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 Elle était si jolie - Danao

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YulVolk
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YulVolk


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MessageSujet: Elle était si jolie - Danao   Elle était si jolie - Danao Icon_minitimeMar 23 Juin 2015 - 18:10

Pseudo de l'auteur : Danao

Nombre de chapitres : 6

Rating de l'histoire : NC13
Genre de l'histoire : Drame, Romance

Résumé de l'histoire :

Inspirée de fait réels, cette histoire raconte le combat pour la vie.



Terminée et Corrigée
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https://lesbiennes-stories.1fr1.net
YulVolk
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MessageSujet: Re: Elle était si jolie - Danao   Elle était si jolie - Danao Icon_minitimeMar 23 Juin 2015 - 18:12

Chapitre 1

La première fois que j'ai posé mes yeux sur elle, c’était une jeune femme pleine de vie et déterminée.
Je me souviens encore de notre première rencontre. C'était il y a dix ans, je commençais juste mon internat. J'écoutais les dernières recommandations de mon tuteur lorsqu'elle est entrée dans la pièce. Et quand j'ai croisé son regard bleu gris, j'ai eu la sensation que le temps s'arrêtait. La voix du professeur s'éloignait de plus en plus. Elle avait des cheveux châtains coupés court, elle portait un simple jean's et un t-shirt blanc. Elle m'a sourit, mes jambes devenaient du coton, elle a salué le professeur puis elle s'était simplement assise sur une chaise. Je n'arrivais pas à la quitter du regard. Elle semblait si forte et en même temps si fragile. La voix de mon tuteur se rapprochait… Non, je ne voulais pas sortir de mes pensées…

- Marie? Vous avez des questions?

Des questions? Par rapport à? Je suis où là? …. Hôpital, internat… Professeur… Oups !

- Je… non… Pas de questions.
- Bien. Je vous laisse avec votre première patiente. Son dossier est sur votre bureau.

Mon bureau? Je balayais la salle des yeux. Mauvaise idée… Instantanément, mon regard retrouva la jeune femme. Cette fois, je lui souriais lorsque nos regards se croisèrent… encore. Je sentis une main sur mon épaule. Le professeur me faisait un signe de la tête. Voilà mon lieu de travail pour les années à venir… Super… Je remerciais mon tuteur et prenais congés.
Une fois à ma place, j'ouvrais le dossier devant moi : Alix Lesage, née en août 1986. Il y a trois ans, elle fût traitée pour une leucémie. Depuis un peu plus d'un an, elle était en phase de rémission après avoir subit une chimiothérapie. Elle venait aujourd'hui pour une visite de contrôle.
J’allais chercher ma patiente. Pour ma plus grande joie, c'était ma mystérieuse inconnue. A peine plus petite que moi, menue, une coupe garçonne, elle me toisa des pieds à la tête. Son regard me déstabilisa. Je devais rester concentrée sur mon travail… Pfff, tu parles, c'est comme demander au soleil d'arrêter de briller ! Je ne savais pas comment l'aborder.
C'est elle qui rompit le silence. J'entendais sa voix pour la première fois. Une voix douce et mélodieuse.
- Le docteur Blankas ne travaille plus ici?
- Si, mais comme il me forme, il m'a confié la responsabilité de plusieurs de ses patients.
Elle me souriait. Un sourire parfait.
- Vous débutez alors…
- On peut dire ça, oui. Je suis le docteur Marie Varenne.
- On commence par quoi, Doc?
A cette seconde, je savais que j'adorais sa façon de m'appeler Doc.
- Et bien commencez par vous déshabiller et puis on ira sur le lit…
Son regard s'était mis à briller, un air malicieux au coin des lèvres. Je réfléchissais à ce que je venais de dire.
- Enfin, je voulais dire…. heu… La table, la table d'auscultation.
- J'avais compris Doc.
Elle commença à se dévêtir, plus par gêne que par respect, je me retournai. Je laissais mon imagination vagabonder, j'imaginais ses formes, la douceur de sa peau, la tendresse de ses…
- Au boulot, Doc !
A ma grande surprise, elle était déjà sur la table, juste en sous vêtements. Elle était si jolie. Lentement, je me dirigeais vers elle, le stéthoscope sur les épaules. Je ne pouvais détacher mon regard. Réflexion faite, elle n'était pas juste menue, elle était fine, voir même trop fine. Lorsque j'ai posé mes mains pour la premières fois sur elle, j'ai senti son corps frissonner. Je croisais son regard. Ses joues ont eu le temps de rosir. Elle était trop mignonne et touchante, comme un enfant pris sur le fait. Plusieurs hypothèses me venaient à l'esprit : soit c'était à cause de mains froides, soit ça la gênait ou alors ça la troublait… Non… Enfin… Peut-être… Je n'osais plus la toucher. Mes mains restèrent en l'air quelques secondes.
- Doc?
- Oui, je… Désolée.
Je frottais mes mains l'une contre l'autre pour les réchauffer. Pas de frisson. Je ne savais pas si cela devait me soulager ou pas. Une fois l'examen terminé, je m'apprêtai à lui faire une prise de sang.
- Et maintenant, la piqûre ! me dit-elle en souriant.
- Je vois que mademoiselle connaît la maison.
- Et oui. Depuis le temps… enfin ça fait partie de ma vie. Le seul cadeau que ma mère m'a légué.
Que voulait-elle dire par là? Bon, sa mère n'était probablement plus de ce monde, mais….
Le plus doucement possible, je plongeai l'aiguille dans son bras. Je prélevai la quantité de sang dont j'avais besoin puis je retirai la seringue avant de lui faire un pansement. Mes gestes étaient doux et tendres. Je ne voulais pas la brusquer.
- Déjà?
- Oui.
- j'ai rien senti, c'est cool !
Elle se rhabilla en vitesse, pendant ce temps, j'en profitais pour l'informer que ses résultats seraient disponibles d'ici trois, quatre jours. Je la raccompagnai jusqu'à la porte. Au moment où elle allait partir, elle se retourna vers moi.
- Au fait Doc, depuis quelques temps je suis de plus en plus fatiguée et je perds du poids sans faire de régime…
- Je le rajouterais à votre dossier. Merci et bonne fin de journée, Mademoiselle Lesage.
- A vous aussi Doc.
Elle me salua et s'en alla sans se retourner. Cette fille venait juste de chambouler ma vie à tout jamais.
Quand je suis retournée à mon bureau, j'étiquetais soigneusement les tubes, quand un petit malaise m'a envahi. Ses derniers mots résonnaient en moi. "Perte de poids involontaire et grosse fatigue". Je décidais de rajouter une analyse supplémentaire… juste pour me rassurer. Sur le sachet j'ai inscrit en rouge la mention "URGENT".

Pendant les trois jours qui ont suivit, j'ai eu du mal à trouver le sommeil. Mes rêves étaient hantés par ma belle inconnue. Au fond de moi je sentais que quelque chose n'allait pas. Et pourtant, depuis ma première rencontre, la moindre de mes pensées étaient tournée vers elle. Je rêvais de son sourire, de la douceur de sa peau…
Quatrième jour. Je savais que les résultats arriveraient aujourd'hui… Il ne me restait plus qu'à attendre. Ce matin là, je me suis dépêchée plus qu'à mon habitude. Je suis enfin arrivée à l'hôpital, non sans avoir échappé à la mort une quinzaine de fois sur le trajet… Bon d'accord, j'ai peut-être été un peu vite… Mais j'avais des circonstances atténuantes… Mouais, est-ce que tous les médecins risquent leur vie pour avoir les résultats d'une analyse d'un de leurs patients? Je n'en étais pas sûre… Certes, mais moi, je débutais dans le métier, je prenais ça plus à cœur… Arrête Marie, tu t'enfonçais encore plus! Bon d'accord, j'admis que c'était une patiente un peu particulière… Un peu? Reste crédible là! Est-ce que tu le ferais pour un autre patient? Oui… euh en fait je ne crois pas… Et pourquoi là tu le fais?… Je le fais pour Alix… Il est possible qu'Alix ne me laisse pas aussi indifférente que ça… Bref là n'était pas la question. Ses résultats étaient posés sur mon bureau. D'une main tremblante, je m'emparais du feuillet bleu. J'ai parcouru la première page en diagonale, rien à signaler. Les lymphocytes T4 étaient normaux, par de rechute. Mais cette crainte ne me quittait pas. Je lus le deuxième feuillet plus attentivement. Le dernier test que j'avais demandé était positif… Un nœud se forma dans mon estomac. Comment… Je continuai ma lecture. Il fallait que je lui parle, deux tests positifs. Comment une fille qui semblait avoir la tête sur les épaules, pouvait-elle succomber à ça? Comment lui annoncer ça après toutes ses victoires? Pourquoi n'ai je vu aucune trace sur ses bras? Je devais lui annoncer. Le rendez-vous était pris pour le soir.
Entre deux patients, je préparais mon entretien : comment lui annoncer? Comment savoir la vérité sans la braquer?
Ma journée passa lentement. Parfois même, j'avais la désagréable sensation que les minutes défilaient à l'envers. Le temps passait et chaque secondes qui s'écoulaient me faisaient me rapprocher de plus en plus d'Alix. Trente minutes avant son rendez-vous, j'ai jeté un œil dans la salle d'attente, histoire de voir si elle n'était pas déjà là. Malheureusement pour moi, elle n'arriva qu'à l'heure précise. Je la fis entrer. Comme la première fois, elle me souriait. Je me sentis défaillir, une boule se forma au creux de mon estomac. Je savais que ce sourire qui me plaisait tant allait disparaître. Elle était si jolie. Je sentais mes mains devenir moites. Alix s'installa en face de moi. Le sourire toujours accroché à ses lèvres.
- Quelque chose ne va pas, Doc?
- Alix, je….
- Vous avez eu mes analyses… Je sais que vous avez vu que je me droguais.
- Oui, mais je…
- Je sais que c'est pas bien mais, fût un temps où s'était mon seul moyen de m'échapper, et maintenant…
- Il n'y a pas que ça Alix….
- Le cancer est revenu, n'est-ce pas?
- Non, Alix, de ce côté là, c'est parfait. Par contre, suite aux symptômes que vous m'aviez donné en fin de rendez-vous, j'ai demandé un test supplémentaire.
Son sourire était toujours là, comme si rien ne pouvait l'atteindre.
- Dites le simplement, Doc. J'ai l'habitude des mauvaises nouvelles.
J'ai cherché mes mots, les bras croisés sur mon bureau. J'essayais d'être le plus calme possible, mais à l'intérieur c'était comme si la troisième guerre mondiale avait été déclarée ! Son sourire illuminait toujours son visage.
- Alix… Vous avez le SIDA…
Elle ne réagit pas, j'avais l'impression que cela ne lui faisait ni chaud ni froid. Comme si c'était bénin et que j'allais lui proposer un vaccin dans la seconde.
- Alix, je n'ai pas dit séropositive. Le virus du SIDA est déclaré…
Cette fois-ci, son sourire avait disparu. Une larme s’échappa et glissa sur sa joue.
Mon ton se voulait rassurant.
- On a de bons traitements aujourd'hui. On… Je vais vous soigner.
Elle plongea son regard dans le mien.
- Mais personne ne s'en sort.
J’étais incapable de lui répondre. Elle avait raison. Les traitements permettaient de gagner quelques années, mais aucun ne guéri. Elle n'avait pas encore 25 ans, et voilà que je lui annonçais sa mort prochaine. La vie était injuste.
- Combien de temps, Doc?
- Je ne sais pas mais avec les nouveaux traitements, je dirais entre un et cinq ans.
Et vlan! En même pas deux minutes, je lui avais annoncé sa mort une deuxième fois. Je commençais à rédiger mon ordonnance, lorsque je me rendis compte que je n'avais pas dit grand chose pour la réconforter.
- Je ne vous laisserai pas tomber.
Elle ne répondait pas mais j'ai pu voir dans ses yeux un éclat que je ne connaissais pas. Elle était touchée par mes mots. Une force inconnue me poussait à prendre soin d'elle. Je lui donnais son ordonnance ainsi que les premiers flacons de cachets. Je lui expliquais ensuite la marche à suivre.
- Je vais me battre, Doc!
- Sage décision Alix. Je vais aussi t'aider pour tes problèmes de drogue.
A cet instant, le tutoiement m'apparut comme une évidence, elle n'avait pas relevé. Cela n'avait même pas eu l'air de la gêner. Toutefois, je sentais comme une retenue de sa part, comme si quelque chose n'allait pas.
- Alix? Quelque chose ne va pas?
Son regard se perdit dans le vague.
- Je sais pas Doc… Je me disais que combattre le SIDA plus la drogue, ça va pas être simple. Et puis, pour être honnête, je crois que tout ça me fait peur.
- On pourrait peut-être commencer par te trouver une place dans un centre de désintoxication.
- Certes, mais de toute façon quoique je fasse, je vais y rester alors crever à cause de la drogue ou du SIDA…
- Ne dis pas ça. Si tu te sèvres, tu auras plus de force pour lutter contre le SIDA, et par conséquent tu auras plus de temps.
- A quoi ça va servir? De toute façon, je n'ai pas beaucoup d'issue…
Je l'ai fixée droit dans les yeux.
- Le docteur Blankass m'a dit que tu étais du genre à te battre…
Elle bondit sur sa chaise.
- Mais je le suis !
Je savais que j'avais tapé dans le mille. Elle avait peut-être fait le premier pas. Encore fallait il qu'elle accepte le placement.
- Je veux bien essayer Doc.
J'ai acquiescé de la tête pour lui faire comprendre que j'avais pris note de sa décision. Alors, devant elle, je téléphonai à plusieurs centres. Au bout du troisième appel, bonne nouvelle, une place était disponible de suite.
J'ai tendu à la jeune femme son ordonnance et l'adresse du centre.
- Prends ça aussi.
Je lui ai tendu ma carte avec tous mes numéros, juste au cas où elle aurait besoin…
- On ne sait jamais, si tu as besoin… Mon portable perso est au dos.
Elle me souriait, encore une fois, puis se dirigea dans le couloir. Elle se retourna une dernière fois vers moi, me salua et disparue.

Un mois a passé. Alix ne m'avait jamais téléphoné. Ceci dit, je n'avais jamais essayé de la contacter au centre. Durant cette période, il ne s'était pas passé un jour sans que je pense à Elle. Elle était là dans chacun de mes rêves, dans chacune des mes pensées.
A plusieurs reprises, j'avais décroché le téléphone mais je m’étais ravisée à chaque fois. Que pourrais-je bien lui dire? Et puis si elle ne m’avait pas téléphoné, c'est qu'elle n'avait pas besoin de moi. Après tout, Alix était une patiente comme une autre, j'avais fait mon boulot, maintenant c'est à elle de jouer… A qui veux-tu faire croire ça? Depuis quand Alix est une patiente comme les autres? Depuis quand tu te fiches de savoir ce qu'elle devient? Mes doigts ont composé le numéro du centre sans même que je m'en rende compte. On m'a passé le directeur. Elle était sortie depuis deux jours. Pourquoi ne m'avait-elle pas donné de nouvelles? En même temps, elle n'avait aucun compte à me rendre. Il m'informa que la jeune femme avait promis de me téléphoner dès son retour chez elle. Où était-elle alors? Je le remerciais avant de prendre congé. Je n'avais plus qu'une envie, la retrouver ! Juste pour savoir qu'elle allait bien… Je parcouru frénétiquement son dossier à la recherche d'une adresse, d'un numéro. Je finis pas mettre le doigt dessus. Première étape : j'appelais… Répondeur! Deuxième étape : je me déplaçais! Direction la banlieue parisienne. Alix logeait dans un appartement avec deux colocataires. L'une d'elle me fit entrer. On s'est installées au salon.
- Ça va faire presque trois semaines que je n'ai pas eu de ses nouvelles, Docteur.
- Saviez-vous qu'elle était dans un centre de désintoxication?
- Oui, elle nous avait dit qu'elle avait rencontré un bon docteur qui voulait l'aider.
Ce compliment m'avait touché droit au cœur. Mon estomac s'était serré encore plus.
- Vous savez, Docteur, Alix parlait souvent de vous, que vous alliez l'aider à s'en sortir.
Je sentais une boule se former dans ma gorge. J'ai dit que j'allais l'aider, et qu'ai-je fait? Rien !
- Je vais vous noter les endroits qu'elle fréquente, on ne sait jamais.
Je l'ai remercié d'un signe de la tête.
- Mais pourquoi vous ne la chercher pas, vous?
- Elle vous a…
En trois mots, cette jeune femme venait de tout dire. J'étais là. Maintenant, j'étais là. Et je devais absolument la retrouver si je voulais lui venir en aide.
J'ai commencé par faire la tournée des bars. Personne. Pas un des habitués ne put me renseigner. Je perdais espoir. Au bout du cinquième bar, un des paumés du fond me fit signe de le rejoindre. Je m’étais installée à ses côtés. Il empestait l'alcool.
- Y parait qu'vous chercher la p'tite…
Enfin, j'avançais.
- Oui, en effet, savez-vous où je peux la trouver?
Il me lança un regard méfiant.
- Z'êtes qui d'abord?
- Je suis son médecin.
Il posa sa main sur mon bras.
- Faut que j'vous raconte Doc! La p'tite, on l'a pas vu pendant longtemps. Disparue d'un coup! Et pis la revla dans un drôle d'état! Encore plus mal qu'avant, la p'tite! Moi, ça m'a fendu le cœur de la voir dans c'état! Elle m'a parlé d'une maison où ya des gens comme elle. Elle ne souriait plus la p'tite! Y m'ont tous abandonné qu'elle disait!
Mon nœud à la gorge se fit encore plus gros, je retenais mes larmes. Oui, je l'avais abandonnée! Elle comptait sur moi et je n'étais pas là!
- Si vous savez où elle est, dites-le moi ! Je suis là pour l'aider!
- La p'tite est dans l'immeuble derrière. Ya que des drogués la d'dans! Faites attentions à vous docteur!
- Merci… Pour tout.
Je quittais mon indic de fortune pour me rendre dans cet immeuble glauque d'un pas peu rassurée. La porte d'entrée ne fermait plus, des détritus, morceaux de verres jonchaient le sol. J'ai entendu de la musique, je suivi la piste en faisant attention à là où je posais mes pieds. Plus je m'approchais, plus le sol était parme de seringues, probablement usagées, et de sachets vides. Je comprenais soudain, la manière dont Alix avait été contaminée. Plus j'avançais et plus mon espoir de retrouver Alix en vie m'abandonnait. Je suis arrivée dans une grande salle. Il y avait des hommes et des femmes allongés partout à même le sol! Il m'a fallu vingt bonnes minutes avant de l'apercevoir enfin, étalée sur une couverture. Je me suis précipitée vers elle. Alix était inconsciente. J'ai pris son pou, trop faible. Je lui caressais le visage pour essayer de la sortir de sa léthargie.
- Alix, c'est moi, le docteur Varenne!
Son corps remuait à peine, lui qui frémissait sous mes mains il y avait encore quelque temps. Sa main parvint avec effort dans la mienne. Elle m'attira vers elle. Sa voix n'était que murmure.
- Pourquoi vous n'étiez pas là, Doc?
Je ne pouvais retenir mes larmes plus longtemps.
- Je suis désolée Alix. Je suis là maintenant, je suis là.
- C'est… C'est trop tard…
Je l'ai prise dans mes bras et je l'ai serrée fort contre moi.
- Non, Alix, il n'est jamais trop tard! Tu dois te battre! On va se battre!
Je l'ai aidée à se relever pour pouvoir la transporter jusqu'à ma voiture. A l'instant même où je l'ai trouvée, ma décision était prise. Elle viendrait chez moi le temps du sevrage. Cela m'apparut comme une évidence. Je savais que je franchissais une barrière, mais Alix en valait la peine. Elle était si jolie.

