avait contribué à dessiner un peu plus mes  muscles. C’est à la fin de l’hiver qu’elle m’a fait découvrir de nouveau sentiments : la douleur du cœur et ce qui se rapproche de plus de la jalousie. Je venais de passer une heure à la bibliothèque pour finir un devoir, quand au détour d’un couloir, je l’ai vu embrasser le capitaine de notre équipe de rugby. J’ai eu une forte envie de les séparer et de lui coller mon poing dans la figure ou mon genou plus bas. Mais je n’ai rien fait… J’ai remonté le couloir, les ai dépassé, je suis rentrée chez moi, j’ai enfilé une paire de basket et je suis allée courir. Longtemps. Pendant un mois, il lui a tenue la main et a gouté à ses lèvres et pendant  trente jours j’ai cavalé dans les rue de Galway. Par dépit ou provocation, j’ai commencé à sortir avec une fille rencontrée dans un pub gay friendly. La nouvelle de mon homosexualité est devenue, jusqu’à la fin de l’année scolaire, le sujet de discussion principal de notre classe et plus. Ma relation s’est bien entendu arrêtée bien avant.
            Cet été là, je travaillais dans un hôtel du centre de Galway. J’avais été embauchée pour faire tout et n’importe quoi. Les deux mois suivant attesteront que c’était plus n’importe quoi. Tout était prévu pour m’occuper la tête. Plein de touristes, avec plein de demandes. Tout ce dont j’avais besoin. Ce que je n’avais pas prévu c’est qu’elle serait à la réception. Je l’ai donc vu tous les jours et même plusieurs fois par jour. Elle portait la tenue réglementaire, jupe noire, chemisier blanc et gilet vert. Par sécurité, j’ai fait en sorte de ne pas arriver et partir en même temps qu’elle. Je ne voulais pas voir si quelqu’un l’attendait. La deuxième chose que je n’avais pas prévu c’est que c’est elle qui m’a attendue à la sortie du travail. Elle m’a proposée d’aller boire un verre avec nos collègues.  Je me souviens avoir juste pu hocher la tête pour lui dire oui. Nous étions huit, la fois suivante six, puis quatre et pour finir juste nous deux. Si je me suis sentie à l’aise en groupe, le fond de mon verre est devenu très intéressant lors de nos tête à tête.  Nous avons parlé des anecdotes des clients et des cours. Je n’ai jamais compris pourquoi j’étais aussi timide face à elle. Pourquoi j’avais aussi peur de dire une bêtise. Ce n’est pas comme si dès que j’ouvrais la bouche il allait en sortir : « tu me plais, j’ai envie de t’embrasser et bien plus encore. »
 
            Tout a basculé au Oyster Festival. Les cours reprenaient la semaine suivante et en attendant, cette année, j’avais décidé de reprendre le flambeau de mon Grand-Père. J’ai donc participé au concours d’ouverture d’huîtres. Je savais que j’allais prendre une raclée par les anciens et les spécialistes mais j’avais simplement envie de faire partie à nouveau de cette effervescence. J’étais concentrée. Dans ma tête, je répétais les étapes : prendre, planter, soulever, couper, poser, prendre, planter, soulever, couper, poser… Jusqu’à mi-parcours tout allait bien. Jusqu’à ce que j’entende sa voix dans la foule. Elle m’encourageait. Je devais à présent me concentrer pour rester concentrée. Ne pas me focaliser sur elle. J’ai tenu jusqu’à trente secondes de la fin, jusqu’à la dernière huître, jusqu’à ce que je croise son regard. Et autant que son sourire s’élargissait, autant je m’entaillais la chair tendre à la base du pouce. Le chronomètre s’est arrêté et plutôt que de lever les bras j’ai mis les mains dans la poche de mon tablier. Je sentais le sang couler mais je devais faire bonne figure encore quelques minutes. Dès les félicitations et les accolades terminées, j’ai pris la direction de la sortie de l’espace alloué au concours. Bien que j’ai essayé de cacher rapidement ma main ensanglantée, elle s’était rendu compte de mon accident. Je comptais rentrer chez moi pour me soigner et revenir après mais elle m’attendait pour me traîner au premier poste de secours. J’entendais déjà les moqueries qui allaient suivre. Cela n’a pas manqué, les railleries ont fusé alors que le médecin me posait six points de suture. J’ai joué les fières à bras et ai souri alors que mon secouriste tortionnaire serrait le pansement autour de la plaie. Deux antidouleurs plus tard et l’interdiction de boire de l’alcool, je me suis retrouvée à la suivre à travers les échoppes et les stands de nourriture. Elle me surveillait comme le lait sur le feu. Me demandant si ça allait toutes les cinq minutes. Je lui répondais par l’affirmatif à chaque fois. Pas par fanfaronnade mais tout simplement parce que j’étais bien avec elle, à sentir sa main frôler mon bras pour m’éviter une bousculade, ses doigts caressant ma main en marchant, son souffle proche de mon oreille alors que nous nous penchions pour observer la même chose. Les médicaments y étaient peut-être pour quelque chose mais peu m’importait. La nuit était complétement tombée quand nous nous sommes installées à l’écart pour déguster notre plateau repas. Nous étions près de la Spanish Arch, la musique nous parvenait, elle avec sa bière et moi ma limonade, clin d’œil non voulu à un retour en arrière. La personne avait changé mais le sentiment de bonheur était le même. Alors que je me tournais pour lui demander si elle voulait que j’aille nous chercher un dessert, je découvris que son regard était fixé sur moi. Enfin plus précisément sur mes lèvres. Si vous l’écoutez, elle vous dira qu’à ce moment-là, j’ai fait exprès de passer ma langue sur les dites lèvres. Ce qui sera complètement faux, c’était purement un réflexe… nerveux. J’ai bégayé ma question et je suis partie en courant sans avoir sa réponse. Je suis revenue avec du brownie, de la tarte aux pommes, du gâteau aux noix et un truc dont j’ai jamais su le nom. Mon arythmie est revenue lorsqu’elle a touché ma main pour prendre l’assiette que je lui tendais. J’ai failli tout lâcher. J’hésitais  entre me mettre des claques ou plonger dans le Corrib. Qu’est ce qui n’allait pas avec moi quand il s’agissait d’elle. Je n'avais pas peur d'un trois contre un pendant un match de Camogie et je devenais un pauvre agneau tremblotant à son contact. Le feu d’artifice d’ouverture du festival m’a sauvé la mise. Nos regards tournés vers le ciel, mon cœur s’est calmé. Le temps qu’elle se glisse à mes côtés et qu’elle pose sa tête sur mon épaule. Mon pauvre muscle a fait un remake du loup de tex avery. Elle devait l’entendre, il raisonnait dans ma poitrine. Dans les grondements du ciel coloré, elle m’a dit un truc du genre : « calme-toi, je ne vais pas te manger ».  Elle me draguait ou quoi ? Sa main est venue se poser sur mon ventre et à travers mon t-shirt j’ai senti la chaleur de sa paume. J’ai inspiré un grand coup. Et alors que le bouquet final crépitait, je me suis à nouveau tournée et sans me laisser le temps de réfléchir j’ai posé mes lèvres sur les siennes et tant pis pour la baffe qui risquait d’arriver. Elle n’est pas arrivée. Bien au contraire. Elle a répondu à mon baiser et a même fait plus. Le silence nous a trouvé, elle assise sur moi nos langues faisant connaissance.
 
Cette nuit-là, je venais d’embrasser Colleen et il était temps aujourd’hui de frapper à sa porte.


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MessageSujet: Re: Galway - Retour à la case départ - Mack   Galway - Retour à la case départ - Mack Icon_minitimeDim 19 Juin 2016 - 21:11

Retour de mon cœur

Je savais qui venait de frapper à la porte avant d’ouvrir. Comment ? Car celle qui s’y tenait avait toujours la même manière de le faire : trois coups rapides, une pause, puis deux lents. Et aussi car le vendeur de journaux au coin de la rue, ainsi que le boucher et la fille de Mr O'Connely du Kenny's Shop Book me l’ont dit. Ils l’ont tous vu passer plus tôt dans la journée. L’enfant prodigue est de retour au pays !

L’enfant prodigue… Celle qui détient toujours le record du nombre de marches sautées au Court House. Celle qui doit aussi détenir le record de points de suture, entorses et fractures. La star de l’équipe de hurling aussi bien avec les garçons qu’avec les filles. Le major de promo en histoire à la fac. La première femme que j’ai embrassée…