Je l'ai installée tant bien que mal dans la voiture. "Vous m'avez abandonnée" répétait-elle sans cesse. A chacune de ses paroles, je sentais mon estomac faire des bonds. Je sais Alix, je sais. Pourquoi insistes-tu sur mes erreurs? Pourquoi tu appuies là ou ça fait mal? Durant le trajet, elle divaguait. Elle était si proche de moi mais en même temps, elle était si loin, si perdue. Je la transporte jusqu'à ma chambre. Elle tremblait, était en sueur. L'état de manque commençait. Je savais que les prochains jours seraient difficiles pour nous deux. La première nuit fût de loin la plus dure. Je n'arrivais pas à l'apaiser. Je me sentais si impuissante. Je devais lui trouver un substitut pour l'aider à pallier à son état de manque. Demain. Demain, je savais quoi faire. J'ai veillée sur elle toute la nuit, surveillant le moindre de ses gestes, la moindre respiration. Par moment, une jambe ou un bras dépassait des couvertures, laissant apparaître quelques parcelles de peau. Pour ne pas me tenter, je la recouvrais à chaque fois.
N'ayant pas beaucoup dormi cette nuit, j’étais prête de bonne heure. J'ai fermé la porte de mon appartement, par crainte qu'Alix ne s'en aille. J'ai filé aussi vite que j'ai pu à l'hôpital. Avant d'aller voir mon tuteur, je passai par la pharmacie. Je récupérai une importante quantité de méthadone sous diverses formes ainsi que des seringues et des gants. L'infirmière me regardait d'un air suspect. En même temps, je la comprenais, il n'était pas encore 6h du matin, et je donnais l'impression de dévaliser le stock. Une fois que j'eus tout rangé dans un sac, j’allais frapper à la porte du professeur.
Je n'avais pas l'habitude de mentir, mais là c'était un cas de vie où de mort… Bref, je ne sais pas comment j'y suis arrivé mais j'ai pu obtenir un congé indéterminé. Coup de chance que le professeur soit quelqu'un de conciliant. Je me suis hâtée de prendre congé pour rejoindre ma protégée au plus vite. Aucune limite de vitesse ne me résistait ! J'ai monté les marches quatre à quatre mais dès l'étage inférieur, j'entendais des cris! Alix ! Déjà mes quelques voisins commençaient à s'attrouper autour de ma porte, en se demandant ce que je pouvais bien cacher. J'ai forcé le passage en m'excusant poliment, mais je sentais leurs regards accusateurs dans mon dos. Vu l'heure matinale, je n’étais pas plus étonnée que cela. Une fois ma porte refermée, je trouvais Alix accroupie, dos au mur et les yeux dans le vague, le visage humide. Je me suis approché d'elle. Elle me repoussa avec une force d'une extrême violence! J'ai mis toute ma force pour l'emmener et l'installer sur le canapé.
- Calme-toi. J'ai trouvé ce qu'il faut pour t'aider.
Elle n'arrivait pas à s'arrêter de pleurer.
- Quand… je me suis réveillé… j'étais seule… Encore… J'ai eu peur. Me dit-elle entre deux sanglots.
Émue et touchée par ses dires, je me suis assise près d'elle pour la prendre dans mes bras. Tout en lui caressant les cheveux, je me suis mise à la bercer. Une fois qu'elle fût calme, je suis allée chercher mon sac. Je commençais à la préparer pour sa première dose. Elle me regardait incrédule.
- Doc, je croyais que vous alliez me sevrer?
Sans m'arrêter je lui ai répondu, le plus rassurant possible.
- C'est ce que je fais Alix. La méthadone est un substitut. Au fur et à mesure des jours je réduirais tes doses.
Je lui ai sourit dans l'espoir qu'elle me le rende en retour. Peine perdue. J'ai eu la sensation que son sourire soit parti et qu'il ne revienne jamais.
- Repose-toi maintenant.
Sans rien ajouter, elle s'allongea sur le canapé et s’endormit presque aussitôt.

La première semaine est passée lentement. Alix a beaucoup souffert. Malheureusement pour elle, elle a dû rester enfermée à l'intérieur de l'appartement par peur d'attraper le moindre microbe. Je m'efforcerais de la soulager du mieux que je pouvais. Ça me faisait mal de la voir lutter, de la voir souffrir. Je savais que la grisaille parisienne n'arrangeait pas les choses. Elle avait besoin d'air pur, d'air neuf. Je voulais aussi remplacer le manège incessant des voitures par de plus beaux paysages. Je voulais revoir son merveilleux sourire qui me manquait tant.

Ma décision était prise.
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MessageSujet: Re: Elle était si jolie - Danao   Elle était si jolie - Danao Icon_minitimeMar 23 Juin 2015 - 18:13

Chapitre 2

Au bout d'un mois enfermées à Paris, j'ai décidé de l'emmener chez moi, là-bas. Je savais qu'elle y serait bien. L'air était pur, les paysages magnifiques et une maison tout confort mise à notre disposition.
Cette nuit, alors qu'elle dormait à points fermés, j'ai préparé nos affaires, chargé nos sacs dans la voiture et fait quelques courses pour le ravitaillement. Réveillée par mon agitation, Alix arriva encore endormie dans le salon.
- Qu'est-ce qui se passe, Doc?
Je ne l'ai pas regardée, concentrée sur mes sandwichs.
- On s'en va.
- Pour aller où?
- Tu verras bien.
Alix retourna à la chambre pour se préparer. Trente minutes plus tard, nous voilà installées dans la voiture. On est fin mai, je savais qu'à cette période, les paysages étaient superbes. Je devais lui montrer, elle devait voir. Direction le sud, le soleil, la mer! En route vers la liberté!
Au bout d'une heure de trajet, Alix s'endormit. Elle était si jolie. Elle passa plus de la moitié du voyage à dormir. Alix ouvrit enfin les yeux lorsque le soleil commençait à lui caresser le visage. Elle s'est étirée.
- Il fait chaud ici.
Je lui ai souri.
- Normal, jeune fille, nous sommes dans le sud de la France. On arrive dans une heure. Tu verras, tu seras bien.
Alix tourna la tête vers l'extérieur. Les arbres colorés ont remplacé les bâtiments gris et les voitures. Le soleil se reflétait dans ses yeux, me faisant encore plus chavirer.
Je lui ai montré du doigt une villa perchée dans les hauteurs.
- C'est là qu'on va.
- C'est beau.
Elle ne souriait toujours pas. Depuis plus d'un mois, elle ne me souriait plus. Elle avait toujours ce regard triste et perdu.
Je me suis garée dans la cour. Alix est sortie de la voiture pour s'étirer aussi gracieusement qu'une danseuse. J'ai ouvert la maison. Une odeur familière envahit mes narines. Les souvenirs d'enfant me revenaient en mémoire. Alix me suivait tout doucement. J'ai ouvert les volets, et la maison si sombre s'est soudain mise à s'illuminer de milles feux. Les yeux d'Alix aussi. Je lui fis signe de me suivre à l'étage. Je lui ai montré sa chambre et tandis que j'allais vers mes quartiers, elle me retint par le bras.
- Au fait, Doc, si j'oublie, merci… Pour tout.
J'ai hoché la tête en lui souriant. Je ne savais pas quoi lui répondre. Elle n'avait pas à me remercier.

Quelques jours ont passé. Alix prenait petit à petit ses marques. Depuis quelques jours également, j'avais commencé à remplacer la méthadone par un placebo. L'effet était garanti. Elle n'avait rien remarqué et par conséquent je savais que le sevrage était terminé. Elle allait de mieux en mieux, mais elle ne souriait toujours pas.
Au bout de trois semaines, je lui annonce enfin que le sevrage est terminé. Elle m'a remerciée et elle est retournée aussi vite dans ses pensées. En trois semaines, je n'avais toujours rien tenté pour essayer de la connaitre plus. Je ne lui avais posé aucune question sur son passé. Je préférais l'apprivoiser d'une autre façon.

Depuis qu'Alix vivait près de moi, j'avais pris conscience petit à petit de cette chose qui me poussait à l'aider. Je sentais que mes sentiments à son égard étaient bien plus que de l'amitié. Je savais que je faisais plus que l'apprécier. Mais je savais aussi que jamais je ne lui dirais par peur de la perdre. Je préférais ne rien lui dire et la garder près de moi plutôt qu'elle sache et me fuit. A ce moment-là, la peur de perdre Alix était omniprésente. Il m'arrivait de me réveiller plusieurs fois par nuit juste pour voir si elle allait bien, juste pour la regarder dormir. Elle était si jolie.

Depuis notre arrivée, elle avait pris l'habitude de s'installer sur un transat et faire face à la mer. elle pouvait rester là des heures, des journées entières. Elle n'était pas bien bavarde, mais je m'en moquais. Tout ce qui comptait pour moi, c'était qu'elle soit là, près de moi. Sa seule présence me suffisait à me sentir bien. Je m'occupais d'elle tous les jours. Je lui faisais à manger, je la promenais, je lui faisais la conversation. Mais quand elle s'installait sur son transat, je la laissais à ses réflexions.
Un jour, alors que j'étais entrain de jardiner, elle est venue s'installer près de moi.
- Vous faites quoi, Doc?
- Je plante différentes herbes aromatiques pour agrémenter nos salades. Regarde, ça c'est du persil, là il y a du basilic. Après, je vais mettre de la ciboulette et du romarin.
- Je peux vous aider?
A ce moment, je ne savais plus qui apprivoisait l'autre. Je lui ai tendu une petite pelle.
- Tiens, tu creuses un petit trou, tu y mets trois, quatre graines et ensuite tu rebouches.
- Et c'est tout?
- Oui, après il faudra les entretenir pour qu'elles poussent.
Après avoir passé une heure à quatre pattes dans la terre, on s'est changée, puis installée sur les transats.
- Où avez-vous appris à jardiner, Doc?
- Avec ma grand-mère, quand j'étais enfant, dans ce même jardin. Au début, je détestais ça. Et au fur et à mesure, j'y ai pris goût.
- Et maintenant?
- C'est dur de jardiner à Paris…
Alix a hoché la tête. Elle fixait l'horizon avec intensité. Le soleil semblait ne pas vouloir se coucher. Il était si orange qu'on pouvait le fixer sans cligner des yeux. Après ce partage de compétences, j'ai décidé de tenter une approche vers Alix.
- Alix?
- Humm?
- Pourquoi ne parles-tu jamais de toi?
- Parce qu'il y a rien d'intéressant à dire.
- Je suis sûre que non. Parle-moi de toi, Alix. Qui es-tu? D'où viens tu? Ta famille? Tes passions?
- Pour quoi faire?
- Parce que je veux savoir qui tu es…
- Vraiment?
- Oui.
- …
- Ecoute, on va faire un deal toutes les deux. Je t'apprends quelque chose de moi, et toi tu me racontes qui tu es. Ça te dit?
Elle ne souriait toujours pas, mais je sentais ses yeux devenir rieurs.
- Top là! Me dit-elle en me montrant sa main
Et j'ai topé. Petit à petit, j'apprivoise ma nouvelle amie. Dès le lendemain, Alix me rappela notre pacte.
- Doc, si je vous parle, vous pourrez m'apprendre à faire le plat d'hier soir?
Je lui ai souri.
- Bien sûr. Mais fais-moi une faveur, Alix, arrête de m'appeler Doc. Je m'appelle Marie.
Elle baissa la tête et regarda ses pieds.
Ce soir-là, elle me parla de son enfance. Elle m'a raconté que comme elle est née pendant les vacances, personne ne lui souhaite jamais. Elle a grandi du côté de Trappes avec sa mère. Son père les a abandonnées alors qu'elle n'était même pas née. Avec sa mère, elle a connu les huit plus belles années de sa vie. Et même si l'argent ne coulait pas à flot, Alix n'a jamais manqué de rien. Tous les étés, elle retrouvait ses grands-parents à la montagne. Elle m'a expliqué qu'elle gambadait souvent dans les alpages avec Rufus, le chien de berger. Une année, pour son anniversaire, son grand-père lui a offert un cochonnet tout noir qu'elle avait baptisé Noirau. Deux ans plus tard, un renard a choisi son cochon pour son repas.
Et puis un jour, tout à basculer. Sa mère est tombée gravement malade. Une leucémie. Comme elle. Je comprends mieux son allusion lors de notre première rencontre. Alix fût confiée à la garde de ses grands-parents. Elle priait tous les jours, mais aucun de ses appels ne fût entendu. Sa mère est décédée à l'automne de la même année. Alix lui en a longtemps voulu de l'avoir abandonnée. Elle a donc commencé à vivre chez ses grand-parents, mais malheureusement, ils étaient âgés, ils sont morts tous les deux l'année d'après. Les médecins avaient conclu par une mort naturelle, mais au fond d'elle, Alix savait qu'ils ne s'étaient jamais remis du décès de leur fille unique. Elle a ensuite été placée en foyer et a suivi une scolarité normale. A dix-huit ans, elle prit la décision de quitter le foyer et de vivre de ses propres ailes.

Alix se tut. Elle me fixait intensément. Je crus y déceler un sourire, mais je n'en étais pas sûre. Elle était si jolie.

- Et voila, Doc… euh… Marie, l'enfance d'Alix Lesage. Ce n'est pas la joie, n'est-ce pas?
- Ne dis pas ça! On a tous notre histoire, et c'est ce qui fait ce qu'on est.
Son regard se perdit à nouveau dans l'horizon. Et sans le quitter des yeux, elle me posa une question qui me déstabilisa.
- Doc, c'est quoi exactement le SIDA?
- Tu ne sais pas ce que c'est?
- Plus ou moins, mais j'aimerais avoir l'avis d'un pro…
- En fait, c'est une maladie qui s'attaque au système immunitaire. SIDA, ça veut dire Syndrome d'Immuno Déficience Acquise. En d'autres termes, les globules blancs sont infectés et détruits les uns après les autres. Ce qui fragilise donc face aux autres maladies.
- Et la différence entre SIDA et HIV ?
- Quand tu es juste séropositif, tu es porteur du virus, mais il est endormi. Il peut ne jamais se réveiller.
- Donc, le SIDA, c'est la phase suivante, le virus est réveillé.
- Oui.
- Mais si c'est un virus, pourquoi on n'en meurt pas?
- On ne meurt pas à proprement parlé du SIDA. C'est une maladie qui s'attaque à tes défenses immunitaires.
- Donc, je ne vais pas mourir du SIDA, mais à cause du SIDA…
Je ne savais pas quoi lui dire.
- Doc? Demain, on cuisine?
Pour la première fois, son regard triste se transformait en regard malicieux. Ce regard la rendait si belle, si attachante. Petit à petit, ma protégée devint ma lumière, ma raison de vivre. Elle était si jolie.
- On va se coucher?
- Vas-y toi, je reste prendre l'air encore un peu… Alix, pense à tes cachets.
- Pas de soucis, Doc.
Elle m'adressa un signe de la tête et rentra à la maison. J'aimais sa façon de m'appeler Doc. Je me suis retrouvée en tête à tête avec moi-même. Seule face à mes doutes, mes peurs. Alix avait raison, elle allait mourir, et quoique je fasse, je ne pourrais pas la sauver. Et pourtant, je me rendais compte que je tenais à elle et que plus le temps avançait, moins j'avais envie de la perdre. J'avais besoin d'elle dans ma vie, j'avais besoin d'elle près de moi. Au bout de trente minutes, j’ai fini par aller me coucher, mais avant, je n’ai pu me retenir de jeter un coup d’œil dans sa chambre. Elle dormait paisiblement. Mon regard s’attarda sur les courbes de son corps à peine cachées par la couverture. Je sentis une goutte de sueur couler le long de mon dos. J’ai refermé la porte le plus doucement possible. Je suis restée quelques secondes, le front sur la porte histoire de reprendre une respiration normale. Moi qui étais une fâchée avec les sentiments, qu’étais-je en train de vivre ? Qui soignait l’autre ?
Cette nuit-là, j’ai peu dormi. Tous mes sens étaient en éveil et toutes mes pensées tournées vers elle. Aurais-je un jour la force de la laisser partir ?
Le jour se lève déjà, je suis descendue, incapable de trouver le sommeil. Je me suis installée sur un transat, un café à la main. Je pensais encore et toujours à elle. Pourquoi Alix me perturbe-t-elle autant ? Vaincue par la fatigue plus psychique que physique, je me laissai sombrer dans les bras de Morphée. C’est sa voix qui m’a réveillée.
- Bah, alors Doc, vous avez dormi là ?
- Non, je me suis levée tôt et j’ai dû m’assoupir.
- J’ai préparé un p’ti déj, si ça vous tente.
- Merci Alix, j’en ai bien besoin.
Dans la cuisine, je faisais face à elle. J’aimais ces petits moments de complicité.
- C’est quoi notre programme aujourd’hui ?
- Je croyais que tu voulais cuisiner ?
- Bien sûr.
- Que veux-tu faire d’autre ?
Long silence.
- Alix, si tu ne me dis pas ce dont tu as envie, je ne peux pas t’aider.
Elle ne me répondait toujours pas. Son regard était loin, trop loin de moi. Où es-tu partie Alix ?
- Il y a un magasin de fournitures ici ?
- Quels types de fournitures ?
- Il y a bien longtemps que je n’ai pas dessiné. J’ai envie de dessiner ce que je vois. Ici tout est si… Magnifique.
J’ai sauté sur l’occasion de lui faire plaisir. On a filé vers la ville la plus proche à la recherche d’un magasin. Je lui ai dit de prendre tout ce dont elle avait besoin. Petit détour par un supermarché. A peine arrivées, direction la cuisine pour préparer notre repas. Alix écoutait attentivement mes conseils. On évoluait toutes les deux dans la cuisine comme si c’était la deux millième fois qu’on cuisinait ensemble.

Alix a dessiné toute la journée. Elle noircissait feuille sur feuille.. Et moi… Je la regardais dessiner. Comme à son habitude, Alix monta se coucher en premier, quant à moi, je restai contempler la vue. Ce soir-là, je ne pus la regarder dormir, de la lumière passait sous sa porte. Je passai sans faire de bruit. Je me suis endormie aussitôt. Cette fois-ci, ce n’était pas l’odeur du pain qui me réveilla. C’était Alix qui venait de crier. Sans réfléchir, je me suis précipitée dans sa chambre. Elle se débattait. Je me suis assise près d’elle. Elle était brûlante et désorientée. Avant de faire baisser sa fièvre, je devais la calmer. Je l’ai serrée fort contre moi pour la rassurer. Au bout d’un quart d’heure, sa respiration s’est ralentie. Je lui ai ensuite fait couler un bain froid. La déshabiller était pour moi un véritable enfer. Elle se trouvait nue devant moi sans avoir rien demandé. J’ai l’impression de violer son intimité. Je m’efforçais de garder mon calme. Je l’ai enfin mise dans le bain. Sa température a commencé à baisser doucement. Revenue à la normale, je l’ai couchée et j’en ai profité pour lui faire une prise de sang. Je savais que les premiers ravages de la maladie commençaient. Je luttais contre ce sentiment qui m’annonçait que la mort me l’enlèverai à jamais. J’ai veillé sur Alix toute la nuit, guettant le moindre signe, la moindre réaction. J’ai fini par m’assoupir. C’est Alix qui me réveilla.
- Doc, j’ai faim.
- C’est une très bonne maladie ça ! Comment te sens-tu ?
- Epuisée. Doc, je … Je suis désolée pour cette nuit.
- Ne t’inquiète pas. Je suis là pour ça.
Et sans lui laisser le temps de me répondre, je suis descendue à la cuisine. Elle m’a rejointe quelques minutes plus tard.
- Je vais allée en ville déposer tes analyses. Tu as besoin de quelques choses ?
- Non, merci Doc.

Je me suis rendue à l’hôpital le plus proche. Je le connaissais très bien. Je me suis adressée à l’accueil. J’avais besoin que les analyses aillent vite.
- Bonjour, je voudrais voir le Docteur Varenne.
- Il est occupé pour l’instant.
- Tant pis, je l’attendrai.
- Allez vous installer là-bas.
Elle me montra du doigt la salle d’attente. Une heure plus tard, je l’aperçus enfin. Je me suis précipitée vers lui. Il avait plutôt l’air surpris de me voir.
- Petite sœur ? Qu’est-ce que tu fais là ?
Il me prit dans ses bras. Son étreinte me réconforta.
- Tu aurais pu me prévenir ! Ça fait longtemps que tu es là ?
- Presque deux mois.
- DEUX MOIS ! Et c’est seulement maintenant que tu fais signe ?
- Désolée. J’ai été un peu… occupée. Jean, j’ai besoin de toi.
- Que puis-je faire pour toi ?
- Tu pourrais me faire analyser ça en urgence ?
Il me regardait avec insistance. Il voulait savoir.
- S’il te plait. Promis je t’expliquerai.
- Tu as intérêt. Quelles analyses veux-tu ?
- La totale.
- D’accord. Je lance ça et après on va boire un café et tu me raconteras tout.
- Oui. Merci.
Jean s’est tourné vers une infirmière.
- Apportez ceci au labo et dites-leur que je veux les résultats pour hier. Bipez-moi dès qu’ils sont prêts.
- Bien Docteur.
Jean m’a ensuite emmenée à la cafétéria. Il a posé deux tasses encore fumantes devant nous.
- Il est sûrement moins bon que celui de ta clinique, mais je n’ai que ça à te proposer.
- T’en fais pas, ça ira.
- Alors, vu que tu es coincée avec moi, tu vas tout me raconter.
Je lui ai souri. Je lui ai tout raconté. Je lui ai parlé d’Alix, de sa maladie, de la drogue, de son combat… de notre combat. Je me suis effondrée en larmes à la fin de mon récit. Il m’a prise dans ses bras pour me réconforter. Je ne lui ai pas parlé de ce qui me préoccupait réellement : mes sentiments grandissant pour Alix. Jean, comme mes parents, n’a jamais compris mon attirance pour les femmes. Son bip a sonné.
- Je crois que tes résultats sont arrivés.
Main dans la main, on est retourné à l’accueil. Jean m’a tendu les résultats. En tremblant, j’ai parcouru les résultats un à un. Ses globules blancs ont baissé, mais pas significativement. Jean a posé sa main sur mon bras.
- Arrête de tourner ces feuilles dans tous les sens. Que cherches-tu ?
- L’origine de son pic de fièvre de cette nuit.
- Laisse-moi regarder.
- Je suis aussi médecin, Jean, je peux trouver aussi.
- Tu n’es plus objective ! Laisse-moi t’aider !
Résignée, je finis par lui tendre le feuillet. Il l’a examiné page après page. Comme moi !
- Ici…
- Fais voir !
Je lui ai arraché les feuilles des mains.
- Regarde là, elle a un taux élevé d’acide dans le sang. Il faudrait une analyse d’urine, mais je penche pour une infection urinaire.
- Je crois que tu as raison. Tu peux me faire une ordonnance ?
- Bien sûr. Tu n’auras qu’à passer directement par la pharmacie de l’hôpital.
Je me suis blottie dans ses bras.
- Merci pour tout ce que tu fais pour moi.
- Normal, petite sœur.
Il avait toujours été là pour moi, à chaque coup dur, à chaque remise en question, il était là. J’ai pris congé pour rejoindre Alix au plus vite. Cela faisait presque trois heures que j’étais partie et elle devait commencer à s’inquiéter.

Une fois à la maison, j’ai cherché Alix partout. J’ai fini par la trouver sur son transat face à la mer. Elle ne m’a même pas regardée.
- Les résultats sont si mauvais ?
- Pourquoi tu dis ça ?
- Je sais pas. Vous avez mis du temps.
- Désolée mais j’ai demandé à mon frère de faire les analyses et ça a pris plus de temps que prévu.
- Alors, j’ai quoi ?
- Le taux de globules blanc a chuté, mais je pense que c’est dû à l’infection urinaire. Mais les résultats doivent être confirmés, tu dois faire une analyse d’urine.
- Il faut que je pisse dans un flacon ?
- Oui, c’est pour l’antibiogramme. C’est à dire te donner le meilleur antibiotique.
- Il est hors de question que je pisse dans un flacon.
- C’est pour ton bien, Alix. Pour que tu ailles mieux…
Mon sang n’a fait qu’un tour. J’ai passé deux mois à me dévouer corps et âme pour elle et elle baissait les bras pour simple infection urinaire !
- ALORS, C’EST COMME ÇA ! TU BAISSES LES BRAS !
Surprise par ma colère soudaine, Alix a fondu en larmes. J’essayais de ne pas m’attendrir. Je ne devais pas craquer. Je devais la faire réagir. Et pourtant, elle était si jolie.
- Je me suis battue toute ma vie, Doc. Je suis fatiguée !
- ALIX, DIS-MOI QUE JE N’AI PAS FAIT TOUT ÇA POUR RIEN ?
- Je ne sais pas… Je ne sais plus.
Je me suis levée d’un bon. Je la regardais sangloter, assise sur son transat, ses bras entourant ses jambes. J’avais envie de la prendre dans mes bras pour la réconforter, pour lui dire que tout allait s’arranger. Je sentais mon cœur se déchirer. Je ne devais rien lâcher. Ma voix était étonnement calme.
- Bien. Si tu refuses de te battre, je rentre chez moi reprendre ma vie là où je l’ai laissée. Adieu Alix.
Sur ces derniers mots, je me suis levée, direction ma chambre. Réagis Alix, réagis ! J’ai fait ça pour ton bien, jeune fille.
- Donnez-moi ce putain de flacon.
Je le lui ai tendu sans rien dire. Merci. Sans dire un mot, Alix m’a pris le flacon des mains et s’est précipitée aux toilettes. Dix minutes plus tard, elle a posé le flacon sur la table devant moi. Toujours sans rien dire, elle est retournée s’asseoir sur son transat. Un pas en avant, trois en arrière. J’ai soupiré. Après avoir demandé à Jean de passer récupérer le flacon, je me suis mise à la cuisine pour me détendre. Nous n’avons pas échangé un seul mot jusqu’à l’arrivée de Jean. J’ai fait les présentations. Je n’entendais toujours pas le son de sa voix. Mon frère m’aida à préparer la table. Alix était encore partie dans ses pensées. Mais où donc es-tu ?
Elle s’est jointe à nous pour le diner. A aucun moment de la soirée, nos regards se sont croisés. Elle était là sans être là. Sans même s’excuser, elle est sortie de table pour retourner s’installer dehors. Elle a attrapé sa planche à dessin et a commencé à noircir ses feuilles. Jean a posé sa main sur la mienne.
- Je vais faire son analyse.
- Maintenant ? Ici ?
- Oui, il y en a que pour quelques secondes.
- D’accord.
Effectivement, les résultats ne furent pas longs. L’analyse confirme l’infection urinaire. Jean m’a fait une ordonnance pour les antibiotiques.
- Avec ça, elle devrait aller mieux.
- Merci Jean.
- De rien. Je vais y aller, Isabelle doit m’attendre.
J’ai serré Jean dans mes bras, avant de le laisser enfin partir. Je me suis retrouvée seule face à mon fantôme bien vivant.

Pendant trois jours, on ne s’est pas adressée la parole. Je suis restée à ses côtés sans parler, juste la regarder pendant qu’elle dessinait. Depuis que je lui avais acheté son nécessaire à dessin, elle ne le quittait plus, sauf qu’à aucun moment, je n’ai vu ce qu’elle faisait. Pendant trois jours, on s’est observée, on s’est jaugée, sans parler.
Le troisième soir, j’étais assise face à la mer quand elle m’a rejointe.
- A dix-huit ans, j’ai quitté le foyer avec mon premier petit copain. Il s’appelait Ben. C’était une petite frappe et moi j’étais naïve, alors je l’ai suivi. Il m’offrait une liberté. On a voyagé longtemps en faisant du stop. On survivait grâce à la manche alors quand on avait un peu de sous, on prenait le bus ou le train. Trois ou quatre mois plus tard, on est arrivé à Paris. On n’avait rien. Pas d’argent. Rien à manger. Nulle part où dormir. J’ai fait plusieurs petits boulots en même temps pour subvenir à nos besoins. A peine on commençait à sortir la tête de l’eau que Ben m’a quittée pour une autre fille. Je me suis retrouvée seule dans une ville que je ne connaissais pas. Une ville anonyme et sans âme. Paris magique était devenue pour moi Paris tragique. Je pensais sans arrêt à ma mère, à mes grands-parents. Je leur en voulais tellement de m’avoir abandonnée. Si la mort ne me les avait pas enlevés, ils seraient encore avec moi, et moi je n’en serais pas là. J’ai voulu défier la mort à plusieurs reprises. Sans succès. J’étais lâche ! Alors je me suis ressaisie, j’ai fini par trouver un boulot stable, un appart. Je voulais m’en sortir pour que ma mère, où qu’elle soit, puisse être fière de moi.
J’ai voulu un appart plus grand, j’ai alors trouvé des colocs, Lucie et Mélanie. On s’entendait super bien. Je vivais enfin ma vie, avec ses joies, ses peines, mais c’était la mienne. Et puis un jour, tout à basculer. Le Docteur Blankass m’a annoncé la maladie. J’étais abattue. J’avais en moi la chose qui m’avait pris ma mère. Je me suis enfuie de son bureau. J’ai marché pendant des heures et des heures sans but précis. J’ai atterri dans un squat. Un gars est venu vers moi et m’a demandé si j’en voulais. Au début, je ne comprenais pas. Et puis j’ai vu. Mon instinct me criait de partir, mais le moyen d’oublier la maladie et tout le reste m’était offert sur un plateau d’argent. J’ai succombé à la drogue et à Yanis. Je suis entrée dans un cercle sans fin. Travailler plus pour avoir ma dose quotidienne. Pendant ce temps, la maladie gagnait du terrain. Yanis sombrait de plus en plus et moi aussi.
Six mois plus tard, je ressemblais à une morte vivante. La maladie et la drogue avaient entrepris de me consumer de l’intérieur. Je suis retournée voir le Docteur Blankass. J’avais peur que cela soit trop tard. Je voulais qu’il m’aide. Ce qu’il a fait, bien entendu. Il m’a sortie de la drogue et ensemble, on s’est battu contre le cancer. Trois ans plus tard, j’avais gagné mon combat. Malheureusement, Yanis était toujours dans ma vie, lui et sa drogue. J’ai replongé. Aux yeux des autres, je faisais bonne figure, propre sur moi, mais chez moi… Je stagnais. J’ai fini de sombrer le jour où Yanis est mort d’une overdose. J’étais à nouveau seule.
Et puis un jour, vous êtes entrée dans ma vie. Vous m’annoncez que j’ai le SIDA. Pour moi, c’était trop. J’avais mené trop de combats, j’ai eu la sensation que la vie s’acharnait sur moi. Ce n’était pas juste ! Et puis, vous m’aidez, vous me prenez sous votre aile. Et moi, je fous tout en l’air. Je suis nulle, Doc.
J’ai posé ma main sur la sienne. Je suis émue par tant de révélations. A vingt-quatre ans, elle a déjà tant vécu, tant souffert. C’est vrai que la vie est injuste. Alix pleurait en silence.
- Non, tu n’es pas nulle.
- Si, je le vois bien. Vous faites tout pour m’aider et moi, je ne suis même pas foutue de pisser dans un flacon.
- Tu as fini par le faire, non ?
- Si…
- Alors, c’est tout ce qui compte. J’ai déjà oublié ce qu’il s’est passé.
Elle m’a regardée, étonnée. Je lui ai souri.
- Je vais me coucher, tu devrais en faire autant.
- Pas tout de suite. Bonne nuit, Doc.
- Bonne nuit.
En retournant vers la maison, je la regardais dessiner frénétiquement sur son bloc. Je souriais. Enfin, elle m’avait parlé.
Le lendemain matin, je suis passée par sa chambre. Elle était vide. En descendant vers la cuisine, une odeur de pain me chatouilla les narines. Alix avait préparé un petit déjeuner digne de ce nom ! Par contre, aucune trace du chef… A côté de ma tasse, un paquet retint mon attention. Je défis le ruban le plus délicatement possible. J’ai sorti de l’emballage, une feuille sur laquelle Alix avait dessiné la vue de son transat au couché du soleil. Son dessin était sublime. On s’y croirait. Au dos, elle avait écrit un petit mot. « En souvenir de cette première discussion. ». J’ai posé le dessin face à moi et je m’y suis perdue tout le temps de mon petit déjeuner. Munie d’une seconde tasse de café, je suis partie à la recherche de ma dessinatrice. Elle était encore sur son transat à dessiner. Je me suis installée près d‘elle.
- Merci pour ton dessin.
Elle a sursauté. Elle n’avait pas dû m’entendre.
- Vous m’avez fait peur.
- Désolée, je ne voulais pas.
- C’est pas grave. Alors il vous plait ?
- Oui beaucoup. Tu es vraiment douée, Alix.
- Vous dites ça pour me faire plaisir.
- Non, je t’assure. Il est vraiment sublime.
Elle hocha la tête, satisfaite de son petit effet. Je lui ai souri. Mais elle ne sourit toujours pas. Elle ne me sourit toujours pas. Son dessin reflétait parfaitement chaque détail du couché de soleil. Elle a su photographier le plus beau moment de la journée. A travers son dessin, je revis tous les couchés de soleil de mon enfance. Alix me fascinait de plus en plus. J’aimais sa compagnie, j’aimais sa présence dans ma vie. A ce stade de notre aventure, j’étais sûre d’une chose, j’avais besoin d’elle. La présence d’Alix à mes côtés était à la fois un pur moment de bonheur, mais paradoxalement, c’était aussi un grand déchirement. Je commençais à tomber amoureuse d’elle.
A chaque regard posé sur elle, mon cœur s’accélérait. A chaque osculation journalière, mes mains devenaient moites. Et à chaque mot de sa part, un frisson me parcourait l’échine.