Dès mon premier jour du cycle junior, je l’ai remarquée. Il aurait été difficile de ne pas voir cette brune aux cheveux mi-longs retenus en queue de cheval en train de jouer à la balle au milieu des garçons. Plus tard, j’ai découvert ses yeux bleus en la croisant à la cantine. Ce fut fugitif car elle a très vite détourné le regard. Au début, je croyais qu’elle m’évitait comme tous les autres car je venais d’Irlande du Nord et puis je me suis dit ensuite qu’elle n’aimait pas traîner avec les filles. Elle était toujours avec les membres de son équipe de hurling.
L’année suivante, elle était ma voisine de classe. A l’époque, je n’arrivais pas à mettre une explication sur le fait que je faisais exprès que nos coudes se touchent et que j’aimais lui emprunter son matériel alors que tout était dans ma trousse. Juste pour le plaisir de frôler sa main. Même si elle gardait toujours cette distance entre nous ce fut une bonne année.
Pour notre dernière année junior, plus de frôlement, la classe nous séparait. Mais une compétition entre elle et moi pour savoir qui occuperait la première place du classement. Elle était meilleure en histoire, en géographie et en gaélique. Je la battais en anglais, littérature et art plastique. Les mathématiques étaient le juge de paix. Suivant si c’était de la géométrie ou de l’algèbre. Sinon j’ai collectionné les torticolis à me retourner discrètement pour l’observer. Je rêvais secrètement d’être cette mèche rebelle qui glissait toujours le long de sa joue. Je ne cherchais pas à mettre des mots sur ce que je ressentais. Je savais qu’une femme pouvait en aimer une autre mais de mon côté, je ne voulais pas en regarder une autre.
Durant notre année de transition, j’ai choisi de m’initier à l’art. Le hasard a voulu que l’expo au musée de la ville fût sur les femmes et la peinture. Surtout les femmes peintes nues. J’ai pu découvrir Degas, Renoir, Morisot, Velasquez. Les courbes féminines partout sur les murs. Celles de Picasso faisaient moins rêver mais que dire du Sommeil de Courbet ? Que je me suis imaginée, allongée de la sorte avec elle. J’ai rougi version tomate au milieu de la grande salle. Pour rester dans les corps de femmes et pour parfaire mon œil critique, j’avais découvert qu’elle allait à la piscine trois fois par semaine, c’était l’occasion de la voir en maillot de bain. J’aimais les formes que le sport donnait à son corps. Mon regard sur les femmes changeait mais elle restait l’œuvre que je préférais.
Le premier semestre de notre première année sénior venait de se finir. Je venais de passer six mois à sentir son souffle sur ma nuque. Enfin surtout mon imagination et mon envie avaient catalysé cette sensation. Mes sentiments pour elle s’étaient affirmés en même temps que mes formes. Alors que pendant de longues heures où je sentais sa présence dans mon dos, je cherchais une solution pour savoir ce qu’elle pouvait éprouver pour moi. La solution m’est venue du capitaine de l’équipe de rugby de notre section. Il voulait faire semblant de sortir avec moi pour rendre jalouse une fille de sa classe. J’ai sauté sur l’occasion. N’avais-je pas les mêmes desseins que lui ? Sauf que la conclusion n’a pas été la même. Il a eu la fille en question et moi un peu plus d’ignorance. Elle a même poussé le vice jusqu’à s’outter en sortant avec une fille bien plus vieille qu’elle. J’avais ma réponse : elle aimait les femmes mais pas moi.
Le hasard, et là c’était bien le hasard, nous a réuni au travail. Je m’attendais à un été difficile, surtout si sa copine du moment venait la chercher. Il n’y avait pas de fille qui traînait devant l’hôtel, juste elle qui s’asseyait aux pieds des escaliers de service. Elle pensait être invisible mais je la voyais grâce au miroir posé dans l’entrée. C’est assise derrière le comptoir de la réception que j’ai découvert qu’elle m’observait. Presque chaque jour, dès qu’elle avait un moment de libre, elle prenait sa place. J’ai utilisé l’excuse de nos collègues pour l’inviter à boire un coup. Jusqu’à ce que nous ne soyons que toutes les deux. Elle ne me regardait jamais dans les yeux. Trouvant une passion au décor, à la table, à son verre, à ses mains et parfois à mon décolleté. Comment une fille si sûre d’elle au demeurant pouvait devenir si timide ? La réponse à cette question devait peut-être expliquer la distance qu’elle avait mise entre nous dès le début.
L’été finit, le Oyster Festival s’est annoncé. Elle participait au concours d’ouvreur d’huîtres en mémoire de son Grand-Père. Je m’étais jointe à la foule pour encourager les participants. Elle ne battrait pas les meilleurs mais elle avait un bon rythme. J’aimais son air concentré et ses lèvres qui bougeaient come si elle récitait une litanie. Tout se passait bien jusqu’à la dernière. J’ai bien vu le couteau riper et la base de son pouce croiser le chemin de la lame. J’ai aussi bien vu sa tentative de dissimulation. Têtue jusqu’au bout. J’ai traversé la foule pour la rejoindre et l’accompagner se faire soigner. Elle serrait les dents pour rester fière alors que le secouriste lui posait les six points de sutures qui venaient compléter sa collection. Elle était mignonne avec son pansement. Elle n’a pas cherché d’excuse pour me fausser compagnie et c’est naturellement que nous sommes restées ensemble jusqu’au feu d’artifice. A défaut de pouvoir assouvir mes envies, j’ai profité de sa position semi allongée pour venir poser ma tête sur son épaule. Le feu d’artifice allait crescendo et quand tout le ciel s’est illuminé, elle a posé ses lèvres sur les miennes. Sans lui laisser le temps de reculer, j’ai enjambé son corps et me suis assise sur son bassin, ma langue goûtant la sienne.

Notre histoire venait de commencer. Nous sommes restées discrètes en cours à ma demande. Pour tout le monde, j’étais toujours la première de la classe et elle toujours la lesbienne de la classe. Comme si elle avait de l’entraînement, elle arrivait parfaitement à m’ignorer la journée mais dès que nous étions sorties, elle m’entraînait à l’abri des regards pour m’embrasser. J’ai passé de nombreuses heures, allongée sur son lit à étudier. Ses parents, déjà au courant de son orientation, étaient cool. Pour les miens cela s’annonçait plus compliqué. Sans être pratiquants, ils restaient très attachés aux valeurs de l’Irlande profonde. Et que leur fille unique préfère les femmes ne les avaient pas effleuré. Voilà pourquoi nous étions le plus souvent chez elle. Nos notes ne souffrant pas de cette nouvelle organisation et même les améliorant un peu, l’une aidant l’autre dans ses faiblesses, nos parents respectifs n’y voyaient rien à redire.

Notre première fois est arrivée en même temps que le choix de notre université. Pour la première, elle avait de l’expérience et moi aucune. Pour la deuxième, j’avais choisi l’université de Dublin plus réputée pour le cursus que je voulais suivre. Notre compétition en cours, nous avait offert assez de points pour choisir notre destination et je craignais qu’elle veuille rester ici.
Pour en revenir à la première, cela s’est fait dans le cadre rassurant de sa chambre. Nous avions traîné dans un des pubs de Dominick Street. J’aimais l’entendre parler gaélique. Sa voix était plus grave. Plus… sexy ? En tous les cas ses intonations me faisaient de l’effet. La nuit était tombée depuis longtemps quand nous avons décidé de rentrer mais les rues étaient loin d’être vides. Je voulais prendre sa main et marcher à ses côtés mais je n’arrivais pas à franchir cette étape. Pour Galway, nous n’étions qu’amies. Les gens au courant se comptaient sur les doigts d’une main justement. A un pâté de maison de chez elle, ne tenant plus, je l’ai poussée dans l’angle sombre d’une porte cochère. Je l’ai embrassée avec urgence. Mes mains (encore) cherchaient le contact de sa peau sous sa chemise. Elle m’a arrêtée dans mon élan tout en reprenant sa respiration. Sans rien dire mais avec un petit sourire en coin, elle m’a entraînée en courant jusqu’à son perron. La porte à peine fermée, je me suis retrouvée plaquée contre celle-ci. Alors que je me préparais à l’assaut de sa bouche, c’est avec douceur qu’elle est venue m’embrasser. J’ai compris à cet instant que cette nuit, elle prendrait le temps de me montrer, de me faire ressentir, de me faire éprouver, de m’apprendre. Heureusement que ses parents étaient partis dans le comté de Mayo car je ne crois pas avoir été très discrète alors que sa langue découvrait mon corps. Je n’ai pas eu le temps de me souvenir que j’appréhendais ce moment. Que j’avais peur d’être maladroite. Qu’elle avait connu d’autres filles avant moi. Et que je ne tiendrais pas la comparaison. La catastrophe que je craignais n’est pas arrivée bien au contraire. Cette nuit-là, je me suis sentie parfaitement bien. Blottie dans ses bras, nos corps nus collés l’un à l’autre, j’étais à ma place. Au matin, mon appréhension est revenue. J’ai rêvé que je la trouvais habillée, un sourire satisfait sur les lèvres me demandant de bien vouloir me rhabiller et de partir. Elle avait eu ce qu’elle voulait et c’était fini. Mais ce cauchemar n’était que ce qu’il était car si à mon réveil elle était bien debout et habillée, elle ne portait qu’un short et sa chemise de la veille. Elle avait aussi dans les mains un plateau avec le petit déjeuner.
Pour l’université, elle a gardé sa décision secrète jusqu’au dernier moment. Je ne sais pas si elle a hésité jusqu’à la date butoir de réponse ou si elle a fait ça pour d’autres raisons. Mais le soir des dépôts, elle m’a rejoint chez moi, elle portait un nouveau pull à capuche gris. Il y avait écrit dessus en lettres bleues : Trinity College. Elle avait choisi de me suivre à Dublin. Elle ne savait pas quelle orientation choisir et l’université de la capitale, lui offrait plus d’options.

Il était donc prévu que je passe les trois voir les quatre prochaines années à l’université avec Eibhlin.