Son anniversaire approchait à grands pas. Vingt-cinq ans. Je me devais de lui fêter. Le matin même, je suis allée en ville pour faire quelques courses. Il fallait que je lui trouve un cadeau. Je suis donc retournée dans le premier magasin fait en sa compagnie. Je lui repris tout ce dont elle pourrait avoir besoin et un beau chevalet. Une fois à la maison, j’ai dû cacher ses cadeaux dans ma chambre. Puis je me suis enfermée dans la cuisine pour préparer un bon repas. Au bout de deux heures, je l'ai rejointe.
- Hey Doc, ça fait longtemps que je ne vous ai pas vue.
J’ai feint l’ignorance totale.
- Ah bon ? J’étais là pourtant. On peut passer à table quand tu veux.
- D’accord.
Elle a continué à dessiner encore un quart d’heure, puis elle s’est levée pour aller à la cuisine. Elle s’arrêta net. J’avais dressé une jolie table et disposé ses paquets à sa place. J’ai posé une main sur son épaule.
- Bon anniversaire, Alix.
- Mais comment…
- Sur ton dossier.
Elle me serre dans ses bras. Instinctivement, j’ai placé mes bras autour de sa taille. Je me laissais enivrer par l’odeur de sa peau. A contre cœur, je la tourne vers ses cadeaux.
- Ouvre tes cadeaux.
Elle était si jolie. Elle ne savait pas par lequel commencer. Pendant ce temps, je servais le champagne avant de lui en tendre une coupe. A chaque cadeau, je sentais son émotion. Elle refusa la coupe.
- Alix, ce n’est pas parce que tu as le SIDA que tu ne dois pas boire d’alcool.
Elle prit la coupe délicatement, observa son contenu et baissa les yeux. Je me suis sentie gênée.
- Tu n’aimes pas ça ?
- En fait, je n’ai jamais eu l’occasion d’y goûter.
- Et bien, il y a une première à tout.
Elle porta la coupe à ses lèvres. Elle me lança un regard aussi pétillant que son champagne.
- C’est bon
- Alors trinquons. A tes vingt-cinq ans !
Alix se régala avec mon repas. Elle est même retournée au plat plusieurs fois. Elle ne souriait pas, ses yeux le faisaient pour elle et ça me suffisait. Elle avait l’air heureuse. Après notre festin, elle eut envie de danser. J’ai mis la musique, et son corps à commencé à bouger au rythme de la musique. Au bout de rock, techno et dance, je suis épuisée. Alix en demandait encore. Le premier slow arriva. Alix me regarda du coin de l’œil en se servant un soda. Au deuxième, elle est venue vers moi, la main tendue.
- Tu danses ?
Je lui ai souri. Elle venait de me tutoyer… Enfin. Mon cœur battait la chamade. Je ne lui ai fait aucune remarque, incapable d’arrêter de sourire.
- Alors ? Ça te tente ?
Et tandis que je glissais ma main dans la sienne, un frisson m’a parcouru le corps. Sa peau était si douce. Elle se blottit aussitôt dans mes bras. Je la fis tourner tendrement. Sa tête était posée sur mon épaule, mon nez dans ses cheveux. Une de ses mains était dans la mienne, et l’autre était posée dans mon cou. J’avais peur qu’elle se rende compte que je transpirais. Mal à l’aise, je ne savais pas où poser ma main. Elle l’attrapa alors et la posa dans son dos. J’étais bien. J’étais à ma place. Alix aussi. Enfin, j’espérais, je n’avais jamais osé lui demander. On a enchainé plusieurs slows. Aucune de nous n’avait envie de rompre ce moment. Au bout de trois heures, Alix était épuisée, je l’ai aidée à regagner sa chambre. Sur le seuil de sa porte, elle m’embrassa sur la joue. Je lui ai rendu. Heureuse, je regagnais ma chambre. Son baiser était si doux. Des papillons s’agitaient dans mon ventre.

Le lendemain matin, je repensais à cette soirée en regardant Alix manger. A quoi devais-je m’en tenir ? Pendant cette soirée, elle s’est rapprochée de moi sans que je la pousse ? Que devais-je faire maintenant ? J’avais tellement envie d’aller plus loin… de goûter ses lèvres. Je désirais de plus en plus son corps, je voulais la posséder. Je voulais l’aimer jusqu'à la fin des temps.
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Elle était si jolie - Danao Empty
MessageSujet: Re: Elle était si jolie - Danao   Elle était si jolie - Danao Icon_minitimeMar 23 Juin 2015 - 18:14

Chapitre 3

L’été se termine et déjà les feuilles commençaient à jaunir et à tomber. Alix immortalisait toujours chaque coucher de soleil. L’automne était là, mais je n’avais rien à craindre de lui. Par contre, j’avais si peur de l’hiver. Je savais qu’il représentait un danger potentiel pour elle. Il est arrivé quelques semaines plus tard sans crier gare. Pour la première fois de sa vie, Alix a pu voir la mer sous la neige. Toute la baie était blanche.
J’ai allumé un feu dans la cheminée en fin de journée. Alix était assise dans mes bras, contre moi, son dos contre ma poitrine.
- On est bien là.
- Oui, très bien.
Je l’ai enlacée plus fort, pour lui faire comprendre que je ne voulais pas qu’elle parte ni maintenant, ni demain, ni jamais. Elle fixait le feu intensément.
- J’aime le feu…
- Pourquoi ?
- Quand seul le feu nous procure de la lumière, toute vision change. On peut dire ce que l’on veut, être qui l’on veut, faire ce qu’on veut. Et quand la lumière revient, on peut se rappeler de tout, mais tout redevient comme avant.
- Et si tu ne veux pas que ça redevienne comme avant ?
- On est obligé. On redevient forcément qui on est.
J’aimais sa présence d’esprit. L’envie qu’elle soit encore plus près de moi m’envahissait. Alix jouait avec ma main. Elle me chatouillait la paume avec son ongle. Je la suppliais d’arrêter en rigolant. Je me suis mise à la chatouiller aussi. Elle se retourna d’un coup. Elle me fixa droit dans les yeux. Elle approcha sa tête de la mienne. J’avais envie de combler le peu de distance qui nous séparait. Et puis sans que je ne fasse rien, elle posa ses lèvres sur les miennes. Elles étaient douces et sucrées. Alix les retira presque aussitôt, comme si elle regrettait déjà son geste. Elle se releva d’un bond. Elle voulait s’enfuir dans sa chambre, mais je fus plus rapide qu’elle. J’ai attrapé sa main pour l’attirer vers moi. J’ai repoussé une mèche derrière son oreille. J’ai caressé son visage. Ses yeux se sont fermés. Nos respirations se sont légèrement accélérées. Je lui ai relevé la tête. J’ai posé mes lèvres sur les siennes, le plus doucement possible pour ne pas l’effrayer. J’ai senti son corps frémir. D'abord doux et hésitant, notre baiser s'intensifiait rapidement. Nos langues se cherchaient et se découvraient, tandis que nos mains glissaient avidement le long de nos corps. Lorsque nos lèvres se sont séparées quelques secondes plus tard, nous étions toutes deux à bout de souffle, et nos regards se croisèrent aussitôt. Puis on s’est allongées l’une contre l’autre près du feu. On s’est endormi paisiblement.

Ma vie venait de prendre un virage radical. Le fait d’embrasser Alix me fit prendre conscience de mes sentiments. J’avais peur pour elle, j’avais peur de vivre sans elle. On a passé l’hiver l’une contre l’autre.

La fin de l’hiver pointait enfin le bout de son nez. Ma peur me quittait petit à petit. Lors d’un des derniers week end de l’hiver, Alix me proposa d’aller faire une ballade. Je l’ai emmenée là ou j’allais pêcher avec mon grand père quand j’étais enfant. On a fait le tour du lac, en lui racontant mes parties de pêche. Je lui montrais un arbre du doigt.
- Il m’en a fait voir de toutes les couleurs celui là !
- Comment ça ?
- J’avais une canne à pêche toute simple et papi un moulinet. Je voulais l’imiter quand il lançait sa ligne… Combien de fois ma ligne a atterri dans cet arbre ! Quand ça mordait, il me disait de tirer fort et hop, dans l’arbre ! Il râlait ! Il menaçait de ne plus m’emmener… Et à chaque fois, on y retournait !
- Vous auriez pu changer d’endroit.
- Perspicace ma chère, mais c’est ici qu’il pêchait les plus grosses truites.
- Tu ne pêches plus avec lui ?
- Malheureusement non. J’ai grandi, je pensais à autre chose et quelques années plus tard il est mort. Il me manque terriblement…
Je ne pu retenir mes larmes. Alix me prit dans ses bras pour me réconforter. On s’est installées sur un banc, elle a aussitôt posé sa tête sur mes genoux.
- Je pourrais rester là pendant des heures, pas toi Doc ?
- Moi aussi… Peu importe où l’on est, du moment que je suis avec toi.
On est restées là un bon moment, enlacées l’une contre l’autre.
- On peut rentrer Doc, j’ai froid.
- Bien sûr.
Main dans la main, nous sommes retournées à la voiture, puis à la maison. J’étais en train d’allumer un feu quand Alix m’a embrassée avant de me tendre un verre de vin. Elle s’est installée sur le canapé où je l’ai rejointe. J’avais la sensation de vivre cette vie depuis des années. J’ai mis ma main dans la sienne. Elle était chaude, trop chaude. Je l’ai embrassée sur le front, trop chaud lui aussi.
- Tu as de la fièvre.
- Mais non Doc, ça va.
Je n’ai pas insisté. Je l’ai serrée fort contre moi. Elle s’endormit presque aussitôt. Je l’ai soulevée sans peine pour la porter jusqu'à son lit. Après l’avoir bordée, je me suis installée près d’elle. Elle a eu un sommeil agité. Elle a beaucoup toussé et sa fièvre n’est pas tombée. Vers neuf heures, elle commençait à se réveiller. Je l’ai embrassée tendrement.
- Bonjour toi.
- Bonjour Doc.
- Je descends préparer le petit déj, réveille toi doucement et rejoins moi.
Alix m’a rejointe cinq minutes plus tard, mais au lieu de s’asseoir, elle fut prise d’une violente quinte de toux. Le crise est si violente, qu’Alix en tombe par terre secouée de convulsions. Je me suis précipitée sur elle aussi vite que possible ! Je lui ai sorti tant bien que mal la langue de la bouche pour éviter qu’elle ne s’étouffe. J’attrape mon portable sans la lâcher. De longues minutes plus tard, le SAMU est enfin arrivé. Ils la prennent en charge aussitôt. Je fais mon rapport au médecin présent. Ils la transportèrent à l’hôpital où travaillait Jean. Je lui ai tenu la main tout le long. Je ne l’ai jamais lâchée, j’avais trop peur de la perdre. Elle a perdu connaissance dans l’ambulance. Aux urgences, on me sépara d’elle. Je regardais les médecins s’affairer autour d’elle. Alix n’avait toujours pas repris connaissance. Ne m’abandonne pas Alix, sois forte. Le seul signe de vie que j’avais, c’était le moniteur cardiaque auquel elle était reliée. Jean fit interruption dans sa chambre. Je me suis jetée dans ses bras.
- Qu’est ce qu’elle a Jean ?
- Je ne sais pas mais je pencherais pour une pneumonie.
- Une pneumonie ? Mais ça peut la tuer !
- Calme toi, on s’en occupe maintenant. Raconte moi ce qu’il s’est passé.
- Je sais pas. Hier soir, elle avait un peu de fièvre. Elle a passé une nuit agitée. Ce matin, ça allait et puis elle a eu une grosse quinte de toux. Elle a convulsé et elle a perdu connaissance.
Jean semblait inquiet. Je savais que mon histoire confirmait son premier diagnostic. Je savais aussi qu’une pneumonie pouvait être fatale à cause du SIDA.
- Effectivement, je pense que c’est une pneumonie. On va attendre les résultats.
A cet instant, je me suis sentie toute faible, sur le point de m’évanouir. Jean me retint.
- Depuis quand n’as tu pas mangé ?
- Hier soir.
- Ce n’est pas raisonnable. Allez, viens je t’emmène à la cafèt. De toute façon, pour le moment, tu ne peux rien pour elle.
- Je veux rester avec elle.
- Marie, tu viens avec moi, tu n’as pas d’autre choix.
J’ai suivi Jean d’un pas résigné. Une fois assis, Il m’apporta un café et un croissant. Rien ne me fit envie.
- Marie, comment veux tu l’aider si toi tu ne manges pas ? Si tu n’as plus la force de l’aider qui le fera ?
P***** ! Jean avait le don de taper dans le mille ! Pour le faire mentir, j’ai dévoré mon croissant et mon café. Finalement, ça faisait du bien. Manger, j’avais presque oublié ce que cela faisait. Il posait un regard attendri sur les miettes de mon repas.
- Alors, que s’est il passé depuis notre dernière visite ?
- ….
- Marie, raconte moi. Tu es… différente. Tu as ce regard pétillant qui me fait dire qu’Alix compte plus que tu ne veux bien le dire...
Je savais que cela ne servait à rien de lui mentir. Jean me connaissait mieux que personne. Je lui ai tout raconté. Notre complicité, nos promenades, nos discussions. Jean me souriait.
- En tout cas, si il y a bien une chose que je dois reconnaître à Alix, c’est qu’elle te rend heureuse.
- Oui, je le suis… Enfin…
Jean posa sa main sur la mienne.
- Ne t’inquiète pas, ça va aller. Elle va s’en sortir.
- Je sais, elle est forte. Mais j’ai peur, Jean. J’ai peur de la perdre…
Je vis qu’il se sentait désemparé. Il savait qu’un jour ou l’autre, elle devrait partir. Son bipper nous ramena à l’instant présent.
- Je crois que les résultats sont prêts.

On s’est précipités tous les deux à l’accueil. L’infirmière a tendu les résultats à Jean. Il les a parcourus rapidement avant de me les tendre. J’ai l’impression que l’on arrache mon cœur. Le diagnostic est confirmé. C’était bien une pneumonie, et je savais que cette pathologie pouvait la tuer à chaque seconde. Jean, sentant ma nervosité, me prit dans ses bras pour me réconforter.
- Maintenant qu’on sait ce qu’elle a, on va pouvoir la soigner correctement avec les bons médicaments.
- J’ai si peur…
Encore sous le choc, je me suis effondrée sur la chaise la plus proche de moi. J’avais tellement peur, j’avais pas envie qu’elle meure, je l’aimais. Elle était si jeune, si belle, si… Wow, j’ai bien dis ce que je viens de dire ? J’ai regardé mon frère avec un regard de chien battu.
- On va la sauver, n’est ce pas ?
- Oui, on va tout faire pour.
Après m’être enfin calmée, je suis retournée près d’Alix. Elle avait l’air si paisible, si sereine dans ce lit. A chaque fois, que je la regardais, j’avais l’impression qu’elle allait se réveiller dans la seconde, comme si de rien n’était. Pourquoi la vie était elle aussi injuste ? Pourquoi est ce que le destin avait décidé de s’acharner sur elle ?
Je me suis assise près d’elle, et j’ai glissé ma main dans la sienne. Je n’étais pas convaincue par le fait de parler à quelqu’un dans le coma, mais pour elle, j’étais prête à tout tenter. Je caressais ses cheveux en même temps.
- Il va falloir que tu m’aides Alix. Tu dois te battre. Je sais que tu es plus forte que la maladie, tu en as vu d’autres. Alix, j’ai besoin de toi. Je suis perdue sans toi ! Ne me laisse pas seule… Je t’en prie, Alix.
Mais Alix ne bougeait pas. Les jours passaient, elle ne bougeait toujours pas par contre son état empirait. La fièvre ne tombait pas malgré mes soins et ceux de Jean qui venait de temps à autre me relayer à son chevet. Tous les jours, je lui parlais de ce que je voyais, de ce qui se passait dans le reste du monde, des projets que j’avais pour nous. J’essayais d’être à ses côtés à chaque seconde. Sa voix me manquait, elle me manquait. Chaque jour, Jean essayait de me convaincre de rentrer à la maison pour me reposer, mais à chaque fois, j’avais le dernier mot. Il fallait que je reste près d’elle, si elle se réveillait, je devais être près d’elle. Je l’avais déjà abandonnée une fois, je n’allais pas recommencer, surtout maintenant, et surtout dans ces circonstances.
Cet après midi là, Je suis allée boire un café avec Jean. Je sentais qu’il avait envie de me parler.
- Dis moi, pourquoi t’impliques tu autant pour cette jeune femme ? Tu la connais depuis quoi… Un an ?
J’ai senti mon estomac se tordre et une grosse boule se formait dans ma gorge. La discussion que je redoutais tant était sur le point d’avoir lieu. Je devais lui dire que ce n’était pas juste comme ça, que ce n’était pas une rébellion de ma part, mais bien la vie que j’avais choisie.
- Écoute, Jean… Je sais que ça va te paraître insensé, mais je l’aime…
A ce moment là, s’il avait pu avoir des mitraillettes dans les yeux, je serais déjà fusillée sur place. Je ne me laissais pas toucher par son comportement et continuais ma route vers la libération, vers ma libération.
- Avec elle, je comprends qui je suis vraiment, et ce que je veux vraiment. Je veux arrêter de me mentir à moi même en essayant de construire des pseudo histoires avec des hommes. Je ne suis pas comme ça Jean ! A cause de vous, je me suis perdue, en oubliant qui j’étais ! Que ça te plaise ou non, c’est comme ça ! Je ne me suis pas réveillée un matin en me disant « tiens, si aujourd’hui j’essayais de sortir avec une femme ». Je l’ai toujours su, là, au fond de moi. Et grâce à Alix, j’ai pris conscience des choses. Elle m’a aidée à me retrouver. J’ai compris, à ses côtés, que moi aussi j’étais capable d’aimer. Si elle disparait, est ce que je serais capable d’aimer à nouveau ? J’en sais rien ! Mais ce que je sais, c’est que je veux vivre chaque moment qu’il me reste avec elle, comme si c’était le dernier ! Alors ni toi, ni personne ne pourra m’empêcher d’être enfin heureuse !
Je ne m’étais pas rendue compte que le son de ma voix avait proportionnellement augmenté avec ma colère, et à cet instant je m’aperçus que je devenais le centre d’intérêt de la cafétéria. J’ai fixé Jean attendant sa sentence. Il ne me décrochait pas un mot. J’étais furieuse contre lui. Je pensait qu’il était mon soutien, je pensais qu’avec le temps, il avait compris !
- Écoute Jean, je ne te demande rien. Tu peux retourner à tes patients et à tes occupations. Je n’ai pas besoin de toi. Laisse nous !
J’ai tourné les talons et je ne me suis pas retournée, le laissant planté là. J’avais besoin de retourner près d’Alix, j’avais besoin de respirer.
Son cœur battait, toujours au même rythme. Sa respiration était régulière aussi. Tout allait bien… enfin presque.

Six semaines plus tard, je m’entêtais toujours à penser qu’elle m’entendait. Alors inlassablement, je lui parlais. Je savais que je ne devais pas perdre espoir. Je la sentais en train de lutter contre la maladie. Par moment, sa fièvre baissait, mais jamais assez, jamais significativement. Je n’avais pas revu Jean depuis notre dispute, enfin plutôt depuis ma mise au point. Lui aussi me manquait terriblement. A l’époque, je ne savais pas qu’il venait voir Alix dès que je m’absentais pour x ou y raisons.
Le printemps était déjà bien installé si bien que l’été approchait à grands pas. Ce matin là, comme à mon habitude, je suis allée me chercher un café pour me remettre de ma nuit, puis je lui racontais mes rêves. Je m’attelais ensuite à lui faire sa toilette. Mais ce matin c’était différent. Lorsque j’ai touché son corps, je l’ai senti frissonner. Est ce possible ? Était elle en train de revenir vers moi ? J’ai continué à la caresser et pour mon plus grand plaisir, elle réagissait à chaque fois. Je sentais l’excitation me gagner. J’ai pris sa main dans la mienne. Je me suis penchée vers elle.
- Alix, c’est moi ! Je suis là, près de toi. Ouvre les yeux Alix, regarde moi s’il te plaît. J’ai besoin de toi…
J’ai du mal à retenir mes larmes. De ma main gauche, je lui caressais le visage. Je sentais qu’elle me revenait.
- Allez Alix, encore un petit effort, je suis juste là. J’ai quelque chose de très important à te dire. Réveille toi.
J’ai senti ses doigts se resserrer autour de ma main. Quelle joie de sentir ses mouvements, après si longtemps.
- Regarde moi Alix, tu y es presque.
Très lentement, elle a commencé à ouvrir les yeux. Elle me regarda. Je ne pu retenir mes larmes, et je les sentais glisser le long de ma joue. Elle me parla tout bas.
- Bonjour Doc.
Je me suis penchée vers elle pour l’embrasser.
- Salut toi.
- Qu’est ce qu’il s’est passé ?
- Alix, on en parlera plus tard. Repose toi.
- Non Doc, je veux savoir.
A contre cœur, je lui ai raconté cette fameuse soirée. Sa toux, sa chute, ses convulsions, je n’ai rien négligé. Je lui ai même parlé de ma dispute avec Jean.
Je lui fais un premier examen rapide. Sa fièvre était vraiment tombée, ses voies respiratoires étaient moins encombrées. Le médecin de garde arriva enfin. Il nous confirma ce que je savais déjà. Alix était sur le chemin de la guérison. Elle avait vaincu la pneumonie. Je la serrais dans mes bras.
- Au fait Doc, tu n’avais pas quelque chose à me dire ?
- Comment tu sais ça toi ?
- Je t’ai entendu le dire quand je me réveillais… Alors ?
Je ne disais rien. Oui j’avais quelque chose à te dire Alix, mais je ne savais pas comment te le dire, ni comment tu allais réagir. J’ai peur de te perdre.
- Allez Doc, dis le, tu te sentiras mieux après.
Comment lui dire ?
- T’as pas le choix, tu dois me le dire !
J’ai peur de te le dire, peur de savoir ce que tu allais penser de moi.
- Doc ?
Allez Marie, ouvre la bouche et dis lui ! Bouge toi ! J’ai pris une grande inspiration avant de me lancer.
- Quand je t’ai vu la première fois, à la clinique, tu as provoqué en moi une inversion du cervelet, à tel point que je ne savais plus qui ni ou j’étais. J’en ai pris seulement conscience quand je suis partie à ta recherche à ta sortie de cure. J’ai décidé de t’aider plus que je n’aurais dû. Je m’en moquais, le plus important pour moi était de t’avoir près de moi. Je t’ai amenée chez moi, ici. Je t’ai découvert avec tes blessures et tes cicatrices. J’ai appris à te connaître comme femme. Quand tu es tombée malade, la première fois, j’ai su. J’ai su qu’il y avait bien longtemps que tu n’étais plus ma patiente. Et puis il y a eu ta pneumonie, et là… J’ai compris que je ne pourrais pas vivre sans toi. J’ai besoin de toi, Alix, près de moi. Je t’aime Alix.
Bon, et bien finalement ce n’était pas aussi difficile de lui parler. Je scrutais la moindre de ses réactions. Elle me souriait. Mon cœur s’emballait. Elle me souriait enfin !! Elle était si jolie. Une larme coula le long de sa joue. Elle s’est blottie dans mes bras.
- Je t’aime aussi Doc.
Je l'embrassais. Doucement pour commencer, puis avec un peu plus d'énergie. Ses lèvres étaient douces et lisses. Je les humidifiais du bout de ma langue, lentement, puis je pressais ma bouche contre la sienne avec plus d'insistance. Elle entrouvrit ses lèvres, me donna la permission d'entrer. Je me collais contre son corps, posais mon autre main, qu'elle avait lâchée au bas de son dos. Avec des mouvements lents, je dessinais des petits cercles relaxants. Nos langues se mêlèrent dans un ballet frénétique. Elle m'encercla de ses bras et pencha la tête sur le côté, accueillante. La température de la pièce grimpa soudainement de quelques degrés … J'avais chaud… Elle me donnait chaud. Nous étions hors d'haleine toutes les deux, je rompis alors notre baiser pour reprendre mon souffle.

Deux semaines plus tard, je pu enfin la ramener à la maison. La vie reprit son cours. Alix souriait à nouveau, laissant apparaître ses deux petites fossettes qui me plaisaient tant. Elle était là avec moi et en bonne santé.
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Elle était si jolie - Danao Empty
MessageSujet: Re: Elle était si jolie - Danao   Elle était si jolie - Danao Icon_minitimeMar 23 Juin 2015 - 18:15

Chapitre 4

L’été arrivait enfin. Je lui proposais régulièrement une promenade dans les alentours. Ce jour là, Alix avait décidée d’emporter son matériel à dessin. Pour ma part, j’avais préparé un petit pique nique. Et nous voilà parties, main dans la main à l’assaut des collines environnantes.
Je marchais lentement pour qu’Alix ne s’épuise pas trop vite. A l’inverse même, j’ai parfois l’impression que c’était elle qui accélérait le rythme. Nous arrivions enfin à notre but final. Derrière nous, s’étendaient les collines à perdre de vu, à nos pieds la vallée ou l’on pouvait apercevoir des villages disséminé ici et là, et dans le fond, aussi loin que nos yeux pouvaient aller, le ciel et la mer se rejoignaient pour ne faire qu’un même ensemble.
Je pouvais voir les yeux d’Alix s’émerveiller. Et puis aussi rapidement, elle s’était installée à son chevalet pour immortaliser le paysage. Pendent ce temps là, j’en profitais pour installer notre table. Alix avait du mal à lâcher son crayon pour me rejoindre. Je lui ai finalement apporté, elle me gratifia d’un de ses sourires à croquer. Je ne me lassais pas de la regarder. Elle était si jolie.
Après son repas, elle se leva pour s’étirer. Son t-shirt trop court laissait apparaître ses formes et son mignon petit nombril. Elle me regardait malicieusement. En un éclair, elle s’était jetée sur moi et me fit tomber à la renverse. Elle m’embrassait passionnément, amoureusement. Elle finit par se blottir contre moi pour s’endormir paisiblement. Je sentais son souffle chaud dans mon cou. Je lui caressais les cheveux. J’aimais la sentir contre moi. Un frisson me parcourut l’échine. Je savais que tôt ou tard j’allais la perdre, je savais que je devrais la laisser partir. Jours après jours, cette maladie la consumait, la rongeait de l’intérieur. Elle avait gagné ses batailles contre le cancer et la drogue, mais là, la guerre était perdue d’avance. Je serrais mon étreinte comme si cela pouvait l’empêcher de s’en aller. Je me laissais bercer par sa respiration avant de sombrer moi aussi dans un profond sommeil.
A la maison, mon corps brûlait de plus en plus de désir pour elle. J’avais envie de sentir sa peau contre moi, de la posséder, de ne faire plus qu’une avec elle. Après le repas, je me montrais plus entreprenante, pour lui montrer que j’avais envie d’aller plus loin. Alix repoussait sans ménagement toutes mes avances.
- Tu as l’air d’oublier un détail Doc…
- Ah oui ? Lequel ?
- J’ai le SIDA….
Elle me lâcha ça comme une bombe. Elle venait de me rappeler cette réalité que je m’efforçais d’oublier chaque jour. Je m’approchais d’elle. Je l’embrassais dans le cou en remontant doucement vers son lobe que je finis par mordiller tendrement.
- Tu m’as pas entendue ? j’ai le SIDA !
- Oui et ?
- Je ne veux pas t’infecter…
Je me perdais à nouveau dans son cou. Je la sentais trembler à chaque contact. Alix brûlait de désir autant que moi.
- Je ne veux pas t’infecter, tu ne mérites pas ça. Pas toi.
Je pris son visage entre mes mains, en la fixant intensément.
- C’est un risque que je suis prête à prendre. Je n’ai aucune blessure à vif, aucune lésion. Il n’y a pas de risque.
Elle tenta de s’extraire de mes bras. Je resserrais mon emprise.
- Alix, fais moi confiance. Je suis médecin, je connais les risques. Et tu sais, je t’aime tellement que je me fous complètement d’être infectée. Plus il y a des risques à prendre, plus ça doit en valoir la peine, sinon à quoi ça sert de vivre ?
- C’est ta vie qui est en jeu…
- Ma puce… Tes jours sont comptés, les miens aussi. Je veux profiter de chaque moment, de chaque journée qu’il m’est donné de passer à tes côtés. Et à ce moment précis, ce dont je désire plus que tout c’est…
Alix posa un doigt sur ma bouche pour me faire taire. Ses yeux étaient humides.
- Je t’aime, Doc.
- Je t’aime aussi.

J’attrapais ses lèvres avec les miennes. L’oxygène semblait littéralement aspiré de mes poumons, un corps étranger envahit ma bouche, mes pieds ne touchaient plus le sol, mon rythme cardiaque s’accélérait comme une fusée, de l’électricité était en train de me courir sous ma peau à tel point que ça me brûlait, j’avais l’impression de tomber et ma tête était sur le point d’exploser. Puis aussi violemment que sont venues toutes ces sensations, elles disparaissaient. Lorsque mes pieds touchèrent à nouveau le sol, j’eus l’impression de perdre l’équilibre. Je respirais profondément, comme si je goûtais à l’oxygène pour la première fois. J’eus l’impression d’avoir été percutée par un camion. J’ouvris les yeux – bien que je ne m’étais pas rendue compte que je les avais fermés, il me fallu quelques secondes pour me concentrer. Alix ne m’avait jamais embrassée de cette façon là. Elle venait de me faire ressentir tout ce qui se passait en elle.
Je levai la main et la tendis dans sa direction. Je tremble parce que je m’attends à ce qu’elle fuit à mon contact. Mon mouvement était péniblement lent. Le bout de mes doigts effleura le coin de ses lèvres, j'étais émerveillée par le simple fait de sentir son contact. Je continuais ma progression et pressai ma main contre sa joue, tout en lui caressant délicatement les lèvres de mon pouce, je la sentis expirer un souffle fébrile. Mon autre main mima la première sur son autre joue. J’étais hypnotisée, c’est comme si je touchais un autre être humain pour la première fois, comme si je découvrais le toucher. Je respirais à peine et je n’osais pas cligner des yeux parce que je ne savais pas si tout ça était réel ou non. Elle n’avait toujours pas bougé et ses yeux étaient toujours clos.
Je franchis la distance entre nos deux visages, j’effleurais ses lèvres des miennes. C’était un contact aussi léger qu’une plume cependant j’avais l’impression qu’une bombe nucléaire venait d’exploser en moi. Je me recule un peu et ouvris les yeux très doucement.

Je l’embrasse à nouveau mais cette fois je n’hésitais plus. Je lui capturai la lèvre inférieure délicatement entre les miennes. Je me retirais un peu mais pas assez pour rompre le contact et je goûtais ses lèvres du bout de ma langue. Sa bouche s’ouvrait doucement d’elle-même alors j’intensifiais notre baiser.

Soudain c’est comme si l’enfer se déchaînait. Je la sentais réagir à mon toucher, comme si je venais tout juste de lui donner vie. Je sentais ses mains retourner à leur position initiale – une autour de ma taille et l’autre derrière ma tête. Le simple fait de sentir ses mains sur moi me faisait frissonner. Son étreinte était serrée, mais je ne m’en souciais guère. J’enlaçais mes bras autour de son cou. Notre baiser était urgent et passionné, presque violent. L’oxygène devenait un léger problème alors on se recula un peu sans pour autant perdre le contact. Je gardais mes yeux fermés et reposai mon front contre le sien elle ramena sa main doucement sur mon visage et me caressa la joue. Je pouvais sentir son souffle chaud sur ma peau. J’avais l’impression d’être en feu même respirer m’est difficile.

Puis ses mains étaient sur mon dos. Mes bras étaient fermement autour de son cou, elle déposa de petits baisers sur mes lèvres. Puis je la soulevai sans mal. Elle poussa un petit cri par surprise et renforça son étreinte autour de son cou et passa ses jambes autour de ma taille. Je l’embrassais à nouveau. Quand je n’avais plus d’air dans mes poumons j’enfouissais mon visage dans son cou.
Je n’arrivais pas à croire que c’est en train d’arriver. Je n’étais même pas sûre que ce soit en train d’arriver en fait.
C’est comme si j’étais de nouveau en vie, comme si j’avais arrêté de respirer pendant tous ces mois et maintenant je ressentais tout au centuple. Il y avais tellement de sensations que c’en était presque irréel. Je planais complètement.

Je commençais à embrasser son cou, je mordais gentiment puis l’embrassais à nouveau. Il y avais ce désir charnel qui s’animait en moi. Je relâchais ma prise sur elle. J’entourais son visage délicatement, puis l’attirais jusqu’à mes lèvres. Puis ses lèvres migrèrent vers mon cou, tandis que mes bras refusaient de se dénouer du sien. J’ai posé mes mains sur son estomac nu et je ne pouvais l’empêcher de gémir à cette nouvelle sensation. Tout mon corps brûlait d’impatience. Mes mains dessinaient ses courbes en se dirigeant vers le haut, effleurant ses seins. Je fis doucement glisser sa chemise le long de ses épaules, et lui mordillais le lobe de l’oreille.
J’avais envie de la toucher. J’avais besoin de la toucher. Et c’est ce que je faisais, elle faisait de son mieux pour ouvrir ma chemise mais ce n’était pas facile avec les doigts qui tremblent et les yeux fermés. Elle était si jolie.

Tous mes sens étaient en surrégime, les sensations que j’étais en train de goûter étaient en train de me rendre dingue. Ses mains étaient partout et nulle part à la fois. Dès qu’elle éloignait ses mains de mon corps, je ressentais un manque si intense que cela en était douloureux. La seule chose que je savais c’était que j’en voulais plus.
Je la poussai gentiment en arrière et son dos atterrit sur mon lit. Elle ouvrit les yeux pour la première fois depuis que je l’avais embrassée. Je me plongeais dans ses yeux. Personne ne m’avait jamais regardée comme elle le faisait à cet instant précis. J’avais l’impression d’être la chose la plus précieuse au monde, comme si le monde se résumait autour de moi, non, pas le monde, l’univers entier. Il n’y a aucun mot pour exprimer ce que je ressentais vraiment. J’étais complètement magnétisée par son regard.
Je me penchai sur elle et l’embrassai intensément. Je me suis rendue compte que j’étais nue…Je ne savais pas comment elle avait réussi à me dévêtir sans que je m’en aperçoive. Sa peau contre la mienne était un incroyable délice, mais je voulais encore plus. J’avais l’impression que ce n’était pas assez. Je l’attirai plus près de moi mais ce n’était toujours pas assez. J’avais envie de fondre mon corps dans le sien, je voulais être sous sa peau, je voulais que nous ne fassions qu’une.

Doucement, minutieusement, méticuleusement, je traçais chaque centimètre de sa peau de mes mains, de ma bouche, de ma langue, de mes dents. Elle commençait une symphonie de gémissements, et lorsque elle récupérait assez de facultés pour être plus articulée, elle répète mon nom encore et encore.
Son souffle s’échappa lorsque je goûtai à son essence pour la première fois. Je pensais planer très haut mais je me trompais car je viens définitivement de prendre mon envol.
Je vais haut, très haut, toujours plus haut. J’avais peine à respirer et mon cœur est sur le point d’exploser.

L’intensité de son premier orgasme me donna l’impression d’être frappée par la foudre. Mais je ne lui laissais pas le temps de réaliser ce qu’il se passait à mesure que je m’insinuais de nouveau en elle. Il lui a suffi de quelques minutes pour qu’un deuxième orgasme se déchaîne en elle, son rythme cardiaque était erratique. Je cru que mon cœur était sur le point de sortir de ma cage thoracique. Son dos se cambra violemment au troisième orgasme qui lui parcourut le corps entier. Elle avait besoin de respirer. Alors qu’elle essayait de remplir ses poumons d’oxygène avec une respiration précipitée, je couvrais son corps de baisers à mesure que je me repositionnais sur elle. J’étais toujours en elle, comme si je ne pouvais pas la laisser redescendre de l’endroit où je l’avais envoyée – quelque part où elle n’avait jamais été, dont elle ignorait même l’existence.