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MessageSujet: Re: Galway - Retour à la case départ - Mack   Galway - Retour à la case départ - Mack Icon_minitimeDim 10 Juil 2016 - 16:25

Retour à la fac


L’université m’a permis de m’outter à mon tour. Ne sentant plus le regard des habitants de Galway et de ce que pourrait penser mes parents, je n’avais plus aucune appréhension à lui tenir la main dans la rue et je n’avais plus besoin de porte cochère mal éclairée pour l’embrasser.
Pour Eibhlin, la fac avait été comme de passer de la pataugeoire au grand bain. Il y avait tellement de nouvelles choses à découvrir pour elle qu’elle devait prendre des notes dans un calepin pour ne rien oublier de faire. L’université l’avait aussi complètement affranchie de son côté réservé avec moi. Elle osait, me bousculait, m’entraînait dans ses aventures. Comme si le fait de ne plus avoir besoin d’être à l’abri pour être ensemble avait fait tomber ses propres murs.
Nous avions quelques cours en commun surtout dans le tronc commun, mais nos options étaient différentes. Ne sachant pas trop ce qu’elle voulait faire, elle avait choisi plusieurs modules d’initiations dans des domaines très variés.
Pour payer ses études, elle avait trouvé une place de barmaid dans un pub gayfriendly de Temple bar. J’avais pris l’habitude d’aller étudier là-bas les soirs où elle travaillait. En rigolant, elle m’avait dit que je venais surveiller mon bien. J’avais rigolé aussi mais après réflexion elle n’avait peut-être pas tort. Un sentiment de jalousie était latent depuis notre installation à Dublin. Rajoutez à cela qu’elle est vite devenue la star de l’équipe de hurling de l’université et que du coup, la moitié des lesbiennes de la fac ont commencé à lui tourner autour. C’est sans doute ce qui m’a poussée, un vendredi soir, alors que je venais de lui passer ma commande au bar, à l’attraper par le revers de sa chemise et à l’embrasser de manière très possessive. Je m’attendais à une réaction de colère de sa part, son avis sur la jalousie étant que c’était un sentiment pervers. Si il y a eu de l’étonnement dans son regard quand je l’ai relâchée, il y eu très vite cette flamme qui voulait dire tant de chose et ce demi sourire, le même que plusieurs mois plus tôt elle avait eu ?? devant une porte cochère à Galway.
Je suis aussi allée voir tous ses matches, prête à soigner toutes les blessures petites ou grandes. Il y a encore eu quelques points de sutures, une ou deux entorses, des bosses, des bleus mais surtout beaucoup de victoires et trois finales nationales couronnées de succès. Elle n’a jamais voulu être capitaine et encore aujourd’hui j’ignore pourquoi.

La première année, nous avons partagé une chambre dans un des dortoirs en brique orange sur le campus de Trinity. Il y avait deux lits simples, qu’il était interdit de déplacer. L’espace restreint du matelas m’a fait découvrir plein de nouvelles choses, dont ma préférée dormir en cuillère. J’aimais sentir le corps d’Eibhlin plaqué contre mon dos et ses bras m’entourant. Je ne me suis jamais sentie autant en sécurité que dans ces moments là.
Quand l’été est arrivé, nous sommes toutes les deux retournées à Galway. La frontière du Connemara passée, les miennes se sont remises en place. Je n’étais plus out ici. Mes peurs étaient revenues. Je m’attendais à ce qu’elle m’en veuille mais elle a compris. Pendant les quinze premiers jours, je ne l’ai pratiquement pas vue. Elle était accaparée par ses amis et moi par ma famille. Et puis en une fin d’après-midi, j’ai reçu un message me disant de me tenir prête dans une demi-heure pour une aventure. Trente minutes plus tard, elle était devant chez mes parents au volant de sa voiture. Nous avons roulé sur la N59 direction Clifden. La musique à fond, je retrouvais mon insouciance de Dublin. Ma main était posée sur sa cuisse et j’aimais sentir ses muscles bouger. En y repensant, j’ai dès le début aimé regarder le dessin qu’ils faisaient sous sa peau. Ses bras, ses cuisses, ses abdos, ses épaules… surtout ses épaules. Quand elle faisait ses footings, dans les rues de Galway, en-t-shirt dos nageur. Elle faisait toujours le même parcours et je me postais à ma fenêtre pour la regarder passer à l’aller et au retour. Il m’était même arrivé de la photographier parfois mais ça je ne lui ai jamais avoué. Je pensais qu’elle avait prévu une soirée pub à Clifden mais elle avait traversé la ville et avait continué sur la sky road. Elle savait que j’aimais cette route, pour les vagues sur l’océan atlantique, le vert des collines, le ciel changeant, la course des moutons dans le ciel. Elle s’est arrêtée dans la cour d’un B&B, juste à l’heure du repas. Une table nous attendait, une chambre douillette aussi. J’étais assise entre ses jambes le dos contre sa poitrine. Le lit était en face de la fenêtre donnant sur l’océan. Et dans le ciel, les nuages faisait la course. Eibhlin commentait ça comme une course de chevaux ou de lévrier. Les moutons du ciel avaient à présent des dossards de couleur et des noms improbables. Même le dernier qui traînait était encouragé par la voix de ma speakers. A partir de ce jour, je n’ai plus regardé les nuages, ni abordé les courses de la même manière. Elle changeait mon monde par couche.

De retour à Dublin pour notre deuxième année, nous avions décidé de louer un appartement dans les vieilles usines réhabilitées le long de la liffey. Toujours un bâtiment en brique orange mais cette fois une chambre avec un lit double, un salon avec cuisine ouverte. Une salle de bain qu’il ne fallait pas partager avec huit autres personnes. Le rêve. Nos études suivaient leur cours. Je suivais un cursus pour être enseignante et elle affinait ses envies. Ses options se réduisaient et certaines se renforçaient même. Je travaillais à présent avec elle au pub. Elle au bar moi au service. Un soir, un mec un peu trop saoule et collant, ne voulait pas comprendre le mot non. J’ai eu beau lui dire que j’étais lesbienne et que ma copine était là. Il m’a répondu qu’il voulait bien s’occuper de nous deux. Au moment où il a passé ses bras autour de ma taille pour m’attirer sur ses genoux, j’ai vu Eibhlin sauter par-dessus le comptoir et l’attraper par le col de son t-shirt. Elle l’a levé de son siège et avant qu’il n’ait pu saisir ce qui lui arrivait, il était sur les pavés de Temple Bar. Elle, elle avait les sourcils froncés et les mâchoires serrées. Elle m’a demandée si ça allait et sans prendre le temps de lui répondre, je l’ai embrassée. Quand plus tard je lui ai demandé si elle n’avait pas été un peu jalouse, elle a réfuté en disant que c’était de la protection. Que ce soit l’un ou l’autre je m’en moquais car elle était là pour moi. Une semaine après ce soir-là, je faisais mon coming out auprès de mes parents. Elle m’avait donné le courage de me lancer. Ils n’ont pas été surpris. Ils attendaient juste que je leur dise. Ils m’avaient vu l’embrasser alors qu’elle me raccompagnait chez moi et que je pensais que la nuit nous protégeait. Ils trouvaient que Eibhlin était une fille bien malgré son côté casse-cou.

Pour notre deuxième été, elle avait accepté un travail dans le Connemara une histoire de recensement de mouton, mais pas dans le ciel cette fois. C’est comme ça qu’en allant la rejoindre, j’ai passé un de mes meilleurs week-ends. Un des plus atypiques aussi. Elle avait planté sa tente au bord d’un des lacs de la région. Il était aussi gris que le ciel. Elle avait aménagé un petit coin repas. Un rond de pierre accueillait un feu et une grille posée dessus attendait la viande. Deux fauteuils pliants permettaient de s’installer pour admirer le paysage. Nous sommes restées là jusqu’à une heure avancée de la nuit. Jusqu’au moment où la voute céleste a viré du gris au bleu marine constellé d’étoiles. Ma main dans la sienne, le nez au ciel, une légère brise qui amenait les senteurs de la terre, le feu qui éclairait d’orange nos visages, je ne voulais rien de plus. Ou peut-être la suite de cette nuit : me retrouver nue blottie contre elle, sous son duvet, sur son petit matelas, dans sa tente. J’ai fait le voyage tous les week-ends. Le temps n’a pas été aussi clément à chaque fois mais le temps irlandais a son charme aussi. Le bruit de la pluie sur la toile. Elle le présentait comme une musique. Elle en faisait ressortir un rythme. Elle arrivait même à chanter dessus. Parfois les refrains qu’elle avait inventés me reviennent en mémoire et je me surprends à fredonner.

Notre troisième année a vu la confirmation de certaines choses. Dans sa liste d’options Eibhlin a rencontré ce qui allait devenir sa passion et mon cauchemar : l’Histoire avec un grand H majuscule. Pendant notre première année, elle était allée participer à des fouilles sur le site de New Grange au nord-ouest de Dublin. Je ne me suis pas inquiétée de la savoir en train de creuser dans la tourbe irlandaise. J’aurais dû commencer à me méfier. Elle avait trouvé sa voie et avait orienté ses cours dans cette direction. Et comme pour le hurling, elle excellait dans sa discipline. Elle allait souvent sur le site les week-ends et pendant quelques semaines de stage pendant sa deuxième année. Et donc pendant notre troisième année elle est partie trois semaines en Angleterre à Stonehenge. Je suis devenue jalouse de vieilles pierres. Et je me détestais pour ça car elle ne me laissait pas de côté pour autant. La preuve, elle avait fait jouer les contacts qu’elle avait noués pour que nous soyons dans le tumulus le 21 décembre afin de voir la lumière du soleil levant éclairer le fond du couloir. Seul moment où cela se produit naturellement. Le reste de l’année, le phénomène est simulé au touriste par un projecteur. Nous étions arrivées très tôt sur le site. Le ciel était dégagé. Nous nous sommes enfoncées dans le couloir éclairées de nos lampes torches. Une fois installées dans un des renfoncements, nous avons éteint toute source de lumière. En ville il est difficile d’avoir un noir complet mais là, il m’était impossible de distinguer quelque chose. J’ai frissonné. Je ne sais pas si c’était de froid ou le fait d’être dans un espace confiné avec des tonnes de terre au-dessus de ma tête mais avant que je puisse trouver la réponse, j’ai senti ses bras m’entourer. Elle était dans mon dos, me plaquant contre elle et j’ai retrouvé cette sécurité. Le spectacle qui a suivi était magique, magnifique, envoutant. Et je crois qu’au fond de moi je comprenais que ce trait de lumière allait me l’enlever.