Elle m’embrassa les lèvres doucement et caressa mon visage avec révérence. J’arrivais à ouvrir les yeux, mais il me fallut un court laps de temps pour reprendre mes esprits puis me plonger à nouveau dans ses yeux. Puis elle commença ses mouvements, m’élevant doucement vers les hautes sphères du plaisir. Son regard était si intense, tellement intense que je ne pouvais pas détourner mon regard même si je le voulais. Ses mouvements étaient lents et intenses, progressivement elle accéléra. J’étais sûre que mes lèvres formaient son nom, mais vu à quel point il m’était difficile de respirer, parler relevait de l’impossible.
Je planais plus haut que ce qui était imaginable, et soudain c’est comme si tout s’arrêtait. Mon cœur cessa de battre pendant une seconde avant d’exploser avec la violence d’un orgasme plus puissant que ceux que j’avais connu. Mes yeux ne quittèrent pas les siens, je criais son nom dans un dernier effort et m’agrippai à son dos très fort. La sensation était si forte qu’elle en était douloureuse, mon corps tremblait intensément, j’étais forcée de fermer les yeux car j’avais peine à supporter le choc. Je l’attirai à moi et m’accrocha à elle comme si ma vie en dépendait.
Les tremblements s’estompèrent petit à petit, je gémissais légèrement lorsqu’elle se retira de moi. Je la tenais toujours fermement dans mes bras, son étreinte était douce mais certaine. Je pouvais sentir son souffle court tandis que j’essayais de respirer à mon tour, tout était tellement intense que j’étais submergée d’émotion.
J’avais l’impression de respirer pour la première fois, de ressentir les choses pour la première fois. C’est comme si je n’avais jamais eu de contact humain auparavant. J’avais l’impression d’être morte, mais ce n’était pas la fin. C’était seulement le début.
Je venais de renaître... J’ai plongé mon regard dans celui d’Alix. Je pouvais y lire les mêmes émotions que les miennes mais aussi, pour la première fois, je vis une certaine forme de remerciements. On finit par s’endormir paisiblement l’une contre l’autre. Elle était si jolie.

Jour après jour, Alix continuait de noircir ses feuilles. Et moi… J’étais heureuse. Un midi, alors que je nous mitonnais un bon petit plat, elle s’accouda sur le plat de travail pendant quelques secondes, elle posa ensuite sa main sur la mienne avant de commencer à faire glisser ses doigts entre mes articulations. Elle s’approcha de moi avant de m’embrasser tendrement. Je l’enlaçais mais je sentais bien qu’elle me cachait quelque chose.
- Qu’est ce qui ne va pas ?
- Rien, j’avais juste envie d’être dans tes bras.
Je mis ma main sous son menton pour la forcer à me regarder.
- Alix, je commence à te connaître, et je sais quand quelque chose te tracasse…
- Y’a rien Doc, j’te jure.
- Alix…
- Bon d’accord, je m’inquiète pour toi…
- Je sais… j’ai fait le test… Il est négatif. Rassurée ?
- Oui…
Elle baissa la tête et regarda le bout de ses baskets.
- Il n’y a pas que ça ? Dis moi Alix, je veux t’aider…
- Malheureusement, tu ne peux pas…
- Qu’est ce qu’il y a ? Tu as mal ?
- Non, non pas du tout…
- Je peux t’emmener voir quelqu’un si tu veux.
- Non, je pense pas que ce sera utile
- Alix, tu ne m’aides pas beaucoup là…
Elle me souriait légèrement.
- Je ne sais pas pourquoi je t’en parle, puisque de toute façon, je me suis faite une raison toute seule…
- Une raison sur quoi ?
- Sur le fait que je n’aurais jamais d’enfant…
Cette fille avait le don de me laisser sur place. Je me suis sentie prise au dépourvue et en même temps tellement impuissante.
- Doc, tu ne dis rien ?
- Euh… Je…
Aucun mot n’arrivait à sortir de ma bouche. Ses paroles raisonnaient dans ma tête. J’avais occulté le fait qu’une jeune femme de vingt cinq ans, malade de surcroit, puisse avoir envie d’être mère. Pour ma part, le choix était évident. J’avais choisi d’aimer les femmes et par conséquent, je n’avais jamais envisagé de fonder, un jour, une famille. Et voilà qu’Alix me remettait face à mes choix. Biologiquement parlant, je savais pertinemment que je ne pouvais pas lui en donner. D’où un sentiment de frustration qui m’envahissait petit à petit. Et plus je plongeais dans les abimes de mon être, plus je prenais conscience de mon désir plus qu’évident d’enfant.
- Je sais que tu ne peux pas m’en faire un, mais il y a peut être d’autre moyen…
- Alix, faire un enfant dans ces conditions…
- Je sais… Mais avec un bon suivi médical… Combien y a t il de chance pour que le bébé soit infecté ?
- Heu… Je
- Marie, réponds moi franchement !
- Il y a 99% de chance… qu’il ne soit pas.
A mes dernières paroles, je vis le visage de ma partenaire s’illuminer comme jamais. Il n’y avait aucune raison de ne pas essayer. Mais je devais réfléchir plus posément. Je pris Alix dans mes bras.
- Je te promets d’y penser.
- Prends le temps dont tu as besoin. Et quoique tu décides, sache que je t’aime plus que tout. C’est près de toi que je veux terminer ma vie.
Je l’ai serré encore plus fort contre moi. La balle était dans mon camp. Alix retourna à ses dessin et me laissa seule dans la cuisine. Seule face à mes réflexions. Je finis de préparer le repas tant bien que mal, mais je n’arrivais pas à penser à autre chose.
J’ai passé l’après midi à peser les pour et les contre. En fin de journée, une réaction égoïste me traversa l’esprit : si elle avait un enfant – enfin si on avait un enfant – le jour, ou elle serait amenée à disparaître, il me resterait quelque chose d’elle, quelqu’un à qui me raccrocher. Je devais penser à ce futur petit être comme un individu à part entière et non comme un héritage de mon amour disparu. Dans un second temps, je me disais aussi que cet enfant n’avait rien demandé à personne, et il commencerait sa vie avec un lourd bagage : deux mamans dont une qui a le SIDA. Pas simple pour débuter dans la vie. Et si j’acceptais pour toutes les raisons contraires, comment s’y prendrait-on ? Donneur connu ou non ? J’aimerais tellement qu’il me ressemble un peu… Jean… Non, même si on se réconciliait, je doutais quand au fait d’obtenir son accord… En même temps, si je ne lui demandais pas, je ne saurais pas. Et si il acceptait, voudrait il être le père reconnu ou juste un parrain, un oncle ? Il fallait que je sache.
Je retournais près d’Alix, je l’ai embrassée avant de glisser ma main dans ses cheveux.
- Je sors faire quelques courses. Tu as besoin de quelque chose ?
- Non rien merci.
- Tu es sûre ?
- Oui, t’inquiète pas tout va bien.
Je l’embrassai à nouveau avant d’aller à ma voiture pour rejoindre l’hôpital. Pendant tout le trajet, j’élaborais un discours. J’essayais d’imaginer les scènes possible, mais Jean était quelqu’un d’assez imprévisible. Au fond de moi, je savais que le choix de Jean comme donneur, me permettait d’avoir un enfant qui aurait un peu de mon patrimoine génétique. Restait juste LE détail à régler : convaincre Jean… Facile.
L’hôpital était en effervescence ! Un vrai ruche ! Il y avait des ambulances, des médecins, des infirmières partout et dans tous les sens ! Je me faufilais tant bien que mal jusqu’à la secrétaire de Jean. Elle m'accueillit pas de la manière la plus polie. Elle me fit signe de m’asseoir et d’attendre. Au bout d’une heure, j’aperçus Jean, il avait l'air de ne plus savoir où il en était. Je me suis approchée de lui.
- Hey…
- Marie ??!! Mais qu’est ce que tu fais là ?
- J’ai un service à te demander mais là tu me sembles plus avoir besoin d’aide… Je peux aider ?
- Franchement ce serait avec plaisir ! Va te changer en salle de repos, dans mon casier, j’ai une blouse de rechange. Rejoins moi ensuite aux urgences.
Je ne me suis pas faite prier. Je me suis dépêchée de me changer. Je dû reconnaître que l’adrénaline de ce genre de situations me manquait depuis que j’étais ici. J’ai aidé tant que j’ai pu ! Trachéotomie, thoracotomie, sutures, fractures… Bref, je me sentais comme un poisson dans l’eau, je parvenais même à oublier la raison de ma présence ici. Ce fût finalement Jean qui me ramena à la réalité.
- Tu finis la suture de Monsieur et puis tu me rejoins à la cafétéria ?
- Pas de problème.
Après avoir fini mon travail consciencieusement, je me dirigeais vers le lieu de rendez-vous. Plus j’approchais et plus mes mains étaient moites, mon estomac avait décidé de faire quelques tours de grand huit. Je le rejoignis à sa table. A ma vue, il se leva, les bras grands ouverts. Je m’y précipitais sans hésiter. C’était tellement bon de pouvoir le sentir contre moi. Il m’avait tellement manqué.
- Tu en as mis du temps pour venir me voir…
- Oui, certes, mais en même temps, c’était peut être à toi de faire le premier pas, non ?
- Je t’en prie, installe toi. Merci pour ton aide, tu as bien soulagé.
- Y’a pas de quoi. J’ai adoré.
- Comment va Alix ?
- Bien, merci de le demander.
- Écoute, ça tombe bien que tu sois là. J’ai des choses à te dire… J’ai beaucoup réfléchi à notre dernière discussion… J’en ai beaucoup parlé avec Isa, et crois le ou non mais elle m’a traité de vieux con et de frère indigne… Le pire c’est qu’elle avait raison. Je me suis comporté comme un idiot. J’aimerais que tu acceptes mes excuses. Pour moi le principal c’est que tu sois heureuse, et peu importe avec qui.
- Tes excuses me vont droit au cœur Jean. Tu remercieras ta femme pour moi…
- Alors maintenant que tout est redevenu comme avant, dis moi la vraie raison de ta visite.
- Euh… En fait, j’ai un très gros service à te demander… Mais tu n’es pas obliger d’accepter.
- Pour le moment, t’en sais rien puisque tu n’as toujours rien dis…
- EstcequetuveuxbienêtredonneurdespermepourqueAlixetmoipuissionsavoirunenfant
J’avais tout lâché sans prendre le temps de respirer et avec le recul, je n’étais pas vraiment sûr que Jean avait tout compris. Il se mit à rire.
- Wow ! Est ce que tu veux bien me la refaire mais en respirant cette fois…
- Est-ce que tu veux bien être donneur de sperme pour qu’Alix et moi puissions avoir un enfant ?
J’ai bien cru qu’il allait s’étouffer avec son café. Mais pourtant il ne parlait pas. Je décidais donc d’argumenter ma démarche.
- Si tu acceptes, l’enfant que portera Alix pourra me ressembler un peu. Et puis, on ne te demande pas d’être le père reconnu. Juste un parrain, un oncle, une figure paternelle. Je vais te laisser le temps de réfléchir, appelle moi quand tu sauras.
Je m’apprêtais à partir sans demander mon reste quand j’entendis Jean parler.
- C’est tout réfléchi
- Tu es bien sûr de toi ? Prends ton temps vraiment.
- Non. Tu n’as pas de temps à perdre. Alix a une épée de Damoclès au dessus de la tête, alors il faut faire vite.
- Mais ça veut dire que…
- Que tu peux compter sur moi.
Sans même attendre, je me précipitais dans ses bras, des larmes pleins les yeux.
- Merci
- Y’a pas de quoi. Dis moi quand tu en auras besoin pour que je te prépare ce qu’il vous faut.
- Je te fais signe rapidement. Mais avant, je dois parler avec Alix.
Je le serrais une dernière fois dans mes bras, avant de retourner vers la maison le cœur léger. Nous allions fonder une famille ! Une vraie famille ! J’étais impatiente de l’annoncer à Alix.
Elle était là où je l’avais laissée quelques heures plus tôt. Comme si mon absence ne l’avait pas affectée. Je l’embrassai tendrement.
- Doc ? Déjà, ça fait à peine une heure que tu es partie
- Non ma puce, ça fait presque cinq heures !
- Tant que ça ?
- Oui
- Mais tu étais où tout ce temps ?
- Je suis allée à l’hôpital, je voulais parler à Jean. Il y avait eu un gros carambolage alors je leur ai donné un coup de main.
- Ok. Et tu as pu discuter avec Jean ?
- Oui… Je lui ai parlé de nous… De notre projet…
- Tu lui ai dis pour le bébé ?
- Oui… Parce qu’il… Il était le seul qui pouvait influer sur ma réponse…
- Ah… Et ?
- Et… Jean accepte d’être le donneur…
Son visage s’était illuminé. Elle avait compris.
- Ça veut dire que toi et moi va avoir un bébé ?
- Oui, on va fonder une famille.
A cet instant, j’avais oublié la maladie. Je ne pensais qu’à une chose : notre bonheur et notre future famille à venir. Alix était si heureuse. Elle était si jolie.
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Elle était si jolie - Danao Empty
MessageSujet: Re: Elle était si jolie - Danao   Elle était si jolie - Danao Icon_minitimeMar 23 Juin 2015 - 18:16

Chapitre 5

Durant les semaines suivantes, on a passé notre temps à faire la courbe de température d’Alix pour savoir quand tombaient ses ovulations afin de mettre toutes les chances de notre côté dès la première tentative. Alix avait un système immunitaire défaillant et on devait limiter les risques au maximum. Pendant cette même période, j’ai pris la décision de reprendre le travail, j’allais avoir une famille à assumer. Jean m’offrit un poste aux urgences, dans son service. J’étais bien. J’avais une femme que j’aimais, un enfant en préparation et un boulot. Je n’avais besoin de rien de plus.
Je passais tout mon temps libre à aménager la chambre d’enfant. Jean et sa petite famille venaient régulièrement nous rendre visite. Ce qui n’empêchait pas Alix de continuer à dessiner. Elle passait aussi beaucoup de temps avec les enfants de Jean. Plus je la voyais évoluer près d’eux plus je savais qu’elle serait une maman formidable et qu’elle avait ça dans la peau. Alix était faite pour être mère. On avait pris la meilleure des décisions.

Un soir, en rentrant de ma garde, j’eus la surprise de trouver un test d’ovulation positif sur la table à manger. C’était le signe que j’attendais. Alix était prête et disposer à concevoir cet enfant, notre enfant. Sans tarder, j’ai téléphoné à Jean. Deux heures plus tard, nous étions dans notre chambre, nues. Nous avions décidé de concevoir cet enfant « normalement » pendant un acte d’amour. J’ai immortalisé sur pellicule, l’instant d’après : Alix allongée sur le dos, les jambes contre le mur de notre chambre. C’était si drôle à voir que je n’ai pu résister à l’envie de prendre une photo. Maintenant, il nous fallait attendre. De longues semaines avant de savoir si Alix était enceinte ou non. En tout cas, ce qui était sûr, c’est que cela ne me gênera certainement pas de recommencer…
Pendant les jours suivants, Alix était d’une humeur massacrante, elle ne dessinait quasiment pas. Elle passait son temps devant la télé ou à lire. Je ne l’avais jamais vue aussi tendue ? Avoir un exutoire comme mon travail me faisait du bien. J’aimais vraiment Alix, mais là il fallait vraiment que je prenne sur moi pour la supporter.

Un matin, j’eus la surprise de trouver Alix déjà debout ET de bonne humeur dans la cuisine. Je la trouvais même guillerette. Elle me tendit un petit paquet soigneusement emballé. A peine, avais-je jeté un œil au contenu de la boite que je compris. Je pris Alix dans mes bras. Je ne pouvais pas retenir mes larmes. On allait avoir un bébé !
- Je t’aime
- Moi aussi je t’aime.
- On va avoir un bébé !
- Oui… Je dois prendre rendez-vous chez le docteur pour confirmer.
- Je m’en occupe, j’irai te prendre rendez vous, ne t’inquiète pas de ça. Je n’arrive pas à y croire ! On va avoir un bébé.
Je tenais fermement Alix contre moi. Notre souhait allait se réaliser. Oublié la mauvaise humeur de ces dernières semaines.
Le lendemain, le docteur Langlois confirma le diagnostic : nous sommes enceintes ! Elle était si jolie.
Pendant les trois premiers mois, c étaient les nausées et les vomissements qui rythmaient notre vie. Je surveillais son alimentation. Je prenais soin d’elle. Alix continuait à dessiner, comme si de rien était. Je la trouvais de plus en plus épanouie, radieuse.
On passait nos week-end à faire du shopping. J’adorais voir Alix choisir ses vêtements de femme enceinte.
Son petit bidon s’arrondissait de jours en jours. On était impatiente de connaître le sexe de l’enfant, mais aussi de savoir… Cette angoisse ne nous quittait pas. Tant que l’amniosynthèse ne serait pas passée, nous vivions dans la peur. Mais nous allions devoir prendre notre mal en patience, cet examen n’était pas à faire tout de suite pour la sécurité du bébé.
La chambre de bébé était quasiment terminée. Alix adorait acheter des vêtements, des jouets et des meubles pour la pièce. Elle prenait à cœur son futur rôle de maman.

De part la situation, Alix avait le droit à un suivi régulier, donc tous les quinze jours nous étions dans le bureau de notre obstétricien. On attendait avec une certaine impatience, le fameux cinquième mois.
Après ma journée de travail, j’aimais poser ma tête sur son petit ventre rond. On passait nos soirées à trouver des prénoms.
Son ventre s’arrondissait encore. Le cinquième mois approchait. Alix s’était remise à dessiner. Elle était si jolie.
Parfois, la nuit je me laissais envahir par les craintes et les doutes. Et si on n’était pas à la hauteur ? Et si il était infecté ? Est-ce que cet enfant n’était pas un moyen détourné de palier à la future absence d’Alix ?
Quand je me suis réveillée ce matin là, le lit était vide et froid. Mais une odeur agréable venait me chatouiller les narines. Alix était là, un plateau dans les mains, son haut de pyjama trop court laissait apparaître son ventre.
- Petit déjeuner
- En quel honneur ?
- Premier matin sans nausée alors j’avais envie de prendre le petit déj’ au lit.
- Je trouve que c’est une excellente idée…
- Jean vient cet après-midi avec sa tribu… et ce matin…
- Je sais. Ne t’inquiète pas ça va aller. Il n’y a pas de raison.
Je ressentais sa nervosité, j’étais dans le même état. C’était aujourd’hui qu’on allait savoir. Alix arrivait à prendre sur elle, elle arrivait même à me calmer. Dans la voiture, on n’avait décroché un mot. Dans la salle d’attente, c’était encore pire, mes mains étaient moites, je transpirais comme jamais. Elle posa sa main sur la mienne.
- Doc, petite question…
- Oui quoi ?
- Si le bébé était infecté, ça changera quelque chose pour toi ?
- Non ! Évidemment que non !
- Ne t’inquiète pas ça va aller.
- Et si…
Pas le temps de terminer, le docteur Langlois venait de faire son apparition. Alix se leva d’un bon. Je la suivis un peu plus réticente.
- Mesdemoiselles, je vous en prie ! Mademoiselle Lesage, installez-vous sur la table.
Alix s’installa et je pris place à ses côtés, ma main dans la sienne. Dans un premier temps, le docteur installa l’échographe. On a pu voir sa petite bouille. J’avais les larmes aux yeux. Il était bien réel.
- Bien Mesdemoiselles, vous voulez connaître le sexe ?
Alix me regarda, les yeux pétillants. Elle avait envie de savoir. Et je devais avouer que moi aussi. On acquiesce d’un signe de tête. Le médecin fait glisser son appareil jusqu’à trouver l’endroit qui nous intéressait.
- Alors ce sera… Un garçon !
J’ai serré Alix dans mes bras, j’étais si heureuse.
- Maintenant la partie la moins agréable.
Il s’était tourné vers nous avec une longue aiguille. J’ai senti la main d’Alix se resserrer autour de la mienne. Le médecin enfonçait l’aiguille très lentement. Dix longues minutes plus tard, le prélèvement était terminé. Il fallait maintenant qu’on patiente pour avoir les résultats. D’ici quelques jours nous serions enfin fixées. Nous revoilà parties bras dessus bras dessous vers la maison. Jean et Isabelle nous attendaient déjà. On leur montrait les photos de l’échographie.
- Regarde il a ton nez Doc !
- Comment tu peux voir ça ? Il est si petit !
- Parce que je sais qu’il a ton nez…
Tout le monde riait. On était une vraie famille. Jean avait décidé d’immortaliser ce moment ! Il nous a pris en photo sous tous les angles ! Avec les enfants, sans les enfants, avec Isa, sans Isa, bref on a passé un très bon moment.

Les semaines passaient trop vite. J’adorais poser ma main sur son ventre pour le sentir bouger. Et chose incroyable, à chacun de mes contacts, il me faisait l’honneur de se manifester activement.
- Je suis sûre qu’il te reconnaît !
- Alix, j’en doute…
- Doc, je ne te parle pas de science mais d’amour. Il te reconnait, tu es sa mère.
Sa mère… Cela faisait écho dans ma tête. Comment ce petit bout allait il m’appeler ? C’était Alix sa mère. Quelle place allais-je avoir près de lui ? Je regardais Alix, elle était rayonnante. Elle n’avait aucune des mes préoccupations. Elle était sereine. Elle était si jolie.
Contrairement à ses habitudes, Alix ne se précipitait plus sur son transat pour dessiner. Elle m’attendait. Elle restait avec moi le plus possible. Sur le frigo, elle avait eu la délicate attention d’accrocher les photos des échographies. Elle venait pleurer dans mes bras plus souvent. Je ne lui demandais rien, je devais la laisser exorciser ses démons intérieurs. Et puis elle retournait à ses dessins. Je la regardais s’éloigner de moi. Je savais qu’elle comprenait qu’elle ne verrait pas notre fils grandir. Pour la première fois, depuis de longs mois, j’ai ressenti une tristesse en elle.
Je décidais alors d’immortaliser chacun de ses sourires, chacune de ses grimaces pour que notre fils puisse voir sa mère comme je l’ai connue, comme je l’ai aimée.
Trois jours plus tard, les résultats arrivaient enfin. Alix m’a tendu l’enveloppe.
- Vas-y toi, moi je peux pas…
Je sentais mes mains trembler au fur et à mesure que j’ouvrais l’enveloppe. J’ai parcouru les feuillets en diagonal aussi vite que possible, pour trouver la réponse dont j’avais besoin. Alix trépignait sur place. Ca y était… j’avais trouvé… J’ai fixé Alix droit dans les yeux.
- Alors ? Vas-y dis moi !
- C’est bon…
Elle me regarda sans rien dire, elle ne semblait pas comprendre.
- Alix, il n’a rien ! Tout va bien !
Elle s’était mise à pleurer. Je l’ai aussitôt prise dans mes bras pour la réconforter.
- Tu as réussi bébé. Tu as réussi.
Elle releva la tête pour m’embrasser. J’avais l’impression de respirer à nouveau. Dans quatre mois, nous serons trois. Mais combien de temps me restait-il auprès d’Alix ?
Fin août, et déjà les premières feuilles commençaient à tomber. Les jours raccourcissaient et les températures se rafraichissaient. Ma peur de l’hiver revenait.

Sixième mois de grossesse. Lucas gigotait de plus en plus. Je lui faisais écouter toutes sortes de musique auxquelles il réagissait plus ou moins. J’avais hâte de le voir, de le prendre dans mes bras.
Une nuit, en me réveillant, j’eus la surprise de ne pas trouver Alix près de moi. Je suis alors descendue au salon. Elle était là, dans le noir. Elle parlait à Lucas.
- Tu sais Lucas. Tu es une des deux plus belles choses qui me soit arrivées. Malheureusement, je ne sais pas combien de temps je pourrais profiter de toi. Ne m’en veux pas de t’abandonner si jeune. Doc veillera sur toi, aussi bien que j’aurais pu le faire. Je n’ai pas peur de mourir, je suis prête. J’ai juste peur de vous laisser tous les deux. Doc sera une mère géniale, elle prendra soin de toi et moi je serais toujours là, je te protègerai de là ou je suis. Je t’aime petit bonhomme.
Émue par ses paroles, je m’approchais d’elle doucement pour ne pas l’effrayer. J’ai posé ma main sur son épaule.
- Tu seras une mère formidable Alix.
- Oui, mais pour combien de temps ?
Elle savait très bien que je ne pouvais pas répondre à sa question.
- Aussi longtemps qu’on se battra.
Je me suis assise près d’elle. Elle a posé sa tête sur mon épaule. A cet instant précis, j’ai compris ce qu’était le véritable amour. On s’est endormies paisiblement sur le canapé.
Je sais que le terme approchait. J’avais hâte de faire la connaissance de ce petit être qui nous apportait du bonheur chaque jour. Je n’ignorais pas non plus le fait qu’Alix puisse accoucher avant terme. Je savais qu’à partir du septième mois, le bébé serait viable mais l’objectif était d’aller au plus proche du terme.
Je travaillais avec acharnement dans la chambre de Lucas. Alix dessinait toujours, mais elle passait aussi beaucoup de temps à parler à notre fils. Je n’étais que très rarement conviée à ces discussions. Et puis, je n’avais pas envie d’entendre Alix dire au revoir à Lucas, je n’étais pas prête. Le serais-je un jour ? Rien n’était sûr…

Le septième mois commençait. Moi, j’étais soulagée. Si Alix accouchait aujourd’hui Lucas pourrait vivre sans problème.
Alors que je travaillais dans la chambre, Alix poussa un cri ! Je me suis précipitée à ses côtés. Elle me regardait paniquée en se tenant le ventre. Sa main était pleine de sang. Situation d’urgence ! Tout d’abord administrer un calmant à Alix, deuxième étape prévenir le SAMU. Bien maintenant, je devais me calmer aussi. J’essayais de rassurer au mieux Alix. Dix longues minutes pendant lesquelles Alix hurlait ! Elle me répétait sans cesse qu’il était trop tôt, qu’elle ne voulait pas accoucher ! Le SAMU arriva enfin. Je ne lui lâchais pas la main. J’avais peur qu’elle s’en aille si je la lâchais. Un des médecins me poussa.
- POUSSEZ VOUS ! Laissez nous faire notre travail !
- Je ne la lâcherai pas ! Elle a vingt cinq ans, elle est enceinte de sept mois et elle a le SIDA !
Ma voix se perdait dans le brouhaha ambiant.
- Vous voulez bien répéter ?
- Elle a le SIDA. Je lui ai administré un calmant et…
- Vous avez fait quoi ? Mais vous êtes inconsciente ?
Il s’était relevé d’un bond et me toisait du haut en bas.
- Monsieur avec tout le respect que je vous dois, vous n’avez rien à me dire. Je suis son médecin et pour votre gouverne je travaille aux urgences à l’hôpital, donc je pense avoir toutes les compétences pour soigner cette jeune femme !
- Vous auriez pu le dire plutôt…
- Vous ne m’en avez pas laissé le temps.
- Bien, on va la transporter à l’hôpital, j’imagine que vous venez.
- Évidemment
Nous voilà installés dans l’ambulance, Alix ne lâchait pas ma main. Elle pleurait.
- Doc ! Je ne veux pas qu’il sorte !
- Je sais calme toi. Jean va s’occuper de toi. Vous pourriez contacter le docteur Varenne? C’est mon frère.
- Bien madame.
Peu de temps après, on arriva enfin. Jean était déjà là avec son équipe.
- Que s'est il passé ?
- Je sais pas tout allait bien et puis elle a crié, elle perdait du sang !
- D’accord. Toi tu restes là !
- Non je veux aller avec ! Tu ne peux pas m’interdire de venir !
- Si ! Alors soit tu restes là sagement ou je te renvoie chez toi !
Énervée mais résignée, je m’asseyais sur une chaise. Je pris Jean par la main.
- Sauve la Jean!
- Je te promets.
Je le regardais disparaître derrière la porte battante de la salle de réa. Je n’arrivais pas à rester en place. Je finis par sortir de l’hôpital, l’odeur, l’ambiance tout m’oppressait. Je ne savais pas combien de temps plus tard Jean est venu me rejoindre sur mon banc.
- Comment va t-elle ?
- Bien. Elle devra rester allonger jusqu'à l’accouchement mais sinon ça va.
- Et Lucas ?
- Bien au chaud dans le ventre de sa mère.
- Je peux aller la voir ?
- File dépêche toi !
Je me précipitais dans sa chambre. Elle dormait à point fermé. Elle était si jolie. Sans faire de bruit, je m’installai à ses côtés. Une fois de plus, nous revoilà à l’hôpital. J’ai encore eu très peur aujourd’hui. J’avais l’impression de reculer pour mieux sauter. Mon regard se perdait dans les jardins. J’aperçus un jeune couple avec un bébé. Et moi combien de temps pourrais-je me promener avec Alix et Lucas ? J’ai peur de délaisser Lucas parce que le regarder me rappellera trop sa mère.
Je savais que je devais prendre sur moi et profiter de chaque moment que la vie nous offrait. Mais au fond, je savais que je n’étais pas prête à la laisser partir. Je regardais son corps inanimé. Et si elle ne survivait pas à cette crise ?
Alix a gémi, elle se réveillait doucement.
- Hey.
- Hey.
- Comment tu te sens ?
- J’ai l’impression d’être passée sous un camion, mais sinon je me sens… en vie.
- Tu m’as fait peur. J’ai cru…
- Arrête de croire Doc. Je suis là.
Jean choisit cet instant pour rentrer dans la pièce.
- Salut les filles !
- Salut
- Comment vas-tu Alix ?
- Ça va merci.
- Écoute j’ai une bonne et une mauvaise nouvelle. Laquelle tu veux en premier ?
- Commence par la mauvaise.
- Tu vas devoir rester alitée un maximum jusqu’à la fin de ta grossesse.
- Super… Et la bonne ?
- Tu peux rentrer chez toi dès maintenant.
- Super ! Je me prépare alors.
Je n’avais rien dit. A quoi bon ? Alix était radieuse. Je n’avais pas envie de gâcher son bonheur.
Aussitôt rentrée, Alix s’est installée sur son transat avec son matériel à dessin. Elle m’a regardé du coin de l’œil. Elle me souriait.
- Viens t’asseoir avec moi
Je ne me le suis pas fait dire deux fois. Je me suis installée près d’elle. Elle m’a attraper la main pour la pauser sur son ventre.
- Tu as senti ?
- Oui.
J’étais bien là, ma femme dans mes bras, mon fils dans son ventre. Tout allait pour le mieux.

Les deux mois suivant se passèrent sans problème. J’autorisais Alix à se lever de temps à autre pour se dégourdir les jambes. Elle m’a rejoint dans la chambre du petit. Elle commençait à préparer la valise : bodys, pyjamas, couches. Elle avait tout posé sur la table à langer, quand je la vis me lancer un regard moqueur. Elle a éclaté de rire. Elle était si jolie.
- Ah si tu voyais ta tête Doc !
- Pfff ! Je me demandais juste ce que tu faisais.
- Je me disais que ça n’allait sûrement pas tarder donc je veux que les affaires de Lucas soient prêtes le jour J.
- Tu as le temps. C’est pour la fin du mois.
- Oui mais tu sais très bien que si le petit bout décide de sortir le bout de son nez plus tôt…
- Oui je sais.
- Et toc !
Elle retourna à ses occupations, quand soudain elle me regarda terrifiée.
- Et si il était malade à cause de moi ?
- Alix, on a fait le nécessaire. Tu as pris les traitements adéquats. Et comme tu ne l’allaiteras pas, il n’y aura pas de problème.
- Si tu le dis…
- Et puis je suis là moi.
A cet instant, même si j’essayais de la rassurer, j’étais aussi paumé qu’elle. Quoique je fasse de toute façon, la vie allait me la prendre. J’ai balayé ce sentiment d’un revers de la main. Je me devais d’être forte pour Alix, pour Lucas.

Quelques jours plus tard, alors que j’étais dans la salle de bain, j’entendis Alix hurler.
- DOC !!
Je suis descendu à toute vitesse. Alix était accrochée au bar de la cuisine, une flaque d’eau à ses pieds. Elle m’a regardé toute penaude, comme si elle venait de faire une bêtise.
- Je crois que c’est le moment…
- En effet.
Je l’ai d’abord aidée à se changer, tout en comptant le temps entre chaque contraction. Je l’ai ensuite installée dans la voiture, avant de charger celle-ci avec les valises. Et voilà, on y était. Lucas allait pointer le bout de son nez. Mes angoisses ressurgissaient à vitesse grand V ! Et si il était contaminé ? Et si…
- DOC !
Oups j’avais oublié Alix qui m’attendait dans la voiture, moi et mes réflexions à la con ! Je me dépêchai de la rejoindre. Jean était prévenu. Le voyage fût un enfer et pas que pour Alix… A chaque contraction, elle me broyait littéralement la cuisse ! Facile pour conduire… Ses contractions s’étaient rapprochées. Environ toutes les cinq minutes.
On l’emmena en salle de travail. Cette fois il était hors de question que Jean m’interdise l’entrée. Je voulais assister à la naissance de mon fils. Je ne lui lâchais pas la main.
Dans la salle, je contrôlais les monitorings et à chaque contraction je prévenais Alix. Le docteur Langlois arrivait pour aider Jean. Il était si prévenant avec elle.
- Bien, Alix, écoute moi, pour le moment, je ne veux pas que tu pousses. Je sais que tu en as envie mais ce n’est pas le moment. Je te le dirai ! Pour le moment, contrôle ta respiration.
- C’est bien mon cœur, tu es courageuse.

Les médecins et infirmières s’affairaient autours de nous. Jean me fit signe de prendre la main d’Alix.
- Bon, ma grande. Maintenant il va falloir pousser. Quand je te le dirai, tu pousses aussi fort que tu peux.
Alix serrait ma main de toutes ses forces.
- Vas-y pousse !
Là elle me broyait les os. Je la voyais se tordre de douleur, le visage rouge, transpirant à grosses gouttes. Jean la rassurait, l’encourageait et moi… Non Lucas ne sera pas malade !
- Allez Maman, encore un effort, je vois la tête ! Pousse !
- Allez ma chérie, c’est presque fini.
- C’est bien Alix, continue ! Ça y est j’ai la tête ! Alors maintenant, tu vas devoir être forte ! Il faut sortir les épaules ! A la prochaine, tu pousses fort ! Vas-y !
Je sentais Alix se contracter. Pour ma part j’étais sur une autre planète. Notre fils arrivait ! Oublié les risques de contaminations ! J’avais hâte !
- Arrête de pousser ! Ça y est je l’ai !
En effet, j’entendis Lucas hurler à pleins poumons. Jean me tendit les ciseaux pour que je puisse couper le cordon ombilical. Mes mains tremblaient. Une fois libéré, Lucas fût mis sur la table d’auscultation pour un premier test d’APGARD. Je surveillais du coin de l’œil. Tout avait l’air d’aller. Et puis l’explosion de joie. Jean s’était tourné vers nous, Lucas dans ses bras. Il est venu le poser sur Alix. Le premier contact était magique ! Alix pleurait, je pleurais ! C’était tellement incroyable ! Lucas était si petit, si beau ! J’embrassais Alix aussi amoureusement que possible.
- Tu as réussi… Il est magnifique !
- On a réussi, Doc ! On a réussi !
Épuisée par l’accouchement, Alix s’évanouissait. Je pris Lucas dans mes bras. Pendant ce temps, les infirmières raccompagnèrent Alix à sa chambre. Elle se réveillait deux heures plus tard.
- Hey. Comment te sens-tu ?
- Je suis épuisée, j’ai mal partout.
- C’est normal. Regarde qui est là…
J’approchais le berceau près du lit.
- Il est superbe Alix, tu as bien travaillé.
Alix lui caressa la tête, mais détourna aussitôt le regard pour me cacher ses larmes.
- Bébé, qu’est-ce qu’il y a ?
- …
Très long silence. Je la prends dans mes bras, je l’ai bercée.
- Parle-moi
- Je… Il est si… Magnifique ! Mais en même temps je réalise que… je ne… le verrai pas grandir. Je ne pensais pas… que… Je pensais être assez forte… être prête… mais…
- Chut… Ça va aller ne t’inquiète pas. Tu vas faire en sorte de profiter de chaque jour.
- Oui, mais après ? Et toi ?
- Moi quoi ?
- Toi qui m’as aidée, toi qui me rends heureuse, toi que je vais abandonner.
Je sentais ma gorge se nouer. Les larmes commençaient à m’envahir. Je devais me retenir.
- Alix, en m’engageant avec toi, je connaissais les conséquences. Et puis, tu seras toujours là, dans ma tête, dans mon cœur et Lucas sera là. Il est le plus beau des cadeaux que tu pouvais me faire. Ne pense pas à demain, vis aujourd’hui.
- Tu as sans doute raison.
C’était le moment choisi par Lucas pour manifester sa présence.
- Regarde, même lui est d’accord.
Elle me souriait.
- Doc, donne le moi.
Je me suis exécutée sans hésitation. J’ai pris délicatement Lucas dans mes bras avant de le déposer dans ceux d’Alix. Une infirmière entra dans la chambre.
- C’est l’heure du premier biberon.
Elle tendit le minuscule biberon à Alix. Puis sortit aussi discrètement qu’elle était arrivée. Alix se débrouillait très bien. Quelle injustice pourquoi devait-elle perdre la vie alors qu’elle venait de la donner ?
- Je trouve qu’il te ressemble Doc !
- Tu crois ?
- Oui certaine.
C’était ma famille. Elle était si jolie.