Notre troisième été, s’est déroulé en partie au Danemark. Eibhlin avait été choisie pour participer à des fouilles sur un site viking. Je pensais retourner à Galway sans elle mais elle avait d’autres projets pour moi. Elle avait économisé pour m’offrir le billet d’avion et une chambre d’hôtel proche du site. C’était différent du Connemara et de sa tente mais les vacances étaient agréables. Nous avons découvert Copenhague. J’ai bien cru qu’elle allait dormir dans le musée national tellement, il y avait de choses à voir. Elle m’a suivie dans toutes les attractions et tous les monuments que mon guide conseillait. Nous avons fait du drakkar aussi et j’ai eu droit à un massage de mes épaules et mes bras endoloris d’avoir dû ramer. Je l’ai regardée travailler aussi. J’ai pu voir la passion qui l’animait. Son air concentré quand elle grattait délicatement la terre. Et toujours le mouvement de ses muscles. Ses t-shirts dos nageur qui continuaient de dévoiler ses épaules. Sa peau qui à défaut de la mienne prenait une douce teinte caramel.

Ça a été nos dernières vacances d’été ensemble. Pendant notre quatrième année, j’ai dû quitter Dublin plusieurs fois pour des stages dans des écoles de Cork, de Kilkenny mais aussi de Galway. Eibhlin, elle suivait les traces des légendes liées aux sites à travers l’Europe. Elle était allée se promener en France à Carnac, en Norvège à Oslo pour étudier des documents, à nouveau au Danemark pour voir l’avancée des fouilles de l’été. Pour Noël, elle se trouvait à Stockholm et comme cadeau, elle m’avait offert de la rejoindre pour le nouvel an. Une parenthèse dans notre formation qui nous éloignait. Elle m’a fait découvrir la nuit qui tombe à 15 heures et les températures avoisinant les moins vingt degrés. J’ai cru mourir de froid en regardant les canards se promener sur l’eau gelée et avoir le corps en feu pendant nos étreintes dans le studio qu’elle occupait. Le retour à Dublin a été très difficile. Mi-juin, elle est partie avec un sac de sport pour seulement trois semaines mais n’est pas revenue.

La course était perdue. L’histoire avait gagné. Je l’ai attendue plusieurs mois mais les messages et les nouvelles se sont espacés puis se sont arrêtés. Il fallait que je me concentre à présent sur ma vie sans elle.


Dernière édition par Mack le Mar 6 Déc 2016 - 10:22, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: Galway - Retour à la case départ - Mack   Galway - Retour à la case départ - Mack Icon_minitimeDim 24 Juil 2016 - 21:29

Retour du passé


J’ai frappé et maintenant j’attends. J’ai entendu du bruit venant de l’intérieur et en arrivant j’ai vu de la lumière à ses fenêtres. Même si elle aimait m’embrasser dans les coins sombres Colleen n’a jamais aimé le noir. La première fois que nous avons fait l’amour, j’ai vu dans ses yeux qu’elle hésitait entre me demander d’éteindre la lumière pour cacher son corps ou ses émotions (je ne pouvais être sûre) et de la laisser allumée pour profiter de mon corps et de mes émotions (et là j’en étais sûre). Je lui ai offert le compromis du clair-obscur. Seule la lumière diffuse de ma lampe de chevet nous éclairait. Et elle n’en était pas moins belle et désirable. Les nuits sans lune lorsque que nous rentions par les rues mal éclairées du vieux Galway, je la sentais trembler à mes côtés. Je lui caressais juste la main furtivement pour la rassurer. Je voulais tellement faire plus. Quand nous étions seules, je pouvais la prendre dans mes bras et la rassurer. Parfois j’allumais mon téléphone portable pour lui donner une source de lumière.
Dans une envolée romantique, j’aurais aimé qu’elle soit ma première et ma dernière mais ma première fois avait été un coup d’un soir issu de mon envie de me prouver ce que je ressentais pour les femmes. Ma dernière… oui peut-être. Mon cœur l’espère mais ma tête essaye de le raisonner. Cela fait un peu moins de trois ans que je lui ai envoyé ce mail lui laissant le choix de me rejoindre ou de nous séparer.

Cela faisait maintenant un peu plus de six mois que j’étais retournée sur le site de fouille au Danemark. Ma passion de l’Histoire se heurtait tous les jours à mes sentiments pour elle. A chaque fois que je trouvais quelque chose, je voulais lui montrer, partager avec elle mais je me retrouvais toujours seule dans la chambre que j’occupais. Dans nos échanges, je sentais sa tristesse. Si au début, je l’appelais tous les deux jours, j’ai espacé nos conversations. Je ne sais pas si je l’ai fait pour qu’elle souffre moins ou parce que j’avais de plus en plus de mal à supporter le murmure triste de son au revoir. Je n’ai jamais reçu de réponse à mon message et j’en ai conclu qu’elle avait fait son choix. Jusqu’à il y a une semaine.
Je venais de finir des recherches compliquées où je m’étais heurtée à tous les services possibles de l’administration ainsi que quelques intimidations. Je ne sais pas pourquoi je me suis mise à relire nos mails mais alors que j’arrivais au dernier, celui qui avait scellé la fin de notre relation, je me suis rendue compte que l’adresse était erronée. Je ne saurais jamais comment mais une lettre avait disparu. Depuis deux ans et demi, je pensais qu’elle avait choisi de m’oublier alors qu’en fait, elle devait croire que je l’avais abandonnée. Ce constat fait, j’ai fait les dernières démarches qui me libéraient de mon travail actuel et j’ai mis toutes mes affaires dans mon sac de voyage avant de prendre la direction de l’aéroport. J’ai fait un détour par l’université de Berlin, puis celle de Cambridge, il fallait que je rencontre certaines personnes. Des choix devaient être faits.

Lorsque le moment de choisir notre université est arrivé, je voulais rester à Galway car il y avait mon équipe, ma famille, mes amis et que c’était plus simple. Mais alors qu’elle reposait nue entre mes bras, après notre première fois, j’ai compris que je devais la suivre, que mon aventure n’était pas dans le Connemara mais à Dublin avec elle. J’ai suivi Colleen sans aucune idée de ce que je voulais faire de ma vie. J’ai plongé dans l’effervescence de notre capitale comme on saute du grand plongeoir. Avec peur et adrénaline. J’ai essayé plein de choses, me suis perdue dans des cours de découvertes plus soporifiques les uns que les autres. Le hurling me permettait de me défouler, mon job au pub faisait rentrer de l’argent sur mon compte en banque et me permettait de rencontrer des gens. Mais ce que j’aimais le plus c’était quand, entre deux remplissages de pintes, je levais les yeux et je la voyais assise, studieuse ou rêveuse selon l’humeur. Ici nous étions libres d’être nous. Colleen ne sentait pas le poids des regards de Galway. Elle n’avait pas peur d’être surprise. Elle était spontanée et me surprenait très souvent. Lors de notre installation dans notre chambre universitaire, nous avons été sages la première nuit, chacune dans notre petit lit. Mais la deuxième, peu après minuit, je l’ai sentie se glisser sous ma couette. Elle avait perdu son pyjama en route. Et c’est son corps sous le mien que nous avons « baptisé » notre premier lieu de vie en couple. Je rougis encore quand je pense à notre emménagement dans notre appartement l’année suivante. Le matelas deux places, acheté la veille, était encore posé à la verticale contre le mur que nous étions déjà à l’horizontal sur le sol. Les deux années qui suivirent furent débridées. Colleen n’était plus la jeune femme timide du début. Elle était entreprenante et curieuse… Et possessive. Elle l’avait montrée à plusieurs reprises surtout au pub ou lors des matches de hurling. Je revois la fin d’un match contre le comté de Kerry. Alors que mon adversaire me proposait de boire un coup ensemble, sous-entendu sans le reste de nos équipes respectives, et qu’elle était sur le point de devenir tactile, Colleen est arrivée dans mon dos m’a fait faire un demi-tour et a pris possession de mes lèvres. Son excuse était qu’elle voulait me féliciter mais tard dans la nuit alors que sa tête était calée dans le creux de mon épaule, elle m’avait avoué qu’elle n’avait pas aimé que l’autre entre dans mon espace.

Au milieu de tous mes essais d’orientation, j’ai découvert l’Histoire et surtout la recherche historique. Une archéologue spécialiste des pays scandinaves était venue animer une conférence sur son travail et celui de ses confrères. Et le déclic tant attendu a eu lieu. J’ai orienté ma scolarité dans cette branche. L’avantage de ce choix c’est qu’il offrait de bouger, de sortir de la fac, de voir d’autres horizons. Colleen se moquait de moi quand je lui racontais toute excitée que j’avais trouvé un fragment de poterie ou un bout de bois sculpté. Elle me disait que le jour où j’allais trouver une pièce complète, j’allais courir dans les rues de Galway pour que tout le monde soit au courant. La première pièce complète que j’ai trouvée était un vase pendant les fouilles à New Grange. J’ai donné mon téléphone au responsable de l’intendance pour qu’il me filme en train de courir partout autour du tumulus. Dès mon retour, je lui ai montré les photos et la vidéo. Elle était contente pour moi que j’ai enfin trouvé un truc pas en miettes.
Pendant notre deuxième été universitaire, alors que je travaillais dans le Connemara, Colleen venait me rejoindre les week-ends. Installées autour d’un feu ou allongées sous ma tente, je lui racontais les grandes épopées des peuples du nord. Elle m’écoutait en souriant indulgente à mes envolées linguistiques sur la force et le courage. Pour une fête d’halloween, elle m’avait même trouvé un costume de viking et c’est affublée d’un casque un peu trop grand pour moi que j’avais déambulé dans les rues de Dublin. La hache était en plastique tout comme le bouclier mais plus tard quand j’ai découvert des umbo et des restes de hache et d’épée, je me suis rappelée de cette nuit où les vikings étaient revenus à Baile Átha Cliath. Notre dernière année à l’université, nous a éloigné géographiquement. Ses stages étaient dispersés dans toute l’Irlande et les sites de fouilles étaient de plus en plus loin pour moi. C’était un peu compliqué et frustrant mais heureusement nos plages de présence à l’université étaient les mêmes. Nos retrouvailles étaient toujours… renversantes. A Copenhague j’ai pu allier mes deux « amours ». Colleen m’avait rejoint pour l’été et nous partagions une petite chambre d’hôte pas loin du site de fouille. Je travaillais le matin et l’après-midi, les soirées et les week-ends je les passais avec elle à visiter la ville et les environs. Nos nuits n’étaient pas toujours calmes mais qui est calme à 21 ans ?

Calme je le suis devenue plus tard. Après la fin de notre histoire, je me suis plongée à fond dans les recherches. Il était hors de question que je l’ai perdue pour rien. Gratter la terre et analyser chaque ligne de vieux livres au fond de bibliothèques mal éclairées douze heures par jours a fini par porter ses fruits. Le 18 septembre 2014, je participais à des fouilles, encadrées par l’université d’Oxford, dans la Vallée de Tees à Sockburn (nord-est de l'Angleterre). Alors que j’analysais les pierres sur le terrain d'une église en ruines, je suis tombée sur un fragment de pierre portant une inscription en runique. Elle devait faire partie de la construction mais devait venir d’ailleurs car l’église qui se dressait autrefois ici était plus récente que cette écriture. Le langage celtique et les mots employés rappelaient l’époque où les scandinaves, les celtes et les anglais se sont croisés. Ce genre de pierres était plutôt retrouvé dans les cimetières. J’aurais bien aimé rester mais mon contrat était fini et j’étais attendue en Norvège. La chance était toujours avec moi car dès le 21 novembre 2014, nous découvrions la tombe d’un forgeron avec de magnifiques outils et quelques armes. Après l’université de Bergen, j’ai rejoint celle de Aarhus au Danemark. Une nouvelle forteresse viking avait été découverte et il y avait beaucoup à faire. En avril 2015, je suis allée traîner vers Troyes, en France, sur la tombe d’un prince celte. Je suis allée faire un tour en Pologne, en Roumanie, en Transylvanie pour être plus précise. Je suis allée en Russie à Saint Pétersburg, pour rencontrer la famille du tsar. Historiquement parlant, il va sans dire. A la question est-ce qu’Anastasia a survécu, je n’avancerai aucune conclusion.

A chaque expérience, à chaque découverte, à chaque échec, j’ai eu envie de l’appeler. Parfois, j’ai été toute proche de composer son numéro. Et à chaque fois que ça se produisait, je sortais dans une boite lesbienne quelconque et je lâchais prise. Est-ce que je la cherchais ? Je ne pense pas car pendant tout ce temps j’ai évité toutes les rousses que j’ai croisées. Au contraire mes rencontres d’un soir étaient tout son opposé.

Et je suis toujours devant sa porte. J’ai le sentiment qu’elle est juste derrière. Je crois qu’elle est célibataire, du moins c’est ce que dit son compte facebook. Pourquoi aucune de nous deux n’a supprimé l’autre ? J’espère que pour elle c’est la même raison que pour moi. Tout simplement car je n’ai jamais voulu qu’elle disparaisse de ma vie. Je ne vais pas refrapper car je lui laisse le temps de prendre sa décision d’ouvrir ou non. Je ne sais pas encore combien de temps je vais rester sur son paillasson mais cela fait déjà trois ans que j’attends que d’une manière ou d’une autre elle reprenne sa place dans ma vie. Alors un peu plus ou un peu moins, Colleen vaut bien le temps qui s’écoulera.


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MessageSujet: Re: Galway - Retour à la case départ - Mack   Galway - Retour à la case départ - Mack Icon_minitimeDim 24 Juil 2016 - 21:30

Retour à mon présent


Je ne sais pas depuis combien de temps j’ai la main sur la poignée. Eibhlin n’a pas refrappé mais je suis sûre qu’elle est encore de l’autre côté de la porte. Je le sens. Ce matin quand je me suis réveillée, j’avais cette sensation au fond de moi que quelque chose allait se passer. Je ne sais pas d’où elle revient mais elle devait sans doute être déjà dans l’avion. Je ne sais pas ce que je vais lui dire. Il y a un instant, je n’étais même pas sûre d’ouvrir la porte. Mais j’ai besoin de savoir. Savoir ce que j’éprouve pour elle. Si ce que je ressens est un souvenir ou pas.

J’ai ouvert la porte. Elle se tenait là, debout sur mon paillasson. Identique et différente. Elle avait ce même regard, ces mêmes lèvres que j’avais tant embrassées. Elle ne souriait pas mais je pouvais deviner ses fossettes qui creusaient ses joues. Elle avait une nouvelle cicatrice au-dessus de l’œil gauche. Elle devait être récente car elle était encore rose. Ses cheveux étaient légèrement plus longs. Elle dégageait toujours cette impression de confiance en soi. Et à cet instant, j’hésitais entre lui mettre une claque pour m’avoir abandonnée ou me blottir dans ses bras pour reprendre où nous en étions. Et comme si la décision était impossible, je me vois lui mettre une gifle et la seconde d’après, sous son regard étonné, l’attraper par sa chemise et la tirer à l’intérieur. Avant qu’elle ne prononce le moindre mot, je l’embrasse. La porte claque alors que je viens de la plaquer contre. Je sens l’impact dans son corps mais je n’ai pas l’intention de la laisser reprendre sa respiration. Trois ans qu’inconsciemment je cherche le goût de ses lèvres sur d’autres. Trois ans de relations qui ne vont nulle part car je l’ai toujours dans la peau. Même si il ne doit y avoir qu’une nuit, elle va être mémorable. Si ça doit être la nuit qui clôturera notre histoire, je veux qu’elle s’en souvienne. Que son corps, son cœur et sa tête s’en souviennent.
Je décolle légèrement mes lèvres des siennes pour inspirer. Sa respiration est saccadée mais son demi-sourire est là. Je croise son regard et il brille comme avant. Avant. Avant que faire parler la terre et les livres ne l’éloignent. Ses mains sont sur mes hanches et dans un mouvement du bassin, elle inverse nos positions. Je me prépare au rude contact du bois dans mon dos mais rien. Comme cette première fois, le touché est délicat. Mais je ne veux pas de délicatesse. Je veux l’embrasement des sens. Je pose mes mains sur sa nuque et attire sa bouche contre la mienne. Alors que ma langue force l’entrée de ses lèvres, je fais glisser mes mains sur sa chemise et commence à la déboutonner. Je retrouve rapidement le contact de sa peau. Comme avant elle est chaude. Sa peau est toujours chaude même sous un orage gelé venu du nord, sa peau est chaude. Particularité très agréable quand on vit en Irlande et qu’ici on parle de canicule quand il fait trente degrés pendant quatre heures. Ma bouche s’égare dans son cou, le long de sa clavicule. Elle porte toujours des soutiens gorges de sport noir qui je ne sais comment donnent à ses seins un galbe des plus attirant. Mes doigts rencontrent une autre cicatrice le long de ses côtes. Je veux l’interroger mais elle reprend le contrôle des choses. Mon pull vient de disparaître et sortant de la douche, je ne porte rien en dessous. Habitude que j’ai prise à l’université après qu’Eibhlin m’ait montrée les avantages d’une telle tenue. Je frissonne, pas de froid mais du contact de nos corps partiellement dénudés. Je sens son bassin pousser contre le mien. Malgré la présence de nos pantalons respectifs, je veux la sentir plus. La pression que j’exerce sur ses épaules avec mes avant-bras, lui fait comprendre ce que je veux. Ses mains glissent sous mes fesses et elle me soulève. J’enroule mes jambes autour d’elle et tout s’accélère. Je sens à nouveau mon dos contre la porte. Ses lèvres sont plus insistantes. Les boutons de son jean pressent l’actuel centre névralgique de mon corps. Un gémissement s’échappe de ma gorge alors qu’elle embrasse mon cou. Elle se tourne et entre plus en avant dans la pièce à vivre. Elle nous dépose sur le canapé. Elle se redresse et fait glisser mon pantalon et ma culotte le long de mes jambes. Je suis à présent à nouveau nue sous son regard. Sa main effleure mon corps et je ferme les yeux pour profiter. Je les rouvre rapidement ne sentant plus son contact. Elle est debout en train de se débarrasser de ses propres vêtements. Alors qu’elle s’agenouille entre mes cuisses et que ses mains viennent se poser de chaque côté de ma tête je peux admirer les muscles de ses bras, ses seins libres et ses abdominaux. Mes doigts glissent le long de son biceps droit. Mon autre main sur ses reins l’attire plus près. Elle s’allonge sur moi et c’est comme une oasis dans le désert, un feu de cheminée par un froid sibérien, une aspirine un lendemain de cuite. Mon corps s’embrase. Je la veux partout. Sa bouche, sa langue, ses mains, ses doigts, sa peau. Tout. Sa langue fouille ma bouche. Ses mains parcourent mes seins, ses doigts taquinent leurs pointes et je ne peux retenir un cri étouffé dans sa bouche. Son bassin ondule contre le mien. Les sensations qui se concentrent entre mes cuisses sont des plus agréables. J’appuie mes mains sur ses fesses pour qu’elle accentue le contact. Je plaque mes lèvres dans son cou. Ma respiration commence à s’accélérer. Trop focalisée sur le mouvement de ses reins, je suis surprise quand sa main et surtout ses doigts se mêlent à la danse. Dès la première nuit, elle a tout de suite su où caresser, où toucher, où appuyer. Par le passé, j’ai souvent essayé de lui résister, de lui prouver qu’elle n’avait pas autant de pouvoir sur mon corps qu’elle le pensait. Et alors que je pensais y être arrivée, elle se décalait d’un demi-millimètre et j’étais perdue. Ses caresses sont précises et mon corps s’accorde avec ses mouvements. J’essaie de retarder la fin inéluctable. Je suis sur le point de lui demander de me pénétrer quand elle devance mon envie. Les deux doigts, qu’elle insert en moi, sont le début de la délivrance. Je sais qu’elle ira jusqu’au bout, qu’elle ne jouera pas avec moi. Elle a toujours été très attentive à mon plaisir. Elle n’a pas oublié les mouvements et le rythme qui me faisait basculer. Je m’accroche à ses épaules. Mon corps se tord contre elle mais son bassin me maintient en place. Ma respiration est en vrac et je ne sais plus si je dois inspirer ou expirer. Tout se concentre et explose. Un cri m’échappe mais je ne suis pas sûre d’avoir eu envie de le retenir. Elle est encore en moi mais ne bouge plus. Elle me laisse revenir alors que je me sers contre elle. J’embrasse ses lèvres, sa mâchoire, son cou… Sa peau est un peu salée. Alors que je m’écarte légèrement pour trouver son regard, elle se retire de moi avec ce sourire que j’aime tant. Ma respiration se bloque un instant pour repartir dans une lente expiration. Je sais que nous devons parler mais pas pour l’instant. Pour l’instant, elle me serre dans ses bras et ma tête retrouve le creux de son épaule. D’une main, elle attrape la couette étendue sur le dossier du canapé et nous couvre. La chaleur de son corps, l’épaisseur du tissu et les sensations qu’elle vient de me faire éprouver me plonge dans une douce torpeur. Une part de moi a peur de se laisser aller à m’endormir et qu’à mon réveil, elle n’ait été qu’un rêve. Mais justement combien de fois j’ai rêvé de m’endormir à nouveau dans ses bras ? Trop de fois pour laisser passer cette occasion.