Après cinq jours de maternité, nous pûmes enfin rentrer chez nous. Première nuit de Lucas à la maison, j’angoissais. Je m’étais installée près de lui dans le rocking chair quand une Alix toute endormie vint me rejoindre.
- Qu’est-ce que tu fais là ?
- J’avais peur…
- Allez, Doc, viens te coucher. Il dort et le baby-phone est branché. Et puis j’ai froid toute seule dans le lit… Et je dois retrouver ma ligne…
- Mademoiselle Lesage… Serait-ce une proposition malhonnête ?
- Proposition, oui… Malhonnête… non.
Je me suis levée d’un bond pour la poursuivre jusque dans la chambre. Trois heures plus tard, Lucas nous tirait des bras de Morphée. Tandis qu’Alix allait le chercher, je descendais m’occuper du biberon.
Notre vie était désormais réglée sur le rythme de Lucas : biberon, rot, couche, dodo… Du moins pendant les premiers mois. Lucas commençait à s’agiter, Alix beaucoup moins. Elle commençait à être de plus en plus fatiguée. Je sentais que sa santé commençait à décliner.
Un soir, alors que l’on venait de coucher Lucas, Alix vint me rejoindre sur le canapé.
- Doc… Je sens que c’est pour bientôt…
- De quoi tu parles ?
- De ma mort…
Je la regardais, anéantie. On y était ! L’échéance arrivait. Plus aucun son ne sortait de ma bouche. Comment pouvait-elle me dire ça aussi calmement ? C’était la première fois qu’elle abordait le sujet aussi abruptement.
- Je sens ce mal qui me ronge à l’intérieur. Je me sens si lasse, si faible.
- Mais non, c’est juste le contre coup de ta grossesse.
- Marie, arrête de me ménager ! Tu savais aussi bien que moi que ce jour arriverait.
- Je…
- Je vais mourir… Que tu le veuilles ou non.
- Mais je…
- Il n’y a pas de mais ! Tu le savais dès le départ. Je voulais te dire que…
- Ne dis rien, s’il te plait…
- Ce que je voulais te dire c’est que je voudrais que tu me fasses une promesse.
- Alix…
- Quand je ne serai plus là, je veux que tu continues à vivre. Je ne veux pas que tu vives dans le passé. Je veux que tu rencontres quelqu’un de bien pour toi et pour Lucas. Je veux que tu refasses ta vie. Promets le moi.
Je m’effondrais dans ses bras.
- Alix, comment peux-tu me demander une chose pareille ?
- Parce que je t’aime et que je veux que tu sois heureuse. Promets le moi.
- Je ne pourrais jamais te remplacer…
- Ce n’est pas ce que je te demande, je sais que tu ne le pourras pas. Mais je veux que tu continues à vivre ta vie. Promets le moi… S’il te plait.
Jamais une promesse m’avait autant coûté.
- Je te le promets
Alix me serra fort et soupira de soulagement.
- Merci.
Je sentais ses larmes couler dans mon cou. On est restées blotties dans les bras l’une de l’autre un long moment avant de regagner notre chambre.

On n’a jamais reparlé de cette promesse. Alix s’occupait de Lucas du mieux qu’elle pouvait, du moins autant que ses forces pouvaient lui permettre mais par moment j’avais la sensation qu’elle essayait de se détacher de notre fils. Je ne pouvais pas lui en vouloir.
Lucas grandissait à une vitesse folle. Premières dents, premiers mots, premiers pas… J’étais heureuse qu’Alix puisse vivre ces moments-là. Alix… Elle maigrissait de plus en plus. Ses formes que j’aimais tant, qui m’avaient fait tomber amoureuse d’elle, n’existaient quasiment plus. Je commençais à ne plus la reconnaître.

On a fêté les un an de Lucas. On l’a couvert de cadeaux, mais il ne s’en rendait pas compte.
Ce soir-là, je remarquais une toux un peu trop prononcée d’Alix. Une toux bien trop significative à mon goût…
J’ai peu dormi cette nuit là. Je l’ai surveillée, guetté la moindre respiration, le moindre mouvement, la moindre réaction.
Quinze jours plus tard, sa fièvre était montée d’un coup. J’avais besoin d’aide, j’avais besoin de Jean. Il arriva une heure après mon appel. Je l’ai conduit jusqu’à la chambre, mais avant de rentrer je le retins par le bras.
- Je pense que c’est une pneumonie… LA pneumonie…
Jean était resté stoïque. Lui aussi avait compris que ce serait la dernière. Que ce serait celle-là qui allait me priver d’Alix.
- Elle a tous les symptômes : fatigue, toux grasse, fièvre, douleur thoracique, perte de poids significative
Jean a posé sa main sur mon épaule pour me réconforter. De l’autre côté de la porte, on pouvait entendre Alix tousser et cracher. A chaque fois, je ressentais sa douleur, comme si on m’arrachait une partie de moi. On entra dans la pièce. Les draps étaient couverts de sang. Jean entreprit de la sortir du lit pour la changer pendant que moi je m’occupais des draps.
- Je vais mourir, n’est-ce pas ?
Ni Jean ni moi pouvions répondre. Pour lui dire quoi ? Oui tu es en train de mourir. Je n’avais ni l’envie ni la force de lui dire. J’entendis Lucas m’appeler. Je fis un signe à Jean avant de sortir de la pièce. Alix regarda Jean droit dans les yeux. Il détourna la tête.
- Ne te cache pas Jean. Je sais que je vais mourir.
Je fis interruption dans la pièce, Lucas dans mes bras. Je l’ai déposé sur elle. Alix l’a embrassé avant de lui parler de sa voix la plus douce et la plus calme possible.
- Maman va rejoindre les anges, mais je serai toujours là avec toi, dans ton cœur. Et ton autre maman sera toujours là pour toi. Je t’aime fort Lucas.
Elle le serra contre son cœur. Moi, dans mon coin, je me mordais la lèvre jusqu’au sang pour m’empêcher de pleurer. Jean me serra la main. Je ne saurais pas dire combien de temps nous sommes restés là tous les quatre sans bouger.

Les jours passaient et l’état d ‘Alix empirait. Elle ne pouvait plus se lever, ni même manger. Je restais à son chevet, répondant à ses moindre envies. Jean était venu en renfort avec Isabelle pour s’occuper de Lucas, me permettant de me consacrer pleinement à Alix.
Ce matin-là, à son réveil, elle me regarda, je ne voyais que du vide. La fin était proche.
- Amène-moi Lucas, s’il te plait, je veux lui dire au revoir.
J’ai hoché la tête en signe d’approbation, incapable de dire quoique ce soit d’autre. Dans le couloir, j’ai craqué. Je me suis laissée glisser en pleurant le long du mur. Je ne voulais pas la laisser partir. C’était trop tôt ! Comment allais-je faire sans elle ? Jean sortit de la chambre de Lucas. Il s’est agenouillé près de moi. Je me suis effondrée dans ses bras.
- Je ne veux pas qu’elle parte, je ne veux pas !
- Tu dois la laisser partir, elle souffre trop. Tu n’as le choix.
- On a toujours le choix !
- Non, pas dans ce cas.
- La vie est injuste.
Je me relevais avec difficulté. J’essuyais mes larmes d’un revers de la manche avant d’aller chercher Lucas.
Je l’ai installé près d’elle. Il était si content de voir sa maman. Il la couvrait de bisous. Alix pleurait.
- Lucas, écoute-moi. Il est l’heure de te dire au revoir, petit bout. Ne m’oublie pas. Je t’aime très fort. Prends soin de ta maman pour moi. Adieu mon bébé.
Alix me fit signe de le reprendre. Elle l’embrassa une dernière fois. J’ai laissé Lucas à Jean. Je devais retourner près d ‘elle.
- Le moment est venu, Doc…
Je baissais la tête pour pleurer en silence. Elle releva ma tête, m’obligeant à lui faire face.
- Ne pleure pas Doc. Je vais être libérée de toute cette souffrance. Grâce à toi, j’ai appris à aimer. Je suis devenue maman. Ces dernières années passées à tes côtés ont été les plus heureuses et les plus belles années de ma vie. Merci pour tout mon amour.
- Tu n’as pas…
- Stop, ne dis rien de plus. Sache que je t’aime et que je t’aimerais toujours.
Je me suis allongée à côté d’elle. Je l’ai prise une dernière fois dans mes bras. J’avais besoin de la sentir contre moi.
- Moi aussi, je t’aimerais toujours.

XXX

Cette nuit, tu as poussé ton dernier soupir. Tu es morte dans mes bras à deux heures trente quatre ce 16 juin.
Je suis restée à côté de toi pendant des heures, j’étais inconsolable. Je venais de te perdre, toi l’amour de ma vie. Jean a constaté ton décès pour remplir le certificat. Pour lui aussi c’était dur. J’ai pris Lucas dans mes bras.
Je n’ai pas eu la force de ranger tes affaires. Les croques morts sont arrivés pour t’emmener.
J’ai passé des heures derrière ma fenêtre. Tu aurais aimé cette journée. Je te revoyais assise là-bas à noircir tes feuilles.
Je t’ai faite inhumer dans le jardin, exactement là où tu passais tes journées. Le prêtre parlait mais je n’arrivais pas à me concentrer sur ses mots. Mes yeux étaient rivés sur ton cercueil, ta dernière demeure. Je le regardais descendre lentement dans ce trou, j’y ai jeté une dernière rose, blanche, celle que tu préférais. Tu étais partie, et moi je devais rester, pour Lucas.

Peu après l’enterrement, j’ai fais nos valises. J’ai fermé cette porte que j’avais ouverte hier avec toi, pour la première fois. Je ne pouvais pas vivre ici sans toi. Il y avait trop de toi partout. Chaque pièce me ramenait à toi. Je suis partie sans me retourner avec Lucas.
Tu étais si jolie.
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MessageSujet: Re: Elle était si jolie - Danao   Elle était si jolie - Danao Icon_minitimeMar 23 Juin 2015 - 18:17

Chapitre 6 - Epilogue

Sept années se sont écoulées depuis ton décès. Comme je te l’avais promis, j’ai refais ma vie, mais je ne l’aimerai jamais autant que toi. Constance m’a aidé à reprendre goût à la vie. Aujourd’hui, nous vivons ensemble.
Je suis toujours médecin mais plus à la clinique. Je suis chef de service des urgences d’un hôpital parisien.
Jean a encore agrandi sa tribu avec l’arrivée des jumeaux l’année dernière. Ils viennent nous voir régulièrement.

Quand à Lucas, il a grandi, un vrai petit homme ! C’est grâce à lui que j’en suis là aujourd’hui. Si tu voyais comme il te ressemble ! Il a le même regard et le même sourire que toi. Il est tellement intelligent, tu serais si fière de lui ! Je le suis moi ! J’ai mis sur sa table de chevet, une photo de nous trois. Il sait que tu veilles sur lui, d’où que tu sois.

XXX

Ce matin là, Lucas est venu me voir, l’air embêté. Il me regardait sans oser me parler.
- Dis maman, pourquoi mon autre maman est avec les anges ?
Je savais qu’un jour j’aurais à lui raconter ton histoire, notre histoire mais je ne pensais pas que ce serait si tôt.
- Parce que les anges sont venus la chercher, elle était très malade.
Il m’a regardé en réfléchissant.
- Comment elle était ?
- Elle était si jolie. Elle ressemblait à un ange… Est-ce que tu voudrais aller voir la maison où tu es né ?
- Oui !
Le visage de Lucas s’illuminait à ma proposition.
- Bien, on ira pendant les vacances d’été.
- Et Constance ?
- Quoi Constance ?
- Elle viendra avec nous ?
- Tu veux qu’elle vienne ?
- Oui, bien sûr ! Je suis sûr qu’elle aimerait voir elle aussi !
- D’accord
- Youpi !
Lucas s’est jeté dans mes bras. Il avait l’air si heureux.
- Je t’aime maman.
- Moi aussi, je t’aime fort.
Le soir même, j’en parle à Constance. On décide que je partirai avant avec Lucas et elle nous rejoindrait plus tard pour me laisser seule avec mon fils et Alix.
C’était nos retrouvailles et Constance avait bien compris l’importance de cette démarche pour moi.

Premier jour des vacances. Lucas est intenable. Constance m’aide à charger la voiture pendant que j’installe mon fils à l’arrière. Elle m’embrasse tendrement.
- Bon courage.
- Merci, je t’appelle quand on arrive.
Je monte en voiture. Lucas et moi faisons signe à Constance par la vitre. Le petit bout s’endort rapidement, me laissant seule face à mes angoisses. Je pense à toi le long de la route. La dernière fois que j’ai fait ce trajet c’était avec toi. J’ai peur de me retrouver là-bas sans toi.
Neuf heures plus tard, je suis garée devant la maison. Lucas piaffe d’impatience à l’arrière. Je décide de le libérer quelques secondes plus tard. A peine dehors, il se précipite vers la porte.
Au moment d’introduire la clef, ma main tremble et devient moite. Je prends une grande inspiration et donne un tour de clef. J’ouvre la porte. Il fait sombre, il y a de la poussière partout. Tout est resté comme dans mes souvenirs. Je vais ouvrir les volets pour illuminer la pièce. Lucas écarquille les yeux.
- Wahou ! c’est exactement comme dans ma tête !

Je l’emmène à l’étage. Je passe devant ta porte sans oser l’ouvrir, sans même la regarder. Je montre à Lucas, sa première chambre. Je lui raconte les travaux, le choix des meubles, les fous rires. Il m’écoute fasciné. Je lui parle de toi.
Il court partout ouvrant les portes les unes après les autres, à la recherche de cette partie de lui qui lui manque. Dans chaque pièce, je lui raconte une histoire.
Il ouvre la dernière porte, Ta porte. Ma gorge se serre. Je te revois allongée, paisible mais si froide. Toutes les sensations me reviennent, toutes les odeurs, tous les bruits. Lucas me regarde, il comprend.
- C’est ici que les anges sont venus chercher maman.
Je hoche la tête. Pour la première fois depuis sept ans, il pleure ton absence. Je le prends dans mes bras. Je pose ma main sur son cœur.
- Ne sois pas triste, ta maman est là, dans ton cœur pour toujours.
- Toi aussi tu seras là pour toujours ?
- Bien sûr.
On reste tous les deux dans cette pièce un bon moment. On sent ta présence.

Le jour suivant, Lucas et moi avons décidé de ranger un peu la maison. Lui dans une pièce et moi dans une autre. Je me replonge dans mes souvenirs, enfin dans nos souvenirs. Tu me manques tellement !
Lucas m’appelle. Je le rejoins aussitôt. Il me montre du doigt sa découverte. Tes dessins ! Je m’assoie à côté de lui. Je les découvre un par un. Tout y était ! Chaque moment de notre histoire était dessiné sur ces feuilles. Toute notre vie. Je me mets à pleurer. Je comprends tout maintenant. Tu voulais me laisser ta mémoire. Au même endroit, je retrouve nos photos. Je raconte toute l’histoire à Lucas.
On s’est endormis l’un contre l’autre. C’est l’odeur des croissants qui nous réveille. Constance était là. Lucas se précipite dans ses bras. Moi aussi. J’ai encore une chose à faire. Peut-être bien la plus importante. J’ai pris Lucas par la main et je l’ai emmené près de toi.
- Lucas, quand ta maman était encore là, elle aimait beaucoup venir s’asseoir ici. Alors avec ton oncle, on a décidé de l’enterrer là. Comme ça, elle sera toujours heureuse.
- Et puis moi je pourrais venir la voir quand je veux.
J’ai serré mon fils contre moi. Je t’aime Alix. Je suis ensuite retournée près de Constance qui ma ouvert grand les bras pour que je vienne m’y réfugier. Je m’effondre sans savoir si ce sont des larmes de tristesse ou de joie qui coulent le long de mes joues.

Je crois que revenir ici m’a permis de faire la paix avec moi-même. Ça m’a aidé à tourner la page. Je sais maintenant qu’une nouvelle vie m’attend, une vie pas avec toi, mais sûrement pas sans toi.

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