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MessageSujet: Re: Galway - Retour à la case départ - Mack   Galway - Retour à la case départ - Mack Icon_minitimeDim 21 Aoû 2016 - 19:30

Retour à mon corps
 
            Colleen est allongée dans mes bras. Elle s’est endormie. Et elle est toujours aussi belle ainsi abandonnée dans le sommeil. Dès la première fois où nous avons dormi ensemble, et je dis bien dormi, j’ai aimé la regarder ainsi. Elle était couchée sur le ventre, son visage tourné vers moi, bien calée de son côté du lit. Dans la nuit, l’ensemble de son corps avait migré contre le mien et sa tête avait trouvé sa place dans le creux de mon épaule. Son bras droit reposait en travers de mon ventre et elle avait glissé sa main sous mon t-shirt. Au réveil, elle ne savait pas comment se comporter. C’est elle qui avait demandé que dans cette partie de notre relation nous allions doucement et c’est elle qui se retrouvait entreprenante. Alors qu’elle voulait s’écarter et me rendre mon espace de sommeil, je l’avais attirée contre moi lui faisant comprendre qu’elle pouvait rester là autant qu’elle le souhaitait. A présent, il n’y a aucun vêtement entre nous. Je dois me retenir de faire courir mes doigts le long de son dos. Elle a toujours la peau aussi douce, j’ai pu m’en rendre compte depuis qu’elle m’a fait entrer. Je ne veux pas la réveiller car j’ai peur de sa réaction. Je m’attendais presque à la gifle mais pas du tout à la suite. Plus à une porte qui me claque au nez plutôt que mon dos plaqué contre elle. Encore moins de perdre ma chemise et le reste de mes vêtements. Et pas du tout qu’elle me laisse la toucher de la sorte. Retrouver son corps c’était comme une douce pluie d’été après une journée caniculaire, une limonade fraîche après une longue randonnée, un chocolat chaud après une journée dans la neige… Nous devons discuter, c’est une évidence. Le sexe, tout agréable qu’il est, n’est pas la solution et ce n’est pas ce que je veux avec elle. Enfin pas uniquement car l’alchimie entre nous a toujours été incroyable. Elle a été et est toujours la seule qui peut me faire perdre mes moyens d’un simple regard ou d’un sourire. Déjà au collège, quand elle me touchait, mes fonctions cognitives partaient à la dérive. Et à cet instant, je dois dire que mon cerveau fait plus de la brasse coulée qu’autre chose. Plein de questions tournent mais aucune réponse ne vient. La douce torpeur du moment et le voyage retour me font fermer les yeux. Juste un instant.
 
            Eibhlin dort. Je le sais car j’ai appris à reconnaître sa respiration. Quand elle dort, elle est tellement lente que parfois j’ai eu l’impression qu’elle ne respirait plus. Je veux la regarder dormir mais je n’ose pas ouvrir les yeux. Je ne veux pas que la réalité me rattrape. Une fois que nous serons toutes les deux réveillées, il faudra parler. Il faudra qu’elle m’explique pourquoi elle a disparu comme ça. Pourquoi, elle m’a laissé derrière elle sans aucune explication et pourquoi elle revient aujourd’hui. Même si la réalité me fait peur, la tentation est trop forte et j’ouvre les yeux. Le spectacle est toujours le même. La plupart des gens semblent vulnérables, fragiles ou calmes mais elle, elle me donne l’impression que même ainsi, il ne peut rien m’arriver. Qu’une part d’elle reste toujours en alerte pour me protéger. J’ai envie avec mon doigt de suivre la ligne de sa mâchoire, de son cou, de sa clavicule, de glisser entre ses seins, faire un rond autour de son nombril. C’est quand j’entends un soupir que je me rends compte que je l’ai fait.
 
            A quel moment les rêves peuvent devenir si proches de la réalité ? Je sens l’index de Colleen glisser sur mon corps comme elle aimait tant à le faire. J’ai souvent rêvé qu’elle me réveillait de cette manière mais à chaque fois, je me suis retrouvée toute seule sous une couette en désordre. Cette fois, une chose est différente. Son parfum est bien présent. Je le sens à chaque fois que j’inspire. Le gel douche qu’elle utilise était ou à la poire ou aux agrumes. Je crois que j’ai gémi de frustration. Marre de cette sensation. Mais alors que je veux me tourner, mon corps est arrêté par un autre. Et tout me revient. Je ne suis pas quelque part loin de l’Irlande. Je suis dans le canapé de Colleen, nue, nous avons fait l’amour… et il faut parler. J’inspire un grand coup et j’ouvre les yeux. Je suis sur le point d’ouvrir aussi la bouche mais elle pose ses doigts sur mes lèvres. Je la regarde étonnée. Son index refait le même chemin que plutôt alors que je me croyais en plein rêve. Je dois lutter pour garder mon regard dans le sien. Elle semble sérieuse. Elle semble chercher quelque chose. Si c’est savoir si cela me fait toujours de l’effet le frison qui vient de traverser mon corps doit lui donner sa réponse.
 
            Je ne peux retenir un sourire quand je sens son corps réagir. Il n’a pas oublié. Il ne m’a pas oublié. Eibhlin inspire par le nez preuve qu’elle cherche à garder le contrôle. Je sais qu’elle n’aime pas être vulnérable et qu’elle a accepté à l’époque de l’être dans mes bras dans ce genre de situation. A cet instant, je ne sais pas si je la veux vulnérable, forte ou tout simplement là. J’ai envie de lui dire que l’on oublie les trois dernières années et que l’on reprenne où nous en étions restées. Mais la cicatrice au-dessus de son œil et celle sur son flanc me rappelle que nous avons toutes les deux vécu des choses et que mon envie n’est pas possible. Je pose ma main à plat sur son ventre. Je ne sais pas quoi faire, je veux redécouvrir son corps mais sans l’urgence du moment où je l’ai trouvé sur mon paillasson je veux savoir.     
 
            Colleen semble hésiter à nouveau comme plus tôt entre la gifle et me déshabiller. Là je suis déjà nue et sa main sur mon ventre n’a aucune velléité violente. Elle semble se demander si elle me fait l’amour avant que nous parlions ou pas. Je tente à nouveau d’ouvrir la bouche mais elle m’arrête encore une fois. J’attends donc qu’elle prenne sa décision. J’ai eu du temps pour me préparer. Je n’ai pas le droit de la bousculer. Elle se lève et enfile sa culote et ma chemise. Si notre histoire ne va pas plus loin, je la brulerai car je ne pourrais pas la remettre sans penser à cette scène. Elle se dirige vers la fenêtre et regarde les gens qui passent dans la rue. De mon côté je renfile mes sous vêtements et mon pantalon. Faute de haut disponible, je reste en brassière. Sans se retourner, elle me demande pourquoi. Alors je sors de ma poche la copie du mail qui n’a jamais atteint sa destination et m’approche d’elle pour lui donner.
 
            Elle me tend une feuille de papier qui a été plusieurs fois pliée et dépliée. Elle reste derrière moi. Elle ne me touche pas mais c’est tout comme. C’est un email. Je découvre au fil des lignes que l’éloignement est aussi dur pour elle que pour moi. Qu’elle voudrait me faire partager ce qu’elle trouve, m’entendre rire quand elle rentrait avec des traces de terre sur la joue ou en travers du front et imaginer l’histoire des objets qu’elle sortait de la terre. Elle finissait par me demander si je voulais la rejoindre ou mettre fin à notre relation car vivre comme ça était trop destructeur. Et que si je ne répondais pas, elle comprendrait. Je me suis tournée mais avant que je puisse lui dire que je ne l’avais jamais reçu, elle a pointé du doigt mon adresse mail. Je n’ai pas vu tout de suite ce qu’elle cherchait à me montrer jusqu’à ce que je me rende compte que le m dans .com était manquant. Cela faisait deux ans et demi que je vivais avec le sentiment que l’Histoire m’avait évincée de sa vie alors qu’en fait les nouvelles technologies nous avaient trahies toutes les deux. Et maintenant… ?
 
            Et maintenant que Colleen sait que je n’ai pas cherché à l’abandonner que pense-t-elle de moi ? Que je me suis résignée trop vite ? Que j’aurais dû insister ? Que j’aurais dû tout simplement rentrer ? Elle ne me regarde pas. Elle semble se concentrer sur le bout de papier. J’ai envie de lui arracher des mains et de le balancer au travers de la pièce. Mais comme tout à l’heure, je dois lui laisser du temps. Mais qu’est-ce que j’ai envie de la prendre dans mes bras pour la rassurer. Je n’aime pas la sentir fragile. Les minutes s’écoulent et je n’arrive plus à garder mes distances. Je pose mes mains sur ses hanches. Elle relève la tête et pose la question à haute voix : et maintenant ?
 
            Les mots ont franchi mes lèvres. Elle inspire à nouveau par le nez. Ce qu’elle va dire va être important. « Je suis rentrée, à toi de me dire si tu veux de moi ». Dois-je lui dire que si j’avais reçu ce mail, j’aurai sauté dans le premier avion pour la rejoindre ? Que j’aurais donné des cours d’anglais ou de gaélique n’importe où ? Ou que tout simplement j’aurais creusé la terre pour simplement être à ses côtés ? Peut-être plus tard car maintenant, j’ai ma vie ici : ma classe, mes élèves, mes habitudes. J’ai trois ans de plus. Et surtout, elle, elle est là pour combien de temps ? Et comme avant, elle répond à mes questions intérieures. Eibhlin a accepté un poste à l’université de Galway. Elle mènera des recherches ici en partenariat avec les universités de Cambridge, Oslo et Berlin. Elle m’explique les divers sujets, me parle de poser son sac et de cadres aux murs. Elle est lancée. Elle plaide sa cause et son retour. Le résumé est qu’elle veut enfin un foyer. Elle semble s’être rendu compte qu’elle a trouvé beaucoup de choses mais pas ce qu’elle cherchait. Depuis l’instant où je l’ai vu dans cette salle de classe, j’ai souhaité être celle qu’elle cherchait. A présent, elle se tient debout devant moi, à moitié habillée, me demandant de l’aider à trouver.
 
            Je reprends mon souffle. Je viens de me jeter à l’eau et j’ai peur de la noyade. Colleen ne m’a pas encore repoussée. Est-ce bon signe ? Cherche-t-elle ses mots pour me mettre dehors ? J’ai toujours mes mains sur ses hanches. Sa peau est chaude à travers ma chemise. Elle n’a pas fermé les deux premiers boutons, ni le dernier. De ce fait sa peau est visible. Le tissu bleu nuit contraste avec sa peau blanche de rousse. De ce côté-là, nous sommes bien différentes. Elle, rousse aux yeux verts moi, brune aux yeux bleus, j’ai aussi la chance de bronzer et ma peau pain d’épice a très vite été un sujet de plaisanterie quand nos corps se mêlaient. Mais je m’égare et ne voit pas les mains de Colleen se poser sur mes épaules. Je ne sais pas si l’email a glissé de ses doigts ou si elle l’a jeté au sol mais son regard est plongé dans le mien. Et la sentence tombe…    
 
            « Je fais peut être une grosse bêtise. L’avenir me le dira mais j’ai envie que tu poses ton sac ici. » C’est dit. J’ai pris ma décision. Je ne sais plus qui a dit qu’il vaut mieux vivre avec des remords qu’avec des regrets. Des regrets j’en ai déjà assez avec elle. Je ne sais pas de quoi l’avenir sera fait mais en attendant, je veux prendre tout ce qu’elle peut me donner avec Eibhlin. La douce caresse de ses lèvres quand elle m’embrasse et la chaleur de son corps alors qu’elle m’attire contre elle est un bon début.


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MessageSujet: Re: Galway - Retour à la case départ - Mack   Galway - Retour à la case départ - Mack Icon_minitimeLun 5 Déc 2016 - 23:17

Retour à la vie
 
Quatre mois sont passés depuis le retour d’Eibhlin. Quatre mois pour réapprendre à se connaître. Découvrir que la cicatrice sur son arcade est due à l’arête d’une pierre qu’elle n’a pas vue dans le noir alors qu’elle explorait les sous-sols d’un château en Allemagne. Elle avait été recousue sur place car le propriétaire des lieux ne leur avait donné que soixante-douze heures pour compiler les informations dont ils avaient besoin. Ce jour-là, elle avait dû utiliser toutes les insultes qu’elle connaissait en gaélique. Celle sur ses côtes résultait de la rupture de plusieurs planches qui servaient à enjamber les fosses de fouilles. Dans sa chute, elle avait croisé un morceau de vase de l’an 300, qui lui avait ouvert la peau. Cette fois-ci, elle avait été conduite à l’hôpital car elle avait perdu connaissance arrivée au fond. Elle a pris le temps de me raconter ses découvertes. Il y avait une telle ferveur dans ses récits que je me suis demandée si un travail sédentaire à l’université était vraiment pour elle. Mais après les joies, Il y a eu ses peines, ses déceptions, ses bagarres avec les administrations. Et j’ai compris que le bien ne représentait qu’un quart de son travail et que le reste était devenu trop pesant. Elle voulait à présent suivre tout l’après fouille, la datation, trouver les vraies histoires des objets bien qu’elle ait reconnue que mes inventions lui avaient beaucoup manqué.
 
Quatre mois que Colleen m’a mis une gifle sur le palier de sa porte pour ensuite me déshabiller de l’autre côté de la dite porte. Quatre mois que je rattrape le temps avec elle. Elle m’a raconté ses débuts comme institutrice titulaire et plus précisément, le jour où au cours d’une sortie scolaire l’année dernière, elle avait rattrapé de justesse une de ses élèves qui s’élançait pour sauter de la plus haute marche du Courthouse. Frustrée, la gamine lui avait expliqué qu’il ne lui restait que deux jours pour être la plus jeune à l’avoir fait. Colleen avait trouvé bien de lui expliquer que la personne à battre s’était fracturée l’avant-bras à cette occasion. Malheur lui en avait pris car dès le lendemain la légende Eibhlin s’était enrichie d’une grave blessure que l’héroïne avait endurée sans broncher. Pendant tout son récit, elle m’avait caressé l’avant-bras. Celui-là même qui était à présent célèbre. J’aurais bien rigolé mais le mouvement de ses doigts sur mon épiderme m’avait renvoyé à d’autres images. Elle m’a aussi montrée la collection de dessins que les enfants lui ont faits. Elle les garde précieusement dans des pochettes. Elle a aussi un carnet dans lequel, elle note leurs phrases ingénues mais pleines de sens.
 
Il se dégage toujours du corps d’Eibhlin une forme de force. Son travail de fouille a continué à entretenir les muscles que la course et le hurling avaient développés. Le plus gros changement venait de son regard. Il était devenu calme. Il ne reflétait plus ce besoin de regarder toujours au-delà de ce qu’elle avait. Elle semblait aimer profiter du moment présent. Elle avait tout de même gardé cette part de spontanéité qui la caractérisait. Cette part qui la faisait m’attendre en cette fin d’après-midi devant l’école. Elle avait l’air d’une étudiante dans son jean et son pull à capuche avec son sac besace sur son épaule gauche. Elle était assise sur le muret, une jambe pliée sous elle.
 
Depuis que j’étais revenue c’était quelque chose que je voulais faire : l’attendre à la sortie de l’école. Loin de moi l’idée du fantasme de la prof mais je la trouvais très sexy dans son pantalon en lin avec une chemise blanche et une veste par-dessus. Elle avait à la main son cartable en cuir que ses parents lui avaient offert quand elle avait été diplômée. Ne sachant pas sa réaction à ma présence, je restais assise sur le muret en attendant qu’elle ait fini sa discussion avec les divers parents d’élèves. Nous étions vendredi et la soirée et le week-end étaient à nous. Je n’avais rien prévu de précis. Juste faire le voyage retour ensemble, à pied, dans les rues de Galway me semblait déjà être quelque chose de très agréable.
Elle m’a avouée qu’elle serait venue me rejoindre si elle avait su à l’époque. En la regardant aujourd’hui, je me dis que dans le fond ce n’était pas plus mal qu’elle n’ait jamais reçu ce mail. Sa place était et est toujours ici. Chez elle. Avec sa classe. Ses élèves. Elle est faite pour ça. Il y a trois semaines, nous étions chez elle et elle corrigeait des devoirs installée sur la table du salon. J’étais dans le fauteuil, près de la fenêtre, en train de lire une traduction d’un vieux texte daté autour de l’an mille et alors que je pensais que ce genre de scène m’ennuierait, je me suis sentie bien. Je ne pensais pas à être ailleurs.
 
            Eibhlin n’a pas bougé de son muret jusqu’à ce que tout le monde soit parti. Elle affichait ce petit sourire qu’elle a quand elle ne sait si elle a fait une bêtise ou non. Elle a son regard interrogateur, demandant ce qu’elle doit faire maintenant. Je me suis approchée d’elle et me suis penchée pour juste poser mes lèvres sur les siennes. Je pense que jusqu’à présent c’est ma meilleure sortie d’école. Tout Galway connait mon histoire ou plutôt notre histoire. Que je sois lesbienne n’est plus un secret pour personne et je n’ai aucun problème à l’embrasser ici, maintenant. A part peut-être l’envie de plus. L’envie de faire glisser mes mains sur sa nuque pour l’embrasser plus fort. Elle se lève et prend ma main. Nous marchons dans les rues de Galway, quand elle veut tourner à gauche pour prendre la direction de mon appartement, je l’entraîne à droite. Je ne veux pas rentrer.
 
            Colleen m’entraîne sur un autre chemin que celui de chez elle. Si c’est un soir d’aventure, je suis prête à la suivre les yeux fermés. Nos pas nous mènent dans un de nos pubs préférés. Les habitués du verre du vendredi après le travail sont là, fidèles au poste. Elle nous choisit une table à l’écart pendant que je vais chercher nos pintes au bar. Elle me dit qu’elle a aimé me voir tout à l’heure à l’attendre à la sortie de l’école. J’ose lui avouer que j’ai eu peur qu’elle soit en colère, qu’elle prenne cela comme une invasion de son espace personnel.
 
            Je demande à Eibhlin si moi aussi je peux venir à l’université. Elle me répond favorablement avec un grand sourire. Je l’imagine déjà dans son bureau, des livres partout. Elle assise sur sa chaise lisant un texte ancien. Ses cheveux retenus dans une queue de cheval, avec une mèche qui s’en échappe et qui vient frôler ses lunettes et caresser sa joue. Ah oui, elle porte des lunettes pour lire maintenant. Elles lui donnent un côté sérieuse et sexy. Quand je l’ai découvert, nous étions installées chez moi, je corrigeais les devoirs de mes élèves et elle lisait dans le fauteuil. Alors que j’en étais à la moitié de mon tas de copie, j’ai relevé les yeux et c’est là que j’ai découvert ses petites lunettes rondes à la monture gris bleu acier. Elle qui avait toujours été représentée comme la sportive, l’aventurière, était devenue l’image d’une intello dans un salon bourgeois. Je me suis levée, ai contourné son fauteuil et n’ai pas pu m’empêcher de l’embrasser. Elle a eu l’air surprise mais a vite posé son livre sur le sol pour m’attirer sur ses genoux. A sa question muette, je lui ai montré ses lunettes et elle m’a expliqué la fatigue de ses yeux à force de lire. Je lui ai fait comprendre à ma manière que j’aimais beaucoup ce nouvel attribut et mes copies restantes ont dû attendre  avant d’être corrigées.
 
            Je suis étonnée d’être impatiente qu’elle passe me voir à l’université. J’ai envie de lui montrer ce sur quoi je travaille. Lui parler plus en détail de mes projets à court et à long terme. De l’entendre à nouveau inventer de belles ou invraisemblables histoires pour expliquer les choses.
 
            Je profite de notre tête à tête pour demander à Eibhlin si elle voudrait bien faire une intervention dans ma classe pour expliquer son métier. Elle a toujours su captiver aussi bien les adultes que les enfants quand elle racontait ses fouilles. Certains de mes élèves sont passionnés par les chevaliers, les vikings et pleins d’autres choses de cette époque médiévale. Et qui mieux que la femme en face de moi pour les faire rêver ? Elle accepte avec le même sourire que tout à l’heure. J’ai envie de lui montrer mon travail, ma classe, mes élèves. J’ai aussi envie de lui demander autre chose mais pas tout de suite, pas ici.
 
            Colleen me défie aux fléchettes et comme d’habitude, elle triche. Mon score devient son score. Certaines fléchettes disparaissent du décompte et pour finir elle gagne. Comme d’habitude. Les seules fois où j’ai pu gagner avec elle, c’est quand nous faisions équipe. Je veux payer ma tournée de la défaite mais elle me dit qu’elle veut aller ailleurs. Nous récupérons nos affaires et elle m’entraîne à nouveau dans les rues de Galway. Nous nous arrêtons pour acheter des frites et des aiguillettes de poulet et je la laisse me guider. Elle nous amène à la Spanish Arch.
 
            Je la ramène là où nous nous sommes embrassées pour la première fois.  Je suis revenue ici souvent. A chaque fois que j’ai dû prendre une décision. A chaque fois que j’ai eu des doutes. A chaque fois que je me suis sentie seule. Parce qu’un soir ici, j’ai osé. Ici, je me suis sentie forte. Ici j’ai été heureuse. Ici j’ai découvert ce que ça faisait d’embrasser une fille. Et surtout parce qu’un soir, ici, je l’ai embrassée elle et ma vie a commencé.
 
            Nous nous sommes assises dans l’herbe. L’air est frais mais je crois qu’aucune de nous deux n’en a cure. Nous mangeons en silence. Est-ce que comme moi, elle revoit un feu d’artifice. J’ai grandi, j’ai mûri mais je pense que si elle m’embrassait à cet instant mon cœur se comporterait comme l’adolescente que j’étais. A défaut d’un baiser, elle me vole une frite parce que selon ses dires, elles sont meilleures dans ma barquette. Elle a volé mon cœur et mon âme, alors une frite, on est plus à ça prêt !                    
 
            Je veux lui dire mais je ne sais pas comment commencer. Cela fait quatre mois qu’elle est rentrée. Quatre mois qu’elle habite chez ses parents. Ça me fait presque bizarre quand elle me dit au revoir pour rentrer chez eux. Et surtout quand je vais sonner chez elle et que ça mère vient m’ouvrir. J’ai l’impression de redevenir l’adolescente qui venait faire ses devoirs et autres choses. Nous avons vécu quatre ans ensemble et être avec elle sans partager un appartement est étrange. Je connais déjà ses habitudes et elles n’ont pas beaucoup changé. Sauf qu’elle a appris de nouvelles recettes de cuisine. Je veux à nouveau ses vêtements à côté des miens pour pouvoir lui « emprunter » à loisir. Je veux son gel douche dans la salle de bains pour savoir qu’elle vient de partir au travail ou qu’elle est rentrée du sport. Je veux ses petits tas de livres éparpillés partout qui montrent que c’est son univers. Je veux ses demi-pintes de lait dans le frigo qu’elle boit directement au goulot. Je veux son nom sur ma boîte aux lettres. Je veux ma vie avec Eibhlin.
 
            Je sens que Colleen a quelque chose à me dire. J’entends presque les rouages de son cerveau tourner. Elle a pris à trois reprises une grande inspiration mais rien n’est venu. Je pose ma main sur la sienne pour l’encourager. Elle me regarde, inspire à nouveau et elle se lance. C’est un petit peu décousu. Il est question d’habitudes, de cuisine, de savon, de livres, de lait et de boîte aux lettres. Le résumé de tout ça c’est qu’elle me demande de venir habiter avec elle.
 
            Eibhlin n’a pas encore répondu. Elle me regarde sans rien dire. Je n’arrive à lire ni l’expression de son visage, ni son regard. Est-ce que je me suis trompée ?
 
            Habiter à nouveau avec elle. Je ne l’aurais pas espéré si tôt. Je pensais que je devrais avant faire mes preuves de rester au même endroit au moins un an voir deux.
 
            Est-ce que c’est trop tôt ? Pourtant le soir où elle est revenue, elle a dit qu’elle voulait quelque chose de sérieux avec moi.      
 
            La parenthèse de trois ans va prendre fin. Je vais redevenir complète. Je vais retrouver l’odeur de son thé le matin, que je croyais détester mais qui m’a manquée plus que de raison. Ses mains sur ma taille quand je cuisine. Nos parties d’échecs où ses pièces ont des problèmes d’identités. Le cavalier devenant un fou, le roi se prenant pour la reine et la tour pour tout le monde. Les soirées films où elle s’endort dans mes bras.
 
            Je vais lui dire que je m’excuse, que je me suis trompée, que c’est trop tôt. Que, que…
 
            Les mots restent coincés dans ma gorge sur ma langue. Alors à défaut de parler j’agis. De toute façon avec Colleen, j’ai toujours eu des problèmes avec les mots.
 
            Alors que j’allais parler, elle vient plaquer ses lèvres sur les miennes. Le baiser est doux avec une pointe d’urgence. J’espère que ça veut dire oui. Avec Eibhlin, il faut souvent interpréter ses gestes et actions. Elle enroule ses bras autour de ma taille, alors que mes mains sont sur sa nuque. Dans une rotation du bassin, elle m’allonge dans l’herbe et sa langue vient caresser mes lèvres. Je les entrouvre et je me retrouve des années en arrière. Je ne suis plus l’adolescente de cette époque mais le plaisir que j’éprouve est toujours aussi intense.
 
            Les lèvres de Colleen ont toujours le même pouvoir. La fille que j’étais ce soir de fête n’existe plus, enfin plus vraiment. Je sais qui je suis et ce que je veux. Et ce que je veux c’est une vie ici à Galway avec Colleen. Je veux revenir dans des années ici et avoir toujours sa main dans la mienne.
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